Anatomie artistique/deuxième partie

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E. Plon, Nourrit et Cie (1p. 151-264).

DEUXIÈME PARTIE

MORPHOLOGIE

Nous touchons ici au point culminant de cet ouvrage, et tout ce qui précède n’est pour ainsi dire que la préparation de ce qui va suivre. Nous étudierons d’abord chaque partie du corps dans l’immobilité de l’attitude choisie comme type d’étude. Puis je signalerai les modifications qui surviennent dans les formes extérieures de chacune de ces parties à la suite des divers mouvements.

Cette étude des formes en action sera précédée de quelques indications sur le mécanisme articulaire et les puissances musculaires qui entrent alors en jeu.


CHAPITRE PREMIER

FORMES EXTÉRIEURES DE LA TÊTE ET DU COU


Article premier. — FORMES EXTÉRIEURES DE LA TÊTE


Je n’entrerai pas dans de grands développements sur les formes extérieures de la tête. Désireux de ne pas sortir du plan de cet ouvrage qui traite exclusivement de l’anatomie et de ses rapports avec la forme extérieure, je laisserai de côté les nombreuses variétés morphologiques individuelles, de même que les différences qui spécialisent les races je ne parlerai pas non plus de l’expression des traits du visage au repos ou en mouvement. Toutes ces questions si intéressantes demandent à être traitées à part, et ce n’est pas ici le lieu. D’ailleurs, la face humaine n’est pas, comme le reste du corps, voilée par les nécessités du climat ou les conventions sociales. Elle reste ainsi le grand problème soumis à tout instant à l’observation pénétrante de l’artiste. Sur ce point donc, l’expérience personnelle peut remplacer les données de la science, comme, dans l’antiquité, l’observation quotidienne du nu dans les gymnases a pu suppléer aux études anatomiques.


A la partie supérieure et postérieure de la tête, l’ovoïde crânien dessine sa forme sous la chevelure qui en masque les détails. Sur les têtes chauves, on peut reconnaitre les traces des diverses sutures qui sillonnent la surface du crâne. (Voy. pl. 2.)

Toute la partie antérieure de la tête est occupée par la face qui regarde directement en avant et dont le sommet, formé par le front, appartient également au crâne.

La tête repose sur le cou qu’elle déborde de tous les côtés, mais d’une manière inégale. La plus grande saillie est en avant, si bien qu’au niveau du menton la tête reste libre par en bas dans une petite région, la région sous-mentonnière, région qui a la forme d’un croissant embrassant par sa concavité la partie supérieure du cou dans sa moitié antérieure. Saillante sur la ligne médiane, cette région se creuse latéralement en deux dépressions très distinctes chez les personnes maigres (dépression sous-maxillaires ou sous-mentonnières) (Gerdy). Bien qu’au point de vue de la morphologie, je n’aie pas cru devoir séparer cette région de la tête, elle fait anatomiquement partie du cou, et le lecteur trouvera les détails anatomiques qui la concernent au chapitre de l’anatomie du cou (région sus-hyoïdienne). Il y verra que le muscle mylo-hyoïdien s’insère sur la face interne du maxillaire bien au-dessus de son bord inférieur. La glande sous-maxillaire n’arrive pas à combler l’espace laissé libre entre le muscle et l’os, d’où la dépression latérale que je viens de signaler.

Dans la description de la face, j’étudierai successivement le front, les yeux, le nez, la bouche et le menton.


A. Front.


Le front est limité en haut par les cheveux ou par la ligne de leur implantation lorsqu’ils ont disparu, sur les côtés par les tempes, et en bas par la racine du nez et les sourcils.

La forme du front est partagée en deux plans réunis, à angle plus ou moins obtus, au niveau des bosses frontales. Il reproduit presque exactement la forme de l’os frontal, mais non complètement toutefois, car si les bosses latérales frontales du squelette se lisent parfaitement sous la peau, la bosse nasale chez certains sujets occupe le fond d’une dépression occasionnée par les saillies latérales des sourcils. La peau du front est sillonnée de rides qui jouent un grand rôle dans l’expression des passions.

L’arcade du sourcil ne doit pas être confondue avec l’arcade orbitaire. Superposées à leur partie interne, elles se séparent en dehors chez certains sujets. Ce fait s’explique par la direction oblique en haut et en dehors que prend le sourcil, pendant que l’arcade orbitaire, ainsi que nous l’avons vu sur le squelette, se dirige en dehors et en bas. Entre les deux arcades, il existe alors une petite dépression (dépression sus-orbitaire).


B. Œil.


Logé dans l’intérieur de l’orbite avec l’appareil musculaire destiné à le mouvoir, le globe oculaire ne montre à l’extérieur qu’une portion de son segment antérieur encadré par les paupières et comme enchâssé dans le quadrilatère osseux qui forme le pourtour du trou orbitaire. Cette portion du squelette se fait sentir tout autour de l’œil et joue un rôle capital dans la forme extérieure de toute la région. Le bord supérieur est le plus saillant ; il appartient au front et supporte le sourcil, ainsi que je l’ai déjà dit. L’inférieur, formé par les bords correspondants des os de la pommette et de l’os maxillaire, se déprime en dehors. Le côté interne se confond avec les plans latéraux du nez, et le côté externe reporté en arrière découvre l’œil qui, moins abrité de ce côté, apparaît en entier sur une tête vue de profil. On se souvient, en effet, que, sur le squelette, l’orbite ne s’ouvre pas directement en avant, et que sa base se trouve contenue dans un plan vertical légèrement incliné en bas et en même temps fortement dévié en dehors et en arrière. Cette dernière direction en dehors et en arrière est également suivie par l’axe transversal de l’œil (on désigne ainsi la ligne droite qui passerait par les deux commissures des paupières), de telle façon que l’angle interne de l’œil est situé sur un plan antérieur à celui de l’angle externe. Cet axe transversal ne paraît pas généralement parfaitement horizontal. Il se relève un peu en dehors, disposition qui, exagérée, constitue un des caractères du type de la race jaune.

Le globe de l’œil, ainsi que je l’ai déjà dit, n’apparaît que partiellement au travers d’une véritable boutonnière cutanée formée par les paupières. Dans l’occlusion de l’œil, les deux paupières se touchent par leur bord libre, et la plus grande partie de la course est fournie par la paupière supérieure qui descend au devant du globe oculaire en se moulant sur lui, pendant que la paupière inférieure ne remonte que très légèrement. La surface de la paupière supérieure est marquée d’un ou deux plis qui suivent à peu près la courbure de son bord libre. Quand elle est relevée, elle disparaît dans sa plus grande étendue sous un repli de la peau, ne montrant plus qu’un rebord plus ou moins large, suivant les individus, et généralement plus large en son milieu, au-dessus de la pupille, qu’aux extrémités, au voisinage des commissures. La paupière inférieure offre quelques rides légères qui, de l’angle interne, se dirigent obliquement en bas et en dehors.

Le bord libre des paupières, garni de cils plus longs à la paupière supérieure qu’à l’inférieure, s’y présente sous un aspect fort différent. Supérieurement, il disparaît sous l’ombre des cils ; inférieurement, au contraire, il incline en avant son épaisseur où la lumière se réfléchit vivement et trace une ligne lumineuse entre le globe oculaire et la ligne sombre formée par les cils. Enfin le bord de la paupière supérieure décrit un arc beaucoup plus accentué que celui de la paupière inférieure.

Au-dessus de la paupière supérieure, se trouve une dépression variable, mais toujours plus marquée en dedans qu’en dehors et qui la sépare du relief formé par l’arcade sourcilière. En bas, la paupière inférieure n’est séparée du bord inférieur de l’orbite que par un sillon large et peu profond.

Les deux angles de l’œil, dont nous avons déjà indiqué plus haut la direction et la position relative, sont très différents l’un de l’autre. L’interne est marqué par une sorte d’échancrure allongée au fond de laquelle ou observe la saillie rougeâtre de la caroncule lacrymale ; de cet angle part, se dirigeant en dedans et légèrement en haut, une saillie allongée qui reflète vivement la lumière et qui est formée parle tendon du muscle orbiculaire palpébral. L’angle externe de l’œil est marqué d’un pli qui prolonge en bas et en dehors le bord libre de la paupière supérieure.

Il nous reste à parler maintenant de la portion du globe de l’œil visible par l’ouverture des paupières. Au centre, un segment de la sphère apparaît, transparent comme du cristal et formant par sa courbure une saillie analogue à celle d’un verre de montre : c’est la cornée, enchâssée en quelque sorte dans la membrane blanche qui forme tout le reste du globe oculaire et qui se nomme la sclérotique. Le relief de la cornée sur cette dernière est tel qu’il est parfaitement appréciable au travers de la paupière supérieure abaissée.

La sclérotique n’est visible que dans une faible portion de son étendue ; elle est recouverte d’une membrane très mince d’un blanc jaunâtre, la conjonctive, qui se réfléchit des paupières sur le globe de l’œil pour se terminer aux limites de la cornée. Le blanc de l’œil est plus ou moins pur, suivant que la conjonctive, toujours semée de petits vaisseaux, est plus ou moins injectée de sang. Il est blanc bleuâtre, comme chez les enfants, lorsque la sclérotique peu épaisse et la conjonctive peu vasculaire laissent transparaître légèrement la teinte noire de la membrane interne de l’œil.

La cornée recouvre l’iris coloré et à son centre un véritable trou, — la prunelle ou la pupille, — qui paraît obscur parce qu’il s’ouvre dans l’intérieur du globe oculaire, dont le fond, comme l’intérieur des appareils d’optique, est tapissé d’une membrane noire, excepté toutefois chez les albinos.


C. Nez.


Le nez, par sa partie la plus supérieure, est en continuité directe avec le front. Tantôt, et c’est le cas le plus fréquent, une échancrure marque la racine du nez, d’autres fois la transition du front au nez s’opère par une ligne droite. C’est cette forme qu’ont adoptée les sculpteurs de la Grèce antique.

La base du nez est libre et tournée en bas, elle est percée de deux ouvertures séparées par une cloison médiane et qui forment les narines. Renflée sur les côtés pour former les ailes du nez, elle possède également un renflement à l’extrémité antérieure (lobe du nez).

Les ailes du nez sont généralement circonscrites, en haut et en arrière, par un sillon curviligne qui les sépare du reste du nez et des joues. Les narines sont ouvertes en bas et aussi en dehors, ce qui tient à ce que la cloison médiane descend plus bas que le bord inférieur des ailes, de telle sorte que ces orifices apparaissent également sur une figure vue de profil. Ils sont ovalaires et plus ouverts en arrière qu’en avant. La cloison qui les sépare s’implante sur la lèvre supérieure.

Le lobe est parfois uniformément arrondi, d’autres fois il présente divers plans déterminés par les inflexions des cartilages qui entrent dans sa structure ; il n’est pas rare alors, sur un nez sec et maigre, de voir le lobe se diviser en deux saillies étroites, séparées par un léger sillon vertical et dues aux deux cartilages qui entourent de chaque côté l’ouverture des narines. Le dos du nez tantôt droit, convexe ou concave, est, d’autres fois, marqué d’un léger renflement au point de réunion des os du nez avec les cartilages.


D. Bouche.


La bouche est circonscrite par les deux lèvres qui reposent sur la saillie convexe des arcades dentaires. La rencontre des dents d’en haut et de celles d’en bas maintient la hauteur des lèvres ; aussi, lorsque les dents manquent, comme il arrive souvent chez le vieillard, on voit les lèvres diminuer de hauteur, en même temps qu’elles rentrent dans la bouche. Il n’est pas inutile de faire remarquer que les dents qui se rencontrent sont les molaires ; les dents de devant se croisent à la manière des deux lames d’une paire de ciseaux, les supérieures descendent au devant des inférieures qu’elles circonscrivent. Lorsque la bouche est fermée, les dents rapprochées au contact en arrière, et croisées en avant, comme il vient d’être dit, l’interstice des lèvres rapprochées sans effort correspond environ à la partie médiane des dents du haut.

La lèvre supérieure est marquée d’un sillon vertical médian qui la partage dans sa hauteur. Un sillon semblable, moins profond et plus large, existe aussi sur la lèvre inférieure.

Les bords vermeils des deux lèvres ont des formes sinueuses bien connues sur lesquelles je n’ai pas besoin d’insister. Ils sont constitués par la muqueuse, et l’endroit où elle s’unit avec la peau est marqué d’un liséré saillant qui en arrête les contours. Les commissures sont abritées en dehors par un relief oblique.


E. Menton.


Le menton termine la face par en bas. Il fait une saillie fort variable suivant les individus, uniformément arrondie chez les uns, marquée chez les autres d’une dépression médiane. Cette saillie est due, d’une part, au corps du maxillaire inférieur sur lequel le menton repose et, d’autre part, à l’accumulation d’un tissu graisseux assez dense qui double la peau. Ce tissu graisseux peut être, chez certains individus, assez considérable pour modifier les formes du squelette en augmentant notablement dans le sens de la hauteur les proportions du visage.

Le menton s’arrondit par en bas, où il empiète légèrement sur la face inférieure. Il est séparé de la région sous-mentonnière par un pli transversal, plus ou moins profond, mais constant, et qui ne s’efface jamais, quel que soit l’embonpoint ; on voit, en effet, sur les faces chargées de graisse, le menton toujours nettement limité inférieurement par ce pli sous-mentonnier et parfaitement distinct d’autres reliefs transversaux développés aux dépens de la région inférieure de la face et que l’on désigne vulgairement sous le nom de second et de troisième menton.

Sur les côtés de la tête, nous étudierons les tempes, les joues, les oreilles.


F. Tempe.


Les tempes continuent le front en dehors, elles répondent sur le squelette aux fosses temporales, mais n’en reproduisent que très exceptionnellement, et chez les sujets très maigres, la forme excavée. En effet, sur le vivant, la dépression temporale est comblée par un muscle puissant qui forme une saillie fort appréciable surtout dans les mouvements du maxillaire inférieur. En haut, la tempe se confond avec le front et le sommet de la tête, dont elle est quelquefois séparée par une légère ligne courbe qui suit les insertions supérieures du muscle temporal et qui aboutit en avant à l’apophyse orbitaire externe. À ce niveau, comme en bas, les limites de la tempe sont toujours assez distinctes. En effet, la tempe est séparée de l’œil par le relief du bord externe de l’orbite qui, bien que surbaissé, est toujours senti. Par en bas, elle est bordée par un relief transversal dû à la saillie de l’arcade zygomatique qui sert de limite supérieure à la joue.


G. Joue.


La joue qui s’étend du nez et de la bouche à l’oreille, des yeux et des tempes au menton et à la région sous-mentonnière, se confond insensiblement avec les diverses parties qu’elle avoisine. L’os jugal, ou os de la pommette, uni au maxillaire supérieur, en forme le squelette et en constitue le point le plus proéminent situé un peu au-dessous et en dehors de l’orbite.

En avant de ce point, la joue remonte obliquement au-dessous de l’œil pour rejoindre le plan latéral du nez dont elle est séparée par un sillon large et peu profond. En arrière, elle se déprime légèrement et s’aplanit au devant de l’oreille et de l’angle de la mâchoire, où se trouve le plan quadrilatère du muscle masséter, oblique en bas et en arrière. Sur les limites, nous voyons en avant un pli curviligne qui sépare la joue de l’aile du nez, puis un autre oblique en bas et en dehors (pli naso-labial) qui la sépare de la lèvre supérieure. En arrière, elle touche à l’oreille. En bas, elle se continue avec la région sous-mentonnière d’une façon plus ou moins insensible suivant l’embonpoint du sujet et le degré de saillie du bord du maxillaire inférieur. En haut, elle avoisine la tempe dont elle est séparée par la saillie transversale que nous avons déjà signalée et due à l’arcade zygomatique. Ce relief, très visible chez l’homme maigre, se confond en avant avec la pommette. En arrière, il aboutit à la base du tragus, dont il est séparé cependant par une petite fossette et par la saillie légère du condyle du maxillaire inférieur. Quand la bouche s’ouvre, cette saillie se porte en avant et en bas, et laisse à sa place une cavité assez profonde.


H. Oreille.


Le pavillon de l’oreille situé sur les limites de la face, du crâne et du cou a, dans son ensemble, une forme ovoïde dont la grosse extrémité est dirigée en haut, un peu en arrière et de plus un peu en dehors. Il adhère aux parois de la tête par son tiers antérieur environ. Le reste du pavillon présente donc une face interne généralement distante du crâne de un à un centimètre et demi, mais qui chez certains individus s’en écarte beaucoup plus.

Le pavillon auriculaire ressemble à un cornet aplati dont la paroi, plusieurs fois repliée sur elle-même, offre un mélange de formes singulières qui varient beaucoup suivant les sujets, mais que l’on décrit généralement de la façon suivante : Au centre, une cavité, sorte d’antichambre du conduit auditif externe qui y aboutit : c’est la conque. A la périphérie, un repli qui borde toute la partie supérieure et postérieure du pavillon : c’est l’hélix. L’hélix par son extrémité antérieure prend naissance au fond de la conque, au-dessus du conduit auditif externe. Il se termine en bas en se confondant avec une masse charnue ovoïde, libre sur ses deux faces, se continuant avec la joue par la partie la plus élevée de son bord antérieur et qui constitue le lobule.

La cavité de la conque est bordée en arrière par l’anthélix qui se termine en haut par deux branches entre lesquelles se trouve une dépression, la fosse naviculaire. L’hélix et l’anthélix sont, en outre, souvent séparés par une fossette allongée, la fossette scaphoïde. Enfin deux saillies, en bas et en avant, rétrécissent l’entrée de la conque en la réduisant à une sorte d’incisure fort caractéristique c’est en avant le tragus qui abrite l’entrée du conduit auditif, puis en arrière et en bas l’antitragus qui prolonge l’anthélix.

Au-dessous de l’oreille, et en arrière de la mâchoire, se trouve creusée la dépression sous-auriculaire limitée en arrière par la saillie mastoïdienne et le bord antérieur du muscle sterno-mastoïdien. Cette saillie très prononcée est séparée de l’oreille par un sillon profond qui limite la partie adhérente du pavillon et conduit en bas à la fosse sous-auriculaire.


Article II. — FORMES EXTÉRIEURES DU COU.


Le cou est la partie du corps qui supporte la tête et l’unit au tronc.

Ses limites sont les suivantes :

Du côté de la tête, le cou commence, en arrière, au niveau d’une ligne courbe horizontale partant d’une apophyse mastoïde pour aboutir à l’autre et suivant la direction de la ligne courbe supérieure de l’occipital. En avant, le cou est séparé de la face par une ligne qui, partant également des apophyses mastoïdes, descendrait en arrière du maxillaire inférieur.

Du côté du tronc, les limites du cou, très précises en avant, sont plus indécises en arrière. En avant, le cou s’arrête naturellement aux saillies claviculaires. Sur les côtés, il convient de le laisser s’étendre, jusqu’aux extrémités externes de la clavicule, et en arrière, il est borné par une ligne tout artificielle qui part de ces saillies osseuses latérales pour rejoindre, sur la ligne médiane, la saillie de la septième vertèbre cervicale, dite proéminente.

On voit que le cou, ainsi délimité, est loin d’être dans son ensemble uniformément arrondi. En effet, dans sa moitié supérieure où il est presque rond en arrière, il porte en avant la forte brèche comblée par la moitié inférieure de la face. Dans sa moitié inférieure, si, par contre, il s’approche davantage en avant de la forme ronde, il s’en éloigne en arrière et sur les côtés, où il s’élargit considérablement.

La colonne cervicale, qui forme le squelette du cou et en maintient les proportions, n’est susceptible, suivant les individus, que de faibles changements de hauteur. Nous avons vu, en effet, que la colonne vertébrale dans son ensemble est la partie du squelette qui présente les dimensions les plus fixes, quelle que soit la taille dont l’accroissement résulte plus particulièrement du développement des membres inférieurs.

La longueur du cou, si variable suivant les sujets, dépend donc presque uniquement de la variabilité de sa limite inférieure formée par la ceinture osseuse scapulo-claviculaire. Le cou long, en effet, s’accompagne d’épaules tombantes ; les épaules élevées, au contraire, font le cou court. Dans le premier cas, la clavicule est oblique en dehors et en bas ; dans le second, elle est oblique en dehors et en haut[1].

Je décrirai successivement :

La région antérieure du cou, ou gorge ;

Le plan antéro-latéral du sterno-mastoïdien ;

La région postérieure, ou nuque ;

Le creux sus-claviculaire.


§ 1. — Région antérieure du cou ou gorge. (Pl. 74 et 77.)


Les bords antérieurs des muscles sterno-cléido-mastoïdiens, en dedans desquels se dessine une légère dépression linéaire, limitent un espace triangulaire dont le sommet est au sternum et la base aux apophyses mastoïdes. Toute la moitié supérieure environ de ce triangle est occupée par la partie inférieure de la face dont la mâchoire inférieure proémine surtout en avant. L’angle de la mâchoire est peu distant du bord antérieur du muscle sterno-mastoïdien. Tout en haut, ce muscle est séparé du maxillaire inférieur par une dépression située au-dessous de l’oreille et dont nous avons déjà parlé plus haut (dépression sous-auriculaire).

Au-dessous du menton, tout l’espace compris entre les deux muscles sterno-mastoïdiens est comblé par une surface arrondie dans son ensemble, séparée en haut par un sillon courbe (sillon hyoïdien) de la région sous-mentonnière, et se terminant en bas par une extrémité rétrécie au niveau du creux sus-sternal.

Cette surface est marquée des accidents de forme suivants. Sur la ligne médiane et en haut, une saillie anguleuse est formée par le cartilage thyroïde du larynx. Désignée vulgairement sous le nom de pomme d’Adam cette saillie est fort variable suivant les individus, et nulle chez la femme. L’os hyoïde, situé au-dessus du larynx, au niveau de l’angle rentrant formé par la rencontre du cou et de la région sous-mentonnière, ne se révèle à l’extérieur que dans l’extension forcée du cou. Il existe, sur les parties latérales, une dépression au fond de laquelle on sent la saillie de la grande corne de l’os hyoïde et que pour cette raison Gerdy appelle la fosse hyoïdaire. Cette dépression est située sur le parcours du sillon hyoïdien, environ à égale distance du corps de l’os hyoïde et de l’angle de la mâchoire inférieure. Elle se confond avec lui dans la situation normale de la tête, mais elle devient très distincte dans l’extension forcée.

Au-dessous de la pomme d’Adam, le cou s’arrondit et doit alors sa forme au corps thyroïde sur lequel se moulent non seulement l’enveloppe cutanée, mais aussi les petits muscles aplatis de la région.

Il arrive parfois que le corps thyroïde, toujours plus développé chez la femme que chez l’homme, soulève également l’extrémité inférieure des muscles sterno-mastoïdiens et provoque en ce point un élargissement marqué. Au-dessous du corps thyroïde, la peau se déprime entre les tendons des deux sterno-mastoïdiens, à leur insertion au sternum, pour former le creux sus-sternal ou fourchette sternale.


§ 2. — Plan des muscles sterno-mastoïdienne. (Pl. 76 et pl. 79.)


Le plan des sterno-mastoidiens traduit assez exactement au dehors la forme même du muscle, qui est sous-cutané dans toute son étendue. (Voy. p. 95.)

Nous savons que, de l’apophyse mastoïde et de la ligne courbe supérieure de l’occipital où il prend ses insertions en haut, ce muscle descend en bas et en avant, en se contournant sur lui-même et en se rapprochant de la ligne médiane. Il se divise, à son attache inférieure, en deux faisceaux : l’interne arrondi s’attache au sternum, l’externe aplati s’attache à la clavicule. Ces deux faisceaux laissent entre eux un espace triangulaire qui se traduit au dehors par une petite dépression (fossette sterno-claviculaire).

Le plan du sterno-mastoïdien est obliquement traversé par la veine jugulaire externe.


§ 3. — Région postérieure de la nuque. (Pl. 75 et pl. 78.)


Sur la ligne médiane, on observe, au niveau de la jonction du cou et du crâne, une dépression répondant sur le squelette à la protubérance occipitale externe ; c’est la fossette de la nuque, masquée d’ordinaire par les cheveux. Un méplat légèrement arrondi lui succède, qui conduit à une surface ovalaire un peu déprimée, au milieu de laquelle s’élève la saillie de la septième vertèbre cervicale ou proéminente.

Sur les parties latérales se trouvent deux reliefs musculaires qui répondent à la partie supérieure des muscles trapèzes. Ces muscles entièrement sous-cutanés, comme les sterno-mastoïdiens, sont aplatis et se moulent exactement sur les parties profondes qui jouent, au moins en cet endroit, le principal rôle dans les formes de la région. C’est ainsi que les deux saillies longitudinales de la nuque sont dues au relief des muscles complexus, recouverts par les splénius et par l’extrémité supérieure du trapèze. La fossette de la nuque s’explique facilement par l’écartement des deux muscles complexus à leur insertion à l’occipital. Le méplat qui suit trouve sa raison dans le rapprochement du corps de ces deux muscles, et surtout dans la jonction des deux splénius dont les insertions sur la ligne médiane se rencontrent à ce niveau. Enfin la dépression ovalaire, au milieu de laquelle se détache la saillie de la proéminente, correspond à l’aponévrose ovalaire du trapèze.

En bas et en dehors, le trapèze, au-dessus de son insertion claviculaire, est également soulevé par les muscles profonds qui sont les scalènes et l’angulaire de l’omoplate. C’est ainsi que se produit cet élargissement du cou en bas et en arrière qui sur le sujet, vu de face, dessine deux lignes courbes inclinées descendant du milieu du cou vers le sommet de l’épaule. Mais il faut, en outre, faire intervenir ici un épaississement relativement considérable du muscle à ce niveau, d’où résulte, chez les sujets bien musclés, l’accentuation de la forme que je viens de signaler. (Voy. p. 91.)

Le bord du trapèze assez mince se dessine sous la peau. Il permet en haut de suivre l’insertion du muscle jusqu’à l’occipital, où il touche presque le bord postérieur du sterno-mastoïdien. En dehors, il descend. jusqu’à la clavicule, à l’union du tiers externe et des deux tiers internes.


§ 4. — Creux sus-claviculaire. (Pl. 77 et suiv.)


Entre le bord postérieur du sterno-mastoïdien et le bord antérieur du trapèze, on trouve un espace allongé dont la partie supérieure offre une surface arrondie, pendant que la partie inférieure, plus large et descendant jusqu’à la clavicule, est déprimée et forme ce qu’on appelle la fosse ou le creux sus-claviculaire.

En haut, les muscles profonds du cou comblent toute la place libre entre le sterno-mastoïdien et le trapèze. En bas, au contraire, entraînés à leurs insertions inférieures avec la clavicule qui s’éloigne de la cage thoracique, ces deux derniers muscles s’écartent des muscles profonds, et occasionnent, par là même, la dépression dont il s’agit. D’où il suit également que cette dépression est plus accusée en dehors qu’en dedans, du côté du trapèze que du côté du sterno-mastoïdien.

Le creux sus-claviculaire correspond à la partie moyenne de la clavicule qui le borde par en bas. Il est fort variable suivant les sujets. Très prononcé chez les personnes maigres, il l’est beaucoup moins chez celles qui présentent un peu d’embonpoint. La situation des épaules influe également sur son degré d’accentuation. Profond chez les personnes qui ont les épaules hautes, il s’efface chez celles qui ont les épaules tombantes. A son angle interne naît la veine jugulaire externe qui remonte en croisant obliquement le muscle sterno-mastoïdien.


Article III. — MOUVEMENTS DE LA TÊTE ET DU COU.


Nous avons vu, au chapitre de l’anatomie, que les mouvements de la tête sur la colonne vertébrale se passaient dans les articulations des deux premières vertèbres cervicales (atlas et axis), entre elles et avec l’occipital (voy. p. 24 et pl. 4). Ces mouvements sont de trois espèces : 1° mouvements de rotation qui ont lieu dans l’articulation de l’atlas et de l’axis ; 2° mouvements de flexion et d’extension ; 3° mouvements d’inclinaison latérale, ces deux derniers mouvements ayant lieu dans l’articulation de l’atlas et de l’occipital.

Nous avons vu, d’autre part, comment la colonne cervicale était la partie la plus mobile du rachis, et comment s’exécutaient les mouvements dont elle était susceptible et qui sont également de trois espèces : rotation, flexion et extension, inclinaison latérale. On peut remarquer que ces mouvements sont les mêmes que ceux de la tête.

Je n’ai pas à revenir sur le mécanisme de ces diverses articulations exposé plus haut et avec détail. Les mouvements de la tête sont rarement isolés de ceux du cou ; les uns et les autres se confondent et se complètent, agissant le plus souvent dans le même sens. Aussi ne séparerons-nous pas, dans l’étude qui va suivre, les mouvements de la tête et ceux du cou.


§ 1. — Mécanisme articulaire.


Dans les mouvements autour d’un axe transversal (flexion et extension), la tête, par l’intermédiaire des condyles de l’occipital, roule sur les cavités glénoïdes des masses latérales de l’atlas. Dans la flexion, le maxillaire inférieur vient à la rencontre de la convexité antérieure de la colonne cervicale ; dans l’extension, l’occipital descend en arrière. Ce dernier mouvement a le plus d’étendue.

Lorsque la colonne cervicale continue le même mouvement, l’amplitude en est considérablement augmentée, et la tête ne roule plus seulement sur elle-même, mais subit en même temps un mouvement de translation dans le plan antéro-postérieur, le menton se rapprochant du sternum qu’il touche presque en avant, et, en arrière, l’occiput arrivant à quelques centimètres de la saillie de la proéminente.

Dans la flexion, la colonne cervicale, convexe en avant, se redresse et se courbe même dans le sens opposé, de telle sorte qu’elle continue la courbure de la région dorsale, les deux régions ne formant plus qu’une seule et même courbe inclinée dans le même sens. Dans l’extension, au contraire, l’incurvation normale de la colonne cervicale s’accentue. Dans le mouvement de rotation, la tête et le cou sont entièrement solidaires. La rotation de l’une ne peut se faire sans entraîner la rotation de l’autre, si peu que le mouvement ait d’étendue. A la limite extrême du mouvement, le visage arrive à se placer de profil sur un tronc vu entièrement de face.

L’inclinaison latérale ne se produit presque jamais isolément. Lorsque pour l’étude on cherche à la produire, elle a toute l’apparence d’un mouvement forcé, et son amplitude est restreinte. Presque toujours, elle s’accompagne d’un mouvement de rotation qui dirige la face en haut et du côté opposé. Nous avons vu la raison anatomique de cette association dans la disposition spéciale des surfaces articulaires de la région. (Voy. p. 24.)


§ 2. — Action musculaire.


Les mouvements de la tête sur le rachis sont assurés, dans tous les sens, par les petits muscles profonds qui entourent les articulations de l’occipital, de l’atlas et de l’axis. Mais ils n’y concourent pas seuls, et d’autres muscles plus puissants, dont la situation plus superficielle influe sur la forme extérieure, y prennent part. Ces derniers ont souvent une action indirecte de même sens sur la colonne cervicale[2].

Si nous ne considérons que les muscles dont la contraction influe sur la forme extérieure, nous avons pour la flexion : les muscles de la région sus et sous-hyoïdienne, les scalènes, les sterno-mastoïdiens ; pour l’extension : les gros muscles de la nuque, les trapèzes, les splénius, les grands complexus et les angulaires ; pour l’inclinaison latérale : le trapèze, le splénius, le grand complexus, le sterno-mastoïdien, les scalènes, l’angulaire ; pour la rotation : le splénius du côté où la face se dirige, et du côté opposé le sterno-mastoïdien, le trapèze, le grand complexus.

Hâtons-nous d’ajouter qu’il ne faudrait pas conclure de cette énumération qu’un mouvement étant donné, tous les muscles cités comme y contribuant dussent forcément entrer en action et se révéler au dehors par des reliefs appropriés.

Il y a d’abord le mouvement peu accusé qui peut se produire exclusivement par l’action des petits muscles profonds. Il faut ensuite faire intervenir l’action de la pesanteur qui, dans le jeu musculaire, joue un rôle très important et sur lequel on a peu insisté jusqu’à présent. Ainsi, par exemple, lorsque la tête est penchée en avant, le centre de gravité déplacé tend à l’entraîner dans ce sens, et ce mouvement, qui n’est autre chose que la flexion, se produit sous l’influence seule de la pesanteur. Pour empêcher la chute complète de la tête en avant, la contraction des muscles extenseurs devient, alors nécessaire. Il en résulte ce fait paradoxal en apparence : mouvement de flexion et contraction des extenseurs. Mais si un obstacle est apporté au mouvement de flexion, s’il doit vaincre l’action de la pesanteur, comme lorsqu’il se produit dans le décubitus dorsal, on voit alors tous les muscles fléchisseurs entrer en action et se dessiner vigoureusement sous la peau.

Il en est de même pour les autres mouvements du cou.

Ce n’est là, en somme, qu’une application d’une loi générale qui pourrait se formuler ainsi : Lorsque le déplacement d’un segment du corps se produit dans l’influence de son propre poids, l’action des muscles ordinairement destinés à agir dans le même sens devient inutile, et ce sont, au contraire, les muscles antagonistes qui entrent en contraction pour contre-balancer et régler l’action aveugle de la pesanteur.


§ 3. — Modification des formes extérieures dans les mouvements du cou et de la tête.


A. Extension ou renversement de la tête et du cou en arrière. (Pl. 87, fig. 2.)


Dans le renversement du cou, en position forcée, la protubérance occipitale externe se rapproche de la proéminente du cou, au point de n’en être distante que de quelques centimètres, réduisant ainsi la nuque à sa plus courte étendue.

Par contre, les régions antérieures sont distendues et acquièrent dans le sens vertical leurs plus grandes dimensions. La région sus-hyoïdienne, ou sous-mentonnière, tend à se placer dans le prolongement de la région sous-hyoïdienne, mais l’angle rentrant, que ces deux régions forment entre elles, ne s’efface jamais complètement et, bien qu’élargi, le sillon hyoïdien que nous avons signalé se retrouve toujours.

Dans ce mouvement la bouche tend à s’ouvrir. Le cou subit, en même temps, un élargissement notable latéralement, dont la cause réside dans le déplacement des muscles sterno-mastoïdiens.

Les formes extérieures se trouvent en conséquence modifiées de la façon suivante :

Sur la ligne médiane, le corps de l’os hyoïde se dessine quelquefois au fond du sillon hyoïdien élargi ; sur les côtés, les fosses hyoïdiennes se creusent.

Le larynx projeté en avant dessine vigoureusement sous la peau sa forme anguleuse. On reconnaît facilement le bord supérieur du cartilage thyroïde avec son angle antérieur en forme de V. Au-dessous du larynx proémine la saillie arrondie du corps thyroïde. Il existe, au sujet de cette double proéminence du larynx et du corps thyroïde, de grandes variétés suivant les individus.

Le bord antérieur des muscles sterno-mastoïdiens s’accuse plus nettement ; il en est de même de leurs attaches sternales et claviculaires, dont la saillie augmente la fossette sterno-claviculaire, contrairement au creux sus-sternal qui tend à s’effacer.

Les sterno-mastoïdiens glissent sur les côtés de la colonne cervicale, en même temps que leur bord postérieur se trouve soulevé par les attaches spinales des muscles profonds, d’où résulte l’élargissement du cou déjà signalé. Retenus dans leur loge aponévrotique rattachée elle-même par des fibres spéciales à l’angle du maxillaire, ils se courbent dans le même sens que le cou. La fosse sus-claviculaire est traversée obliquement par la corde de l’omoplat-hyoïdien elle est limitée en haut par le relief des muscles profonds.

La nuque est le siège de plusieurs gros plis cutanés dirigés transversalement.


B. Flexion. (Pl. 87, fig. 1.)


Dans la flexion du cou, le menton s’approche du sternum qu’il arrive à toucher chez quelques individus. Les régions antérieures du cou disparaissent sous des plis cutanés transversaux, plus petits et plus nombreux que ceux de la nuque dans l’extension, ce qui dépend tout simplement de la différence d’épaisseur de la peau dans les deux régions.

Les sterno-mastoïdiens refoulés par l’angle du maxillaire inférieur forment une saillie en cet endroit, et leurs extrémités inférieures disparaissent. La nuque s’arrondit en s’allongeant. La saillie de la proéminente plus accentuée surmonte les reliefs des apophyses épineuses de la première et de la deuxième vertèbre dorsale.

Sur les côtés, le bord antérieur du trapèze distendu se dessine et les muscles profonds sont saillants. Le creux sus-claviculaire diminue de hauteur.


C. Rotation du cou. (Pl. 88, fig. 1.)


Si nous examinons le côté du cou qui se trouve le plus à découvert, c’est-à-dire celui qui est opposé à la direction de la face, nous voyons le stemo-mastoïdien, d’oblique qu’il était, devenir vertical et faire un relief qui indique toute la part qu’il prend dans ce mouvement. Mais ce relief n’est pas dû à une égale contraction de tout le muscle, il est fusiforme et plus particulièrement occasionné par le faisceau sternal dont le tendon fait une saillie énorme, pendant que l’insertion claviculaire disparaît presque.

En avant du sterno-mastoïdien, la fosse hyoïdienne se creuse, rapprochée de l’angle du maxillaire.

Le creux sus-claviculaire tend à s’effacer, ce qui est dû en partie à la distension des fibres du muscle peaussier et de la peau. Il augmente au contraire de profondeur du côté opposé, c’est-à-dire du côté vers lequel la face est tournée. De ce même côté, le sterno-mastoïdien relâché disparaît sous les plis du tégument.


D. Inclinaison latérale. (Pl. 88, fig. 2.)


Dans ce mouvement, l’oreille s’approche de l’épaule sans toutefois arriver au contact. Elle en reste distante d’au moins quatre ou cinq travers de doigt.

Du côté de l’inclinaison, de nombreux plis cutanés se forment. De l’autre côté, les téguments sont distendus. Je me contenterai de signaler une saillie en forme de corde, très accentuée, qui limite en haut le creux sous-claviculaire et qui est due à la tension de l’angulaire de l’omoplate. En effet, cette corde s’accuse d’autant plus que l’épaule est plus basse.

CHAPITRE II

FORMES EXTÉRIEURES DU TRONC


Pour mettre quelque clarté dans la description des formes extérieures du tronc, il est absolument nécessaire de le subdiviser en plusieurs régions. Nous suivrons dans son ensemble, le plan adopté par Gerdy, mais en y introduisant quelques modifications qui tendront surtout à le simplifier.


TOPOGRAPHIE MORPHOLOGIQUE COMPARÉE DE L’HOMME ET DE LA FEMME.
(Plan antérieur.)

Le tronc, ou torse, se divise d’abord en trois grands segments naturels déterminés par le squelette : 1° le thorax qui répond à la cage thoracique ; 2° l’abdomen qui occupe tout l’espace laissé libre sur le squelette, entre la cage thoracique et le bassin ; 3° enfin, le bassin qui correspond à la réunion des os coxaux et du sacrum.

Chacun de ces segments se subdivise ainsi :

Le thorax comprend en avant, la poitrine, qui elle-même renferme la région sternale, la région mammaire et la région sous-mammaire ; en arrière, le dos subdivisé lui-même en région spinale, région scapulaire et région sous-scapulaire.


TOPOGRAPHIE MORPHOLOGIQUE COMPARÉE DE L’HOMME ET DE LA FEMME.
(Plan posérieur.)

L’abdomen comprend en avant, le ventre proprement dit ; sur les côtés, le flanc ; en arrière, les reins ou lombes.

Enfin, le bassin comprend : en avant, le pubis, l’aine ou pli inguinal ; en arrière, les fesses.


Article premier. — POITRINE.


La poitrine occupe toute la partie antérieure du thorax. Elle se subdivise naturellement en plusieurs régions : la région sternale au milieu, et, sur les côtés, la région mammaire et la région sous-mammaire.


§ 1. — Région sternale. (Pl. 77.)


Située sur la ligne médiane, la région sternale repose sur l’os sternum. Elle s’étend de la fourchette sternale au creux épigastrique ; elle est bornée latéralement par les reliefs des muscles pectoraux qui la transforment en une sorte de gouttière, dont la profondeur varie avec leur propre développement. La dépression est plus marquée dans la moitié inférieure, ce qui tient à ce que les pectoraux vont en augmentant d’épaisseur de haut en bas.

Cette région est formée de deux plans distincts : l’un supérieur, plus court et plus large, répond à la première pièce sternale ; l’autre, plus étroit, règne au-dessous, sur toute l’étendue du corps de l’os. Ces deux plans sont séparés par la saillie transversale due à l’articulation de la première pièce sternale avec la seconde.

Inférieurement, la gouttière sternale s’élargit en un méplat de forme triangulaire, occasionné par l’écartement des fibres musculaires à ce niveau ; disposition que l’on comprendra facilement, si l’on se souvient que l’insertion du muscle pectoral, sur les côtés du sternum, ne se fait point suivant une ligne droite, mais suivant une ligne courbe à convexité tournée vers le plan médian du corps.

Enfin, la situation plus profonde de l’appendice xyphoïde est la cause première d’une dépression située à son niveau et que l’on nomme creux épigastrique.

Ce creux est limité, supérieurement, par un ligament en arcade qui unit les cartilages des dernières côtes, au devant de l’appendice xyphoïde. Sur les côtés, proéminent les cartilages costaux eux-mêmes. En bas, ses limites, plus indécises, sont formées par l’écartement des extrémités supérieures des muscles droits de l’abdomen. Le creux épigastrique doit sa constance à cette disposition des fibres musculaires qui le bordent, mais on comprend que sa forme variera suivant le volume des muscles eux-mêmes.

L’extrémité inférieure de l’appendice xyphoïde, recourbée en avant, forme parfois une petite éminence à la partie inférieure du creux épigastrique.


§ 2. — Région mammaire. (Pl. 77.)


La région mammaire, bornée en dedans par la région sternale que nous venons d’étudier, s’étend depuis la clavicule qui la limite en haut, jusqu’à un vaste sillon qui la circonscrit inférieurement (sillon sous-mammaire). En dehors, elle touche à l’épaule. Elle répond exactement au muscle grand pectoral, dont un faisceau la déborde cependant par en bas.

Sa configuration est donc, à peu de chose près, celle du muscle lui-même, et elle variera nécessairement avec le degré d’émaciation ou de développement musculaire.

En haut, la clavicule fait une forte saillie sur le plan de la région, saillie due au peu d’épaisseur du muscle à ce niveau, en même temps qu’à la forte courbure en avant, présentée par toute la partie interne du bord antérieur de l’os où ce muscle prend insertion. Une dépression triangulaire, qui prend le nom de fossette sous-claviculaire, sépare les insertions du grand pectoral de celles du deltoïde. Elle est occasionnée par l’écartement de ces deux muscles qui, jusque-là accolés l’un à l’autre, s’éloignent au moment où ils atteignent la clavicule. Cette juxtaposition n’équivaut pas à une fusion. Un léger sillon (sillon pectoro-deltoïdien) partant de la dépression sous-claviculaire descend en bas et en dehors jusqu’au niveau de l’angle inférieur du deltoïde ; il établit la ligne de démarcation entre les deux muscles, et, en même temps, fixe les limites de la région pectorale et de la région de l’épaule. Ce sillon est occupé par une veinz qui vient du bras, la veine céphalique.

De tous les autres côtés, la région forme saillie sur les parties avoisinantes : en dedans, saillie légère sur la région sternale ; en bas, saillie d’autant plus vigoureuse que l’on approche du bras, au niveau duquel le muscle, quittant la cage thoracique pour aller s’insérer à l’humérus, constitue le bord antérieur de l’aisselle.

Ce bord antérieur, fort épais en raison d’une disposition des fibres musculaires sur laquelle je ne reviendrai pas ici (voy. p. 97), n’est pas dirigé directement en dehors. Même dans l’abaissement du bras, il suit une direction nettement ascendante, pour se perdre en s’amincissant entre le relief du biceps et celui du deltoïde, au niveau de l’extrémité inférieure du sillon pectoro-deltoïdien avec lequel il forme un angle aigu. Cette inclinaison du bord antérieur de l’aisselle résulte de la direction des fibres inférieures du muscle pectoral qui, nées des cartilages des fausses côtes et même de l’aponévrose abdominale, sont forcées de remonter pour gagner leur insertion humérale située sur un plan beaucoup plus élevé. Le bord antérieur de l’aisselle forme également un angle avec le sillon sous-mammaire qui borde la région par en bas. Mais cet angle est obtus et arrondi. C’est à son niveau que se trouve le mamelon, situé toujours en dedans d’une ligne verticale abaissée de la fossette sous-claviculaire.

Le sillon sous-mammaire n’est pas horizontal. Il est oblique de bas en haut et de dehors en dedans, il suit une direction très légèrement curviligne et parfois presque droite. Il est large, peu profond, peu accentué en dedans, et s’accuse d’autant plus qu’il est plus proche de l’aisselle où il se perd. Il est généralement exagéré sur les statues antiques. Sa situation répond au cartilage de la cinquième côte, dont il coupe très obliquement la direction. Il est occasionné par le relief des fibres charnues sur les fibres aponévrotiques d’insertion, qui elles-mêmes descendent jusqu’au cartilage de la sixième et de la septième côte. En dehors, le faisceau abdominal du grand pectoral descend beaucoup plus bas s’insérer à l’aponévrose abdominale. Le grand oblique remonte jusqu’au-dessous de ce faisceau, qui en masque ainsi la digitation la plus élevée.

Enfin lorsque le muscle est inactif, le bras tombant naturellement le long du corps, sa masse, pourvu qu’elle soit un peu puissante, se trouve entraînée par la seule action de la pesanteur en bas et en dehors, augmentant ainsi le relief inférieur de la région et la profondeur du sillon qui le borde.

Le bord interne de la région pectorale est marqué par la saillie des fibres charnues du grand pectoral qui prennent insertion sur le côté du sternum, saillie généralement peu accusée, plus marquée en bas qu’à la partie supérieure, et qui suit une ligne courbe plus ou moins irrégulièrement festonnée, ce qui tient à ce que les fibres du muscle, se groupant en plusieurs faisceaux, constituent une série de digitations au nombre de trois ou quatre et plus ou moins distinctes. Près de ce bord interne, on peut observer, chez les sujets maigres, les saillies des articulations chondro-sternales et chondro-costales.

La surface de la région, bombée dans son ensemble, présente parfois des dépressions linéaires, qui suivent la direction des fibres musculaires et séparent les différents faisceaux du muscle. Un de ces sillons est constant, il part de l’extrémité interne de la clavicule pour se perdre vers l’angle externe du muscle. Il sépare le faisceau dit claviculaire du reste du corps charnu. Ces sillons ne s’observent que chez les sujets très fortement musclés et à peau fine peu chargée de graisse. Chez ces mêmes personnes, on trouve vers l’angle externe de la région, à peu de distance du sillon pectoro-deltoïdien, une dépression qui s’accuse dans l’extension du bras en dehors et qui correspond à l’entre-croisement des faisceaux supérieurs avec les faisceaux inférieurs.

Chez les individus dont le système musculaire est peu développé, on retrouve facilement, au travers du grand pectoral, les saillies formées par les arcs costaux, séparées par les dépressions correspondant aux espaces intercostaux. Enfin lorsque, sans être gras, le sujet bien musclé a les formes pleines dues à un pannicule adipeux dense et assez ferme, la surface pectorale prend l’aspect simple et uniforme qu’elle a sur les statues antiques. On peut facilement constater alors que le pannicule adipeux n’est pas répandu en couche égale dans toute l’étendue de la région. Il augmente de haut en bas, de façon à acquérir sa plus grande épaisseur au niveau du mamelon et dans toute la partie inférieure, de telle sorte que la saillie que présente la région mammaire en ce point n’est pas due seulement au développement musculaire, mais aussi à l’accumulation d’une certaine quantité de graisse. Ces différences d’épaisseur du pannicule adipeux se retrouvent, toute proportion gardée, même chez les gens maigres.

Chez la femme, la présence de la glande mammaire donne à la région son aspect particulier. Je ne m’étendrai pas sur la forme si variable du sein lui-même, dont le relief est dû, non seulement à la glande mammaire, mais à une quantité assez considérable de tissu adipeux. Mais il n’est pas sans intérêt de déterminer exactement sa situation. La mamelle occupe la partie inférieure et externe de la région pectorale dont toute la partie supérieure est libre. Elle regarde en avant et en dehors, et le mamelon se trouve situé à la partie la plus saillante au point de rencontre des deux plans. Le bord inférieur dépasse la limite du muscle grand pectoral et empiète sur la région sous-mammaire, qui se trouve d’autant rétrécie chez la femme. Dans la jeunesse et lorsque la mamelle est peu volumineuse, son demi-globe se détache très nettement du plan sur lequel elle repose. Le bord antérieur de l’aisselle se dessine au-dessus d’elle, et un espace médian de plusieurs travers de doigt, sépare les deux seins. Lorsque, au contraire, la mamelle est volumineuse, ce qu’elle doit surtout à l’accumulation graisseuse, ses limites sont beaucoup moins nettes. Elle se confond en haut avec la région pectorale envahie elle-même par la graisse, pendant que le sillon qui la borde en bas est d’autant plus profond qu’elle retombe plus bas sous l’influence de la pesanteur. Enfin les deux mamelles arrivent presque à se joindre sur le milieu.


§ 3. — Région sous-mammaire. (Pl. 77 et pl. 79.)


La région sous-mammaire est limitée : en haut, par la région mammaire ; en dehors, par la saillie verticale du grand dorsal ; en bas, par le sillon supérieur du flanc, le sillon qui suit le rebord des fausses côtes et le sillon dû à la première intersection aponévrotique du muscle grand droit de l’abdomen ; en dedans, par le creux épigastrique et le sillon médian qui sépare les deux muscles grands droits.

On voit, d’après cette délimitation, que cette région, qui par l’extérieur paraît circonscrite d’une façon assez naturelle, ne possède pas un seul muscle qui lui appartienne en propre. Nous y trouvons, en effet, les portions de trois muscles différents la partie antérieure et inférieure du grand dentelé, la moitié supérieure environ du grand oblique de l’abdomen et l’extrémité supérieure du muscle grand droit.

Bombée dans son ensemble, ce qui tient à ce que les faisceaux musculaires sont exactement appliqués sur les côtes qui en forment le squelette, cette région n’en est pas moins très mouvementée et formée d’une grande quantité de plans différents. On y voit d’abord la série des digitations du grand dentelé, occasionnées par les insertions de ce muscle aux côtes inférieures. Ces digitations se traduisent extérieurement par une série de saillies anguleuses dirigées la pointe en avant et suivant une ligne courbe dont la convexité est tournée en bas et en avant. Elles reposent sur la saillie costale qu’elles exagèrent, le muscle prenant insertion sur la face externe de la côte. Elles sont au nombre de quatre, inégales de volume ; la première apparaît au niveau du bord inférieur du grand pectoral ; la dernière se perd sous la saillie du grand dorsal. Le muscle grand oblique présente des digitations entre-croisées avec celles du grand dentelé, moins saillantes parce qu’elles sont formées de faisceaux musculaires en général moins épais, et que, s’attachant au bord inférieur des côtes, elles reposent sur le plan déprimé des espaces intercostaux.

La première digitation apparente du grand oblique naît au-dessous de la première digitation apparente du grand dentelé. Au-dessus d’elle, ou voit une saillie musculaire qui touche, par en haut, au sillon inférieur de la région mammaire et qui semble une nouvelle digitation du grand oblique. Il n’en est rien. Ce relief est dû au faisceau du grand pectoral qui sort de la région pectorale pour aller s’attacher à l’aponévrose abdominale.

Le muscle grand oblique, né de ces différents faisceaux accolés, se moule en quelque sorte sur la portion de la cage thoracique qu’il recouvre, avant de s’en détacher pour descendre dans le flanc. De cet accolement découlent les formes variées de la région. Ces formes varieront, en effet, suivant le plus ou moins d’épaisseur du muscle. Elles dépendent des saillies costales séparées par les dépressions intercostales et sur lesquelles on note les tubérosités disposées en série des articulations chondro-costales confondues quelquefois avec les digitations musculaires. Elles dépendent également des inégalités résultant des cartilages des fausses côtes, le long du rebord costal.

Il faut donc tenir compte dans les formes de cette région de trois sortes de saillies saillies : musculaires, digitations du grand oblique, saillies osseuses dues aux côtes elles-mêmes ou à leurs articulations chondro-costales, et saillies des cartilages costaux.

De toutes ces saillies, la plus importante est celle qui termine par en bas le rebord costal. Gerdy l’appelle la saillie costo-abdominale. Elle est due au relief du cartilage de la dixième côte ou dernière fausse côte. Elle est généralement très apparente. Au-dessous d’elle commence le sillon latéral de l’abdomen.

Enfin, la partie la plus interne de la région a plus d’uniformité. Elle est d’ailleurs beaucoup plus étroite, et répond à la première division du muscle grand droit. Ce muscle est généralement assez épais à ce niveau pour masquer le relief du rebord cartilagineux, et combler le vide qui, sur le squelette, existe au-dessous de lui. Quelques faisceaux musculaires se distinguent quelquefois au niveau des attaches supérieures aux cartilages costaux. Le sillon qui borde en bas la saillie du rebord costal, au lieu de remonter vers le creux épigastrique, comme il fait d’ailleurs chez les personnes très maigres, s’en sépare au niveau du bord externe du muscle grand droit, pour se continuer transversalement avec le sillon formé par la première intersection aponévrotique du muscle, tronquant ainsi le sommet de l’échancrure antérieure de la poitrine, échancrure toujours plus ou moins anguleuse sur le squelette.


Article II. — DOS.


Le dos comprend toute la partie postérieure du thorax.

Ses limites sont les suivantes : par en haut, sur la ligne médiane, la saillie de la proéminente et la ligne qui de ce point rejoindrait l’extrémité externe de la clavicule (ce sont les limites inférieures du cou) ; par en bas, les deux sillons obliques qui, de la ligne médiane, se dirigent en bas et en dehors jusque derrière les flancs, et forment la limite supérieure des reins ; enfin, en dehors, la saillie verticale formée par le bord antérieur du grand dorsal qui le sépare de la région sous-mammaire.

Le dos peut se subdiviser en trois régions : en dedans et près de la colonne vertébrale, la région spinale ; en dehors, la région scapulaire et la région sous-scapulaire.


§ 1. — Région spinale. (Pl. 78.)


Le dos est parcouru dans toute sa hauteur par le sillon vertical médian, que l’on nomme vulgairement la raie du dos. Il se prolonge aux reins pour se perdre à la région sacrée. Ce sillon, qui répond sur le squelette à la saillie de la crête épinière, est d’autant plus profond que les masses musculaires qui le bordent sont plus développées. C’est le seul point où la colonne vertébrale soit sous-cutanée. Il est loin de présenter un aspect uniforme, et, suivant les régions, il offre des variations utiles à noter.

Dans la région du dos, il succède aux saillies des apophyses épineuses de la première et de la deuxième vertèbres dorsales qui souvent suivent celle de la proéminente. Il est donc large en haut pour se resserrer et gagner de profondeur en descendant. Le fond en est alors uni et ne laisse paraître les apophyses épineuses dorsales que chez les gens très maigres et dans les mouvements de flexion du tronc. Il y a lieu toutefois de faire une exception ; chez quelques sujets, on voit réapparaître, tout à la partie inférieure du dos, les saillies de deux ou trois apophyses épineuses, ce qui nous semble tenir à une conformation particulière de la colonne et à l’accentuation, dans la région dorsale, de la courbure normale.

Aux reins, le sillon médian présente d’intéressants détails sur lesquels nous insisterons plus loin.

La région spinale, qui occupe, dans toute sa hauteur, la partie du dos la plus proche de la colonne vertébrale, a pour limites externes, dans la moitié supérieure, le bord interne de l’omoplate qui la sépare de la région scapulaire et, au-dessous, le sillon latéral du dos qui confine à la région sous-scapulaire, sillon fort peu accentué d’ordinaire dans la station droite et correspondant à l’angle des côtes.

On n’y voit superficiellement que deux muscles : l’extrémité inférieure du trapèze et la partie la plus interne du grand dorsal. Mais ces deux muscles sont plats et de peu d’épaisseur, et la forme générale de la région emprunte beaucoup plus aux muscles profonds qui sont le rhomboïde en haut et, plus bas, la masse des muscles spinaux.

Le plan du trapèze occupe toute la partie supérieure de la région. On retrouve facilement, chez les sujets un peu musclés, la forme triangulaire de l’extrémité inférieure du muscle dont les insertions descendent jusqu’à l’apophyse épineuse de la dixième vertèbre dorsale. Néanmoins, on constate que le relief extérieur qui en est la conséquence ne descend pas jusqu’à ce niveau, ce qui s’explique facilement par ce fait, que les fibres charnues s’arrêtent à quelque distance de l’extrémité inférieure du muscle, représenté alors par un petit triangle aponévrotique, dont la saillie, presque nulle, ne saurait paraître au travers de la peau. Il résulte de cette disposition que, sur le nu, la terminaison inférieure du muscle trapèze se présente sous la forme de deux pointes situées de chaque côté de la ligne médiane.

Il est encore une autre partie aponévrotique du muscle trapèze qui influe beaucoup sur les formes extérieures. Toutes les fibres charnues de la pointe inférieure du trapèze, dont quelques-unes recouvrent le bord interne de l’omoplate, se rendent à une aponévrose d’insertion de forme à peu près triangulaire et s’attachant à l’extrémité interne de l’épine de l’omoplate. Cette aponévrose est la cause, en ce point, d’une dépression cutanée dont le rapport avec la partie du squelette sur laquelle elle repose est constant, et que je désignerai, avec Gerdy, sous le nom de dépression scapulaire.

Enfin je rappellerai ici, sur la limite supérieure et médiane de la région, le méplat correspondant à l’aponévrose ovalaire du muscle trapèze, au milieu duquel fait saillie l’apophyse épineuse de la proéminente du cou.

Toutes les parties aponévrotiques du trapèze sur lesquelles je viens d’insister, avec les dépressions ou les méplats qu’elles entraînent, sont plus que suffisantes pour expliquer comment, sur le modèle, l’extrémité inférieure du muscle s’éloigne de la forme si nettement triangulaire qu’il a sur l’écorché. Mais ce n’est pas tout, sa forme est encore altérée par un muscle puissant qui le soulève, le rhomboïde. C’est à ce muscle, en effet, qu’est dû le relief ovoïde qu’on voit chez les sujets fortement musclés, en dedans du bord interne de l’omoplate, et qui est surtout bien appréciable dans l’attitude conventionnelle que nous étudions en ce moment.

Chez les personnes d’une musculature médiocre, et dans la position normale des épaules, les bras tombant naturellement le long du corps, le relief du rhomboïde est limité en bas par une dépression linéaire oblique, remontant de l’angle inférieur de l’omoplate vers la colonne vertébrale et répondant au bord inférieur du muscle. Je dois également signaler ici une dépression située en dedans de l’angle inférieur de l’omoplate et qui répond, sur l’écorché, au seul point où la partie postérieure de la cage thoracique se trouve à découvert. Cet espace très restreint, de forme triangulaire, est limité par le grand dorsal en bas, le trapèze en dedans et le rhomboïde en dehors. Il varie d’étendue avec les mouvements de l’omoplate ; il disparaît lorsque l’épaule est portée en arrière, tandis qu’il s’accroît dans le mouvement contraire, par suite du déplacement de sa limite externe formée par le relief de l’extrémité inférieure du rhomboïde sous-cutané en cet endroit.

La partie inférieure de la région spinale est occupée entièrement par le relief de la partie charnue des muscles spinaux très saillants à ce niveau, au travers du grand dorsal recouvert lui-même, tout à la partie interne, par l’extrémité la plus inférieure du trapèze. La limite externe de cette saillie n’est pas très distincte, d’ordinaire, dans l’attitude du type choisi pour l’étude des formes au repos ; elle le devient davantage lorsque le bras est élevé verticalement. On voit alors très distinctement la dépression linéaire désignée sous le nom de sillon latéral du dos et qui répond, sur le squelette, à l’angle interne des côtes. Il faut encore ajouter que, chez certains sujets fort musclés, ces limites externes de la région sont altérées et reportées un peu plus en dehors par l’existence, à ce niveau, des digitations du petit dentelé inférieur qui s’attachent bien en dehors de l’angle des côtes.


§ 2. — Région scapulaire. (Pl. 78.)


Limitée en dedans par la région spinale, en haut par la limite inférieure du cou, en bas par le bord supérieur du grand dorsal qui sert également de limite à la région sous-scapulaire, la région scapulaire présente les détails suivants :

Plan du deltoïde dont la saillie est divisée par une forte aponévrose qui le bride vers son milieu ;

Plan du sous-épineux peu saillant à cause de la forte loge aponévrotique dans laquelle le muscle est maintenu ;

Plan du grand rond saillant en boule dans l’attitude du modelé et bridé par en bas par le grand dorsal.

L’épine de l’omoplate, saillante chez les individus maigres, est transformée en gouttière chez les individus musclés, en raison du volume des muscles qui s’y insèrent ; la saillie supérieure est la plus forte, elle est due au trapèze.

Le bord interne de l’omoplate, recouvert par les fibres ascendantes du trapèze, forme une saillie toujours mousse chez les sujets maigres. Sur les individus musclés, et dans la contraction des muscles qui s’y attachent, comme dans l’attitude du sujet, il est transformé en gouttière.

L’angle inférieur du scapulum, lorsque les bras retombent naturellement le long du corps, forme une saillie émoussée par le grand dorsal qui passe au-dessus de lui.

Le bord postérieur de l’aisselle, à peine apparent dans l’attitude du modèle, est formé par le grand rond et par le grand dorsal qui contourne le bord inférieur du muscle précédent pour gagner son insertion humérale.


§ 3. — Région sous-scapulaire. (Pl. 78.)


La région sous-scapulaire est limitée en haut par la région scapulaire, en dedans par le sillon latéral du dos qui la sépare de la région spinale, en dehors par la saillie du bord antérieur du grand dorsal, en bas parle sillon supérieur du flanc.

Un seul muscle superficiel remplit toute la région. C’est le grand dorsal, muscle plat qui laisse apparaître la conformation des parties qu’il recouvre. En haut et en dehors, le grand dentelé le soulève et détermine un large sillon qui se dirige de l’angle inférieur de l’omoplate, en bas et en dehors, vers le flanc. Ce sillon est parfois interrompu vers le milieu de sa longueur, et sa seconde partie se trouve située sur un plan un peu plus inférieur, ce qui résulte de la disposition des derniers faisceaux du muscle, dont la direction diffère de celle des faisceaux moyens.

Entre ce sillon du grand dentelé et le sillon latéral du dos, limite interne de la région, il existe un espace de forme triangulaire, à sommet situé vers l’angle de l’omoplate, à base tournée en bas et en dehors, espace où la cage thoracique n’est plus recouverte que par le grand dorsal, de dimension fort variable suivant les individus, et généralement assez restreint dans l’attitude du type que nous étudions. Il importe néanmoins de le signaler, parce que, dans les mouvements d’élévation du bras, à cause du déplacement du grand dentelé, il acquiert un développement considérable, et laisse apparaître, au travers de la peau et du grand dorsal, toute la portion inférieure de la cage thoracique à laquelle il correspond. (Pl. 92.)

Chez les sujets très maigres, les couches musculaires peu épaisses laissent apparaître dans toute la région le dessin des côtes saillantes et des espaces intercostaux déprimés.


Article III. — VENTRE.


Le ventre ou abdomen est toute la portion du torse comprise entre la poitrine et le bassin. Il doit être divisé en trois régions : en avant, le ventre proprement dit ; en arrière, les reins ou lombes ; sur les côtés, les flancs.


§ 1. — Ventre proprement dit. (Pl. 77.)


Le ventre proprement dit est limité en haut par l’échancrure antérieure de la poitrine, en bas par l’échancrure antérieure du bassin, et sur les côtés par les sillons verticaux (sillons latéraux du ventre) qui le séparent des flancs.

Il est parcouru, de haut en bas, sur sa ligne médiane, par un sillon de profondeur inégale qui s’efface à quelques travers de doigt au-dessous de l’ombilic. Ce sillon est dû aux reliefs que forment, de chaque côté, les muscles droits de l’abdomen, et sa disparition, à la partie inférieure du ventre, est la conséquence du rapprochement qui s’opère à ce niveau entre ces deux muscles.

L’ombilic se trouve environ à égale distance de l’extrémité de l’appendice xiphoïde et du pubis.

Sur les côtés de la ligne médiane, s’observe le plan des muscles droits de l’abdomen dont les intersections aponévrotiques se lisent très facilement chez les sujets bien musclés : le nombre de ces intersections varie avec les sujets, elles sont généralement au nombre de trois. Les anciens les ont régularisées, en schématisant les plans quadrilatères qui en résultent et se partagent la surface du muscle.

L’intersection la plus inférieure se trouve au niveau de l’ombilic, la plus élevée n’est qu’à quelques travers de doigt du creux épigastrique, et la moyenne, à égale distance des deux. L’intersection supérieure, la plus importante au point de vue des formes extérieures, a pour conséquence de reporter à son niveau, ainsi que je l’ai déjà dit, le sillon qui marque l’échancrure antérieure de la poitrine. La partie supérieure des muscles droits comble ainsi le sommet de l’angle formé par les rebords costaux, d’où résulte pour l’échancrure antérieure de la poitrine, sur le modèle, une forme se rapprochant du plein cintre, pendant que, sur le squelette, elle est manifestement angulaire.

D’ailleurs, la forme de l’échancrure antérieure de la poitrine varie avec les sujets, et, sur les individus très maigres, les formes du squelette sont prédominantes.

Inférieurement, le sillon qui limite le ventre est courbe, en sens inverse du sillon précédent, il répond latéralement au bord antérieur des os iliaques et forme les plis des aines. Sur la partie médiane, il limite supérieurement le pubis. Il n’est régulièrement arrondi que chez les sujets dont l’abdomen est chargé d’embonpoint. Chez les sujets maigres, les adolescents, la forme est angulaire à sommet tronqué, ce qui tient à la direction rectiligne du pli des aines qui descendent jusqu’au sillon sus-pubien également rectiligne.

Le sillon latéral du ventre, qui le sépare des flancs, commence à la saillie costo-abdominale que forme le cartilage de la dixième côte. Il descend de là vers l’aine, bordé latéralement par la saillie du muscle droit en dedans, par celle des fibres charnues du grand oblique en dehors, et s’élargit inférieurement, pour se terminer au-dessus de l’aine, en un méplat dû à l’écartement et à la courbure en sens inverse des deux muscles voisins ; le grand droit s’incline en effet en dedans, pendant que la ligne d’insertion des fibres charnues du grand oblique se dirige au contraire en dehors, vers l’épine iliaque antérieure et supérieure.

Le volume et la saillie de l’abdomen varient avec l’embonpoint du sujet ; même chez les gens maigres, le maximum de saillie se trouve au-dessus de l’ombilic. Nous avons pu d’ailleurs nous assurer que le pannicule adipeux est généralement plus épais dans la région sus-ombilicale qu’au-dessous.

Un peu au-dessus de l’ombilic, on observe un pli cutané transversal et superficiel répondant au mouvement de flexion du tronc en avant.

La région sous-ombilicale est marquée d’un sillon cutané, semi-circulaire, dont la concavité regarde en haut, et situé à quelques travers de doigt au-dessus du pubis. Ce sillon ne saurait être la conséquence de l’accumulation de la graisse en cette région, car on le retrouve même chez les sujets maigres.


§ 2. — Reins ou lombes. (Pl. 78.)


La région des reins a l’aspect d’un losange. Le V supérieur renversé est formé par la rencontre des deux sillons lombaires supérieurs qui limitent également le dos inférieurement. Les branches du V inférieur suivent le bord externe du sacrum et la partie postérieure de la crête de l’os des iles, saillies osseuses transformées en dépressions linéaires par le relief des muscles fessiers qui s’y attachent. L’angle inférieur répond à la rainure interfessière, et les angles latéraux tronqués touchent aux flancs.

Cette région est fort variable d’aspect, et ses limites supérieures, souvent indécises, diffèrent beaucoup suivant les individus.

Les sillons lombaires supérieurs, attribués par Gerdy au relief que forment les fibres charnues du grand dorsal sur leur aponévrose d’insertion, sont rarement bien accentués. Lorsqu’ils existent, ils partent de l’angle inférieur du trapèze pour se diriger, en bas et en dehors, vers la région des flancs. Chez beaucoup de sujets, on les distingue à peine ; chez certains, pourvu que la peau soit un peu épaisse, il est impossible de les trouver.


Torse sur lequel la limite supérieure des reins est formée par le relief des fibres charnues du grand dorsal, en raison du peu de développement des muscles spinaux. Le contraire a lieu sur le torse de la planche 78, sur lequel la limite supérieure des reins est formée par les reliefs des fibres charnues des spinaux. (Voir la Planche anatomique n° 43.)

Les muscles spinaux sont la cause d’un autre sillon oblique dirigé dans le même sens, mais situé plus bas et qui, par sa plus grande constance, mérite, à notre avis, de fixer la limite des reins et de prendre le nom de sillon lombaire supérieur. Il est occasionné par le relief des fibres charnues sur l’aponévrose d’insertion. (Voy. pl. 40.) Sa situation est variable et dépend de la longueur de ces mêmes fibres charnues. Il en est de même d’ailleurs du sinon décrit par l’insertion des fibres charnues du grand dorsal. On comprendra facilement l’aspect variable que doit présenter la région lombaire, au voisinage de sa limite supérieure, suivant que le grand dorsal et les spinaux appartiendront, l’un ou l’autre, ou tous deux à la fois, au type des muscles courts ou à celui des muscles longs, il en résultera pour les deux sillons dont il s’agit soit un éloignement, soit un rapprochement, soit même une sorte de fusion par superposition.

Par contre, la limite inférieure des reins est d’une grande fixité, elle repose sur le squelette dont les variations sont peu considérables. Elle est remarquable par la présence de deux fossettes, fossettes lombaires latérales, l’une supérieure et l’autre inférieure. Gerdy n’en signale qu’une seule, c’est la fossette lombaire latérale supérieure. Elle correspond au sinus ouvert en dehors que présente la crête de l’os des iles, au niveau du tiers postérieur de sa longueur. Elle se trouve donc tout près de l’angle externe de la région et immédiatement au-dessous de l’insertion du sacro-lombaire à cette portion de l’os. Une seconde fossette, non moins remarquable, est située un peu plus bas, vers le milieu du bord inférieur de la région, et répond à une saillie osseuse, l’épine iliaque postérieure et supérieure, transformée en dépression par le relief des masses charnues qui s’y attachent. La fossette supérieure s’efface quelquefois par suite d’une surcharge graisseuse dont nous parlerons à l’occasion des flancs ; souvent, pour la même cause, elle est en quelque sorte refoulée un peu par en bas. La fossette inférieure est beaucoup plus fixe. C’est la seule d’ailleurs qui existe chez la femme.

La région lombaire est traversée, en son milieu, par le sillon lombaire médian qui continue la raie du dos. Large et profond, ce sillon correspond, sur le squelette, à la crête spinale transformée en gouttière par les muscles puissants qui le bordent de chaque côté. Néanmoins, il est fréquent de voir les apophyses épineuses des vertèbres lombaires se révéler à l’extérieur par une série de saillies. nodulaires occupant le fond du sillon. Ces saillies, parfois irrégulières, ne se montrent généralement qu’au nombre de trois ou quatre. Elles sont toujours fort discrètes dans la station droite. Il en est autrement dans la flexion forcée du tronc en avant, ainsi que nous le verrons plus loin.

Le sillon lombaire médian descend jusque sur le sacrum, vers la moitié inférieure duquel il s’efface complètement. Près de sa terminaison, il est marqué généralement d’une dépression (fossette lombaire médiane), située un peu au-dessus du niveau des fossettes latérales inférieures et qui correspond à l’union de la colonne lombaire et du sacrum.

Toute la surface de la région lombaire est occupée par le relief puissant des muscles spinaux recouverts, à ce niveau, par leur propre aponévrose et par celle du muscle grand dorsal. Je ne reviendrai pas ici sur la saillie que forment, à la partie supérieure de la région, les fibres charnues du muscle sur la portion aponévrotique. Au-dessous du sillon qui en résulte et qui est le sillon lombaire supérieur, on remarque quelquefois dans la station droite, surtout lorsque la cambrure est exagérée, un ou plusieurs replis transversaux qu’on est tenté de prendre, au premier abord, pour des plis cutanés, mais qui sont bien dus à un plissement de la portion charnue sous-aponévrotique de la masse commune, laquelle, dans cette situation, est dans son maximum de relâchement. En effet, on les voit disparaître aussitôt que le muscle se contracte. Et lorsqu’ils existent, il est facile, en faisant glisser la peau de la région, de constater qu’elle n’entre pour rien dans leur formation.

En dehors du relief des spinaux, apparaît un sillon surtout visible dans la flexion du tronc, c’est le sillon lombaire latéral, en dehors duquel la région des reins est déprimée et touche aux flancs.


§ 3. — Flanc. (Pl. 77, 78 et 79.)


Les flancs forment les côtés du ventre ; ils comblent l’espace laissé libre entre la base de la poitrine et l’os de la hanche. Ils répondent à la moitié inférieure du muscle grand oblique.

La limite supérieure, généralement peu distincte, est marquée par un sillon transversal large et superficiel, dû au changement de direction du muscle grand oblique qui, supérieurement accolé aux côtes, s’en détache pour aller rejoindre la crête iliaque. Ce sillon aboutit en arrière à une dépression remarquable par sa constance et correspondant à l’extrémité inférieure du thorax, au point où les côtes viennent à manquer ; c’est cette dépression qui doit porter le nom de défaut des côtes, expression souvent employée, mais peu précise.

En avant, le flanc est limité par le relief des fibres charnues du grand oblique sur l’aponévrose abdominale. En arrière, il confine à la région lombaire.

En bas, il est circonscrit par le sillon de la hanche, ou sillon iliaque. Ce dernier nom lui a été donné en raison de ses rapports avec l’os iliaque, rapports d’ailleurs faussement interprétés par la plupart des auteurs. « Le sillon iliaque, dit le docteur Fau, correspond à la crête de l’os des iles… On a déjà vu des exemples de sillons semblables creusés au niveau de parties osseuses très saillantes… »

Cette proposition est loin d’être l’expression de la vérité. En effet, si dans son tiers antérieur environ le sillon du flanc repose sur la partie correspondante de la crête iliaque, il en est tout autrement pour ses deux tiers postérieurs, qui sont situés bien plus bas que la crête osseuse et affectent une courbe en sens inverse, ce qui est de la dernière évidence, si l’on compare le profil du bassin au profil du nu. Restent à expliquer les raisons anatomiques de cette discordance, qui d’ailleurs sont multiples.


FIGURE SCHÉMATIQUE POUR MONTRER LA DIFFÉRENCE DE DIRECTION DU SILLON DE LA HANCHE ET DE LA CRÊTE DE L’OS DES ILES.

Je rappellerai ici que les fibres les plus inférieures du grand oblique s’attachent, par de très courtes fibres aponévrotiques, à la lèvre externe de la crête iliaque, de telle sorte que le pli cutané qui résulte de leur relief se forme, non pas juste au niveau de la crête osseuse, mais au-dessous. Il en résulte que, même chez les sujets doués de muscles puissants, la crête osseuse elle-même contribue à la saillie du flanc, et cela d’autant plus que les muscles fessiers, maintenus par une forte aponévrose, forment sur l’os une saillie très modérée qui ne saurait s’opposer à cette descente du pli cutané dont la direction suit, à ce niveau, une courbe légère à convexité inférieure. En outre, la présence fréquente d’une certaine quantité de graisse à la partie postérieure des flancs, ainsi que nous le dirons tout à l’heure, contribue à accentuer le détail morphologique sur lequel nous insistons ici.

En avant, au contraire, au niveau du tiers antérieur de la crête iliaque, les fibres charnues du grand oblique s’éloignent de la crête osseuse, elles sont aussi moins épaisses, et leur relief est moindre. Il en résulte qu’à ce niveau, le sillon iliaque répond exactement à la crête osseuse, décrivant une courbe à convexité supérieure. L’épine iliaque antérieure et supérieure forme toujours une petite saillie à l’extrémité antérieure de ce sillon.

Sur un torse vu de profil, le sillon iliaque affecte donc la forme d’une S étendue transversalement et fort allongée.

La surface des flancs est toujours convexe d’avant en arrière. Elle l’est également de haut en bas chez les sujets bien musclés, tandis qu’elle est concave chez les sujets maigres et qu’elle laisse apparaître le dessin de la crête iliaque.

Chez les sujets musclés, elle trahit la forme du muscle de la région, dont le maximum de saillie est en avant sur le ventre et en bas sur la hanche. Il convient toutefois de faire intervenir, dans la morphologie de la partie postérieure de la région, un nouvel élément dont le rôle n’a pas été relevé jusqu’ici, et dont l’importance, dans certaines circonstances, peut devenir considérable. Il s’agit du pannicule adipeux sous-cutané.

Nous avons, en effet, constaté chez tous les individus que nous avons observés à ce sujet, même chez les plus maigres, un épaississement, nécessairement fort variable suivant les sujets, mais constant, de la couche graisseuse qui double la peau de la partie postérieure des flancs. Lorsque cet épaississement est peu marqué, il se borne à adoucir le relief du bord postérieur du muscle grand oblique et comble le vide qui, sur l’écorché, existe en arrière entre le grand oblique et le grand dorsal à son insertion à l’os iliaque. Mais, dans un très grand nombre de cas, la graisse s’amasse en cette région et y reste parfaitement localisée, au point de faire un véritable bourrelet qui continue en arrière le relief du muscle grand oblique en avant. Je ne parle pas des gens gras, chez lesquels ce bourrelet prend un grand développement. Il existe également chez des gens maigres, où il forme en arrière une véritable saillie qui se prolonge jusqu’à la fossette lombaire latérale supérieure, comblée parfois elle-même en partie. Enfin, chez la femme, le rôle du bourrelet graisseux de la hanche est considérable. Il comble en arrière le sillon, iliaque dont on ne retrouve plus pour ainsi dire qu’une trace superficielle, il comble également la fossette lombaire latérale supérieure qui n’existe pas. Il efface, en un mot, toute barrière entre la région des flancs et la fesse, de telle façon que cette dernière paraît remonter, par en haut, jusqu’au pli de la taille, qui n’est autre que le sillon supérieur du flanc, plus accentué ici que chez l’homme. Ces formes qui sont spéciales au sexe féminin, se retrouvent quelquefois atténuées chez l’homme, de même que certaines femmes peuvent se rapprocher, sous ce rapport, du type masculin, si bien que la nature, dans l’infinie variété des formes individuelles peut présenter tous les degrés intermédiaires entre les deux types qui caractérisent les sexes.


Article IV. — BASSIN.


Le bassin présente : en avant, une région étroite et médiane, le pubis ; en arrière, les fesses très saillantes en ce sens ; en dehors, l’articulation de la hanche.


§ 1. — Pubis.


La région dit pubis repose sur l’os du même nom, la peau y est généralement doublée par de la graisse qui atténue les formes osseuses. Elle est ombragée de poils. Région d’ordinaire très saillante chez la femme. Elle est limitée en haut par un sillon transversal qui va rejoindre les plis des aines et forme avec eux l’échancrure antérieure du bassin. Sur les côtés, elle est bordée par les sillons des cuisses, qui remontent vers les aines. Elle est de forme triangulaire, et son angle inférieur porte les organes de la génération. Dans le sillon étroit que présente le bassin par en bas, on observe d’abord les attributs des sexes, puis le périnée, et en arrière l’anus dans la rainure interfessière.


§ 2. — Aisne.


Le pli de l’aine sépare la cuisse de l’abdomen. Il se dirige obliquement, de l’épine iliaque antérieure et supérieure, au pubis. Dans la station droite, la cuisse étendue sur le tronc, le pli de l’aine est représenté par un sillon large et superficiel. Mais dans la flexion, il prend l’aspect d’un pli profond qui n’est pas sans analogie avec le pli de l’aisselle, lorsque le bras retombe le long du corps. Le pli de l’aine répond au ligament de Fallope dont il suit exactement la direction. Il est maintenu par des trousseaux fibreux qui unissent la face profonde de la peau, à son niveau, au ligament sous-jacent. Ces trousseaux fibreux sont les analogues du ligament suspenseur de l’aisselle que nous étudierons plus loin. Au-dessus du pli de l’aine, proémine la surface arrondie de l’hypogastre. Au-dessous de lui un méplat, souvent vivement éclairé, répond au psoas iliaque qui se réfléchit, à ce niveau, pour gagner son insertion profonde au petit trochanter. Le pli ou sillon de la cuisse, très accentué chez les gens gras et généralement très visible chez la femme, naît, en dedans, de la rainure qui sépare la cuisse du pubis ; il contourne la racine du membre en suivant une direction très légèrement ascendante, pour se terminer, en dehors, à quelques travers de doigt au-dessous de l’épine iliaque. Il est, à ce niveau, marqué d’une dépression qui répond à l’écartement des deux muscles : couturier et tenseur du fascia lata ; c’est la fossette fémorale, que nous retrouverons en étudiant la cuisse. Il forme avec le pli de l’aine situé au-dessus de lui un angle aigu ouvert en dehors. Il s’accentue dans la flexion du membre. On rencontre souvent, du moins chez la femme, à égale distance environ de l’épine iliaque et de la fossette fémorale, un pli transversal accessoire traversant obliquement le pli de l’aine pour se continuer avec le sillon transverse qui limite supérieurement le pubis.


PLI DE L’AINE CHEZ LA FEMME.


§ 3. — Fesse.


En arrière du bassin, proémine la fesse, limitée en dedans par la rainure interfessière, en bas par un sillon courbe qui la sépare de la cuisse, en dehors par la saillie du grand trochanter, en haut par le sillon lombaire inférieur et la partie postérieure du sillon de la hanche.

Ces limites circonscrivent un espace beaucoup plus haut que large et que la fesse remplit d’un relief inégal. La saillie la plus considérable occupe la partie inférieure et interne. Elle est arrondie. Elle répond au grand fessier. En haut et en dehors, la saillie du moyen fessier est plus ferme et plus surbaissée. Un sillon peu profond et oblique sépare quelquefois la région du grand fessier de celle du moyen.

La graisse qui double toujours la peau en cet endroit joue un rôle morphologique important. Elle acquiert son maximum d’épaisseur à la partie inférieure et interne. Et la saillie de toute la région est bien plus souvent due à l’accumulation graisseuse qu’au développement musculaire. La chose est de la dernière évidence chez la femme, dont le système musculaire est généralement peu développé et dont la région fessière est néanmoins fort saillante. Les fesses fermes et en pointe de la jeunesse sont dues à un tissu adipeux dense et résistant. Les fesses aplaties des vieillards tiennent en grande partie à la disparition du même tissu. On peut remarquer en outre que, chez les individus qui présentent un développement musculaire exagéré avec un pannicule adipeux peu abondant, comme les athlètes et les gymnastes, la saillie de la fesse n’est relativement pas considérable. Elle est aplatie et, à moins que le muscle n’entre en contraction, elle présente une consistance molle et fluctuante que les fesses graisseuses ne présentent pas toujours au même degré.


PLI FESSIER DANS LA STATION DEBOUT.
La partie gauche de la figure montre les rapports avec le muscle grand fessier dont les limites en haut et en bas sont indiquées par un trait ponctué.

Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le faire remarquer plus haut, la stéatopygie des femmes boschimanes n’est que le développement exagéré du pannicule adipeux, et il n’est pas sans intérêt de noter que, chez les Européennes, le relief des fesses est fort variable et qu’elles offrent pour ainsi dire tous les degrés d’atténuation de cette curieuse disposition anatomique.

En dehors, la saillie de la fesse est séparée du grand trochanter par une dépression due au mode d’insertion des fibres charnues sur une large aponévrose d’insertion.


PLI FESSIER DANS L’ATTITUDE HANCHÉE (FEMME).

En bas, la fesse est bornée par un sillon qui, très profond en dedans, se perd en dehors, ce qui est dû aux fibres charnues du muscle grand fessier qui descend vers la cuisse à laquelle appartient véritablement la partie la plus inférieure du muscle.

Ce sillon a une direction horizontale et croise celle du bord inférieur du muscle qui est très oblique en bas et en dehors. C’est donc à tort que les auteurs classiques établissent entre les deux une relation de cause à effet.

Le simple examen du nu suffit pour se convaincre que le pli fessier est rattaché aux parties profondes par des adhérences solides. Par exemple, dans l’attitude hanchée, le pli fessier du côté de la jambe portante se creuse profondément et forme comme un lien qui enserre solidement la racine du membre à sa partie interne, pendant que, du côté opposé, il suit le mouvement du bassin qui penche, descend plus bas et tend à s’effacer.

L’anatomie nous donne la raison de ces apparences. Ainsi que nous l’avons vu dans la partie anatomique, la face profonde de la peau non seulement contracte, au niveau du pli fessier, des adhérences avec l’aponévrose fémorale qui elle-même prend insertion à l’ischion, mais elle est rattachée au même os directement par de solides trousseaux fibreux signalés dernièrement par mon ami Paul Poirier, chef des travaux anatomiques à la Faculté[3].

Il en résulte entre le pli cutané et le bassin une connexion intime qui fait que l’un suit les mouvements de l’autre. On peut constater en effet que, si le bassin s’élève d’un côté, il entraîne avec lui le pli fessier du même côté qui se trouve alors situé sur un plan plus élevé que celui du côté opposé, et inversement, comme nous venons de le voir, dans la station hanchée.

Une autre conséquence de cette disposition, c’est que la graisse de la région est en quelque sorte contenue dans une espèce de poche formée inférieurement par les adhérences fibreuses qui vont de la peau à l’ischion, et qui, l’empêchant de descendre vers la cuisse augmente la saillie de la fesse ; C’est dans cette même poche que se trouve retenue une partie de la masse charnue du muscle qui, dans le relâchement complet, retombe en bas et en dedans sous l’influence de la pesanteur.

Quand le tronc se fléchit en avant, comme nous le verrons plus loin, le pli-fessier tend à disparaître, et le muscle contracté dessine sa forme très exactement sous la peau avec son bord inférieur très oblique en bas et en dehors. (Voy. pl. 94.)

Les attaches du pli fessier à l’ischion n’existent que dans sa partie interne où il est profond ; en dehors, ainsi que nous l’avons déjà dit, le pli fessier se perd avant d’atteindre la face externe de la cuisse, et il est remplacé par un plan incliné qui descend vers la cuisse et ménage une transition entre les deux régions voisines. Ce plan incliné est vraiment dû au muscle fessier lui-même.

Il existe quelquefois un second pli fessier situé un peu au-dessous et en dehors du précédent.

L’articulation de la hanche proémine en dehors. La saillie est formée par le grand trochanter et occasionnée par une disposition anatomique dont il est facile de se rendre compte par l’examen du squelette.

La saillie du grand trochanter est plus considérable que celle de l’os de la hanche.


Article V. — MOUVEMENTS DE L’ÉPAULE.


L’épaule est susceptible de mouvements très variés qui se résument dans les suivants : elle peut se porter en avant, en arrière et en haut, entraînant nécessairement le bras avec elle. Le mouvement d’abaissement de l’épaule n’existe guère que lorsque celle-ci a été préalablement soulevée.


§ 1. — Mécanisme articulaire.


Je rappellerai ici que le squelette de l’épaule se compose de deux os, la clavicule en avant, l’omoplate en arrière, formant une véritable demi-ceinture osseuse, embrassant latéralement le sommet de la poitrine. (Voy. page 31, pl. 16 et suiv.) L’extrémité antérieure de cet arc osseux est reliée assez étroitement à la cage thoracique par l’articulation sterno-claviculaire ; latéralement, le centre de l’arc s’éloigne du thorax et s’articule avec l’os du bras (articulation scapulo-humérale) ; enfin la branche postérieure s’en rapproche, mais sans y être rattachée plus intimement que par un simple rapport de contact. L’omoplate, en effet, doublée des muscles qui revêtent ses surfaces, est appliquée sur la cage thoracique sans autre moyen d’union que la pression atmosphérique et les muscles qui servent à provoquer et à régler ses mouvements.

Les mouvements de l’épaule se décomposent en glissements de l’omoplate contre la cage thoracique et en mouvements de moindre étendue qui se passent dans les articulations de la clavicule avec le sternum (articulation sterno-claviculaire) et avec l’omoplate (articulation omo-claviculaire). Nous ne reviendrons pas sur le mécanisme de ces petites articulations. (Voy. page 33 et pl. 11.)

Dans la station droite, les bras retombant sans effort le long du corps, le bord spinal de l’omoplate est dirigé à peu près verticalement, distant de la ligne médiane d’environ la moitié de sa longueur.

Lors de l’élévation de l’épaule, l’omoplate n’opère pas un simple mouvement de translation en haut, elle subit en même temps un léger mouvement de rotation sur elle-même, en vertu duquel le bord spinal devient oblique, l’angle interne se rapprochant de la colonne vertébrale, l’angle inférieur s’en éloignant et se portant en même temps en dehors.

Si l’on songe à l’attache solide de la clavicule au sternum par son extrémité interne et à la direction de cet os transversalement en dehors, on comprendra facilement que le mouvement de l’épaule directement en avant soit fort limité et qu’il ne devienne possible que s’il est accompagné en même temps d’un mouvement d’élévation.

En arrière, au contraire, aucun obstacle au rapprochement des omoplates ; aussi le mouvement des épaules en arrière est-il très facile. Il paraît s’accompagner, par contre, d’un léger abaissement du moignon de l’épaule ; mais il s’opère en même temps, ainsi que nous le verrons plus loin, un renversement du haut du corps en arrière qui peut faire illusion sur ce dernier point.


§ 2. — Action musculaire.


L’élévation du moignon de l’épaule directement en haut est produite par la contraction de la moitié supérieure environ du trapèze qui s’attache à la clavicule, à l’acromion et à la partie avoisinante de l’épine de l’omoplate.

Lorsque ce mouvement a lieu avec effort, comme dans l’acte de soulever un fardeau sur l’épaule, on voit s’ajouter à celle du trapèze la contraction du rhomboïde, de l’angulaire de l’omoplate, du grand rond et de la portion supérieure du grand pectoral.

Le grand dentelé reste presque totalement étranger à cette action.

L’épaule est entraînée en arrière par le tiers inférieur du trapèze et par le rhomboïde qui, tout en rapprochant l’omoplate de la ligne médiane, élève le moignon de l’épaule. Mais cette dernière action est contre-balancée par le grand dorsal qui, par l’intermédiaire de la tête de l’humérus, déprime l’omoplate de dehors en dedans et d’avant en arrière, et a en outre le pouvoir d’abaisser les épaules ; il redresse en même temps le tronc.

Lorsque ce mouvement s’accentue avec violence, comme dans l’acte d’attirer à soi un corps pesant, d’autres muscles s’ajoutent aux précédents, ce sont le grand rond et le tiers postérieur du deltoïde.

Le mouvement de l’épaule en haut et en avant est exécuté par le tiers supérieur du grand pectoral. Il exprime la crainte. S’il se produit avec violence, comme dans l’action de pousser de l’épaule un corps lourd et résistant, le grand dentelé se contracte synergiquement.


§ 3. — Attitude normale de l’épaule.


Les quelques détails qui précèdent permettent de mieux apprécier la raison de l’attitude normale de l’épaule, qui résulte naturellement des forces toniques combinées de tous les muscles qui y prennent insertion.

C’est ainsi que l’affaiblissement de la moitié supérieure du trapèze et de l’angulaire de l’omoplate occasionne un abaissement du moignon de l’épaule et, par suite, un allongement du cou. L’exagération de leur force produira un effet tout opposé.

La faiblesse de la partie inférieure du trapèze et du grand dorsal arrondit transversalement le dos, creuse la poitrine en faisant saillir les clavicules et avancer le moignon de l’épaule. La prédominance d’action tonique du grand pectoral et du grand dentelé conduit au même résultat.


§ 4. — Modifications de la forme extérieure du tronc dans les mouvements de l’épaule. (Pl. 89 et 90.)


Dans le mouvement direct de l’épaule en haut, la partie moyenne du trapèze devient très saillante, elle refoule par en haut les téguments du cou qui forment au-dessus d’elle plusieurs gros plis. La dépression scapulaire se rapproche de la ligne médiane, pendant que l’angle inférieur de l’omoplate s’en éloigne. En avant, la clavicule, dont l’extrémité externe est entraînée en haut, devient oblique, et la fosse sus-claviculaire plus profonde.

Les mouvements de l’épaule en avant et en arrière apportent les plus grandes modifications à la morphologie de tout le torse.

L’épaule portée en avant arrondit le dos, creuse la poitrine et amène l’exagération de la courbure de la colonne dorsale. Tout le modelé de la partie postérieure du tronc subit des changements que la planche 89 met bien en lumière. Sur cette figure, en effet, l’épaule droite est seule portée en avant, pendant que l’épaule gauche, demeurée dans la position normale, sert de point de comparaison. On peut ainsi constater que la région scapulaire, déplacée en dehors et en avant, présente quelque peu atténués ses reliefs habituels dus aux muscles grand rond, sous-épineux et tiers postérieur du deltoïde. La région spinale, dans la moitié supérieure, se trouve élargie transversalement, le plan du trapèze y est surbaissé et plus étendu. Au-dessous de lui, on découvre l’extrémité inférieure du rhomboïde, à son attache à l’angle inférieur de l’omoplate.

Mais la région sous-scapulaire est celle qui présente les modifications les plus importantes. En effet, entre le bord postérieur du grand dentelé et la masse des muscles spinaux, se découvre toute une région nouvelle, déjà signalée dans l’attitude du repos, mais qui acquiert ici sa plus grande étendue. C’est une surface arrondie sur laquelle se lisent plus ou moins distinctement les reliefs des côtés, et sur la limite inférieure de laquelle on peut également constater, chez quelques sujets, la saillie des différents faisceaux du petit dentelé inférieur. En dedans, apparaît très nettement le relief des muscles spinaux, dont la limite externe est marquée d’un sillon très distinct (sillon latéral du dos).

On remarquera que le grand dorsal n’entre Pour rien dans les formes qui viennent d’être décrites, et que, distendu et relâché, ce muscle se moule exactement sur les parties profondes qui seules influent sur la morphologie de la région. En dehors, au contraire, le bord antérieur du grand dorsal forme un relief puissant dont l’obliquité s’accuse en haut et en avant, et qui recouvre presque complètement les digitations du grand dentelé contracté.

Le mouvement des épaules en arrière (pl. 89, fig. 2) s’accompagne toujours de l’aplatissement du dos, de la saillie de la poitrine et du renversement du torse en arrière. Le rapprochement des omoplates n’a pour limite que le contact des masses musculaires voisines. La région spinale est réduite latéralement à sa plus petite étendue. Elle est, dans sa moitié supérieure, occupée par les reliefs musculaires puissants du trapèze doublé du rhomboïde, et ces reliefs arrivent à se toucher sur la ligne médiane. La région scapulaire se distingue par l’accentuation de ses saillies musculaires, grand rond, sous-épineux, tiers postérieur du deltoïde. Quant à la région sous-scapulaire, elle s’efface sous la contraction du grand dorsal, dont la ligne d’insertion des fibres charnues sur l’aponévrose devient très apparente. Toute la région des reins est parcourue de striations qui continuent la direction des fibres du grand dorsal, et qui sont dues à la traction de la large aponévrose qui lui sert d’insertion.

Latéralement, le bord antérieur du grand dorsal devient oblique en haut et en arrière, et découvre, dans une grande étendue, les digitations aplaties du grand dentelé non contracté.


Article VI. — MOUVEMENTS DU BRAS.


Les mouvements du bras se passent premièrement dans l’articulation scapulo-humérale qui, grâce à la disposition des surfaces articulaires, est d’une excessive mobilité et permet les déplacements du membre dans toutes les directions. Mais ils ne se complètent et s’achèvent que grâce aux déplacements associés de l’omoplate. Ainsi, dans l’élévation du bras, l’omoplate subit un mouvement de rotation en vertu duquel son angle inférieur est entraîné en dehors et en avant, pendant que l’angle supérieur s’abaisse. Le bras étendu horizontalement, porté en avant ou en arrière, entraîne l’omoplate dans le même sens.

Nous ramènerons les mouvements du bras aux suivants :

1° Mouvements dans un plan vertical et parallèle au corps. Ils se produisent autour d’un axe de rotation antéro-postérieur ; le membre supérieur parcourt ainsi presque un demi-cercle dont le centre est à l’articulation scapulo-humérale. A son départ, il s’éloigne du tronc en dehors, devient bientôt horizontal (élévation horizontale du bras), puis continuant sa course, il se rapproche par en haut de l’axe prolongé du corps jusqu’à ce qu’il atteigne, ou peu s’en faut, la verticale (élévation verticale du bras).

2° Le bras, placé préalablement dans l’élévation horizontale, peut décrire dans le plan horizontal des mouvements très étendus autour d’un axe de rotation vertical. En avant, la main dépasse la ligne médiane du corps. En arrière, ce mouvement est limité assez tôt, et le bras, dans cette direction, n’arrive à faire avec le dos qu’un angle obtus.

3° Enfin le bras exécute des mouvements de rotation sur lui-même.


§ 1. — Mécanisme et action musculaire.


Le mouvement d’élévation du bras est exécuté par le sus-épineux et le deltoïde. Le premier, muscle profond, ne se traduit guère à l’extérieur : l’épaisseur de la portion du trapèze qui le recouvre masque le plus souvent son relief. Le second, au contraire, entièrement sous-cutané, joue un rôle capital dans la morphologie de la région. Par sa contraction, le deltoïde élève le bras horizontalement, mais là est sa limite d’action. L’élévation de l’humérus est complétée par le grand dentelé (faisceau radié) qui fait tourner l’omoplate sur son angle externe.

Nous avons vu qu’au point de vue anatomique le deltoïde est formé de trois portions parfaitement séparables par la dissection ; physiologiquement, on peut le considérer comme formé de trois muscles distincts : le faisceau antérieur, le faisceau moyen et le faisceau postérieur, qui peuvent agir isolément ou même devenir antagonistes. Lorsque le mouvement se fait sans effort, chaque faisceau se contracte indépendamment et isolément pour produire l’élévation, soit en avant, soit en dehors, soit en arrière. Ces trois faisceaux sont antagonistes entre eux dans les mouvements en avant et en arrière. Enfin le faisceau postérieur est antagoniste des deux autres dans le mouvement d’élévation verticale ; il est en effet très peu élévateur, et lorsque le bras est élevé verticalement, on constate son relâchement, tandis que les deux autres sont manifestement contractés ; s’il se produit, alors, un mouvement d’abaissement du bras, on constate, au contraire, que ce faisceau postérieur entre en contraction.

D’après les auteurs, le grand dentelé ne se contracterait que lorsque le bras est déjà étendu horizontalement par le deltoïde et pour compléter l’élévation. Il est facile de constater, par l’examen des formes, que le grand dentelé agit dès le début du mouvement d’élévation, non seulement, comme le dit Duchenne de Boulogne, pour fixer le bord spinal de l’omoplate contre le thorax, mais pour commencer le mouvement de rotation qui est le propre de son action sur l’omoplate. D’ailleurs, il importe de distinguer, au point de vue de la part que prend le grand dentelé dans l’élévation horizontale du bras, car la différence est totale, suivant que la main est en même temps portée en avant ou en arrière. Le grand dentelé, en effet, peut être suppléé par la portion moyenne du trapèze, ainsi qu’il ressort de ce qui va suivre. Lorsque le bras étendu horizontalement est porté en avant, on constate une contraction énergique du grand dentelé dont les digitations s’accusent nettement. A mesure que la main se porte en dehors, le bras restant toujours dans le même plan horizontal, la contraction du grand dentelé devient moins forte en même temps que la portion moyenne du trapèze commence à se durcir. Enfin, lorsque le bras est porté en arrière à son extrême limite, le grand dentelé montre ses digitations aplaties et nullement contractées, alors que la contraction s’est faite énergique dans le tiers moyen du trapèze.

Les mouvements de rotation de l’humérus sont exécutés par le sous-épineux et le petit rond en avant, par le sous-scapulaire en arrière. Ce dernier muscle seul est sous-cutané ; mais il est bridé par une forte aponévrose, et son relief est toujours surbaissé. Ces muscles rotateurs de l’humérus jouent un rôle important dans les mouvements de supination et de pronation de la main, ainsi que nous le verrons plus loin.

Lorsque le bras est élevé verticalement, il peut retomber dans sa position normale en vertu de son propre poids, et alors ce sont encore les muscles élévateurs qui entrent en action pour modérer cette chute, plutôt que les muscles abaisseurs qui n’interviennent réellement que pour déterminer le sens du mouvement ou le produire avec force.

L’abaissement en avant et en dedans est exécuté par le grand pectoral en entier jusqu’à la direction horizontale, et, au-dessous de ce niveau, par la portion inférieure seulement du même muscle.

L’abaissement en arrière est produit par le tiers postérieur du deltoïde jusqu’à la position horizontale, puis par le grand rond, le rhomboïde, enfin par le grand dorsal et la longue portion du triceps.

L’abaissement directement en dehors est sous la dépendance de tous les muscles abaisseurs, à l’exception du tiers supérieur du grand pectoral.


§ 2. — Modifications de la forme extérieure du tronc dans les mouvements du bras. (Pl. 91, 92 et 93.)


Les planches 91, 92 et 93 nous permettront d’être bref et nous éviteront de longues et fastidieuses descriptions. Les modifications de forme portent principalement sur la région scapulaire en arrière, et sur la région pectorale en avant. Latéralement et en avant, l’élévation du bras découvre une région nouvelle fort importante au point de vue morphologique la région de l’aisselle, que nous étudierons séparément.

Le bras élevé verticalement entraîne les modifications les plus notables dans la région du dos. Elles sont la conséquence de l’action musculaire et du mouvement de bascule qu’exécute l’omoplate. Ainsi l’épine de l’omoplate, marquée par une dépression chez les sujets bien musclés, pivote pour ainsi dire sur son extrémité externe, et, de presque transversale qu’elle était, devient presque verticale. La fossette scapulaire qui marque son extrémité interne est reportée en bas et en dehors, et le plan du trapèze se trouve considérablement élargi ; le modelé en est très différent suivant les régions. Ainsi la portion moyenne du trapèze, qui s’attache à l’acromion et à la partie voisine de l’épine, forme un relief de contraction fort distinct, tandis que toute la portion du trapèze située au-dessous est au contraire aplatie, distendue et comme striée dans la direction des fibres. Le bord spinal de l’omoplate, dégagé de dessous la partie inférieure du trapèze qui le recouvre en partie dans le repos du bras, épaissi par la présence du sous-épineux qui comble la fosse sous-épineuse, forme un relief très accentué et dirigé obliquement de haut en bas et de dedans en dehors. Au-dessous de lui, se trouve une dépression triangulaire, limitée d’autre part, en dedans par le relief des spinaux, en bas par le bord supérieur du grand dorsal. Dans l’angle supérieur de cette dépression, on remarque le relief de la pointe inférieure du rhomboïde. L’angle inférieur de l’omoplate, reporté très en dehors, doublé par le grand rond, fait saillie sous le grand dorsal qui le bride et dont le bord supérieur peut, chez les gens maigres et musclés, être suivi jusque dans l’aisselle par-dessus le relief allongé du grand rond. De cet angle part, en dehors, le relief triangulaire du grand dentelé recouvert par le grand dorsal. La région sous-scapulaire est également bouleversée ; entre la saillie des muscles spinaux et le bord inférieur du grand dentelé, la cage thoracique se découvre, recouverte seulement par le grand dorsal.

Le deltoïde prend la forme d’un cœur de carte à jouer, à pointe dirigée en haut vers le bras, et ses trois portions se lisent quelquefois distinctement. Les téguments refoulés forment un pli au niveau de l’extrémité externe de la clavicule et de l’acromion.

En avant, le changement de forme de la région pectorale est également à signaler. Elle perd en largeur ce qu’elle gagne en hauteur. Le relief de son bord inférieur s’efface, et toute la portion qui supporte le mamelon est aplatie. L’angle externe est reporté très haut.

La région sous-mammaire est marquée par les digitations du grand dentelé, dont le relief s’accuse en avant de la saillie verticale du bord antérieur du grand dorsal. Dans ce mouvement d’élévation du bras, le grand dorsal relâché se moule exactement sur le relief durci du muscle grand dentelé contracté. Mais si, le bras demeurant élevé, la main tire avec énergie, soit qu’on cherche à attirer à soi un objet résistant, soit qu’on tente de se soulever par les bras, le modelé subit de grands changements ; le plan du grand dorsal durcit et s’aplanit, les faisceaux musculaires se dessinent, et les insertions aux côtes deviennent apparentes, pendant que le grand dentelé redevenu flasque est comme refoulé par en haut, et que ses digitations deviennent moins distinctes et plus obliques.

Étendu horizontalement en dehors, le bras entraîne des modifications de forme du tronc que l’étude qui précède nous permettra de comprendre facilement ; il nous suffira de faire remarquer que l’attitude dont il est question est comme l’intermédiaire entre la position du repos et l’élévation verticale. Nous retrouverons les mêmes caractères, mais avec un degré moindre d’accentuation. L’inspection des figures nous permettra de ne pas insister. Je me contenterai de faire observer que, dans cette attitude, le mouvement de rotation de l’omoplate a déjà commencé, révélant ainsi l’action synergique du grand dentelé, qui, au lieu d’être consécutive à l’action du deltoïde dans l’élévation du bras, l’accompagne dès le début, ainsi que je l’ai déjà dit. En avant, la région pectorale devient très irrégulièrement quadrangulaire, le sillon pectoro-deltoïdien se plaçant dans le prolongement de la clavicule.

Si le bras est en même temps porté en avant ou en arrière, il entraîne avec lui l’omoplate qui glisse sur la cage thoracique, s’éloignant ou se rapprochant de la colonne vertébrale. Il en résulte certaines modifications des formes que je me contenterai de rappeler, puisqu’elles se rapprochent beaucoup de celles déjà signalées dans l’étude sur les déplacements de l’épaule en avant et en arrière.


§ 3. — Aisselle. (Pl. 91.)


Lorsque le bras pend naturellement le long du corps, l’aisselle affecte la forme d’un sillon très profond à direction antéro-postérieure. Ce n’est que lorsque le bras s’écarte du tronc que ce pli, en s’élargissant, devient le creux de l’aisselle. En se portant en dehors, l’humérus entraîne avec lui les muscles du tronc qui s’y insèrent et qui forment les deux parois transversales du creux axillaire : grand pectoral en avant, grand dorsal et grand rond en arrière. En dehors, le creux de l’aisselle se trouve limité par le faisceau du biceps et le coraco-huméral, en dedans par la paroi thoracique revêtue du grand dentelé. C’est dans cet espace quadrangulaire que la peau s’enfonce sous l’influence de la pression atmosphérique. Elle est en outre maintenue en cette situation par des faisceaux aponévrotiques très résistants qui, de sa face profonde, vont s’attacher au squelette de la région (sommet de l’apophyse coracoïde, col de l’humérus, face inférieure de la capsule articulaire, col de l’omoplate), de façon à former une sorte de cloison verticale et dirigée dans le sens antéro-postérieur[4].

Les parois latérales du creux axillaire se continuent sans ligne de démarcation avec les régions voisines, la paroi interne avec le thorax, la paroi externe avec le bras. Mais les deux autres parois forment de véritables rebords, sortes de môles jetés entre le thorax et le membre supérieur. La paroi antérieure épaisse et arrondie est formée par l’enroulement des faisceaux superficiels et profonds du grand pectoral. La paroi postérieure, qui descend plus bas que l’antérieure, se compose de deux plans : supérieurement, le plan du grand rond, et au-dessous, le plan du grand dorsal qui contourne à ce niveau le bord inférieur du muscle précédent. Il résulte de l’inégalité d’étendue de ces deux parois que le creux axillaire s’ouvre en avant et en dehors, et qu’il n’apparaît point sur une figure vue par derrière.

Dans l’élévation verticale du bras, le creux axillaire change de forme. Il est alors représenté par un vaste sillon vertical bordé en avant par le grand pectoral, en arrière par le grand dorsal et le grand rond, et qui aboutit en haut à la saillie du coraco-huméral, généralement fort distincte chez les gens maigres et musclés. À ce niveau, le sillon se bifurque : sa branche antérieure, profonde et étroite, contourne le coraco-huméral, le biceps, et suit le bord du grand pectoral jusqu’à la rencontre du deltoïde ; la branche postérieure, plus superficielle, remonte vers la face interne du bras, où elle se continue avec le sillon qui sépare le biceps du triceps ; il nous faut encore signaler le sillon oblique en dehors qui, partant du creux axillaire, contourne la racine du membre supérieur séparant le grand rond d’un côté du triceps et de l’autre côté du tiers postérieur du deltoïde. L’aisselle est en cette position obliquement dirigée. Elle empiète sur la face antérieure du torse et regarde obliquement en dehors et en avant.

Nulle région n’est donc aussi variable d’aspect, puisqu’elle se modifie à tout instant avec les mouvements si variés du membre supérieur. Mais il sera toujours facile d’y reconnaître les saillies musculaires que je viens de signaler, et qui seront les meilleurs guides pour une bonne représentation de la région.


Article VII. — MOUVEMENTS DU TRONC.


Nous avons à examiner maintenant les changements de forme survenus dans les mouvements du tronc lui-même. Dans la station droite, le torse exécute des-mouvements sur lui-même et sur les membres inférieurs. Ce sont les premiers que nous avons particulièrement en vue ici, les seconds pouvant être rattachés aux mouvements de la cuisse sur le bassin. Mais on ne saurait les séparer complètement dans l’étude, parce que dans la nature ils sont souvent associés, se complètent, et parfois même se confondent, au point de ne pouvoir être distingués que par une analyse minutieuse.


§ 1. — Mécanisme articulaire.


C’est dans la colonne dorsale et lombaire que se trouve le siège articulaire des divers mouvements du tronc ; mais ces mouvements sont bien inégalement répartis entre les deux parties du rachis.

Ils sont, en effet, très minimes dans la région dorsale, et il suffira de les avoir signalés. Mais ils n’en sont pas absents, et c’est une erreur de croire que l’adjonction latérale des arcs costaux transforme la colonne dorsale en une tige rigide et immuable, n’étant plus susceptible de déplacement que dans son ensemble. Tous les mouvements de la colonne lombaire qui sont si étendus y retentissent à un certain degré, soit dans le même sens pour accroître le mouvement produit, soit en sens contraire pour le corriger, pour ainsi dire, par un déplacement dit de compensation[5].

La région lombaire du rachis, sans être aussi mobile que la région cervicale, n’en est pas moins douée de mouvements très étendus s’exécutant dans tous les sens. Ils dirigent les mouvements du torse, qui peuvent être réduits à trois sortes de mouvements principaux :

1° Autour d’un axe transversal (flexion et extension) ;

2° Autour d’un axe antéro-postérieur (inclinaison latérale) ;

3° Autour d’un axe vertical (torsion et rotation).

Dans la flexion, la cage thoracique se rapproche du bassin, et la colonne vertébrale se courbe en avant, la région dorsale accentuant sa courbure normale, la région lombaire, au contraire, effaçant la sienne pour en affecter une nouvelle en sens inverse. De telle sorte que toute la colonne dorso-lombaire suit une même direction curviligne à concavité antérieure. Le point le plus mobile m’a paru se trouver dans la partie supérieure de la région lombaire ; mais il y a de grandes variations individuelles.

Ce mouvement est limité par la résistance à la compression de la partie antérieure des disques intervertébraux, et par la distension des ligaments surépineux et interépineux. (Voy. pl. 7.)

L’extension se produit en vertu du redressement de la région dorsale et de l’exagération de la courbure normale de la région lombaire. Sa limite est plus rapidement atteinte que celle de la flexion.

Dans l’inclinaison latérale, les côtes arrivent presque au contact de la crête de l’os des iles. La direction verticale des surfaces articulaires de la colonne lombaire rend ce mouvement indépendant du mouvement de rotation, ce qui n’a pas lieu pour la colonne cervicale, ainsi que nous l’avons vu plus haut. Mais dans la nature, ces deux mouvements, rotation et inclinaison latérale, sont le plus souvent associés ; et ce n’est que pour les facilités de la description que nous les séparerons dans l’étude qui va suivre.

Par lui-même, le mouvement de rotation de la colonne vertébrale est assez limité, mais il est d’ordinaire complété par un mouvement de rotation du bassin sur les fémurs, et par une torsion des épaules qui augmentent singulièrement son étendue.


§ 2. — Action musculaire.


C’est ici surtout que je dois rappeler le rôle de la pesanteur dans le jeu musculaire, et l’espèce de paradoxe qui en résulte, d’où il suit, par exemple, que dans la flexion, ce sont les extenseurs qui se contractent, et vice versa. Mais il faut rappeler également que ceci n’a lieu que dans les mouvements peu accentués et qui n’ont aucune résistance à vaincre.

La flexion est obtenue par les muscles de l’abdomen, grand droit antérieur de l’abdomen, petit oblique et grand oblique ; l’extension par les muscles spinaux lombaires et dorsaux, par le transversaire épineux situé au-dessous d’eux et qui ne se révèle point à l’extérieur.

L’inclinaison latérale est sous la dépendance du sacro-lombaire, du carré des lombes et des intertransversaires des lombes, du grand et du petit oblique.

Dans les mouvements de rotation, deux muscles, le petit oblique et le long dorsal, dirigent la face antérieure du tronc du côté où ils sont situés. Les autres, le grand oblique de l’abdomen et le transversaire épineux, la tournent du côté opposé.


§ 3. — Modification des formes extérieures dans les mouvements du tronc. (Pl. 94 et 95.)


A. Flexion du tronc.


Après la description détaillée que nous avons donnée du tronc dans la station droite, nous nous bornerons à mentionner ici sommairement la transformation qui s’opère dans les diverses régions déjà connues.

En avant, les formes de la poitrine subissent peu de changement. Il n’en est pas de même du ventre qui diminue considérablement de hauteur. Il est divisé par un pli profond qui se creuse un peu au-dessus de l’ombilic ou à son niveau. Sur les côtés, ce pli aboutit à une dépression profonde au fond de laquelle on sent la saillie costo-abdominale qui a disparu. Il est souvent accompagné de quelques autres plis moins profonds, soit au-dessous, juste au niveau de l’ombilic, soit au-dessus. La région sous-mammaire est légèrement altérée par les téguments refoulés en haut par les plis de flexion. Enfin, le pli semi-circulaire de l’abdomen, situé à quatre ou cinq travers de doigt de l’ombilic, s’accuse davantage. Le bas-ventre tend à faire saillie, et les plis qui le bornent en bas, pli sus-pubien et pli des aines, se creusent.

Le flanc diminue de hauteur en avant, où il forme une sorte de bourrelet qui se continue avec le repli sous-ombilical, effaçant ainsi le sillon latéral du ventre. Le sillon iliaque descend un peu, et se creuse à sa partie antérieure, pendant que sa partie postérieure tend, au contraire, à s’effacer.

Sur les côtés, le bord antérieur du grand dorsal forme un vigoureux relief.

Je ne ferai que signaler les changements dans la forme du dos ; ils sont, d’ailleurs, peu considérables, et dépendent plutôt de l’éloignement du bras et du déplacement de l’omoplate qui en résulte (formes que nous avons déjà étudiées). La région sous-scapulaire se développe, et, dans sa partie inférieure, laisse voir le dessin des côtes, entre le relief formé par le bord inférieur du grand dentelé et celui des muscles spinaux.

Les modifications les plus importantes ont lieu dans la région lombaire, qui augmente considérablement d’étendue dans le sens vertical, et dont les reliefs musculaires et osseux subissent de notables changements. Mais elles diffèrent suivant le degré de flexion, et nous devons étudier cette région dans deux positions : flexion légère et flexion forcée.

Toutes les modifications de forme, sur lesquelles nous allons insister, dépendent du degré de contraction ou de distension des muscles spinaux. En effet, au début de la flexion produite par les puissances musculaires antérieures du tronc, les muscles spinaux, bien qu’extenseurs, entrent en action en vertu de la loi de synergie qui règle les muscles antagonistes : ils ont pour but de maintenir le tronc et de l’empêcher d’obéir d’un seul coup à l’action qui le sollicite en avant, et qui se trouve secondée par la pesanteur. Tout le temps que s’accuse la flexion en avant, les muscles spinaux sont donc en contraction, jusqu’au moment où, le mouvement atteignant sa limite, cette contraction devient inutile. D’ailleurs, ces mêmes muscles se trouvent alors dans un état de distension extrême qui ne leur permet pas de se contracter à nouveau sans ramener le tronc vers l’extension.

Flexion légère. — Dans la station droite, lorsque le tronc est bien en équilibre sur les fémurs, les muscles spinaux ne sont nullement contractés, pas plus que les muscles fessiers. Aussitôt que le tronc se penche un peu en avant, les uns et les autres entrent en contraction.

Les fossettes latérales lombaires se modifient, les supérieures tendent à s’effacer, pendant que les inférieures deviennent plus manifestes, à cause de la contraction des muscles environnants qui, ainsi que nous l’avons vu, sont l’unique raison de leur existence.

De chaque côté du sillon lombaire médian, au fond duquel s’accentuent les saillies des apophyses épineuses lombaires, la masse des muscles spinaux dessine plusieurs saillies différentes de forme et de volume.

Inférieurement sur le sacrum, la saillie est unique. A la hauteur de la fossette latérale inférieure, un relief interne en forme de corde se prononce, qui borde le sillon lombaire et monte en ligne droite jusque dans le haut de la région où il disparait sous les fibres du grand dorsal. Il est dû à la contraction des fibres musculaires sous-aponévrotiques du long dorsal. A son côté externe, surmontant soit immédiatement, soit à quelques centimètres de distance, la fossette lombaire latérale supérieure, on voit se former une seconde saillie plus forte que la première, globuleuse par en bas, et remontant jusque dans la région dorsale, où on la retrouve très distinctement au travers du corps charnu du grand dorsal.

Cette seconde saillie est occasionnée par le relief des fibres charnues du sacro-lombaire sur l’aponévrose spinale. Son bord interne remonte obliquement vers la colonne vertébrale qu’il atteint à des hauteurs variables suivant les sujets. Chez ceux qui ont les spinaux très développés, on voit cette saillie, passant par-dessus le relief interne déjà signalé, rejoindre la ligne médiane plus bas que le sillon du grand dorsal, au-dessous duquel elle dessine alors un second sillon dirigé dans le même sens. Ce sillon suit l’insertion des fibres charnues du sacro-lombaire et du long dorsal sur l’aponévrose spinale.

En dehors du relief du sacro-lombaire, se creuse un sillon qui descend jusqu’à la fossette lombaire latérale supérieure, sillon latéral des reins de Gerdy, le plus souvent invisible dans la station droite.

Les fesses sont étroites, globuleuses, rapprochées de la ligne médiane, et la dépression post-trochantérienne très accentuée. Nous avons vu plus haut que tels sont les signes morphologiques de la contraction des muscles fessiers.

Dans la flexion forcée, les formes que nous venons de décrire sont complètement modifiées. Les fossettes lombaires latérales inférieures sont remplacées par les saillies des épines iliaques postérieures et supérieures ; ce qui se comprend facilement, vu l’aplatissement des muscles qui les entourent. Pour la même raison, la fossette lombaire médiane est également remplacée par la saillie des vertèbres sacrées. Il existe toujours une dépression sur la ligne médiane au point de jonction du sacrum et de la colonne lombaire.

Le sillon lombaire médian a quelquefois complètement disparu, il est remplacé alors par une saillie médiane fusiforme due à la proéminence de la crête épinière lombaire. Cette saillie n’est pas uniforme, elle est marquée des renflements qui répondent aux sommets des apophyses épineuses et sont généralement au nombre de cinq. Mais il existe de grandes variétés individuelles quant au nombre et à la régularité des apophyses saillantes. A la jonction de la colonne lombaire et de la colonne dorsale, on observe d’ordinaire une dépression, au-dessus de laquelle la crête épinière dorsale est quelquefois saillante. Voilà pour les formes occasionnées par les os. Quant aux reliefs musculaires, ils offrent plus de simplicité. Il n’en existe plus qu’un de chaque côté, à une faible distance de la saillie osseuse médiane. Il est ovoïde, proportionnel au développement des spinaux ; prenant naissance au niveau des fossettes lombaires latérales, il s’atténue, en haut, aux confins de la région lombaire.

Les fesses sont larges et aplaties à cause de la distension des muscles fessiers dont les différents faisceaux tiraillés se dessinent parfois sous la peau.


B. Extension. (Pl. 96.)


L’extension du tronc paraît avoir le centre de son mouvement à la partie inférieure de la colonne lombaire. C’est à ce niveau, à la hauteur de la fossette lombaire latéro-supérieure, que se trouve le sommet de l’angle rentrant formé par le torse et le bassin ; c’est aussi là que se forment les plis cutanés transversaux.

La région lombaire est par suite notablement modifiée. Les reliefs latéraux des muscles spinaux forment deux masses arrondies, molles au toucher et marquées de gros plis transversaux dus au corps charnu lui-même relâché. Les muscles spinaux, en effet, n’entrent en contraction que si le mouvement d’extension rencontrant une résistance se produit avec effort. (Voy. p. 202.) Les fossettes lombaires se creusent, les fossettes latérales supérieures disparaissent au fond d’un pli qui se continue en dehors avec le sillon de la hanche, ou vient mourir un peu au-dessous de lui.

L’étendue des flancs diminue en arrière au voisinage des reins. Le défaut des côtes, accentué par une dépression transversale plus profonde, marque leur limite supérieure à ce niveau. Ils sont occupés dans toute leur hauteur par le bourrelet graisseux qui souvent alors se distingue du relief formé en avant par le grand oblique. En effet, le grand oblique, déprimé en avant, s’élargit sur les côtés. Il est distendu dans sa moitié antérieure où se lisent les différents faisceaux musculaires, pendant qu’il est relâché postérieurement.

L’épine iliaque antérieure et supérieure fait en avant une vive saillie ; le sillon iliaque s’efface dans sa partie antérieure, tandis que, en arrière, il est plus profond et légèrement descendu.

Le ventre dans sa totalité est distendu et aplati, et le rebord costal se dessine avec vigueur sous la peau. La poitrine ne subit pas de modifications dignes d’être notées, si ce n’est celles qu’entraînent les mouvements concomitants des membres supérieurs, et nous n’avons pas à y revenir ici.


C. Inclinaison latérale. (Pl. 97 et 98.)


La colonne lombaire s’incurve latéralement, et le sommet des apophyses épineuses est souvent visible au fond du sillon lombaire médian entraîné dans la même direction. Cette courbe du sillon lombaire médian n’est pas la même chez tous les individus ; elle est plus souvent uniforme, portant également sur toute la région, et se continuant en haut avec la raie du dos ; d’autres fois, elle est plus anguleuse, et la colonne vertébrale suit une ligne brisée, dont la cassure correspond au milieu environ de la région lombaire.

Du côté de la convexité, c’est-à-dire du côté opposé à l’inclinaison, la région lombaire est occupée par un relief dur qui remonte jusqu’à la région dorsale où il se perd ; il est dû aux muscles spinaux contractés, pendant qu’ils sont relâchés du côté opposé, où la saillie qu’ils forment est moindre et altérée par des plis transversaux se prolongeant jusque dans la région du flanc. Mais si le mouvement, au lieu de s’exécuter sans effort, a une résistance à vaincre, on voit la contraction musculaire changer de côté et les spinaux, du côté de l’inclinaison, se tendre et se durcir.

Les flancs sont les régions du tronc où se font le plus sentir les effets de l’inclinaison latérale. Des deux côtés, ils sont notablement modifiés, mais en sens inverse : d’un côté, le flanc est augmenté de hauteur, aplati, distendu ; de l’autre, il est diminué, ramassé sur lui-même, saillant. Ces changements de forme sont la conséquence naturelle du rapprochement de la cage thoracique du bassin, d’un côté, et de l’éloignement de ces deux pièces osseuses, de l’autre.

Il s’ensuit que, du côté de la flexion, le flanc forme un bourrelet saillant marqué de plusieurs plis transversaux, peu distinct en arrière de la région des reins, mieux limité en avant, et bordé en bas par le sillon de la hanche transformé en un pli profond. Supérieurement, le flanc est limité en arrière par un pli répondant au défaut des côtes, et qui, suivant l’état de contraction ou de relâchement des obliques de l’abdomen, s’arrête sur le côté ou se prolonge en avant jusqu’au voisinage de l’ombilic.

Du côté opposé, on note l’aplatissement de toute la région, l’effacement du sillon de la hanche, le relief de la crête iliaque et de la saillie costo-abdominale, l’accentuation des deux sillons latéraux qui limitent le flanc, en avant le sillon abdominal latéral, en arrière le sillon lombaire latéral.

L’abdomen n’éprouve pas, dans la région sous-ombilicale, de modifications bien appréciables. C’est au-dessus qu’existe le centre du mouvement, et c’est dans la partie sus-ombilicale que le sillon abdominal médian s’incurve latéralement, répondant en avant à l’incurvation du sillon lombaire médian en arrière ; il en résulte, dans le modelé du plan des muscles grands droits de l’abdomen, des modifications sur lesquelles il est inutile d’insister.


D. Torsion du tronc. (Pl. 99 et 100.)


Dans la station debout, la rotation du tronc s’accompagne presque inévitablement d’un mouvement de rotation du bassin sur les têtes fémorales, en même temps que d’un mouvement des deux épaules, l’une se portant en avant, l’autre en arrière.

C’est à la région du ventre et des reins que se remarquent les modifications de forme dues exclusivement à la torsion du torse. Elles sont, d’ailleurs, assez minimes, le mouvement lui-même ayant peu d’étendue. Nous remarquons que les muscles spinaux lombaires ne se contractent pas en même temps des deux côtés lorsque le mouvement est pur et exempt d’extension. Si le mouvement se fait sans effort, ce sont les spinaux du côté opposé à la direction du mouvement qui se contractent. Mais le mouvement rencontre-t-il une résistance, on voit aussitôt les spinaux du même côté entrer en contraction. Pour ce qui est des obliques de l’abdomen qui sont également des rotateurs, une distinction semblable est difficile à établir. En effet, de chaque côté nous avons deux muscles superposés, le grand et le petit oblique, dont les fibres dirigées en sens inverse agissent en sens opposé, de telle sorte que, quel que soit le sens du mouvement, il y a toujours de chaque côté un muscle contracté, soit le superficiel, soit le profond.

Les changements de forme les plus importants qu’entraîne la torsion du tronc se passent à la partie supérieure du torse et au bassin, sous l’influence des mouvements associés des épaules et des hanches. Nous n’avons pas à nous étendre ici sur les mouvements des épaules ; l’étude que nous avons faite précédemment nous en dispense, et nous retrouvons ici sur le même torse, d’un côté toutes les formes qui résultent de l’épaule portée en avant, et de l’autre toutes celles qu’entraîne l’épaule ramenée en arrière. (Voir page 194.)

Quant aux mouvements de rotation du bassin sur le fémur, ils sont exécutés par les muscles rotateurs de la cuisse, dont le point fixe est déplacé et porté du bassin au fémur. Cette rotation du bassin s’obtient par le concours des muscles antagonistes agissant de chaque côté du corps, par exemple : les rotateurs en dedans à droite, en même temps que les rotateurs en dehors à gauche. Du côté où le mouvement se dirige, ce sont les rotateurs en dedans qui se contractent, pendant que du côté opposé ce sont les rotateurs en dehors qui entrent en action.

C’est ainsi que nous trouvons, dans les régions de la fesse et de la hanche, de grandes différences d’un côté à l’autre du corps. Du côté opposé à celui où se dirige le mouvement, du côté droit, par exemple, si le tronc se tourne vers la gauche, on voit la moitié postérieure du moyen fessier (rotateur en dehors) faire en haut de la fesse un relief fort distinct, le grand fessier lui-même est contracté et le creux post-trochantérien plus accusé ; pendant que de l’autre côté, à gauche, c’est la partie antérieure du moyen fessier (rotatrice en dedans), soulevée par la moitié antérieure du petit fessier, qui fait relief.


FIGURES SCHÉMATIQUES POUR LES MOUVEMENTS DU BASSIN DANS LA ROTATION DU TRONC.
A, bassin dans l’attitude normale ; P, pubis ; S, sacrum ; T, grand trochanter. B, rotation du torse sur la gauche. Le bassin, entraîné dans le même sens, pivote sur les deux têtes fémorales, et ce mouvement s’exécute sous l’action des muscles rotateurs du fémur dont le point fixe se déplace et au lieu d’être au bassin se transporte sur l’os de la cuisse : ce sont, à droite, les rotateurs en dehors R’, et, à gauche, les rotateurs en dedans R.

CHAPITRE III

FORMES EXTÉRIEURES DU MEMBRE SUPÉRIEUR


Je rappellerai que, dans l’attitude de convention du type choisi pour l’étude, le membre supérieur est placé en extension avec supination, la paume de la main tournée en avant.

J’étudierai successivement l’épaule, le bras, le coude, l’avant-bras, le poignet et la main.


Article premier. — ÉPAULE. (Pl. 80, 81 et, 82.)


Nous n’avons à nous occuper ici que de la partie la plus saillante de l’épaule, désignée vulgairement sous le nom de moignon de l’épaule. La région scapulaire qui, au point de vue anatomique, appartient à l’épaule, a été étudiée plus haut avec le tronc, dont on ne saurait la séparer morphologiquement.

De forme arrondie, le moignon de l’épaule dépasse en dehors la saillie de l’acromion. Un seul muscle, le deltoïde, soulevé lui-même par la tête humorale, occupe la région limitée en avant par le sillon oblique pectoro-deltoïdien, et confondue en arrière, sans limite précise, avec la région scapulaire où pénètre le tiers postérieur du muscle. Saillante en avant et en haut, plus aplatie en arrière, la surface deltoïdienne se déprime en dehors et en bas, au niveau de l’insertion inférieure du muscle, et reproduit, en les adoucissant, les formes de l’écorché. En effet, la peau, en ce point, est doublée d’une assez grande quantité de graisse qui atténue la dépression deltoïdienne, pendant que des adhérences qui l’unissent aux parties profondes en maintiennent la constance.


Article II. — BRAS. (Pl. 80, 81 et, 82.)


D’une forme générale cylindrique chez les sujets peu musclés et chez la femme, le bras est aplati latéralement chez les gens dont le système musculaire possède un certain développement. Il présente alors dans le sens antéro-postérieur une plus grande étendue que dans le sens latéral.

Toute la partie antérieure du bras est occupée par le relief allongé du biceps (voy. p. 111), bordé par deux sillons latéraux que la contraction du muscle accentue, pendant que le biceps lui-même prend un aspect globuleux. Dans le mouvement de rotation en dedans du membre supérieur, le sillon externe s’efface, et un nouveau sillon oblique en bas et en dehors coupe le bord externe du muscle et ne saurait être attribué qu’à une disposition de l’aponévrose d’enveloppe. Le sillon interne qui sépare le biceps du triceps est comblé en partie par les vaisseaux et les nerfs du membre supérieur réunis en cet endroit.

La moitié postérieure du bras a moins d’uniformité que la moitié antérieure ; le relief du triceps, bien plus considérable que celui du biceps, l’occupe en entier. Dans le relâchement musculaire, la forme en est pleine et arrondie ; dans la contraction, on voit s’y dessiner très nettement les diverses portions du muscle. (Voy. p. 112.) En bas se dessine le large méplat, oblique en haut et en dehors, du tendon commun, entouré des reliefs des masses charnues dont la plus volumineuse, située en haut et en dedans, est due à la longue portion, pendant que, en dehors, se trouve le relief du vaste externe, et, tout à fait en bas et en dedans, celui encore moins volumineux du vaste interne. Deux sillons plus ou moins distincts séparent entre elles les trois portions du muscle.

Sur la face externe du bras, les deux muscles biceps et triceps, séparés en haut par l’insertion du deltoïde, s’écartent encore plus l’un de l’autre au fur et à mesure qu’ils descendent. L’espace qu’ils interceptent est occupé par un plan triangulaire à surface légèrement saillante, séparée des deux muscles voisins par deux sillons superficiels et répondant au muscle brachial antérieur et à l’extrémité supérieure du long supinateur. Un sillon accessoire, qui sépare ces deux derniers muscles, ne devient évident que dans la flexion avec effort (pl. 104, fig. 1) ou dans la pronation. (Pl. 101, fig. 3.)

Deux veines parcourent le bras dans le sens de sa longueur et sur les côtés : en dedans, la basilique, qui se cache dans le sillon interne ; en dehors, la céphalique, qui remonte sur le bord externe du biceps pour gagner le sillon pectoro-deltoïdien.


Article III. — COUDE. (Pl. 80, 81 et, 82.)


La région du coude prend le nom de saignée dans sa partie antérieure. Elle est intermédiaire au bras et à l’avant-bras, et répond, sur le squelette, à l’articulation de l’humérus avec le cubitus et le radius. Elle est aplatie dans le sens antéro-postérieur.


Saignée. (Pl. 80.)


Trois reliefs musculaires s’y distinguent : l’un, médian et supérieur, est formé par l’extrémité inférieure du biceps, dont les fibres charnues descendent plus ou moins bas sur le tendon, suivant les individus. Les deux autres, latéraux et inférieurs, circonscrivent par en bas le relief médian.

De ces deux reliefs, l’interne, plus élevé, arrondi, est formé par l’extrémité supérieure du rond pronateur ; l’externe, déprimé et situé sur un plan plus reculé, répond au long supinateur. Entre le plan de ce dernier muscle et la saillie médiane du biceps, s’observe une surface plus ou moins étendue, suivant que le biceps lui-même descend plus ou moins bas, et où le brachial antérieur se trouve sous-cutané.

Il résulte de cette disposition que le pli de la saignée, circonscrit par ces trois reliefs musculaires, a, dans l’extension du membre, la forme d’un V ouvert supérieurement, et dont la branche externe est la plus profonde. Vers la pointe du V, on sent la corde formée par le tendon du biceps ; cette corde devient très saillante lors de la flexion. Lorsque la flexion est portée à sa dernière limite, la saignée prend la forme d’un pli transverse très profond.

Les veines qui occupent la face antérieure du coude dessinent la forme d’un M dont le V central est formé par la réunion de la veine médiane céphalique en dehors et de la veine médiane basilique en dedans. Cette dernière est généralement la plus volumineuse et la plus apparente. Les jambages latéraux de l’M répondent, en dehors, à la veine radiale, en dedans, à la veine cubitale. (Pl. 72.)

La région est parcourue transversalement par plusieurs plis cutanés de flexion assez rapprochés et situés au niveau du tendon du biceps.

En dehors de ce tendon, ces plis sont marqués d’une dépression qui peut recevoir la pulpe du doigt et qui s’accentue chez les sujets gras et chez la femme, alors que tous les autres accidents de la région tendent à s’effacer. En outre, on distingue deux autres plis superficiels, dirigés transversalement, et qu’un léger degré de flexion met en évidence. Ils affectent chacun une direction légèrement curviligne, dont la concavité regarde le centre de la région ; ils sont situés à une assez grande distance des premiers l’un, supérieur, traverse la saillie du biceps à plusieurs centimètres au-dessus du tendon ; l’autre, inférieur, descend jusque sur la face antérieure de l’avant-bras.


Coude proprement dit. (Pl. 81.)


La partie postérieure de la région porte plus particulièrement le nom de coude. On y voit vers le milieu, mais plus près du bord interne que de l’externe, la saillie de l’olécrane surmontée, dans l’extension, d’un repli transversal cutané. Chez les gens gras et souvent chez la femme, un pli transversal se creuse pendant que s’efface la saillie olécranienne, et ce pli profond domine toute la morphologie de la région.

L’olécrane est bordé en dedans par une gouttière qui le sépare de l’épicondyle. Au fond de cette gouttière passe le nerf cubital. En dehors, on observe une dépression remarquable par sa constance et bordée en haut par le relief du premier radial externe. Cette dépression est située au niveau du condyle de l’humérus, d’où le nom de dépression condylienne qui lui convient. On sent, en effet, avec la plus grande netteté, à son niveau, le condyle et la tête radiale avec l’interligne articulaire qui les sépare. Cette dépression existe chez la femme et chez l’enfant, où elle forme la fossette du coude.

Entre l’olécrane et la dépression condylienne se trouve un méplat triangulaire, dont la base, tournée en dedans, se confond avec le bord externe de l’olécrane, et dont le sommet se perd dans la susdite dépression. Ce méplat répond au muscle anconé.

Des deux bords de la région, l’un, proéminent, est situé en dedans ; on y observe la pointe de l’épitrochlée surmontée, chez les gens maigres, de la saillie en forme de corde due à la cloison intermusculaire interne. Le bord externe est formé par le relief puissant du long supinateur et du premier radial externe qui comblent l’angle rentrant que décrit le squelette à ce niveau.


Article IV. — AVANT-BRAS. (Pl. 80, 81 et 82.)


L’avant-bras est aplati dans le sens antéro-postérieur, contrairement à ce qui arrive pour le bras qui, ainsi que nous l’avons vu, est aplati latéralement. D’où il suit que, sur le profil latéral (pl. 82), le maximum de largeur du membre supérieur est au bras, pendant que, sur la face antérieure ou postérieure (pl. 80 et pl. 81), le maximum de largeur est situé à la moitié supérieure de l’avant-bras. Dans la moitié inférieure environ, l’avant-bras diminue de volume et se rapproche de la forme cylindrique.

Ces changements dans le volume du membre dépendent de la structure des muscles de la région qui, pour la plupart, se composent d’une masse charnue supérieure et d’un long tendon qui occupe la partie inférieure de l’avant-bras. La proportion entre la portion charnue d’un muscle et sa partie tendineuse n’est pas la même pour tous les individus. Nous avons vu plus haut qu’il existe des sujets à muscles longs et d’autres à muscles courts. Cette loi générale a pour la région qui nous occupe des conséquences faciles à prévoir. Chez les gens à muscles courts, la portion inférieure, tendineuse, mince de l’avant-bras, dominera et formera un contraste saisissant avec la partie supérieure, charnue, plus massive ; pendant que, chez les gens à muscles longs, c’est cette partie supérieure qui l’emportera et, empiétant sur la portion tendineuse, donnera à l’ensemble du membre un aspect fusiforme plus puissant et moins heurté.

La face antérieure ou palmaire, aplatie dans son ensemble, offre en haut deux reliefs musculaires latéraux, séparés par un méplat médian. Le relief externe, uniforme, est constitué par le corps charnu du long supinateur, soutenu par le premier radial externe, qui le déborde un peu en dehors. Le relief interne est dû au groupe des muscles épitrochléens qui forment plusieurs masses distinctes. La saillie du rond pronateur, que nous avons vue au pli du coude, occupe la partie supérieure. Elle est séparée par un sillon très superficiel oblique en bas et en dehors, d’une seconde saillie qui est due aux palmaires soutenus par les fléchisseurs, et qui se continue avec le bord interne du membre.

L’expansion fibreuse du tendon du biceps coupe obliquement ces saillies musculaires internes, les bride et devient parfois la cause d’un sillon perpendiculaire à la direction des fibres charnues.

Chez les sujets peu musclés, ces deux masses musculaires, qui se partagent la partie supérieure et antérieure de l’avant-bras, sont séparées par un sillon large et superficiel parallèle à l’axe du membre ; mais, chez les sujets bien musclés, ce sillon disparaît en partie et est remplacé par un méplat. Ce qui résulte de ce que les deux groupes musculaires se joignent au milieu et se recouvrent même partiellement, le bord interne du long supinateur passant au devant du grand palmaire. (Voy. p. 117.)

A la partie inférieure, la face palmaire de l’avant-bras se rétrécit, elle offre une surface plus arrondie et parcourue en son milieu par deux cordes tendineuses que nous retrouverons au poignet et que nous étudierons alors, ainsi que les gouttières qui les avoisinent.

La face postérieure de l’avant-bras est parcourue par plusieurs saillies musculaires distinctes. Elle est naturellement divisée en deux parties par la crête du cubitus transformée en sillon par les muscles voisins. En dedans, se trouve une surface uniforme parcourue par des veines et se continuant avec le bord interne du membre. Cette surface répond au muscle fléchisseur profond des doigts recouvert par le cubital antérieur qui, par l’intermédiaire de l’aponévrose antibrachiale, prend insertion tout du long de la crête du cubitus. En dehors, sont placés les muscles qui appartiennent plus spécialement à la face postérieure de l’avant-bras, et dont les reliefs, obliquement dirigés de haut en bas et de dehors en dedans, apparaissent d’une façon très distincte dans l’extension du membre avec effort. C’est tout d’abord, parallèlement au sillon cubital, le relief du cubital postérieur qui semble se continuer supérieurement avec le plan de l’anconé, puis en dehors, la saillie plus étendue de l’extenseur commun, avec laquelle se confond généralement celle de l’extenseur propre du petit doigt. Cette saillie de l’extenseur naît en haut de la dépression condylienne par une partie étroite. Un nouveau sillon la sépare en dehors des muscles du bord externe, que nous allons étudier maintenant.

Le bord externe de l’avant-bras est occupé par trois reliefs musculaires échelonnés de haut en bas, et qui, sur le profil, décrivent trois courbes distinctes. C’est, tout en haut, la courbe du premier radial externe, qui se continue avec celle du deuxième radial externe pour embrasser la partie supérieure charnue de l’avant-bras. Puis, inférieurement, dans la portion tendineuse, une nouvelle courbe est formée par les deux petits corps charnus du long abducteur du pouce et du court extenseur du pouce accolés. Le relief allongé de ces deux muscles naît, sur la face postérieure, en dehors de la saillie des extenseurs, et se dirige obliquement vers le bord externe du membre pour mourir au poignet, où nous retrouverons les tendons auxquels il donne naissance. Au-dessus d’eux, le relief du deuxième radial externe est fort net, fusiforme, terminé en pointe inférieurement et dirigé dans le sens de l’axe du membre. Il est contigu, en arrière, au relief de l’extenseur. En haut, il est séparé du premier radial externe par un petit sillon oblique qui forme dépression sur le profil. Le corps charnu de ce dernier muscle se confond avec celui du long supinateur, pour constituer une masse qui, d’abord externe au niveau du coude, se dirige ensuite obliquement vers la face antérieure de l’avant-bras, où nous l’avons décrite.

Quant au bord interne de l’avant-bras, il offre une surface de transition uniformément arrondie entre la face antérieure et la face postérieure.

Les veines croisent obliquement les bords de la région, se dirigeant de la face dorsale du poignet vers la région antérieure du coude. Au nombre de plusieurs de chaque côté, elles forment, à proprement parler, deux groupes : en dehors les veines radiales, en dedans les veines cubitales. On distingue encore un groupe médian à la face palmaire de l’avant-bras, celui des veines médianes qui se rendent aux jambages moyens de l’M de la saignée.


Article V. POIGNET. (Pl. 80, 81 et 82.)


Le poignet, région intermédiaire entre la main et l’avant-bras, ne possède point de limites naturelles précises qui le séparent des deux segments du membre supérieur qu’il unit. De forme générale aplatie, comme l’avant-bras, il offre à l’étude une face antérieure ou palmaire, une face postérieure ou dorsale et deux bords latéraux.

La face palmaire est sillonnée transversalement par des plis de flexion généralement au nombre de trois. Ils suivent une direction légèrement oblique, leur extrémité interne étant plus élevée que l’externe. Le pli inférieur est le plus accusé, il borne en haut le talon de la main et décrit plusieurs ondulations. Le pli moyen, situé à moins d’un centimètre au-dessus, décrit une seule courbe très légère à concavité inférieure ; enfin le pli supérieur, situé bien plus haut, affecte une direction semblable et se trouve être le plus superficiel. Il s’accentue, et devient très manifeste aussitôt que se produit une flexion même légère de la main sur l’avant-bras.

En outre de ces plis cutanés, ce qui frappe quand on examine la face antérieure du poignet, ce sont les deux cordes longitudinales formées par les tendons des deux palmaires. Elles ne suivent pas exactement l’axe du membre, mais se dirigent un peu obliquement de haut en bas et de dedans en dehors. La corde la plus interne, la plus grêle et en même temps la plus saillante appartient au petit palmaire dont le tendon passe au-dessus du ligament antérieur du carpe. Elle occupe à peu près le milieu de la région. En dedans du petit palmaire, une surface déprimée qui répond aux tendons des muscles fléchisseurs conduit au relief du tendon du cubital antérieur situé tout au bord interne. En dehors du grand palmaire, il existe une gouttière large, peu profonde, où se sent la saillie de l’extrémité inférieure du radius et bordée en dehors par le tendon du long abducteur du pouce.

Au point où aboutit le tendon du grand palmaire, le poignet présente une saillie médiane due au scaphoïde. Cette saillie se confond en bas et en dehors avec l’éminence thénar, elle est séparée par une légère dépression de l’éminence hypothénar, au-dessus de laquelle s’isole, tout près du bord interne, la saillie du pisiforme ; ce dernier relief remonte plus haut que les précédents.

La face dorsale du poignet doit les principaux traits de sa morphologie au squelette de la région. En dehors, l’extrémité inférieure du radius forme une large surface saillante. En dedans et sur un plan plus élevé, se voit la saillie plus circonscrite de l’apophyse styloïde du cubitus. Enfin, au milieu, les tendons des muscles extenseurs que nous retrouverons à la main, sont ici accolés les uns aux autres et ne forment point, comme plus bas, des reliefs distincts.

Les deux bords du poignet dessinent sur les silhouettes du membre vu de face deux échancrures peu profondes. Le bord interne, épais, étend sa surface légèrement aplatie entre deux saillies tendineuses, le tendon du cubital antérieur en avant, et le tendon du cubital postérieur en arrière.

Le bord externe est parcouru, en son milieu et dans la direction de l’axe du membre, par les deux tendons réunis du long abducteur du pouce et du court extenseur ; en arrière de ces tendons, se creuse, au-dessous de l’apophyse styloïde du radius, une dépression limitée d’autre part par le tendon oblique du long extenseur du pouce et que l’on désigne sous le nom de tabatière anatomique.


Article VI. — MAIN. (Pl. 80, 81 et 82.)


La main termine le membre supérieur. Elle se compose de la main proprement dite et des doigts.

Les détails si complexes de la morphologie de la main sont trop connus pour que nous entreprenions ici des descriptions qui deviendraient vite fastidieuses et sont pour le moins inutiles. Je me contenterai d’établir la relation de la forme extérieure avec les dessous anatomiques.


Main proprement dite.


La main proprement dite, aplatie d’avant en arrière, présente une face antérieure ou paume de la main, une face postérieure ou dos de la main et deux bords latéraux libres ; le bord inférieur donnant naissance aux doigts.

La paume de la main, déprimée à son centre, se relève sur les bords en plusieurs saillies différentes de forme et de volume. La plus forte est située en dehors, elle répond à la base du pouce et porte le nom d’éminence thénar. Elle est composée de deux plans : l’un supérieur, saillant et ovoïde, repose par en haut sur les saillies osseuses du scaphoïde et du premier métacarpien, il répond à un groupe musculaire dont le relief uniforme ne se subdivise jamais ; l’autre, situé plus bas, déprimé et d’une étendue moindre, répond à l’extrémité externe d’un seul muscle, le court adducteur du pouce, qui devient superficiel en cet endroit. Au côté interne de la main, l’éminence hypothénar, due au groupe musculaire qui porte le même nom, s’étend dans toute la hauteur de la région, se continuant sans limites précises avec le creux médian d’un côté et avec le bord cubital de la main de l’autre. En haut, les deux éminences thénar et hypothénar se rejoignent, sans se confondre toutefois, et forment ce qu’on appelle le talon ou racine de la main. Plus bas, ces deux éminences s éloignent l’une de l’autre en s’écartant de l’axe du membre et circonscrivent ainsi le creux de la main, limité en bas par une autre saillie allongée dans le sens transversal et répondant aux reliefs des articulations métacarpo-phalangiennes. Cette dernière saillie n’est pas uniforme, elle reproduit d’ailleurs dans son ensemble la courbe du métacarpe à concavité antérieure, c’est-à-dire qu’elle se relève par ses deux extrémités qui répondent à la base de l’index et à la base du petit doigt. Elle est en outre marquée, dans l’extension des doigts, de petites saillies qui correspondent aux espaces interdigitaux et sont occasionnées par de petits pelotons graisseux refoulés par la tension que subissent, au niveau de chaque doigt, les parties aponévrotiques intimement adhérentes à la face profonde de la peau.

La paume de la main dépasse donc par en bas les limites du métacarpe, puisqu’elle comprend dans sa charpente osseuse les extrémités supérieures des premières phalanges qui concourent à la formation des articulations métacarpo-phalangiennes. Enfin la dépression centrale qui constitue le creux de la main est maintenue par les adhérences de la peau à l’aponévrose palmaire qui en occupe toute l’étendue.

La paume de la main est sillonnée de plis fort nombreux, mais qui peuvent se réduire à quatre, deux principaux et deux accessoires. Ils sont occasionnés par les mouvements de flexion des doigts et d’opposition du pouce.


PLIS DU POIGNET ET DE LA MAIN.

L’éminence thénar est circonscrite, en dedans et en bas, par un long sillon curviligne qui s’accuse dans les mouvements d’opposition, c’est le pli du pouce. D’autre part, dans la flexion des doigts, on voit se dessiner, à quelques centimètres de leur base, un pli transversal légèrement courbe et qui, né sur le bord interne, vient mourir dans l’espace interdigital de l’index et du médius. Il répond à la flexion des trois derniers doigts, c’est le pli des doigts. Le pli de flexion de l’index se confond avec la partie la plus inférieure du pli du pouce. Tels sont les deux plis principaux qui se trouvent doublés en quelque sorte par deux autres plis moins profonds. Ainsi en dedans du pli du pouce, on voit un sillon qui, né de la racine de l’éminence hypothénar, se dirige en ligne droite vers la commissure de l’index et du médius. Il s’accuse dans le mouvement d’opposition du pouce et du petit doigt. Gerdy a désigné ce sillon sous le nom de sillon longitudinal, c’est l’accessoire du pli du pouce. Enfin un autre sillon oblique naît de l’extrémité inférieure du sillon du pouce pour se diriger vers le milieu du bord cubital de la main ; c’est l’accessoire du pli des doigts. On a dit que les différents sillons de la main dessinaient un M majuscule. Les deux jambages extrêmes en seraient formés par le pli du pouce et par le pli des doigts, et les deux sillons accessoires par leur rencontre formeraient le V central.

La face dorsale, ou dos de la main, reproduit dans son ensemble la forme générale convexe transversalement du squelette. La partie culminante répond au deuxième métacarpien. La surface de la région est le résultat des formes combinées des éléments anatomiques qui la composent et qui sont multiples. Je nommerai d’abord les métacarpiens, et dans leurs intervalles, les muscles interosseux qui forment saillie ; le premier interosseux dorsal, entre le premier et le deuxième métacarpien, mérite une mention spéciale ; puis les tendons des muscles, qui du centre du poignet se dirigent, en divergeant, vers chaque doigt ; puis enfin les méandres plus ou moins capricieux des veines, qui, venues des doigts, décrivent sur le métacarpe une arcade plus ou moins irrégulière à convexité inférieure.

Le bord interne de la main est arrondi, plus épais en haut qu’en bas, et formé par la masse charnue des muscles de l’éminence hypothénar qui débordent en dedans le cinquième métacarpien.

Le bord externe doit être divisé en deux parties : l’une supérieure qui porte le pouce, l’autre inférieure qui répond à l’articulation métacarpo-phalangienne de l’index. Le premier métacarpien est situé sur un plan antérieur par rapport à celui des autres métacarpiens ; il est en outre dirigé obliquement en bas et en dehors ; sa face antérieure regarde en dedans, de sorte que sa face dorsale est dirigée en arrière et en dehors. Cette face dorsale est parcourue par deux tendons, l’un parallèle à l’os et qui s’arrête à l’extrémité supérieure de la première phalange, c’est le tendon du court extenseur ; l’autre, le tendon du long extenseur, est oblique. Distant en haut du précédent, il y est accolé au niveau de l’articulation métacarpo-phalangienne et se prolonge jusqu’à la dernière phalange. Ces deux tendons sont très visibles dans l’extension avec abduction du pouce. Dans ce mouvement, une commissure très étendue relie le pouce à la base de l’index. Cette commissure, formée par un repli de la peau, offre un bord libre, mince, dirigé en dehors et légèrement échancré.

Enfin le bord inférieur de la main porte les doigts reliés à leur base par des replis cutanés qui occupent la face palmaire et le plan le plus inférieur de la commissure. En effet, les commissures interdigitales sont taillées obliquement dans l’épaisseur de la main, de telle sorte que, du pli cutané palmaire inférieur qui répond au milieu de la phalange, elles remontent vers le dos de la main, jusqu’au niveau de l’articulation métacarpo-phalangienne.

Ce bord inférieur est convexe. Il remonte très peu vers le doigt indicateur et beaucoup plus vers le petit doigt.


Doigts.


Il résulte de la disposition spéciale sur laquelle je viens d’insister et qui concerne les rapports des doigts avec la main proprement dite, que tous les doigts (je ne parle pas du pouce) sont plus longs vus par leur face dorsale que par leur face palmaire. A la face dorsale, en effet, les doigts commencent à l’articulation métacarpo-phalangienne, tandis qu’à la face palmaire, la paume de la main qui descend jusque vers le milieu de la première phalange, recouvrant toute l’articulation métacarpo-phalangienne, diminue d’autant la longueur du doigt.

Je ne m’étendrai pas sur les différences de volume et de longueur des doigts. Le médius descend le plus bas, l’index arrive à peine à la racine de l’ongle du médius, tandis que l’annulaire atteint à peu près au milieu de la hauteur de l’ongle du même doigt. L’index dépasse le pouce de ses deux dernières phalanges, et l’annulaire dépasse le petit doigt de la dernière phalange seulement.

Irrégulièrement cylindriques, les doigts offrent quatre plans distincts, l’un antérieur ou palmaire, l’autre postérieur ou dorsal, et les deux autres latéraux. Le dos des doigts reproduit assez exactement la forme des phalanges osseuses. Il est arrondi, marqué au niveau des articulations des phalanges avec les phalangines de plis transversaux figurant une ellipse et de quelques plis superficiels au niveau de l’articulation suivante. L’extrémité du doigt se termine par l’ongle situé à la face dorsale.

La face palmaire est divisée en trois parties par les plis de flexion. Le pli supérieur sépare les doigts de la paume de la main et se perd sur les côtés dans les commissures interdigitales. Il est double pour les deux doigts du milieu, médius et annulaire, qui paraissent un peu étranglés à ce niveau. Des trois segments, celui du milieu est le plus court. Le pli qui le limite en haut est généralement double. Celui du bas est simple. La peau de la face palmaire est doublée d’un tissu cellulaire dense et élastique, abondant surtout à la dernière phalange où il forme la pulpe du doigt. Les plans latéraux des doigts sont plus simples, présentant la terminaison des plis qui se voient à la face dorsale et à la face palmaire.

Chaque doigt se compose donc de trois segments qui portent le nom des os qui leur servent de squelette, les phalanges, les phalangines et les phalangettes.

Le pouce n’a que deux segments, la phalange et la phalangette.


Article VII. — ROTATION DU MEMBRE SUPÉRIEUR.


Les mouvements d’élévation du membre supérieur dans les différents sens ont été étudiés avec le tronc, en raison des modifications qu’ils amènent dans la forme extérieure de cette partie du corps. Mais nous avons réservé l’étude des mouvements de rotation qui se trouve ici plus à sa place, en raison des connexions intimes que la rotation de l’humérus présente avec les mouvements de pronation et de supination de l’avant-bras.


§ 1. — Mécanisme.


En tournant sur elle-même, la tête de l’humérus, par sa partie articulaire à peu près sphérique, glisse sur la cavité glénoïde de l’omoplate, et ce mouvement s’exécute autour d’un axe qui passe par le centre de la tête humérale et se continue par en bas avec celui autour duquel se font les mouvements de pronation et de supination de l’avant-bras. Son étendue ne dépasse pas l’angle droit, ainsi qu’il est facile de s’en rendre compte sur le vivant, en prenant l’épitrochlée comme point de repère. On voit, en effet, que cette éminence osseuse décrit dans ce mouvement à peine un quart de cercle. Mais ce mouvement de rotation, ainsi commencé au bras par la rotation de l’humérus, est continué à l’avant-bras par les mouvements de pronation et de supination.

Ces derniers mouvements se passent dans les articulations qui réunissent les deux os de l’avant-bras par leurs extrémités inférieures et supérieures. Dans l’articulation supérieure, la tête du radius tourne sur elle-même au milieu du ligament annulaire qui l’entoure ; dans l’articulation inférieure, l’extrémité inférieure du radius, entraînant la main avec elle, décrirait autour de la tête du cubitus, si on la supposait immobile, un arc comprenant environ les deux tiers de sa circonférence.

Mais dans ce mouvement de rotation de l’avant-bras, le radius n’est pas, ainsi qu’on l’enseigne généralement, le seul os qui se déplace. Le cubitus y contribue également par un mouvement en sens inverse, ainsi que nous l’avons indiqué plus haut. (Voy. p. 49.) Pour bien étudier ce mouvement à l’état d’isolement, il faut le considérer, l’avant-bras ayant été préalablement fléchi. On constate, en effet, que cette flexion n’entrave en aucune façon la rotation des deux os de l’avant-bras, qui devient absolument indépendante de la rotation de l’humérus. Si l’on recherche alors quelle est la situation relative des deux os de l’avant-bras aux divers degrés du mouvement de rotation, on remarque ce qui suit. Dans l’attitude de supination, les deux os sont étendus côte à côte et parallèlement, mais non tout à fait dans le même plan, le radius étant situé sur un plan un peu antérieur à celui du cubitus. Aussitôt que le mouvement de pronation commence, la tête du radius roule dans son anneau cubito-fibreux, et les extrémités inférieures des deux os se déplacent en sens inverse : le radius vient en avant, le cubitus passe en arrière. Au fur et à mesure que la pronation s’accentue, le croisement des deux os s’accuse davantage. Enfin à la limite du mouvement, l’extrémité inférieure du cubitus devient externe et l’extrémité inférieure du radius devient interne ; mais les deux os n’arrivent pas à se placer dans le même plan transversal qu’ils occupaient au début du mouvement. Ils demeurent dans un plan oblique assez proche. Il en résulte que le mouvement de chaque extrémité osseuse n’est pas tout à fait d’une demi-circonférence.

Si l’on additionne l’étendue de rotation de chaque segment du membre, rotation humérale et rotation antibrachiale, on voit que le mouvement exécuté par le membre tout entier ne dépasse guère trois quarts de cercle.

Ce qui est d’ailleurs clairement démontré par l’étude de la forme, et ce que les figures des planches 101, 102 et 103 mettent en lumière. En effet, dans la supination, attitude du départ, la paume de la main est tournée en avant ; elle se dirige en dedans dans la demi-pronation, elle regarde en arrière dans la pronation, puis en dehors dans la pronation forcée qui est la limite du mouvement de rotation. Mais elle n’arrive jamais à se replacer la paume en avant comme dans l’attitude première, ce qui serait si le tour qu’elle exécute était complet.


§ 2. — Action musculaire.


Les mouvements de rotation du membre supérieur se produisent en grande partie sous l’action de muscles profonds. Ainsi la rotation en dedans de l’humérus est produite par le sous-scapulaire, muscle caché sous l’omoplate. Son action est complétée par le grand rond, qui apparaît à la région scapulaire, et par deux autres muscles superficiels dont l’influence sur les formes extérieures est considérable, le grand dorsal et le grand pectoral. Mais ces deux derniers muscles n’interviennent que dans les mouvements violents. La rotation en dehors est produite par deux muscles de la région scapulaire, le sous-épineux et le petit rond.

A l’avant-bras, la supination est due au court supinateur et aussi un peu au biceps ; la pronation, au carré pronateur enfoui dans les couches profondes de la région antérieure de l’avant-bras, au rond pronateur et, accessoirement, au long supinateur.


§ 3. — Modifications des formes extérieures. (Pl. 101, 102 et 103.)


Dans l’extension du membre supérieur, le mouvement de pronation et de supination de l’avant-bras n’est pas indépendant du mouvement de rotation du bras. Le membre étant en supination, dès que la pronation commence, on voit presque en même temps un léger mouvement de rotation du bras se produire, mais il convient d’ajouter que ce mouvement de rotation est très peu marqué dans toute la première partie du mouvement, et ce n’est que lorsque la pronation de l’avant-bras arrive à sa limite que la rotation humérale s’accentue franchement, continuant et complétant la rotation antibrachiale.

Nous ne séparons point, dans l’étude qui va suivre, la rotation du bras de celle de l’avant-bras. Nous étudierons les modifications morphologiques dans toute l’étendue du membre, dont le mouvement de rotation comporte quatre degrés représentés sur les planches 101, 102 et 103, la supination, la demi-pronation, la pronation et la pronation forcée.

Les formes du tronc lui-même sont modifiées par ces mouvements. En avant, le grand pectoral, relâché dans la supination, se contracte au fur et à mesure que se produit la rotation. Dans la pronation forcée, il est dur, saillant, globuleux, les faisceaux secondaires se dessinent à sa surface. En arrière, les omoplates, d’abord rapprochées et portées en arrière, s’éloignent ; le moignon de l’épaule a tendance à se porter en avant, ce qui arrive à la fin du mouvement. Le deltoïde, d’abord au repos, subit un mouvement de torsion sur lui-même, ses faisceaux distincts parfois sous la peau ont subi, lorsque le membre est à la limite extrême du mouvement, une sorte d’enroulement autour de la tête humérale ; les muscles du bras, biceps et triceps, subissent un enroulement de même sorte qui se traduit, dans les formes extérieures, par l’obliquité des saillies musculaires et des sillons qui les séparent.

L’avant-bras éprouve dans sa forme générale des changements considérables. Aplati en supination, il est arrondi en pronation, ce qui résulte de la superposition des os qui se croisent. Les planches 101, 102 et 103 sont destinées à éviter de longues et difficiles descriptions. L’artiste suivra facilement, grâce aux croquis anatomiques qui les accompagnent, les déplacements des différents muscles. Il faut noter que le poignet conserve à peu près sa forme aplatie. Il est plus étroit dans la pronation que dans la supination.


Article VIII. — MOUVEMENTS DU COUDE.


§ 1. — Mécanisme.


Je rappellerai que l’articulation du coude est une véritable charnière qui ne permet qu’une seule sorte de mouvement (voy. page 49) : mouvements de flexion et d’extension autour d’un axe transversal passant par l’extrémité intérieure de l’humérus. Cet axe n’est pas perpendiculaire à celui du membre, mais un peu oblique de haut en bas et de dehors en dedans, de sorte que l’avant-bras ne se fléchit pas directement sur le bras, et que la main, au lieu de joindre l’épaule, se porte en dedans.

Dans la flexion, les faces antérieures de l’avant-bras et du bras n’arrivent au contact que dans la partie voisine de l’articulation.

Ce mouvement est limité par la rencontre de l’apophyse coronoïde avec la cavité de même nom de l’humérus. L’extension ramène les deux segments du membre dans la même direction. Il arrive même parfois que la limite est dépassée et que l’avant-bras forme avec le bras un angle obtus ouvert en arrière. J’ai observé cette disposition, que l’on pourrait ranger parmi les déformations acquises, chez quelques sujets qui avaient souvent répété avec violence les mouvements d’extension, comme il arrive pour les boxeurs.


§ 2. — Action musculaire.


L’extension est produite par deux muscles superficiels, l’anconé et le triceps brachial, dont l’importance au point de vue morphologique n’échappera à personne.

Chacune des portions latérales du triceps amène l’extension de l’avant-bras avec une force égale. Par contre, le faisceau moyen ou longue portion est faiblement extenseur, il est principalement destiné à fixer solidement la tête humérale contre la cavité glénoïde pendant les mouvements d’abaissement du bras.

La flexion de l’avant-bras sur le bras est produite par trois muscles fléchisseurs qui ont chacun une action spéciale. Le biceps est en même temps supinateur ; le long supinateur, contrairement à sa dénomination, est à la fois fléchisseur et pronateur ; le brachial antérieur est seul fléchisseur direct et indépendant.

Les mouvements de pronation et de supination de l’avant-bras s’exécutent très bien, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, lorsque l’avant-bras est fléchi. Si ces mouvements sont faits avec effort, les muscles adducteurs et abducteurs du bras entrent en contraction. C’est ainsi que, pendant la supination, on voit le coude se rapprocher du corps, tandis qu’il s’en éloigne lors de la pronation.


§ 3. — Modifications des formes extérieures. (Pl. 104.)


Les formes du membre supérieur, l’avant-bras étant en extension sur le bras, ont été déjà décrites, puisque cette extension fait partie de l’attitude du type conventionnel choisi pour l’étude. A la partie postérieure du bras, le modelé du triceps contracté ne se dessine que lorsque l’extension est portée à son extrême limite ou produite avec effort. En effet, lorsque le bras tombe naturellement le long du corps, la pesanteur suffit à maintenir l’extension, qui n’est jamais alors tout à fait complète.

Lorsque la flexion se produit, on voit que le triceps est distendu et que la face postérieure du bras subit un certain aplatissement. Par contre, en avant, le biceps devient globuleux, il forme une saillie qui augmente avec l’effort déployé et avec le degré de flexion. Le brachial antérieur est aussi contracté, et son relief externe apparaît plus distinct, bordé par des sillons plus profonds.

Si la flexion se produit, l’avant-bras étant en demi-pronation, et si elle est maintenue à angle droit avec persistance de l’effort musculaire comme dans l’acte de maintenir un poids (pl. 104), on voit très nettement le long supinateur se dessiner sous la peau et faire un relief distinct de celui du premier radial externe, avec lequel il est confondu dans toutes les autres positions du membre. L’expansion tendineuse du biceps, tendue par la contraction du muscle, coupe d’un sillon profond la masse interne des muscles de l’avant-bras.

La flexion de l’avant-bras peut s’accompagner de tous les degrés de pronation ou de la supination ; il en résulte des formes complexes que je signale sans les décrire.

Enfin lorsque la flexion est portée à la dernière limite, le coude prend une forme anguleuse dont la pointe est formée par l’olécrane.


Article IX. — MOUVEMENTS DE LA MAIN.


§ 1. — Mécanisme.


Les mouvements de la main sur l’avant-bras sont de deux espèces. Ils se passent autour de deux axes :

a) Autour d’un axe transversal, mouvement de flexion et d’extension ;

b) Autour d’un axe antéro-postérieur, mouvement d’adduction et d’abduction.

La flexion et l’extension ont leur siège dans les articulations radio-carpienne et médio-carpienne.

La flexion est plus étendue que l’extension. La flexion atteint facilement l’angle droit, c’est-à-dire que la main se place dans un plan perpendiculaire à celui de l’avant-bras, à condition toutefois que les doigts soient étendus. En effet, si le poing est fermé, le mouvement de flexion a moins d’étendue, et la main ne forme plus avec l’avant-bras qu’un angle obtus, ce qui tient à ce que les muscles extenseurs des doigts, distendus déjà par la flexion des doigts, ne permettent pas à la main de descendre davantage.

Dans l’extension, la main forme toujours avec l’avant-bras un angle obtus ouvert en arrière. Mais la flexion simultanée des doigts augmente le degré d’extension de la main, pour une raison analogue à celle que je viens de signaler à propos du mouvement inverse et qui réside dans la distension que font subir aux muscles fléchisseurs les extenseurs des doigts.

Les mouvements d’adduction et d’abduction ont lieu dans l’articulation radio-carpienne. Ils sont peu étendus ; l’adduction l’est beaucoup plus que l’abduction, qui est très limitée.


§ 2. — Action musculaire.


Les muscles extenseurs sont au nombre de trois, ayant chacun une action spéciale.

Le second radial externe est extenseur direct, le premier radial externe est extenseur abducteur, et le cubital postérieur, extenseur adducteur.

Si le mouvement se fait avec effort, les trois muscles se contractent simultanément. La flexion des doigts s’accompagne toujours de la contraction synergique des extenseurs du poignet.

Les fléchisseurs sont également au nombre de trois.

Ce sont : le grand palmaire, le petit palmaire et le cubital antérieur.

Ces muscles ne sont ni adducteurs ni abducteurs. Ils sont synergiques des extenseurs des doigts. Leur situation superficielle à l’avant-bras rend facilement appréciable le relief qu’ils forment lorsqu’ils entrent en contraction.


Inclinaison latérale.


La main s’incline latéralement sur le bord radial de l’avant-bras, abduction, ou sur le bord cubital, adduction. Le premier mouvement est produit par le premier radial externe et le long abducteur du pouce, le second par le cubital postérieur.


§ 3. — Modifications des formes extérieures.


Dans la flexion du poignet, le talon de la main se trouve refoulé par en bas, des plis cutanés nombreux se dessinent, et les tendons des muscles fléchisseurs font de fortes saillies à la face antérieure du poignet. Ces saillies sont variables, suivant que les muscles en action meuvent les doigts ou le poignet. Il en est de même de la face antérieure de l’avant-bras qui est modelée différemment, suivant que ce sont les fléchisseurs des doigts on les fléchisseurs du poignet qui entrent enjeu. En arrière, la surface du poignet se développe et s’arrondit. Le grand os dont la tête se découvre fait une saillie médiane, au-dessus de laquelle se retrouvent les deux saillies latérales des extrémités inférieures des os de l’avant-bras.

Le mouvement d’extension efface au poignet les plis de flexion de la région antérieure. Le relief du scaphoïde s’exagère, et les tendons des deux palmaires distendus se perdent au voisinage du poignet. En arrière, le sommet de l’angle formé par la main et l’avant-bras est comblé par une sorte de plan incliné intermédiaire situé près du bord radial, et qui repose sur les tendons des deux radiaux, au-dessus de leur insertion au métacarpe. Des plis cutanés limitent par en haut et par en bas ce plan des radiaux. A l’avant-bras, le corps charnu des mêmes muscles se dessine vigoureusement.


Article X. — MOUVEMENTS DES DOIGTS.


§ 1. — Mécanisme et action musculaire.


Dans la flexion, les différents segments des doigts arrivent à former entre eux un angle droit, généralement dépassé dans l’articulation phalango-phalangienne. Il faut faire une exception toutefois pour le pouce, dont l’angle de flexion est moindre. Dans l’extension, les phalanges se placent en ligne droite. Ce mouvement a généralement plus d’étendue dans les articulations métacarpo-phalangiennes, et les doigts forment un angle obtus ouvert en arrière avec le dos de la main.

Il y a d’ailleurs, sous ce rapport, de grandes variétés individuelles. Les mouvements de l’index ont une grande liberté, mais les trois derniers doigts sont plus ou moins dépendants les uns des autres.

Les mouvements de flexion et d’extension existent seuls entre les diverses phalanges, mais les articulations métacarpo-digitales sont en outre susceptibles de mouvements de latéralité, en vertu desquels les doigts s’éloignent de l’axe de la main (abduction) ou s’en rapprochent (adduction).

Le pouce doit ses mouvements étendus et variés à la mobilité du premier métacarpien, d’où résultent les mouvements d’opposition. Nous avons insisté plus haut sur l’attitude normale du pouce placé sur un plan antérieur et dirigé la face palmaire un peu en dedans. Dans les mouvements d’opposition, la face palmaire de la phalangette du pouce s’oppose successivement à l’extrémité des autres doigts. Ce mouvement est secondé, pour le petit doigt, par la mobilité très grande des deux derniers métacarpiens et surtout du cinquième qui vient, par un mouvement analogue, à la rencontre du premier.

L’action musculaire qui dirige tous les mouvements des doigts est fort complexe. Sa connaissance, indispensable au médecin, nous semble inutile aux artistes. Il nous suffira de rappeler qu’un certain nombre des muscles qui meuvent les doigts ont leur corps charnu à l’avant-bras, dont le modelé devra donc subir des changements, même dans les mouvements limités aux doigts.

Je signalerai en outre l’action synergique des fléchisseurs des doigts et des extenseurs du poignet dans le poing fermé, et celle du cubital postérieur dans les mouvements d’abduction du pouce.


§ 2. — Modifications des formes extérieures.


Je serai bref dans ces descriptions de formes extérieures que tout le monde connaît et a constamment sous les yeux. Dans la flexion, les plis dorsaux des doigts s’effacent, et les saillies osseuses angulaires qui les remplacent sont dues à l’extrémité inférieure de l’os qui occupe la partie supérieure de l’articulation. Dans l’articulation métacarpo-digitale, la tête du métacarpien est surmontée par la corde tendue du tendon extenseur, d’où résulte l’aspect anguleux de la forme extérieure qui ne répond point à la surface arrondie de la tête osseuse. A la face palmaire, les plis des doigts se creusent. A la paume de la main, les plis que nous avons décrits s’accusent davantage, plis de flexion des doigts, plis de flexion du pouce. Dans le mouvement d’opposition du pouce aux autres doigts, le creux de la main devient plus profond, pendant que la face dorsale s’arrondit.

CHAPITRE IV

FORMES EXTÉRIEURES DU MEMBRE INFÉRIEUR


Nous étudierons successivement la cuisse, le genou, la jambe, le cou-de-pied et le pied.


Article premier. — CUISSE. (Pl. 83, 84, 85 et, 86.)


La cuisse n’est fusiforme et arrondie que chez les sujets gras et chez la femme. Lorsque la musculature est un peu développée, la cuisse est formée de trois masses distinctes qui répondent aux trois groupes musculaires que nous avons étudiés plus haut, et qui sont ainsi disposées : en avant et en dehors, la masse du quadriceps ; en dedans et en haut, la masse des adducteurs ; en arrière, la masse des muscles de la région postérieure.

La masse antéro-externe occupe toute la face externe de la cuisse et une partie seulement de la face antérieure. En dehors, elle commence au-dessous du grand trochanter, et descend jusqu’au genou ; elle est due au relief du vaste externe bridé par la forte aponévrose, désignée sous le nom de fascia lata, et dont le muscle tenseur, situé à la racine du membre, fait une saillie très distincte qui passe au devant du grand trochanter. Le relief du vaste externe est limité en arrière par un sillon profond, sillon latéral externe ; en avant, il se confond avec la saillie du droit antérieur et du vaste interne. Limitée en dedans par le plan oblique du couturier, cette saillie occupe la partie antérieure et inférieure de la cuisse. Elle succède, tout en haut, à une dépression déjà signalée sous le nom de dépression fémorale, et occasionnée par l’écartement des deux muscles qui s’attachent à l’épine iliaque antérieure et supérieure, le couturier et le tenseur du fascia lata.

Le fond de la dépression fémorale repose sur le tendon du droit antérieur qui disparaît à ce niveau pour gagner l’épine iliaque antérieure et inférieure, où il prend insertion. Le corps charnu du même muscle, situé au milieu de la face antérieure de la cuisse, reproduit en avant la courbure du fémur, sur lequel il repose. Il ne forme un relief distinct que dans la contraction ; ce relief fusiforme est marqué, en son milieu, d’un méplat dû à la disposition de l’aponévrose supérieure du muscle.

En bas et en dedans de la cuisse, le vaste interne dessine une sorte de masse ovoïde dont la pointe se perd, en haut, entre le droit antérieur et le couturier, et dont la grosse extrémité descend jusqu’au niveau du milieu de la rotule, si nous y comprenons un relief souvent distinct formé par les fibres les plus inférieures, désigné par Gerdy sous le nom de repli sus-rotulien et que nous étudierons avec le genou.

Le plan du couturier ne mérite guère de description spéciale ; il coupe obliquement la cuisse, passe de la face antérieure à la face interne et répond exactement au muscle décrit plus haut. (Voy. p. 127.) Supérieurement, ce plan est parfois réduit à un sillon plus ou moins large. Toute la masse des adducteurs est située en haut et en arrière de lui. Cette masse occupe, en effet, l’angle décrit par le couturier et le pli de l’aine, puis elle descend, en augmentant de puissance et de volume, pour occuper toute la partie interne et supérieure de la cuisse. Elle est composée par la réunion de tous les muscles adducteurs auxquels vient se surajouter le droit interne ; mais aucun de ces muscles ne s’accuse individuellement. Elle se continue en arrière sans ligne de démarcation avec la masse postérieure de la cuisse ; sa surface est parcourue par la veine saphène interne.

En arrière, la cuisse forme, dans sa partie supérieure, un relief arrondi qui s’étend du bord interne jusqu’au sillon latéral externe. En haut, ce relief est séparé de la fesse par le pli fessier ; il va en s’affaiblissant et en se rétrécissant par en bas, où il se trouve bordé par deux sillons : l’un, en dedans, qui limite d’autre part le méplat formé par les tendons du droit interne, du demi-tendineux et du demi-membraneux ; l’autre, en dehors, qui n’est qu’une division du sillon latéral externe de la cuisse. Nous retrouverons ces deux sillons au jarret.

Chez les sujets gras, les reliefs musculaires s’effacent, et la cuisse, ainsi que je l’ai déjà dit, prend un aspect fusiforme et arrondi. C’est ce qui a lieu communément chez la femme. Je dois en outre rappeler qu’il existe parfois chez celle-ci un véritable paquet adipeux à la partie supérieure et externe de la cuisse. (Voy. page 145.) C’est là une disposition que l’on trouve à son plus haut degré de développement chez les Boschimanes et les Hottentotes, ,en même temps que la stéatopygie, mais dont il est très fréquent d’observer, dans la race blanche, divers degrés d’atténuation.


Article II. — GENOU. (Pl. 83, 84, 85 et 86.)


Région intermédiaire à la cuisse et à la jambe, le genou répond à l’articulation fémoro-tibiale qui en détermine la forme générale. Les condyles du fémur surmontant les tubérosités du tibia constituent une masse quadrangulaire, en avant de laquelle proémine la rotule haut située et dont l’extrémité inférieure descend à peine jusqu’à l’interligne articulaire. Le genou présente donc quatre faces : la face antérieure et les deux faces latérales gardent plus particulièrement le nom de genou, la face postérieure forme le jarret.

La contraction des muscles de la cuisse amène de grands changements dans la morphologie de la région antérieure du genou. La station debout ne s’accompagne pas nécessairement de la contraction du muscle extenseur de la jambe, qui est le muscle quadriceps ; mais, lorsque ce muscle se contracte, on voit la rotule s’élever, s’appliquer plus exactement contre les surfaces osseuses, les téguments se tendre, et certains reliefs s’effacer.

Nous devons, pour l’instant, décrire le genou, le membre dans l’extension et dans le repos musculaire qui accompagnent d’ordinaire la station debout.

Au milieu de la région, la rotule proémine. Sa base, tournée en haut, présente deux angles arrondis, en arrière desquels se creusent deux fossettes (fossettes péri-rotuliennes). Sa face antérieure est plus arrondie qu’elle ne l’est sur le squelette, à cause de la présence d’une bourse séreuse, interposée entre elle et la face profonde de la peau. Son angle inférieur, qui se continue avec le tendon rotulien se trouve d’ordinaire masqué par un léger soulèvement transversal de la peau rejoignant les deux saillies latérales formées par les pelotons adipeux sous-rotuliens, dont le relief déborde de chaque côté les angles supérieurs de la rotule.

Sur la ligne médiane et au-dessous de la rotule, le tendon rotulien ne se révèle à l’extérieur que pendant la contraction du quadriceps. Dans le relâchement musculaire, il est souvent coupé par un pli cutané profond dirigé transversalement, et qui s’accuse d’autant plus que le relâchement musculaire est plus grand. On trouve ce sillon très profond sur la jambe portante du « Doryphore » de Polyclète (fig. p. 233). Quand ce sillon n’existe pas, toute cette région sous-rotulienne a l’aspect d’un relief cordiforme, dont la pointe descend au niveau du tubercule antérieur du tibia où s’attache le tendon rotulien et dont la base qui correspond aux deux saillies latérales adipeuses embrasse la pointe d’une seconde saillie plus petite, mais de forme analogue, et constituée par la rotule elle-même.

Au-dessus de la rotule s’étend un méplat qui répond au tendon inférieur du droit antérieur et qui est bordé latéralement par les saillies inégales des extrémités inférieures du vaste interne et du vaste externe.

Cette région sus-rotulienne mérite d’être étudiée avec quelques détails. J’y ai signalé, il y a déjà plusieurs années, quelques particularités intéressantes qui trouvent tout naturellement leur place ici.

Gerdy après avoir décrit la saillie du vaste interne, ajoute : « Le relief du vaste interne est souvent masqué ou altéré au-dessus de la rotule par un repli sus-rotulien de la peau dirigé en bas et en arrière. Ce repli est dû, soit à une disposition sous-cutanée, soit à la diminution de l’élasticité de la peau ; aussi ne l’observe-t-on si souvent chez l’adulte et le vieillard que parce que cette membrane, depuis longtemps tiraillée par la flexion répétée du genou, ne pouvant plus revenir sur elle-même, faute d’élasticité, se replie quand la jambe est étendue[6]. »

Cette opinion est encore aujourd’hui généralement acceptée ; elle me paraît cependant consacrer une erreur et une confusion une erreur parce que la saillie signalée par Gerdy est un relief musculaire ; une confusion parce que, si parfois il existe un repli réellement cutané, il présente une direction et une localisation complètement différentes de celles qui ont été indiquées par cet auteur. Le repli sus-rotulien de Gerdy est formé par la partie la plus inférieure du corps charnu du vaste interne, faisant une saillie distincte du reste du muscle dans de certaines conditions et sous l’influence d’une disposition anatomique spéciale. Les fibres les plus inférieures du vaste externe produisent souvent un relief analogue.


GENOU PENDANT LE RELACHEMENT DU MUSCLE QUADRICEPS.
(Plan antérieur.)

GENOU, LE MUSCLE QUADRICEPS CONTRACTÉ.
(Plan antérieur.)

Ces formes, que l’on peut désigner sous le nom de saillies inférieures du vaste interne et du vaste externe, apparaissent avec la plus grande évidence dans l’extension du membre qui accompagne la station hanchée. Elles coïncident avec le relâchement musculaire, et sont d’autant plus accusées que le relâchement est plus complet. Lorsque le muscle se contracte (le membre étant toujours en extension), elles s’atténuent, et même chez certains sujets disparaissent complètement. La saillie inférieure du vaste interne, malgré un léger degré de flexion, persiste parfois chez les sujets très fortement musclés mais généralement elle disparaît, ainsi que celle du vaste externe, par l’effet de la distension des muscles, résultat d’une plus grande flexion du membre.


GENOU PENDANT LE RELACHEMENT DU MUSCLE QUADRICEPS.
(Plan latéral externe.)

GENOU, LE MUSCLE QUADRICEPS CONTRACTÉ.
(Plan latéral externe.)

Enfin, contrairement à ce que pensait Gerdy, ces formes existent souvent chez les plus jeunes sujets et aussi chez les femmes (voy. p. 234), mais atténuées, et parfois plus ou moins masquées par le tissu graisseux sous-cutané.

Les artistes, les anciens comme les modernes, ont représenté ces reliefs musculaires avec une sincérité et une exactitude vraiment remarquables[7].

Au point de vue morphologique, ces reliefs ont les caractères suivants. Celui du vaste externe, le plus haut situé, a une forme arrondie plus ou moins écrasée ; celui du vaste interne représente une sorte de bourrelet dirigé obliquement de haut en bas et de dehors en dedans. Inférieurement, il descend jusqu’au niveau de la partie moyenne de la rotule[8].

En arrière, il se prolonge par une extrémité arrondie jusqu’à la saillie allongée du couturier. (Pl. 86.) En haut et en avant, il remonte en s’atténuant jusque vers la ligne médiane de la cuisse, où il se termine.

Quelquefois un soulèvement de la peau établit une sorte de pont qui réunit, les deux reliefs et traverse obliquement le méplat rotulien.


GENOU DROIT (JAMBE PORTANTE) DU « DORYPHORE » DE POLYCLÈTE.

J’ai signalé plus haut la raison anatomique de ces reliefs musculaires partiels. (Voy. p. 126.) Elle réside dans la présence, à la partie inférieure de l’aponévrose fémorale, d’une véritable bride aponévrotique sur la disposition de laquelle je n’ai pas à revenir ici. Il me suffira de rappeler qu’elle termine en quelque sorte par en bas le fourreau aponévrotique résistant, qui maintient les muscles de la partie antérieure de la cuisse. Dans le relâchement du quadriceps, les extrémités charnues du vaste interne et du vaste externe viennent faire hernie au-dessous d’elle. Par l’étranglement que ses fibres exercent sur le corps charnu du vaste interne, elle détermine le sillon qui limite supérieurement le relief inférieur et le sépare de celui que forme au-dessus le corps même du muscle. Ce sillon varie de profondeur suivant les individus, et ces variétés ne sauraient dépendre que du degré de tension de la bride et de la condensation plus ou moins grande, à ce niveau, des fibres aponévrotiques qui la composent.

Au lieu d’être, ainsi que le pensait Gerdy, une forme de convention et le signe d’une distension des tissus, indice de sénilité, le relief inférieur du vaste interne est une forme naturelle, en relation directe avec le développement musculaire. Il appartient à tous les âges, mais c’est un modelé accidentel ; il ne se produit que dans certaines attitudes du membre, et il doit être classé parmi ces modifications incessantes des formes que le mouvement imprime aux diverses parties du corps humain. L’intérêt qui s’attache à son étude n’en est pas moins grand, car il est, au même titre que le relief dû à la contraction musculaire, mais dans un sens opposé, un signe révélateur de l’état physiologique dans lequel le muscle se trouve, et il appartient essentiellement à l’anatomie du vivant.

Un repli sus-rotulaire d’origine cutanée se rencontre quelquefois. Je l’ai observé nettement sur le vieillard, mais il occupe une tout autre place que celle assignée par Gerdy. Il est immédiatement situé au-dessus de la rotule, recouvrant l’extrémité inférieure du tendon du droit antérieur. Enfin, signe absolument distinctif, le pli d’origine cutanée qui se produit également dans l’extension de la jambe, s’accuse davantage lors de la contraction du quadriceps, à cause de l’élévation de la rotule qui en résulte, tandis que le relief musculaire s’atténue ou s’efface lorsque le muscle entre en action, ainsi que je l’ai dit. On comprend que chez certains sujets, les deux replis, l’un cutané, l’autre musculaire, puissent exister simultanément et confondre leurs formes[9].


GENOUX DE FEMME.
(Pan antérieur.)

Je reviens maintenant à la description des faces latérales du genou.

La face externe paraît déprimée à cause des reliefs que forment au-dessus d’elle les muscles de la cuisse, et au-dessous d’elle ceux de la jambe ; la face interne, au contraire, est saillante.

La face externe du genou est parcourue, de haut en bas et vers son milieu, par la terminaison du sillon latéral externe de la cuisse. De chaque côté de ce sillon, on voit deux saillies longitudinales, inégales de relief et d’aspect, et qui, toutes deux, se terminent en bas à une éminence osseuse. La saillie antérieure surbaissée, aplatie, répond au faisceau tibial du fascia lata. Elle se continue par en haut avec la masse du vaste externe, elle masque un relief plus puissant, mais qui ne se produit que dans la flexion, et est dû aux fibres charnues du crural ; enfin, elle se termine à la tubérosité externe du tibia. La saillie postérieure arrondie, plus volumineuse, est formée par le tendon du biceps fémoral et par les fibres charnues de la courte portion. Elle naît, en haut, dans l’angle formé par le sillon latéral externe de la cuisse et la bifurcation de ce sillon qui descend vers le jarret. En bas, elle se termine à la tête du péroné.

La face interne du genou est divisée à peu près en deux parties égales par le sillon qui longe le bord antérieur du muscle couturier. Dans la moitié antérieure on remarque, en allant de haut en bas, l’extrémité postérieure du relief inférieur du vaste interne, puis une surface arrondie, correspondant aux deux tubérosités contiguës du fémur et du tibia, et divisée quelquefois par une dépression linéaire transversale au niveau de l’interligne articulaire. Plus en avant, se trouvent échelonnées de haut en bas les saillies dues à l’angle interne de la rotule, au coussinet adipeux et au tendon rotulien. La partie postérieure de la région est plus uniforme. On y voit le plan de l’extrémité inférieure du couturier dont les fibres charnues descendent plus ou moins bas, mais généralement dépassent le niveau de l’interligne articulaire, puis en arrière un méplat dû à la réunion des tendons du droit interne, du demi-membraneux et du demi-tendineux. Inférieurement la face interne du genou se continue sans ligne de démarcation précise avec le plan tibial que nous décrirons tout à l’heure et qui appartient à la jambe.


Jarret. (Pl. 84.)


Le jarret qui se creuse dans la flexion du membre, forme, dans l’extension, un relief longitudinal qui dépasse en haut et en bas les limites de la région, pour se confondre avec les masses musculaires postérieures de la cuisse et de la jambe. Ce relief s’étrangle vers la partie moyenne. Il est formé, en haut, par le bord interne du biceps et l’extrémité inférieure du demi-membraneux qui s’isole souvent en un relief ovoïde distinct, en bas, par l’extrémité supérieure des deux jumeaux. Le creux en forme de losange, intercepté sur l’écorché par ces différents muscles, est comblé par des vaisseaux, des nerfs et de la graisse, si bien que la forme extérieure n’en conserve aucune trace.

Deux sillons bordent latéralement le relief médian du jarret. Le sillon externe est le plus profond, il suit le tendon du biceps, puis remonte obliquement pour rejoindre le sillon latéro-externe de la cuisse ; il descend en bas, jusque derrière la tête du péroné.

Le sillon interne plus superficiel se continue en haut avec le sillon ou le plan du couturier, inférieurement il décrit une courbe qui embrasse le genou dans sa concavité tournée en avant et le sépare des jumeaux. Ce sillon est souvent plus marqué chez la femme que chez l’homme, en raison de la graisse qui s’accumule d’ordinaire dans toute la région interne du genou. Sur son parcours il est marqué de plusieurs dépressions, dont la plus inférieure est située à la rencontre du pli cutané de flexion.


SILLON ET PLIS DU JARRET.

Situé vers la partie inférieure de la région, ce pli cutané est étendu transversalement et un peu obliquement de bas en haut et de dedans en dehors. Il correspond, dans la profondeur du membre, à l’interligne articulaire dont il croise un peu obliquement la direction. Peu visible lorsque le membre est étendu et chez les gens maigres, il s’accuse chez la femme et généralement chez les sujets dont le pannicule adipeux est un peu abondant.

Le jarret se trouve ainsi encadré par deux saillies latérales déjà décrites à propos de la face interne et de la face externe du genou c’est en dehors la saillie du biceps et en dedans le méplat tendineux qui conduit au plan du couturier. Dans la flexion, ce méplat dessine les cordes saillantes des divers tendons qui le composent : tendon du droit interne en avant, et en arrière tendon du demi-membraneux et du demi-tendineux réunis. Ils forment ensemble le bord interne du creux du jarret, dont le bord externe descendant moins bas est formé par le tendon du biceps crural.


SILLONS ET PLI DU JARRET CHEZ LA FEMME.


Article III. JAMBE. (Pl. 83, 84, 85 et 86.)


Le squelette de la jambe, formé de deux os d’inégal volume et placés côte à côte, est entouré, de trois côtés seulement, par des muscles qui se groupent en deux masses distinctes, une masse antéro-externe et une masse postérieure de beaucoup la plus importante. En dedans, la face interne du tibia est sous-cutanée dans toute son étendue.

Renflée en son milieu, la jambe s’amincit en bas parce que, à ce niveau, les muscles qui la composent deviennent tendineux. Cet amincissement se produit plus ou moins brusquement, plus ou moins haut, suivant que les fibres charnues s’arrêtent plus ou moins haut sur les tendons, et que les muscles appartiennent au type des muscles courts ou à celui des muscles longs.

La masse antéro-externe, bombée dans son ensemble, offre trois plans distincts : le plan du jambier antérieur, celui des extenseurs et celui des péroniers.

a) Le plan interne et le plus antérieur succède au tubercule antérieur du tibia, il répond au muscle jambier antérieur dont le corps charnu, fusiforme, dirigé obliquement en bas et un peu en dedans, dépasse la crête tibiale. Il en résulte que le bord antérieur de la jambe est mousse et décrit sur le profil une courbe bien plus accentuée que celle du squelette. Au corps charnu du jambier antérieur, succède, vers le milieu de la jambe, un tendon qui suit la même direction et que nous retrouverons au cou-de-pied.

b) Le plan des extenseurs occupe toute la hauteur du membre ; étroit en haut, il est plus large inférieurement où il repose sur trois muscles l’extenseur propre du gros orteil, l’extenseur commun et le péronier antérieur. Dans le repos musculaire, il se confond souvent en haut avec le précédent.

c) Tourné tout à fait en dehors, le plan des péroniers, large de plusieurs travers de doigt, répond aux muscles de ce nom soutenus par le péroné. Sa surface qui commence en haut au-dessous de la saillie due à la tête de l’os, n’est uniforme que dans le relâchement musculaire. Dans la contraction, il est marqué inférieurement d’un méplat médian dû aux tendons superposés des deux muscles. Enfin, il est oblique en bas et en arrière, et il découvre l’extrémité inférieure de l’os à quelques travers de doigt au-dessus de la malléole. L’os étant situé sur un plan plus déprimé que celui des muscles, il se produit à ce niveau une dépression constante. En arrière, le plan des péroniers touche au bord externe du soléaire.

Toute la masse postérieure de la jambe est formée par un seul muscle, le triceps sural, qui se compose, d’ailleurs, de plusieurs corps charnus distincts. (Voy. page 133.) Les deux jumeaux sont superficiels et forment le relief du mollet. Ils reposent sur le soléaire dont les bords seuls apparaissent à la surface du membre de chaque côté.

Accolés l’un à l’autre, les deux jumeaux forment sur la ligne médiane une saillie unique, longitudinale, qui répond aux bords charnus des deux muscles. De chaque côté de ce relief médian, on observe les méplats latéraux des aponévroses supérieures d’insertion. Le jumeau interne plus volumineux descend un peu plus bas que l’externe. Il forme à la face interne du membre un relief puissant, pendant que le jumeau externe ne dépasse pas la saillie des muscles voisins, d’où il résulte que, sur les profils de la jambe vue de face, le jumeau interne seul est visible. Les bords inférieurs arrondis des deux jumeaux interceptent entre eux un angle ouvert en bas qui marque le défaut du mollet. Ils font sur le tendon d’Achille un brusque relief situé plus ou moins haut suivant les individus[10].

Aux jumeaux succède le plan du tendon d’Achille, qui se rétrécit par en bas et se confond sur les côtés avec les bords du soléaire. En dehors, le bord externe forme un plan étroit qui remonte jusqu’au niveau de la tête du péroné ; en dedans, la saillie de ce muscle est plus accentuée ; elle n’occupe que le milieu de la jambe. Le soléaire soutient le mollet, et de son degré de développement dépend l’élargissement ou l’effilement de la jambe dans sa moitié inférieure.

A la face interne de la jambe, nous retrouvons le relief du jumeau interne et du bord interne du soléaire. Ce double relief est limité en avant par une grande ligne courbe à convexité antérieure qui se continue en haut avec le sillon courbe en sens inverse embrassant le genou et qui remonte jusqu’au sillon latéral interne du jarret. Toute la partie antérieure surbaissée, et large de deux doigts environ, est occupée par la face interne du tibia sous-cutanée dans toute sa hauteur. Cette surface est légèrement plus arrondie que la surface osseuse à laquelle elle correspond, ce qui est du au tissu cellulaire qui double la peau. Elle est parcourue, de bas en haut, par la veine saphène interne qui remonte en haut sur le bord interne du triceps sural.


Article IV. — COU-DE-PIED. (Pl. 83, 84, 85 et 86.)


Le cou-de-pied forme la jonction du pied et de la jambe qui se réunissent à angle droit. Le squelette constitué par l’extrémité inférieure des os de la jambe articulés avec l’astragale, compose presque toute la région avec les tendons des muscles. Le squelette apparaît sur les côtés, les tendons en avant et en arrière. En dedans, la malléole interne volumineuse est portée en avant ; en dehors la malléole externe plus étroite, plus basse, occupe le milieu de la région en avant, les tendons sont peu distincts, couchés sur les os ; en arrière, un fort tendon très éloigné du squelette s’attache à angle droit sur le calcanéum, et forme un relief très accusé.

Nous considérerons successivement les quatre côtés que nous venons de signaler.

En avant, le cou-de-pied présente une surface arrondie transversalement, qui regarde en dehors, et où les tendons ne se dessinent que dans les mouvements violents. Cette surface se termine en dedans et en avant par le relief toujours bien distinct du tendon du jambier antérieur, qui se dirige obliquement en dedans et en bas, pour se terminer au bord interne du pied, à la saillie du scaphoïde. La saillie de ce tendon tient à une disposition anatomique sur laquelle je n’ai pas à revenir. (Voy. p. 131.)

En dedans, immédiatement après le tendon du jambier antérieur, se voit la saillie de la malléole interne qui occupe la moitié antérieure de la face interne. Toute la moitié postérieure est creusée en une large gouttière (gouttière rétro-malléolaire), dont le fond repose sur les muscles profonds de la jambe qui gagnent la gouttière du calcanéum pour atteindre la plante du pied. La gouttière rétro-malléolaire est bordée en arrière par le tendon d’Achille. Elle se prolonge en bas et en avant pour contourner la malléole, et perd en même temps de sa profondeur.

Le milieu de la face externe du cou-de-pied est occupé par la malléole externe qui se confond en avant avec le plan des extenseurs. Cette malléole est formée par l’extrémité inférieure du péroné et par les tendons des péroniers qui y sont accolés par derrière. Ces tendons atténuent la forme anguleuse de l’extrémité osseuse, en même temps qu’ils augmentent son volume. Ils n’en deviennent distincts que dans certains mouvements du pied.

Une gouttière rétro-malléolaire, plus étroite que du côté interne, borde la malléole en arrière et se prolonge au-dessous d’elle où elle prend le nom de gouttière sous-malléolaire. Cette dernière est coupée par une corde oblique qui, du sommet de la malléole, se dirige, en bas et en avant, jusqu’à l’apophyse du cinquième métacarpien. Cette corde est due au tendon du court péronier latéral.

Enfin, à la partie postérieure du cou-de-pied, se trouve le tendon d’Achille, le plus fort de tous les tendons du corps. Il décrit dans le sens antéro-postérieur une courbe légère à concavité postérieure. Il offre son minimum de largeur à la hauteur de la malléole externe, et présente un léger renflement à son insertion au calcanéum.


Article V. — PIED. (Pl. 83, 84, 85 et 86.)


Le pied doit être divisé en deux parties distinctes : le pied proprement dit ou voûte du pied, et les orteils.


Voûte du pied.


Le squelette composé du tarse et du métatarse indique la forme générale de la région, à laquelle on peut considérer : deux faces, l’une supérieure et l’autre inférieure ; deux bords, l’un externe et l’autre interne, et deux extrémités. La voûte que forme le pied est ouverte en dedans, surbaissée en dehors ; elle prend appui sur le sol par le calcanéum en arrière, par les têtes des orteils en avant, et par le cinquième métatarsien au bord interne. Les os de la jambe ne reposent pas sur son milieu, mais sur le point culminant situé plus en arrière et formé par l’astragale. (Voy. pl. 29 et 31.)

Face supérieure ou dos du pied. — Le dos du pied s’étend en avant de la jambe qui repose sur la moitié postérieure environ de la face supérieure du pied, de sorte que la face inférieure du pied, complètement libre, a beaucoup plus d’étendue. Le dos du pied reproduit la forme du squelette, sa surface arrondie s’incline en avant et en dehors. Son point culminant répond au premier et au deuxième cunéiforme articulés avec le premier et le deuxième métatarsien, il est parcouru par un grand nombre de tendons qui vont en divergeant, du milieu du cou-de-pied, à la circonférence antérieure du pied. En procédant de dedans en dehors, ce sont le tendon du jambier antérieur qui se rend au bord interne du pied, le tendon de l’extenseur propre du gros orteil, ceux de l’extenseur commun, puis celui du péronier antérieur qui descend vers l’apophyse styloïde du cinquième métatarsien.

Il faut signaler, en dehors, le relief si caractéristique du pédieux situé au-dessous et bien en avant de la malléole externe. Avant d’atteindre le bord interne, la surface du dos du pied se déprime parfois en une sorte de vallée très marquée sur la plupart des statues antiques. Enfin, sous la peau de la région, on voit se dessiner de nombreuses veines et particulièrement l’arcade veineuse du métatarse.

Plante du pied. — On désigne ainsi toute la partie du pied qui repose sur le sol. Elle représente le creux de la voûte ouverte par le dedans, et fermée en dehors, en arrière et en avant, quand le pied touche à terre.

La peau, épaisse et chargée à sa face profonde d’une graisse assez abondante, — et, en vertu d’une disposition anatomique spéciale, destinée à faire office de coussinet, — ne laisse paraître aucun détail des muscles de la région. La morphologie, comme au dos du pied, est dominée ici par le squelette, et c’est au niveau de ses points d’appui que la peau présente les caractères que je viens de signaler. Ainsi l’on remarque, en avant, un épais bourrelet étendu sous les articulations métatarso-phalangiennes ; la saillie la plus forte répond au gros orteil en raison du volume de son extrémité antérieure et de la présence des os sésamoïdes à la face inférieure de l’articulation. Ce bourrelet empiète sur les orteils qui, vus par la face plantaire, paraissent plus courts. Nous avons vu aux doigts une disposition identique. Tout le long du bord externe du pied la peau présente les mêmes caractères, ainsi qu’en arrière, au-dessous du calcanéum, au niveau d’une vaste surface d’appui de forme ovalaire. Au sommet de la voûte, la peau plus fine présente des plis obliques, qui s’exagèrent lorsque le pied se cambre.

En résumé, les points d’appui sur le sol, talon, bord externe et base des orteils, décrivent plus des trois quarts de la circonférence du pied.

Le bord interne, épais, surélevé, opère la transition entre la voûte plantaire et la gouttière rétro-malléolaire interne. On y sent, en arrière, le relief musculaire de l’abducteur du gros orteil, puis la saillie osseuse du scaphoïde où aboutit la corde du jambier antérieur, et, tout en avant, la volumineuse articulation du gros orteil. Il est parcouru par les réseaux veineux de la grande veine externe du pied.

Le bord externe, bien plus mince, repose en entier sur le sol. Il est marqué, en son milieu, du relief de l’extrémité postérieure du cinquième métatarsien.


Orteils.


Les doigts du pied présentent tous les caractères des doigts de la main, mais, à l’exception du ponce, ils sont petits, recourbés, terminés par une extrémité élargie qui repose sur le sol.

Le pouce, beaucoup plus volumineux, est séparé des autres orteils par un intervalle que les anciens utilisaient pour le passage des courroies de leurs sandales. Nos chaussures altèrent nécessairement la direction des orteils, en les rapprochant les uns des autres ; ils subissent en outre, en vertu de la compression à laquelle ils sont soumis, un véritable aplatissement latéral. Tout en faisant la part de ces déformations acquises, voici, touchant la direction des orteils, le résultat de nos observations. Le gros orteil ne continue pas la direction du premier métatarsien, lequel forme le bord interne du pied. Il s’incline un peu en dehors vers l’axe médian du pied. Cette disposition, qu’exagère certainement l’usage des chaussures, existe à un degré très manifeste sur les statues antiques. Le deuxième et le troisième orteil sont à peu près parallèles au premier. Leur axe prolongé en arrière rencontrerait la malléole interne. Le dernier ou cinquième orteil suit une direction inverse. Son axe converge avec celui des orteils précédents, et, prolongé en avant, les rencontrerait environ à une demi-longueur de pied. Quant au quatrième orteil, dont je n’ai pas encore parlé, il suit une direction variable, tantôt semblable à celle des troisième et deuxième orteils, tantôt parallèle à celle du cinquième. C’est cette dernière disposition qu’on rencontre le plus souvent sur les statues antiques. On remarque en outre, sur ces mêmes statues, que le petit orteil soulevé ne repose pas sur le sol.

Comme les doigts de la main, les orteils sont de longueur inégale. Le gros orteil est souvent le plus long. D’autres fois, c’est le second orteil qui l’emporte. On retrouve, sur l’antique, l’une et l’autre de ces dispositions. Le troisième orteil est plus court que le deuxième de toute la longueur de l’ongle. Le quatrième n’atteint pas l’ongle du troisième, et le cinquième est situé encore plus en arrière.

La surface dorsale des orteils est arrondie, de légers renflements trahissent les articulations phalangiennes. Si l’on considère la face inférieure, le pied au repos, on ne voit qu’un sillon profond qui sépare la plante de l’extrémité élargie des orteils. Il faut étendre ces derniers pour découvrir leur face inférieure dans toute son étendue, et distinguer les plis de flexion, au nombre de deux, correspondant aux articulations.


Article VI. — MOUVEMENTS DE LA HANCHE.


§ 1. — Mécanisme.


L’articulation coxo-fémorale préside aux mouvements de la cuisse sur le bassin. Sans revenir sur les détails anatomiques donnés plus haut (voy. p. 60), je rappellerai que, si la tête fémorale est profondément située, le grand trochanter est sous-cutané et qu’il subit, dans les différents mouvements de l’articulation, des déplacements que l’artiste a grand intérêt à connaître.

Ces mouvements sont de trois espèces : 1° flexion et extension ; 2° abduction et adduction ; 3° rotation.

La flexion et l’extension ont lieu autour d’un axe transversal. Le grand trochanter, à cause de l’inclinaison du col, est situé sur un plan inférieur à la tête fémorale, d’où il suit qu’il s’élève dans la flexion et se rapproche un peu de la crête iliaque.

Dans la rotation, le grand trochanter décrit un arc de cercle antéro-postérieur, et se porte en avant dans la rotation en dedans, et en arrière dans la rotation en dehors.

Dans l’abduction, le grand trochanter s’élève et se rapproche de la crête iliaque ; il s’en éloigne et descend dans l’adduction.


§ 2. — Action musculaire.


a) Rotation. — Tous les rotateurs en dehors sont des muscles profonds. Ce sont : le pyramidal, les jumeaux, l’obturateur interne, l’obturateur externe et le carré crural[11]. Leur action est puissante, malgré leur petit volume et à cause de la direction des fibres charnues perpendiculaires aux leviers à mouvoir.

Elle est contre-balancée, mais incomplètement, par l’action moins énergique des rotateurs en dedans, qui sont le petit fessier et le moyen fessier dans leur moitié antérieure seulement. De sorte que dans le repos musculaire la pointe du pied se dirige naturellement en dehors. De tous ces muscles, le moyen fessier, seul superficiel, influe sur la forme extérieure. Ainsi, dans la rotation en dehors, son relief est très augmenté.

b) Flexion et extension. — Les muscles fléchisseurs sont le psoas-iliaque, le tenseur du fascia lata, le couturier, le pectiné et un peu le droit antérieur.

Le psoas-iliaque et le pectiné, muscles profonds, ne se révèlent guère à l’extérieur ; il n’en est pas de même du tenseur du fascia lata, du couturier et du droit antérieur.

Le psoas-iliaque est en même temps rotateur en dehors. Cette dernière action est contre-balancée par une action rotatrice en sens inverse du tenseur du fascia lata. Le pectiné est en même temps adducteur. Le couturier agit en outre sur la jambe, qu’il fléchit également. Le droit antérieur est surtout extenseur de la jambe, son action de flexion de la cuisse sur le bassin est très limitée, il intervient dans les mouvements de force, la jambe étant préalablement fléchie.

Les muscles extenseurs de la cuisse sur le bassin sont le grand fessier et les muscles postérieurs de la cuisse. Le grand fessier est un muscle puissant, mais il n’intervient guère que dans les mouvements qui exigent un grand déploiement de force.

c) Abduction et adduction. — L’abduction est produite par le moyen et le petit fessier. Ces deux muscles, prenant leur point fixe sur le fémur, maintiennent le bassin, lorsque, dans la marche, la jambe du côté opposé quitte le sol.

L’adduction possède des muscles puissants dans le groupe des adducteurs, dont quelques-uns sont un peu fléchisseurs en même temps et rotateurs de la cuisse en dehors, à l’exception de la portion inférieure du grand adducteur qui est rotatrice en dedans et à laquelle Duchenne de Boulogne attribue un rôle important dans l’attitude du cavalier[12].

§ 3. — Modifications des formes extérieures. (Pl. 105, 106 et 107.)


RÉGION DES FESSES DANS LA STATION SUR UN PIED.

LA JAMBE DROITE EST PORTÉE EN ARRIÈRE.

LA JAMBE DROITE EST PORTÉE EN AVANT.
STATION SUR LE PIED GAUCHE.

A. Extension. — L’attitude d’extension a déjà été étudiée. Elle existe dans la station debout, et il est curieux de constater que le muscle extenseur par excellence de l’articulation, le grand fessier, n’est pas contracté. Toute paradoxale qu’elle puisse paraître, la chose s’explique facilement. Dans la station debout, le centre de gravité du tronc passe en arrière de l’articulation coxo-fémorale, et l’action de la pesanteur suffit ainsi à maintenir l’extension limitée par la distension du fort trousseau fibreux, situé à la partie antérieure de l’articulation et désigné sous le nom de ligament de Bertin. Le grand fessier n’intervient alors que pour rétablir l’équilibre, lorsque, par un déplacement des parties supérieures du corps, le tronc a tendance à tomber en avant. Il se contracte également dans tous les mouvements violents du torse. Lorsqu’il prend son point d’appui sur le bassin, le grand fessier porte le membre inférieur en arrière. Sa contraction apporte de grands changements à la morphologie de la région fessière. Considérons, par exemple, le modèle dans la position du type choisi pour l’étude. (Voyez pl. 78.) Les grands fessiers ne sont point contractés. Mais si nous prions le modèle de porter en arrière le membre inférieur droit, par exemple, oh voit aussitôt la fesse de ce côté devenir étroite, globuleuse et allongée ; la gouttière rétro-trochantérienne qui se creuse l’échancre en dehors, et lui donne un aspect réniforme. (Voy. les figures de la page précédente.) Le pli fessier disparaît presque, et le bord inférieur du muscle se dessine avec son obliquité naturelle. A la surface, les faisceaux musculaires secondaires apparaissent quelquefois. Le contraste est frappant avec la fesse du côté opposé, qui est large et aplatie. Mais si, au lieu d’être porté en arrière, le même membre inférieur est porté légèrement en avant, on observe une transformation complète des formes de toute la région. C’est la fesse opposée qui entre en contraction, ce qui s’explique par la nécessité de maintenir la rectitude du tronc entraîné par le poids de la jambe portée en avant, pendant que de ce même côté, la fesse est large, distendue et aplatie. Dans la flexion légère du tronc en avant, on voit les deux fesses se contracter simultanément. (Voy. pl. 94.)

B. Flexion. — Nous étudierons la flexion de la cuisse sur le bassin produite sans effort, afin de faire la part exacte des muscles fléchisseurs, dans les formes extérieures de la région. (Voy. pl. 105 et 106.) En effet, les deux muscles fléchisseurs, couturier et tenseur du fascia lata, se dessinent vigoureusement sous la peau. Leurs tendons, qui se rejoignent à l’épine iliaque antérieure et supérieure, font une vive saillie qui augmente la profondeur de la dépression qu’ils interceptent (dépression fémorale). Le fascia lata tendu par son muscle tenseur, repousse en avant la masse du vaste externe, le droit antérieur n’est pas contracté.

En arrière, la fesse aplatie, élargie, se continue avec la face postérieure de la cuisse. Le pli fessier est supprimé. En dehors, au niveau de l’articulation de la hanche, des formes nouvelles se produisent qui méritent une mention spéciale. Le grand trochanter est moins visible ; il disparaît presque sous le tendon du grand fessier, d’où l’élargissement de la fesse. Le moyen fessier non contracté est divisé en deux parties par le faisceau aponévrotique fémoral qui va de la crête iliaque au tendon du grand fessier (voy. page 107). La tension de ce faisceau limite le mouvement et creuse un sillon à son niveau. La partie postérieure du moyen fessier se confond avec le grand fessier, pendant que sa portion antérieure forme un relief allongé qui embrasse la vive saillie du muscle tenseur contracté.

En avant, le pli de l’aine se creuse, il existe à son niveau plusieurs plis cutanés. Dans la flexion plus accusée, on retrouve les mêmes caractères morphologiques ; il me semble superflu d’y insister.

C. Abduction. — Le relief du moyen fessier s’observe en deux circonstances, quand la jambe se porte en dehors, et lorsque le bassin a besoin d’être incliné ou maintenu, par exemple, si la jambe du côté opposé est soulevée du sol. Dans ce dernier cas, il prend son point fixe en bas sur le fémur.

D. Adduction. — L’adduction ne peut exister sous la flexion ; elle augmente la saillie du grand trochanter.


Article VII. — MOUVEMENTS DU GENOU.


§ 1. — Mécanisme.


Les mouvements de la jambe sur la cuisse se passent dans l’articulation du genou, et sont de deux espèces :

a) Mouvement autour d’un axe transversal, à la manière d’une charnière, flexion et extension ;

b) Mouvement de la jambe autour d’un axe vertical, rotation. La pointe du pied est portée en dedans on en dehors ; la rotation est plus grande en dehors qu’en dedans.

Ce dernier mouvement n’est possible que dans les positions intermédiaires entre la flexion et l’extension.


§ 2. — Action musculaire.


Extension de la jambe sur la cuisse. — Ce mouvement est sous la dépendance du muscle puissant qui occupe toute la partie antérieure de la cuisse, le quadriceps crural, dont les diverses portions ont une action un peu différente. Celles qui s’attachent au fémur, vaste externe, crural, vaste interne, produisent exclusivement l’extension de la jambe. Le droit antérieur est en outre fléchisseur du bassin.

Flexion. — La flexion est déterminée par les muscles superficiels suivants : le couturier, qui est en même temps rotateur en dedans ; le droit interne, qui est aussi adducteur de la cuisse et rotateur de la jambe en dedans ; le demi-tendineux et le biceps, qui sont en même temps rotateurs de la jambe ; le demi-membraneux, exclusivement fléchisseur, et les jumeaux, qui sont à la fois extenseurs du pied.

Le poplité, muscle profond, faible fléchisseur, est surtout rotateur en dedans.

Rotation. — Les muscles rotateurs sont en même temps fléchisseurs de la jambe sur la cuisse. Ce qui s’explique, puisque le mouvement de rotation n’a lieu que dans la flexion du membre.

Les rotateurs en dedans sont : le demi-tendineux, le droit interne et le couturier, ces deux derniers peu puissants. Il faut encore désigner le poplité, faible fléchisseur, mais puissant rotateur en dedans, qui, avec les précédents, contre-balance l’action puissante du biceps rotateur en dehors.


§ 3. — Modifications des formes extérieures. (Pl. 105, 106 et 107.)


A. Extension. — L’extension a déjà été étudiée, comme pour la hanche, dans les descriptions consacrées aux formes au repos. Dans l’attitude conventionnelle, le genou est étendu, mais on constate que le muscle extenseur, le quadriceps, n’en est pas moins dans le relâchement, ce qui s’explique par ce que le centre de gravité du tronc, qui passe en arrière de l’articulation coxo-fémorale, passe en avant de l’articulation du genou, et que, ici comme là, l’article est maintenu par le seul fait de la pesanteur en extension passive, mouvement limité par la résistance des ligaments distendus. On voit alors, ainsi que je l’ai déjà décrit, les diverses portions du quadriceps se fondre, pour ainsi dire, en une masse uniforme d’où se détachent en bas deux saillies inégales, sur lesquelles je me suis longuement étendu, les reliefs des extrémités inférieures du vaste interne et du vaste externe. Lorsque le quadriceps se contracte, tout change. Le droit antérieur se dessine nettement au milieu de la cuisse et, sur les côtés, le vaste interne et le vaste externe, pendant que les reliefs inférieurs disparaissent. La région sous-rotulienne offre, par contre, des formes plus simples, les plis transversaux sont supprimés, le relief du tendon rotulien s’accentue.

B. Flexion. — Dans la flexion du genou, la rotule, appliquée contre la trochlée fémorale, s’enfonce dans le vide ouvert en avant entre le fémur et le tibia, et la saillie qu’elle fait dans l’extension, s’efface d’autant plus que la flexion est plus prononcée.

Le tendon rotulien est distendu, et, de chaque côté, les pelotons adipeux font des saillies qui augmentent avec le degré de flexion, si bien que, dans la flexion extrême, elles dépassent le niveau du tendon, qui se trouve alors au fond d’une sorte de gouttière.

Les deux condyles du fémur forment, plus en arrière, deux reliefs latéraux très appréciables sous la peau, mais inégaux et avec des caractères distincts. En dedans, le condyle interne n’apparaît que dans une petite étendue ; il est coiffé, pour ainsi dire, par l’extrémité inférieure du corps charnu du vaste interne, ce qui donne à tout ce côté du genou une forme arrondie, pendant que le côté externe, où le rebord de la trochlée est très visible, forme un angle tranchant, se continuant avec la tubérosité externe. Le vaste externe est situé plus haut ; mais on observe la saillie très distincte du crural découvert par le fascia lata, dont la corde se sent plus bas. L’interligne articulaire est surtout visible en dehors. (Pl. 105.)

En arrière, se creuse le jarret, limité latéralement par les tendons des muscles postérieurs de la cuisse qui font comme deux rebords. Le rebord interne descend plus bas, de sorte que le jarret s’ouvre, non pas directement en arrière, mais en arrière et en dehors. Il est formé par les tendons du droit interne et du demi-tendineux doublés en dedans par l’extrémité inférieure du couturier. Le rebord externe est constitué par le fort tendon du biceps qui s’arrête à la tête du péroné.

Le creux du jarret est profond près de la jambe ; il s’atténue progressivement du côté de la cuisse. Il constitue une sorte d’excavation qui reçoit, dans la flexion forcée, l’extrémité supérieure des jumeaux.


Article VIII. — MOUVEMENTS DU PIED.


§ 1. — Mécanisme.


Les mouvements du pied sont de deux sortes :

a) Ceux qui ont lieu autour d’un axe transversal, et en vertu desquels la pointe du pied est soulevée ou abaissée ; si la pointe du pied est soulevée, c’est la flexion ; si elle s’abaisse, c’est l’extension ou flexion plantaire ; ces mouvements se passent dans l’articulation tibio-tarsienne ;

b) Ceux qui ont lieu autour d’un axe antéro-postérieur, et en vertu desquels la pointe du pied est dirigée en dedans, adduction, ou en dehors, abduction.

L’adduction s’accompagne d’un mouvement de torsion qui fait que le bord interne du pied s’élève, que l’externe s’abaisse, et que la voûte plantaire se creuse.

Dans l’abduction, c’est le contraire : le bord interne s’abaisse, l’externe s’élève, et la voûte plantaire est surbaissée. Ce dernier mouvement est moins puissant et plus limité que l’adduction. Tous deux se passent dans les articulations du tarse.


§ 2. — Action musculaire.


Extension. — Ainsi que l’a démontré Duchenne de Boulogne, deux muscles agissant simultanément sont nécessaires pour l’extension directe : le triceps sural, qui est en même temps adducteur du pied, et le long péronier latéral, qui est aussi abducteur. Les muscles long fléchisseur commun des orteils et long fléchisseur du gros orteil sont impuissants comme extenseurs du pied sur la jambe.

Flexion. — Comme l’extension, la flexion directe exige le concours simultané de deux muscles le jambier antérieur qui est en même temps adducteur, et l’extenseur commun des orteils qui est aussi abducteur. Le péronier antérieur est une dépendance de l’extenseur commun des orteils dont l’action sur la jambe est plus puissante que sur les orteils, lesquels sont étendus avec force par le pédieux.

Abduction et adduction. — Le court péronier latéral porte le pied directement dans l’abduction, et le jambier postérieur dans l’adduction.

L’un et l’autre maintiennent le pied à un degré intermédiaire entre la flexion et l’extension.


§ 3. — Modifications des formes extérieures.


Flexion. — Dans la flexion, l’avant-pied se porte en haut, faisant un angle aigu avec la jambe pendant que le talon descend.

Si la flexion est directe, le tendon du jambier antérieur et ceux de l’extenseur commun des orteils font des saillies fort distinctes au cou-de-pied. Si le pied est en même temps porté en dedans, la saillie du tendon du jambier augmente. S’il est dirigé en dehors, on voit sous la malléole se dessiner le tendon du court péronier latéral.

A la jambe, le corps charnu du jambier antérieur s’accuse vigoureusement, et son extrémité supérieure se confond avec le relief de l’extenseur commun.

Extension. — Dans l’extension, l’avant-pied se place dans la direction de la jambe, le talon s’élève, la saillie du dos du pied s’accentue. Sur le devant de la jambe, le relief supérieur du jambier antérieur et de l’extenseur commun est remplacé par une dépression, mais, plus en dehors, sous la tête du péroné, apparaît une nouvelle saillie très accentuée, due au long péronier latéral. Ce relief très intéressant relève, sur la silhouette externe du membre vu de face, la courbe qui cerne la jambe à sa partie supérieure. Cette forme apparaîtra toujours sur une figure qui porte sur la pointe des pieds. On voit, en outre, en arrière de la malléole externe, le tendon du long péronier latéral faire une saillie distincte.

Le modelé de la partie postérieure de la jambe diffère suivant que le membre inférieur est étendu ou fléchi.

Dans la station sur la pointe du pied, la contraction du triceps sural est très forte. Elle dessine toutes les formes du muscle, les saillies et les méplats des jumeaux, les reliefs latéraux du soléaire et la corde du tendon d’Achille, qui décrit une courbe au-dessus du talon.

Si le membre inférieur est étendu sans que le pied touche le sol, on peut encore observer, lors de l’extension du pied, que le triceps tout entier se contracte, bien qu’à un degré moindre.

Si enfin le genou est préalablement fléchi, l’extension du pied se produit néanmoins ; mais on note une flaccidité absolue de tout le mollet et, par suite, le relâchement complet du tendon d’Achille.


Article IX. — MOUVEMENTS DES ORTEILS.


Les orteils exécutent des mouvements de flexion et d’extension, et aussi des mouvements de latéralité assez limités. Dans la flexion, les orteils se pressent les uns contre les autres ; dans l’extension, ils ont une tendance à s’écarter.

Dans la flexion, l’extrémité arrondie de la phalangette vient toucher le bourrelet antérieur de la plante du pied qui se trouve, dans toute son étendue (moins le talon), sillonnée de plis nombreux, à direction fort variable. A la face dorsale, les articulations des phalanges entre elles, et surtout l’articulation des phalanges avec les métatarsiens, se dessinent en saillie.

L’extension des orteils efface les plis de la plante du pied et y fait saillir une corde épaisse qui comble le sommet de la voûte, se dirige du talon vers le gros orteil, et est due à la tension de l’aponévrose plantaire.

Quelques plis cutanés se dessinent à la face dorsale de l’articulation phalango-métatarsienne du gros orteil, où se voit également le tendon de l’extenseur propre.

A la face inférieure du pied, le relief ordinaire de cette même articulation s’accroît d’autant plus que l’extension est plus prononcée.

CHAPITRE V

DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN.


De tout temps les artistes se sont préoccupés des proportions du corps humain ; ils ont cherché à les fixer en un type qui devient la règle à suivre dans les ouvrages d’art et qui porte le nom de canon.

Les ouvrages de ce genre, dus aux artistes de l’antiquité, ne sont pas arrivés jusqu’à nous[13].

Les textes qui les signalent sont formels, mais peu circonstanciés, et l’on en est réduit, presque entièrement, aux conjectures tirées des œuvres d’art exécutées sous leur inspiration.

Sans entrer dans de grands détails sur un sujet qui exerce depuis longtemps la sagacité des artistes et des archéologues, il nous a paru utile d’indiquer, en quelques mots, l’état de la question.

Le plus ancien est le canon égyptien dont Ch. Blanc a cru trouver la clef dans la mesure du doigt médius qui serait compris dix-neuf fois dans la hauteur totale du corps.

Les Grecs auraient eu plusieurs canons, tous bien différents de celui des Égyptiens. Celui de Polyclète, le plus célèbre, définit le type de l’athlète répondant à l’idée que se faisaient les Grecs, et surtout les Doriens, de l’homme sain et fort, apte aux exercices du gymnase et au maniement des armes de guerre. Le Doryphore et l’Achille Borghèse en sont des exemples. D’après M. Guillaume, la palme ou la largeur de la main au niveau de la racine des doigts serait l’unité de mesure choisie par Polyclète. Cette mesure ne s’applique plus au canon de Lysippe qui introduisit plus d’élégance dans la structure de l’homme, fit les têtes plus petites, les corps moins carrés, et donna à l’ensemble de la figure un aspect plus élancé. L’Apollon du Belvédère répond à ce type.

C’est ce canon de Lysippe « qui est, selon toute vraisemblance, dit M. Guillaume, celui qui nous a été conservé par Vitruve, celui que suivaient les Byzantins, que l’on retrouve dans le livre de Cennino Cennini, et qu’ont en partie adopté les modernes. Dans ce canon ce n’est plus la palme ou le pied, mais c’est la tête avec ses subdivisions qui sert de module. »

En traçant ces règles des proportions humaines, les artistes poursuivaient un double but. Ils cherchaient d’abord à mettre en lumière la raison des harmonies du corps humain, à en fixer la symétrie dans le sens que les Grecs attribuaient à ce mot, c’est-à-dire les rapports qui existent entre l’ensemble et les diverses parties qui le composent ; tous leurs efforts tendaient vers la réalisation, par ce moyen, d’un certain idéal de beauté.

Mais, comme le dit l’auteur de l’article Canon du Dictionnaire de l’Académie des beaux-arts, « l’idée abstraite que l’on peut se faire de la proportion reste supérieure aux choses les mieux proportionnées. La proportion comme la beauté elle-même est un noble tourment de l’intelligence, un puissant mobile de progrès, mais elle ne saurait être réalisée dans ce qu’elle a d’absolu. Les plus grands artistes l’ont poursuivie, et chacun d’eux n’a pu la réaliser qu’en lui imprimant son sentiment individuel. »

D’ailleurs, en formulant un canon, les artistes n’ont pas songé à exécuter toutes leurs figures d’après ce même modèle. Leurs ouvrages le prouvent surabondamment. Dans l’antiquité, ces règles variaient avec le caractère du sujet à représenter, et elles étaient certainement bien différentes, suivant qu’il s’agissait de la statue d’un mortel ou d’un dieu, et, parmi les dieux, d’Apollon, de Mars, de Mercure, ou de Eros, par exemple. On peut donc dire que le canon variait avec le modèle, et qu’il devait exprimer le rapport exact du caractère physique et du caractère moral et intellectuel.

Tel était le but poursuivi par Polyclète lorsqu’il exécuta son Doryphore, type de l’athlète accompli, qui eut tant de renommée, et au sujet duquel on disait qu’il avait mis l’art tout entier dans une œuvre d’art.

Le second mobile, auquel ont obéi les artistes en donnant des règles de proportions, — et il semble que ce soit surtout celui cherché par les modernes, — est moins élevé et d’ordre technique pour ainsi dire. Il consiste à mettre entre les mains de l’artiste un moyen simple qui lui permette de construire des figures proportionnées, de déterminer facilement, par exemple, étant donnée la dimension du personnage, qu’elles doivent être les mesures de chacune des parties ou inversement. Ce n’est plus alors qu’une sorte de guide, dont l’artiste s’éloigne à son gré et qui n’a pas d’autre prétention que de faciliter son travail.

Toutes les recherches des modernes dérivent d’un passage assez obscur de Vitruve, qu’elles commentent, expliquent et cherchent à compléter. Il y est dit, entre autres, que la tête est comprise huit fois dans la hauteur du corps et la face dix fois ; que la taille est égale à la dimension des bras étendus en croix ; et que le centre du corps est au nombril.

Léonard de Vinci expliqua et fixa ces données de Vitruve dans la double figure bien connue de l’homme inscrit dans le carré et dans le cercle.

L’homme, étendant les bras en croix et les mains ouvertes, peut être inscrit dans un carré dont il touche les quatre côtés par la tête, les pieds et les extrémités des doigts du milieu. Les bras étant un peu plus élevés et les jambes écartées, l’homme peut alors être inscrit dans un cercle dont le centre est au nombril, et dont les pieds et l’extrémité des mains touchent à la circonférence. Léonard de Vinci indiqua en outre, ainsi qu’on peut le voir sur la figure ci-jointe, les proportions des diverses parties du corps. Nous aurons occasion de revenir par la suite sur quelques-unes des mesures qu’il donne.


FAC-SIMILÉ D’UN DESSIN DE LÉONARD DE VINCI.

Je me contenterai de citer le volumineux et obscur mémoire d’Albert Durer, ainsi que les travaux de Lomazzo, de Christophe Martinez, de Rubens, et de bien d’autres qu’on ne consulte plus guère qu’à titre de curiosité, pour m’arrêter comme il convient sur les quelques ouvrages qui résument tous les autres.

De tous les auteurs qui ont écrit sur la matière, le plus clair, le plus précis est sans contredit Jean Cousin, dont le petit livre est actuellement encore très répandu dans les écoles.

La tête est prise comme unité de longueur ; elle est mesurée du sommet du crâne à la limite inférieure du menton. La tête elle-même est subdivisée en quatre parties.

La première section divise le front ; sur la seconde sont les yeux ; sur la troisième, le nez, et sur la quatrième, l’extrémité du menton à quoi l’on ajoute une cinquième partie, qui détermine la longueur du col.

La ligne du milieu, sur laquelle sont les yeux, doit être divisée en cinq parties ; la seconde et la quatrième sont occupées par les yeux. La longueur de chaque œil se divise en trois parties dont l’une est occupée par la prunelle. L’ouverture de l’œil est du tiers de sa longueur. La largeur du nez est égale à l’espace compris entre les yeux. La bouche a de longueur un œil et demi. Les oreilles s’étendent en hauteur depuis la ligne des yeux jusqu’à celle du nez.

La hauteur du corps, du sommet de la tête au sol, est divisée en huit parties, dont chacune égale la longueur de la tête, et ainsi réparties : la première et la plus élevée comprend la tête ; la seconde s’étend du menton jusqu’aux tetons ; la troisième, des tetons au nombril ; la quatrième, du nombril aux organes génitaux ; la cinquième, des organes génitaux à la moitié de la cuisse ; la sixième, de la moitié de la cuisse au dessous du genou ; la septième, du dessous du genou au dessous du mollet ; enfin la huitième, du mollet à la plante du pied. Le milieu du corps se trouve donc placé au niveau des organes génitaux.

Les principales mesures de largeur sont : deux têtes au niveau des épaules ; deux faces ou six longueurs de nez au niveau des hanches.

Le membre supérieur présente trois longueurs de tête ainsi réparties : depuis son attache à l’épaule jusqu’à l’articulation (?) du poignet, deux têtes du poignet à l’extrémité du doigt médius, une tête.

Il en résulte que la grande envergure, se composant des deux bras et de la largeur des épaules, égale huit têtes ou la hauteur totale de l’individu.

La main égale une face ou trois nez ; le pied a une tête de long.

Ainsi qu’on le voit, le canon de Jean Cousin est simple, rapportant toutes les dimensions du corps à la hauteur de la tête, subdivisée elle-même en quatre parties égales, répondant chacune à la longueur du nez ; et son application facile explique la faveur dont il jouit.

Il faut convenir néanmoins qu’il ne présente pas toute la précision désirable, et qu’il y règne quelques obscurités. Par exemple, la quatrième division qui marque le milieu du corps répond aux organes génitaux, mais à quel niveau de ces organes ? C’est ce qui n’est point dit. De même pour les subdivisions du membre inférieur, ou se trouve le milieu de la cuisse ? A quoi répond le dessous du genou, le dessous du mollet ? Parmi les mesures du tronc, le texte dit, d’un côté, que la deuxième division correspond aux tetons, et, à un autre endroit, qu’elle est placée au-dessous des pectoraux.

On pourrait espérer, par l’intelligence des figures, suppléer aux obscurités et aux omissions du texte ; mais là encore les figures relatives aux diverses parties du corps ne répondent plus à la figure d’ensemble. Par exemple, dans les proportions du torse, sur les figures qui y sont spécialement consacrées, on voit les divisions correspondre au sommet des épaules, au-dessous des pectoraux, à l’ombilic et aux organes génitaux ; il n’en est plus de même sur la figure d’ensemble, où les deux divisions les plus élevées correspondent, la première à la base du menton, et la deuxième aux tetons. Pour le membre inférieur, la division qui est au dessous du genou sur la figure d’ensemble le coupe par la moitié sur le dessin de la jambe isolée.

Les mesures adoptées par Gerdy ne diffèrent pas beaucoup de celles de Jean Cousin. Il conserve les mesures de hauteur, à l’exception de celle du cou, auquel il donne une partie et demie à deux parties. Il complète les mesures de largeur, mais le point capital à relever dans le canon que donne cet auteur, c’est la tendance à une plus grande précision en introduisant, parmi les points de repère qui servent aux mesures, les saillies dues au squelette, telles que la saillie de la proéminente, la saillie costo-abdominale, l’épine du tibia.

Comme celui de Jean Cousin, le canon de Gerdy mesure huit têtes dans la hauteur du corps. Cette proportion ne se rencontre qu’exceptionnellement dans la nature. Les artistes eux-mêmes l’ont parfaitement reconnu, et si nous trouvons sur certaines statues de l’antiquité grecque la dimension en hauteur mesurant huit têtes, sur nombre d’autres elle est réduite à sept têtes trois quarts, sept têtes et demie et même sept têtes.

La proportion de sept têtes et demie a été conservée dans un canon que donne Ch. Blanc sous le nom de « Canon des ateliers », et qui, en conséquence, diffère sensiblement de celui de Jean Cousin. Nous devons nous y arrêter un instant.

La tête, comme je l’ai dit, est comprise sept fois et demie dans la hauteur du corps, le cou a deux parties de hauteur, ce qui paraît excessif, et le tronc neuf parties du pubis au creux sus-sternal, ce qui par contre semble court. Le tronc se subdivise aussi en trois parts égales, composées chacune de trois parties ou une face : une part du creux sus-sternal au-dessous des pectoraux, une seconde de ce point à l’ombilic, et une troisième de l’ombilic au pubis.

La position du genou est aussi vaguement indiquée que dans celui de J. Cousin. On compte six parties de la racine de la verge au-dessus du genou, une partie et demie au genou, six parties du dessous du genou au cou-de-pied, et une partie et demie du cou-de-pied au sol. Mais où commence et finit le genou ? C’est ce que Charles Blanc n’indique pas.

En résumé, ce qui frappe lorsqu’on considère les canons artistiques, c’est le peu de précision des points de repère en général, de telle sorte qu’il est possible de construire, sur un même canon, des types de proportions vraiment bien différentes suivant l’interprétation que l’on fait subir à certaines mesures. Il est vrai que la chose en soi n’a pas grande importance, puisque le canon n’est qu’un guide que l’artiste modifie à son gré. Mais il semble néanmoins que, puisque le guide existe, la précision ne saurait lui nuire, ne serait-ce que pour servir à l’artiste de point de comparaison, et lui permettre de se rendre un compte exact des modifications qu’il juge à propos de lui faire subir. Je ne parle pas des avantages qui pourraient en résulter, au point de vue technique, pour la construction des figures.

On peut se demander, d’autre part, jusqu’à quel point les canons artistiques, dont nous venons de donner les proportions, sont conformes à la réalité des choses. Les tendances actuelles qui poussent l’art dans la voie de la vérité et de la nature, font naître cette question, et l’on est tout naturellement tenté de vérifier, sur le modèle, les mesures recueillies par la tradition artistique. Mais les proportions individuelles sont fort variables, il faudrait donc mesurer un grand nombre d’individus, puis prendre des moyennes. Il faudrait, en outre, distinguer entre les différents âges, les différents sexes, les différentes races. Or, c’est la justement le rôle qui incombe à une science née d’hier, mais dont les développements ont été si considérables et si rapides ; je veux parler de l’anthropologie.


figure extraite du Traité de la peinture de léonard de vinci.

Cette figure montre que la distance du sommet de l’épaule à l’olécrane égale la distance de ce dernier à l’articulation métacarpo-digitale du médius


figure extraite du Traité de la peinture de léonard de vinci.

Cette figure montre que la largeur des épaules égale l’avant-bras et la main mesurés de l’extrémité du doigt médius qu-dessus de l’olécrane.

C’est à l’anthropologie que revient la détermination des proportions du corps humain, mais son point de vue diffère essentiellement, de celui des artistes. Elle admet qu’il y a autant de canons que de types multiples qui composent le genre humain. Elle s’appuie sur des statistiques et procède par moyennes. Au lieu de chercher un module comme point de départ et de le répéter une ou plusieurs fois dans chacune des parties dont se compose la figure, elle consigne le fait brutal par lequel certains rapports entre les parties sont constatés, sans que ces rapports soient nécessairement simples.

Ces idées ont été exposées avec beaucoup de justesse par le docteur Topinard, qui a indiqué clairement la voie à suivre dans la détermination des différents canons humains. Mais il reconnaît que, sur ce point, la science est encore presque-tout entière à faire. Il faut pour arriver à un résultat des mensurations en grand nombre, faites avec méthode et précision, sur des sujets dont l’âge, le sexe et surtout la race soient nettement déterminés, et ce dernier point surtout, étant donné le mélange des races, n’est pas toujours facile à réaliser. En attendant ce que nous réservent les travaux futurs des anthropologistes, le docteur Topinard, utilisant les documents déjà considérables qui existaient sur les mesures de l’Européen, a fait la première tentative de ce genre. Il a dressé sur ce point spécial le bilan de la science, suivant sa propre expression, et, ne prenant en considération que les mensurations les mieux comprises et offrant le plus de garantie, il a établi le canon moyen de l’homme européen et adulte.


PARTIES DU CORPS AYANT COMME COMMUNE MESURE UNE TÊTE OU DEUX DEMI-TÊTES

Les mesures sont formulées en termes scientifiques, c’est-à-dire qu’elles sont toutes rapportées à la taille totale prise pour 100. Il ne peut donc être d’aucune utilité directe pour les artistes, mais il est intéressant de le comparer aux canons artistiques. Or, il est curieux d’observer qu’il existe entre le canon scientifique et le canon artistique de très grandes ressemblances. « Ce qui témoigne à la fois, dit le docteur Topinard, de l’excellence du coup d’œil des artistes et de la valeur des mensurations prises par les anthropologistes. » Il existe néanmoins quelques divergences.

La mesure de huit têtes, comprise dans la hauteur du corps, n’existe que chez les individus de haute taille. Dans les petites tailles, la tête n’est comprise que sept fois. Dans le canon scientifique, la tête est comprise sept fois et demie dans la hauteur du corps, comme dans le canon des ateliers de Blanc. D’autre part, la grande envergure n’est égale à la taille qu’une fois sur dix. La règle des artistes n’est donc à cet égard qu’une exception. Dans le canon scientifique, la grande envergure est de 104, la taille étant considérée comme 100. Le membre supérieur serait un peu trop court dans le canon artistique ; le cou, trop court dans le canon de J. Cousin, serait trop long dans celui de Blanc, etc… Je passe sur les autres détails comparatifs qui sont en somme sans importance.

En présence de ces résultats si intéressants, j’ai pensé que s’il n’y avait pas lieu de créer de nouveaux canons artistiques, peut-être pouvait-on chercher à introduire dans ceux qui existaient déjà un peu de la précision scientifique, principalement dans la détermination des points de repère qui président aux mensurations partielles. Tel a été le but que je me suis proposé en dessinant les trois planches 108, 109 et 110.

J’ai cherché, en outre, à simplifier les mesures en supprimant autant que possible les fractions.


PARTIES DU CORPS MESURANT UNE TÊTE ET DEMIE

Cet essai que je soumets aux artistes conserve la plupart des traditions qu’on enseigne dans les ateliers, il contient en outre, surtout aux membres inférieurs, des points de repère nouveaux, empruntés au squelette et qui, par leur fixité, ont le grand avantage de conserver leur situation relative dans les différents mouvements ; enfin il répond aux principales mensurations du canon scientifique.

C’est ainsi que, conformément à ce dernier, la tête est comprise sept fois et demie dans la hauteur ; la grande envergure dépasse la taille ; le milieu du corps est situé un peu au-dessus du pubis. Comme dans le canon de J. Cousin, la longueur de la tête sert de module.

Le tronc, y compris la tête, mesure quatre longueurs de tête. Les divisions correspondent à des points de repère situés à la partie antérieure et postérieure. La première division est tangente au menton. La deuxième division répond aux mamelons ; la troisième, en avant, au nombril ou un peu au-dessus, et en arrière, à la limite supérieure des fesses. La quatrième, qui coupe, en avant, les organes génitaux à leur partie inférieure, est située en arrière, juste au niveau du pli fessier.

Le membre inférieur comprend également quatre longueurs de tête, à partir du sol jusqu’au milieu du pli de l’aine qui répond à l’articulation coxo-fémorale. Mais ces deux mesures, tronc et membre inférieur, chevauchent l’une sur l’autre d’une demi-tête, ce qui donne comme hauteur totale de la figure sept têtes et demie et ce qui place le milieu de la figure à mi-distance de la limite inférieure du tronc et de la limite supérieure de la jambe, à un point qui correspond au bas du pubis.


PARTIES DU CORPS AYANT COMME COMMUNE MESURE DEUX TÊTES

Les subdivisions du membre inférieur se répartissent ainsi du sol à l’interligne articulaire du genou, deux têtes ; de ce point au dessus du grand trochanter, à la hauteur du milieu du pli de l’aine, deux têtes. Ces points de repère nous ont paru précieux, parce qu’ils sont fixes, appartenant au système osseux, et qu’ils peuvent servir aussi bien sur le membre fléchi que sur le membre étendu. L’interligne articulaire du genou est toujours facile à déterminer, aussi bien dans la flexion que dans l’extension. On trouvera au chapitre qui traite des formes extérieures du genou tous les détails nécessaires à ce sujet. La longueur de la cuisse ne variera pas, puisque les points de repère appartiennent au même os ; dans la mesure de la jambe prise de la limite supérieure du tibia à la plante du pied, il sera toujours facile de faire la part des changements qui pourraient résulter des mouvements du pied[14].

On peut constater que, vu par la face interne, le membre a trois têtes et demie du sol au périnée. Le centre de la rotule occupe le milieu entre l’épine iliaque et le sol. Le membre supérieur mesure trois têtes, du creux de l’aisselle à l’extrémité du doigt médius.

La limite supérieure manque de point de repère fixe ; elle arrive au-dessous de l’articulation scapulo-humérale, à une distance de moins d’une demi-tête du bord supérieur de la clavicule. Une détermination plus précise de la longueur du bras peut avoir lieu par un moyen détourné, ainsi que je vais l’indiquer dans un instant. De l’extrémité inférieure du doigt médius au dessus de l’olécrane, on compte deux têtes. Dans la première longueur de tête se trouve compris le poignet, la main dépasse par son talon trois quarts de tête ; le doigt médius, y compris la tête du troisième métacarpien, égale une demi-tête.

L’olécrane occupe juste le milieu de l’espace compris entre le sommet de l’épaule et l’articulation métacarpo-phalangienne du médius. Cette dernière mesure peut être utilisée pour fixer la longueur du bras.


PARTIES DU CORPS AYANT COMME COMMUNE MESURE TROIS ET QUATRE TÊTES

Cette mesure doit être prise du dessus de l’acromion, le sommet de l’acromion étant souvent difficile à découvrir à cause de l’insertion du deltoïde. Il est important de noter que cette mesure n’est vraie que dans l’extension du membre supérieur. Dans la flexion, en effet, la descente de l’olécrane amène un allongement proportionnel de la moitié supérieure du membre. On pourrait remplacer avec avantage le point olécranien par le point condylien, situé au fond de la dépression condylienne, et qui, dans la flexion du coude, a l’avantage de ne point changer de place. Mais il nous faut encore faire observer que suivant la position de l’humérus, la longueur du bras, ainsi mesurée de l’acromion au point condylien, est susceptible de quelques changements. C’est ainsi qu’elle se raccourcit dans l’élévation du bras en dehors, tandis qu’elle s’allonge si le bras est porté horizontalement en avant.

La tête est divisée par moitié par la ligne des yeux ; les autres subdivisions données par J. Cousin peuvent être consultées avec fruit, en faisant remarquer toutefois que le nez, qui occupe la troisième division, est trop long, et que la quatrième division devient trop étroite pour contenir la bouche et le menton. Léonard de Vinci donne une autre mesure qui paraît généralement exacte, c’est celle-ci : la base du nez occupe le milieu entre l’arcade sourcilière et la base du menton.

La distance du menton au creux sus-sternal est d’un tiers de tête.

Les principales mesures de largeur du tronc sont les suivantes : la plus grande largeur des épaules est de deux têtes ; la distance qui sépare les deux fossettes sous-claviculaires égale une tête ; la largeur de la poitrine au niveau de l’aisselle est d’une tête et demie ; l’intervalle qui sépare les deux tetons mesure moins d’une tête ; le diamètre bi-iliaque dépasse une tête ; enfin le diamètre bi-trochantérien est d’une tête et demie.

Parmi les mesures de hauteur du tronc, celles qui suivent sont faciles à retenir : de l’épine iliaque à la clavicule, il y a deux têtes ; on compte une tête et demie de la clavicule à la saillie costo-abdominale en avant, et au défaut des côtes en arrière ; ces deux points indiquent la limite supérieure du flanc, qui aurait donc en avant une demi-tête de hauteur et en arrière beaucoup moins. On compte une tête du bord supérieur du trapèze à l’angle inférieur de l’omoplate. La douzième vertèbre dorsale se trouve située environ au milieu de la troisième division du torse.

Enfin, la distance du creux sternal au pubis en avant égale en arrière celle de la proéminente au sommet du sacrum.

La longueur du pied dépasse la hauteur de la tête d’un septième environ.


Pour résumer ce qui précède, j’indiquerai sommairement quelques-unes des parties du corps qui ont une commune mesure :

1/2 tête =

Le médius, y compris la tête du troisième métacarpien ;

La hauteur du flanc en avant ;

La rainure interfessière ;

1 tête =

Du menton à la ligne des tetons ;

Des tetons à l’ombilic ;

La longueur du bras, du creux de l’aisselle au dessus de la saignée ;

La main, y compris le poignet ;

La hauteur des fesses ;

La distance qui sépare les deux fossettes sous-claviculaires ;

La hauteur de la région scapulaire, du bord supérieur du trapèze à l’angle inférieur de l’omoplate ;

(Le diamètre bi-iliaque, mesuré aux épines iliaques, dépasse une tête.)

1 tête 1/2 =

La hauteur du thorax, du dessus de l’épaule à la limite supérieure du flanc ;

La distance qui sépare les deux centres des articulations scapulo-humérales ;

Le diamètre bi-trochantérien ;

La distance qui sépare le périnée de l’interligne articulaire du genou ;

2 têtes =

La jambe, du sol à l’interligne articulaire du genou ;

La cuisse, de l’interligne articulaire du genou au dessus du grand trochanter ou au milieu du pli de l’aine ;

L’avant-bras et la main, de l’extrémité du doigt médius au dessus de l’olécrane ;

La hauteur du tronc, de la clavicule à l’épine iliaque, et de la proéminente à la tubérosité iliaque marquée par la fossette lombaire latérale inférieure ;

3 têtes =

Le torse, du menton au pli fessier ;

Du sommet de la tête à l’ombilic, ou à la limite supérieure des fesses ;

Le membre supérieur, du fond de l’aisselle à l’extrémité du médius.

Enfin je rappellerai, aux membres, les deux égalités qui, pour ne pas affecter avec les mesures de la tête des rapports simples, n’en sont pas moins importantes. Aux membres supérieurs, il y a égalité de l’olécrane au sommet de l’épaule, d’une part, et à l’articulation métacarpo-phalangienne du médius, d’autre part ; et au membre inférieur, égalité entre la distance qui sépare le centre de la rotule de l’épine iliaque, d’une part, et du sol, d’autre part.

J’arrêterai ici ces quelques considérations sur les proportions du corps humain, dans lesquelles je n’ai eu d’autre but que celui de mettre à la disposition des artistes des mesures commodes et précises, et une sorte de moyenne dont il leur appartient de s’éloigner, dans l’exécution de leurs conceptions artistiques, au gré de leur fantaisie ou de leur génie.




  1. Les anciens, rapporte Malgaigne, pensaient que le cou grossissait chez la femme immédiatement après les premières approches de l’homme, et cette idée s’est conservée dans le peuple jusqu’à nos jours. Ainsi quelques matrones mesurent encore la circonférence du cou d’une jeune mariée le jour et le lendemain des noces ; d’autres vont plus loin et prétendent pouvoir reconnaître la virginité par le procédé suivant : la circonférence du cou prise avec un fil à sa partie moyenne, on double la longueur de ce fil, on en fait tenir entre les dents incisives les deux extrémités et l’on embrasse le sommet de la tête avec l’anse qui en résulte. Si le fil passe librement par-dessus, le vertex, mauvais signe ; si, au contraire, l’anse se trouve trop étroite, on conclut en faveur de la virginité. Les physiologistes ont dédaigné ces traditions populaires. Je dois dire cependant que, sans leur accorder une grande valeur, elles ne sont pas sans quelque fondement. Ainsi, à moins de goitre ou d’une difformité quelconque, j’ai toujours vu l’anse du fil, trop étroite chez des jeunes filles de quinze à vingt ans, dont les mœurs ne pouvaient être soupçonnées ; chez les femmes mariées depuis plusieurs années, le cou est certainement plus large, et il m’a paru qu’il s’élargissait surtout par l’effet de la grossesse et de l’accouchement.
  2. Nous pensons utile de réunir dans un même tableau les muscles qui meuvent la tête et ceux qui meuvent la colonne cervicale, en les classant suivant le mouvement produit et en soulignant ceux qui agissent exclusivement sur le rachis :

    Flexion : Sterno-mastoïdien, muscles de la région sus et sous-hyoïdienne, scalènes, long du cou*.

    Extension : Trapèze, splénius, grand complexus, interépineux du cou*, transversaire du cou*, intertransversaire du cou*, angulaire.

    Inclinaison latérale : Trapèze, splénius, grand complexus, sterno-mastoïdien, scalènes, intertransversaire du cou*, angulaire.

    4° Rotation

    la face tournée du même côté, splénius, faisceau supérieur du long du cou*.
    la face tournée du côté opposé, sterno-mastoïdien, grand complexus, transversaire épineux*, faisceau inférieur du long du cou*.

    Nota. — Les muscles marqués d’un astérisque sont profonds et sans influence sur la forme extérieure.

  3. Communication orale.
  4. Poirier, Notes anatomiques sur l’aponévrose, le ligament suspenseur et les ganglions lymphatiques de l’aisselle, 1888.
  5. C’est surtout dans les attitudes vicieuses et pathologiques de la colonne vertébrale que se retrouve ce mécanisme compensateur ; mais il n’en existe pas moins à l’état normal.
  6. Anatomie des formes extérieures du corps humain.
  7. Il suffira de citer, parmi les antiques, l’Achille, le Doryphore, l’Apollon Sauroctone, etc., et parmi les modernes, le David de Mercié, le Saint Jean-Baptiste de Rodin, etc.
  8. Les fibres inférieures du vaste interne descendent plus bas qu’on ne le dit généralement. Dans le relâchement du muscle et sur le cadavre, il est facile de constater qu’elles dépassent le bord supérieur de la rotule et atteignent communément le niveau de sa partie moyenne.
  9. Avant Gerdy, cette saillie inférieure du vaste interne relâché avait été signalée en passant, bien que d’une façon très précise, par Salvage, dans son Anatomie du Gladiateur combattant.

    Mais l’opinion de Gerdy paraît l’avoir emporté, car ce relief musculaire spécial est complètement passé sous silence dans les auteurs modernes, parmi lesquels je citerai Fau, Morel, M. Duval, Cuyer, Harlers, Marchall, etc. Ce dernier auteur dit même expressément que les reliefs musculaires du tricepcs fémoral, très évidents lors de la contraction, sont altérés et cachés par des replis de la peau, lorsque le muscle est au repos, comme dans la station debout sans effort. Il est à noter qu’on ne retrouve cette disposition sur aucune des statues d’écorchés (à l’exception toutefois de celle qui a été faite d’après le Gladiateur combattant), bien que plusieurs d’entre elles présentent l’attitude hanchée, éminemment favorable à sa production.

  10. M. Marey a fait remarquer que, chez le nègre, le triceps sural était plus long dans sa partie charnue, aux dépens du tendon d’Achille, que chez le blanc. Cette disposition musculaire différente correspond à une inégalité dans la longueur des leviers osseux. Le calcanéum du nègre est plus long que celui du blanc dans un rapport de 7 à 5. Ces différences de structure sont en relation avec la fonction, le nègre possédant une aptitude incontestable à la marche. M. Marey ajoute qu’on trouvera dans l’anatomie comparée l’explication des variétés morphologiques du système musculaire dans la série animale et le véritable lien qui rattache les formes extérieures des animaux aux conditions dans lesquelles ils vivent.
  11. Accessoirement, le même mouvement est produit par d’autres muscles, par le psoas-iliaque, par les adducteurs…
  12. « Cette action rotative en dedans de la portion inférieure du grand adducteur, dit-il, est très utile dans certains mouvements des membres inférieurs, par exemple au cavalier, qui doit éviter de toucher le ventre de son cheval avec ses éperons, surtout lorsqu’il veut le serrer entre ses cuisses. Il y parviendrait difficilement s’il était privé de l’action rotatrice en dedans de la portion inférieure du grand adducteur. » Physiologie des mouvements, p. 360.
  13. La statue en marbre du Doryphore, actuellement au musée de Naples, ne serait, selon le dire autorisé de M. Guillaume, qu’une reproduction du célèbre ouvrage de Polyclète ; l’original devait être en bronze. Il était, en outre, accompagné d’un travail écrit dans lequel l’auteur en donnait l’explication, et qui a été perdu.
  14. M. le colonel Duhousset, dans une étude récente sur les proportions du corps humain (in Rev. d’anthropologie, n° 4, 1889), donne à peu près la même mesure, en signalant la longueur du fémur comme étant égale au tibia augmenté de la hauteur du pied.