Avant-Propos

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AVANT-PROPOS

Ce Recueil de Chansons pouvait se passer d’une préface.

En effet, à quoi sert-il de recommander au lecteur une chose dont, en tournant quelques feuillets, il peut lui-même reconnaître la valeur ? C’est, en admettant qu’il lise cette préface, retarder son plaisir, et voilà tout.

Comme je l’ai dit quelque part :


A vin généreux pas besoin d’enseigne ;
Un livre n’est pas le parc de Saint-Cloud,
Que de grands fossés il faut que l’on ceigne,
Et toute préface est un saut de loup.

Mais mon excellent camarade Fénée tenait à faire imprimer quelques lignes de moi en tête de son volume, et je n’ai pas cru devoir lui refuser cette innocente satisfaction.

Et d’abord permettez-moi, amis lecteurs, de vous présenter l’auteur de ce volume, et de vous apprendre comment il devint chansonnier. Ces notes biographiques ne seront pas longues.

Henri Fénée est né à Paris en 1820. A vingt ans, il entra au service, après avoir été graveur. Il était sous-officier quand il quitta l’armée, pour entrer, comme employé, dans une succursale du Mont-de-Piété, précisément dans la maison où il est né, rue Saint-Severin. Devenu chef de bureau, il vient, dernièrement, de prendre sa retraite. C’est un des plus précieux collectionneurs de chansons que l’on connaisse. Patient comme un bénédictin, pour copier des chansons et autres poésies inédites, il a écrit de sa main plus d’un million de couplets. C’est en les copiant qu’il s’est mis à en composer pour son propre compte.

Présenté au Caveau par Jules Lagarde, membre honoraire de cette Société lyrique, il y chanta des couplets intitulés : L’Amateur de Chansons, qui attirèrent sur lui l’attention des auditeurs, et furent salués par d’unanimes bravos. Quelques mois après, en juillet 1873, il fut reçu membre associé du Caveau, et, depuis cette époque, il n’a pas cessé d’assister à nos banquets mensuels, et d’y faire entendre des chansons que l’on trouvera dans ce volume.

A présent que l’on connaît l’auteur, parlons de ses œuvres.

Le genre qu’affectionne Fénée est le genre léger et gaudriolesque. Il ne faut pas s’attendre à trouver dans ses compositions la philosophie et la poésie de celles de Béranger. Non, sa muse est celle de Sedaine, de Collé et de Désaugiers. C’est franc, alerte, de bonne humeur et sans prétention. Il ne tient pas à enseigner, il s’attache seulement à provoquer le rire, et il, y réussit presque toujours.

Parmi ses chansons qui ont obtenu le plus de succès, citons : Faudra que vous l’amène-un soir,Ça fait bien dans le Paysage,N’y a que le premier Pas qui coûte,Mon Petit Bonhomme de chemin,Oùs qu'est ma Mitrailleuse ?Allez-donc vous asseoir,l’Épicurien reconnaissant, — C’est toujours la même Ficelle, — la Bergère, et bien d’autres encore. Enfin un pot-pourri sur Fanchon la Vielleuse, lequel est un petit chef-d’oeuvre de gaîté gauloise.

Mais, c’est trop vous arrêter aux bagatelles de la porte ; si vous voulez, lecteurs, passer quelques moments agréables, — entrez !

Eugène Grangé.