Arioso

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Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 89-90).

ARIOSO

Quand, tombant de plus haut, le torrent des années
De son écume blanche aura fleuri mon front,
Et qu’au gouffre éternel mes pas s’abîmeront
Sous les espoirs meurtris et les roses fanées,
Vers mon dernier amour mes yeux se lèveront.

Vers celle qui, sur moi, se penchant la dernière,
— Quand des autres amours fuit en chantant le chœur, —
Sous les roseaux déserts qu’enfile un souffle moqueur,
Sous les cailloux où meurt sa course prisonnière,
Un baiser sur la lèvre aura cherché mon cœur !

La mer est sans rivage où descendra mon âme :
La nuit est sans étoile où flotteront mes yeux.
Mais je veux enfermer, comme en l’or précieux
D’un coffret, un parfum de myrrhe ou de cinname,
Sa blanche image avec le souvenir des cieux !