À une galère (Leconte de Lisle, Premières poésies)

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Premières Poésies et Lettres intimes, Texte établi par Préface de B. Guinaudeau, Bibliothèque-Charpentier ; Eugène Fasquelle, éditeur (p. 136-137).



À UNE GALÈRE[1]


         Par les flots bleus, rubis, topaze,
         Émeraude que l’or embrase,
         Nacelle à la voile de gaze,
         Sous l’haleine du vent plaintif,
         Où va ta course fugitive ?
         Étoile de la mer pensive,
         Dis, vers quelle lointaine rive,
         S’envole son léger esquif ?

         Apprends-nous où ta fantaisie
         Promène ta grâce choisie,
         Brillant rayon de poésie ;
         Suis-tu le caprice du vent
         Vers l’ombre ou bien vers la lumière ?
         Carène frêle et passagère,
         Ta voile à l’éclat éphémère
         Veut-elle les feux du Levant ?


         Ah ! perle de l’onde azurée,
         Si vers l’aurore diaprée
         Tu touches la rive sacrée,
         Hélas ! que j’ai fui sans retour,
         Ô ma précieuse nacelle,
         À chaque souffle ouvre ton aile :
         Mon cœur te conduira vers elle,
         Car tu lui portes mon amour.

  1. Zoophyte des mers du Sud.