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Œuvres de Robespierre/Second discours pour la fête de l’Être Suprême

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Texte établi par recueillies et annotées par A. VermorelF. Cournol (p. 338-340).


SECOND DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA CONVENTION, AU MOMENT OÙ L’ATHÉISME, CONSUMÉ PAR LES FLAMMES, A DISPARU, ET QUE LA SAGESSE APPARAÎT À SA PLACE AUX REGARDS DU PEUPLE.


Il est rentré dans le néant, ce monstre que le génie des rois avait vomi sur la France ! Qu’avec lui disparaissent tous les crimes et tous les malheurs du monde ! Armés tour à tour des poignards du fanatisme et des poisons de l’athéisme, les rois conspirent toujours pour assassiner l’humanité : s’ils ne peuvent plus défigurer la Divinité par la superstition, pour l’associer à leurs forfaits, ils s’efforcent de la bannir de la terre pour y régner seuls avec le crime.

Peuple, ne crains plus leurs complots sacrilèges ; ils ne peuvent pas plus arracher le monde du sein de son auteur que le remords de leurs propres cœurs ! Infortunés, redressez vos fronts abattus ; vous pouvez encore impunément lever les yeux vers le Ciel ! Héros de la patrie, votre généreux dévoûment n’est point une brillante folie ; si les satellites de la tyrannie peuvent vous assassiner, il n’est pas en leur pouvoir de vous anéantir tout entiers ! Homme, qui que tu sois, tu peux concevoir encore de hautes pensées de toi-même ; tu peux lier ta vie passagère à Dieu même et à l’immortalité ! Que la nature reprenne donc tout son éclat, et la sagesse tout son empire ! l’Être-Suprême n’est point anéanti.

C’est surtout la sagesse que nos coupables ennemis voulaient chasser de la République : c’est à la sagesse seule qu’il appartient d’affermir la prospérité des empires ; c’est à elle de nous garantir les fruits de notre courage. Associons-la donc à toutes nos entreprises ! Soyons graves et discrets dans nos délibérations, comme des hommes qui stipulent les intérêts du monde ; soyons ardents et opiniâtres dans notre colère, contre les tyrans conjurés, imperturbables dans les dangers, patients dans les travaux, terribles dans les revers modestes et vigilants dans les succès ; soyons généreux envers les bons, compatissants envers les malheureux, inexorables envers les méchants, justes envers tout le monde ; ne comptons point sur une prospérité sans mélange et sur des triomphes sans obstacles, ni sur tout ce qui dépend de la fortune ou de la perversité d’autrui ; ne nous reposons que sur notre constance et sur notre vertu, seuls, mais infaillibles garants de notre indépendance ; écrasons la ligue impie des rois par la grandeur de notre caractère, plus encore que par la force de nos armes.

Français, vous combattez les rois ; vous êtes donc dignes d’honorer la Divinité ! Être des êtres, auteur de la nature, l’esclave abruti, le vil suppôt du despotisme, l’aristocrate perfide et cruel t’outragent en t’invoquant, mais les défenseurs de la liberté peuvent s’abandonner avec confiance dans ton sein paternel !

Être des êtres, nous n’avons point à t’adresser d’injustes prières : tu connais les créatures sorties de tes mains ; leurs besoins n’échappent pas plus à tes regards que leurs plus secrètes pensées. La haine de la mauvaise foi et de la tyrannie brûle dans nos cœurs avec l’amour de la justice et de la patrie : notre sang coule pour la cause de l’humanité : voilà notre prière, voilà nos sacrifices, voilà le culte que nous t’offrons !