1802-1902

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Œuvres complètes de François CoppéeLibrairie Aldre HoussiauxPoésies, tome IV (p. 389-391).
1802-1902



En cette minute dernière
De l’an maudit mil neuf cent deux,
Remontons d’un siècle en arrière
Pour voir un contraste hideux.

Ainsi qu’un astre, la cocarde
Au chapeau du Consul flambait.
— Quelle honte, quand on regarde
L’accordéon du vieux Loubet !

Absous, sans renier ses maîtres,
L’émigré revenait au nid.
— On ne fait plus grâce qu’aux traîtres.
Déroulède est toujours proscrit.

Le traité d’Amiens, quel beau songe !
La paix dans la gloire, à jamais !
— Jaurès veut qu’on passe l’éponge
Sur votre espoir, Strasbourg et Metz !

La foule priait, accourue
Autour de l’Autel relevé.
— On jette les sœurs dans la rue
Et les pauvres sur le pavé.

Sur le drapeau qu’un souffle gonfle,
Le peuple lisait : « Marengo ».
— Aujourd’hui, quand le tambour ronfle,
« Fachoda ! » murmure l’écho.

Qu’il sonnait bien, le sabre courbe
Des chefs d’Arcole et d’Aboukir !
— L’or qu’empile un Juif sale et fourbe,
À présent, fait seul tressaillir.

Les pillages du Directoire
Cessaient, sur des ordres formels.
— On sera doux, veuillez le croire,
Pour les escrocs officiels.

Quoi ? C’est vrai, tant d’ignominie !
C’est dans ce bourbier que roula
La pauvre France à l’agonie !
Après cent ans, elle en est là !

Mais une espérance obstinée
Tourne nos yeux vers l’avenir.
N’est-ce pas, ô nouvelle année,
Que ce cauchemar va finir,

Et que, bientôt, comme en Brumaire,
Quelques soldats, sortis des rangs,
Vont — justice froide et sommaire —
Crosser les reins de nos tyrans ?


31 décembre 1902.