Évocations (Vivien)/Corinne triomphante

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ÉvocationsAlphonse Lemerre, éditeur (p. 133-134).

CORINNE TRIOMPHANTE

Ivre du vin des chants ainsi qu’une Bacchante,
Elle a loué la terre et les Dieux tour à tour,
La femme aux yeux d’amant, Corinne triomphante.

Sa voix a déchaîné les angoisses d’amour :
Les flammes du soleil ont brûlé dans ses veines.

Elle a chanté les jours aux rayons fabuleux,
L’écume de la mer où flottent les sirènes,


Et le lit de Léda parsemé d’iris bleus,
L’Ouranôs aux palais d’opales et de jades
Où le soir vit fleurir les divines Pléiades.
Elle a chanté l’Hadès au fleuve illuminé
D’étoiles, et la paix des demeures funèbres
Où, lune de l’hiver, règne Perséphoné,
La Déesse endormie aux cheveux de ténèbres.
Elle a chante l’Hadès où languissent les fleurs,
Elle a chanté l’effroi des êtres et des choses
Devant l’Aphrodita qui verse les douleurs
Et mêle le poison au cœur simple des roses,
L’Aphrodita, multiple ainsi que l’arc-en-ciel,
Vers qui monte l’essor des lyres inquiètes.
Elle a chanté Daphné dont les blondeurs de miel
Parfument le silence où rêvent les Poètes,
Fugitive éternelle aux lèvres sans amour !

— Ivre du vin des chants ainsi qu’une Bacchante,
Elle a loué la terre et les Dieux tour à tour,
La Femme aux yeux d’amant, Corinne triomphante.