Bakounine/Œuvres/TomeVI42

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Œuvres - Tome VI.
APPENDICE: L'Internationale et Mazzini


APPENDICE
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L’INTERNATIONALE ET MAZZINI
par SAVERIO FRISCIA[1]


Aux éloquentes paroles de Bakounine, nous joignons de grand cœur le superbe article suivant qu’il nous a été donné de lire dans le journal l’Eguaglianza de Girgenti, intitulé[2] :


L’Internationale et Mazzini.


Mazzini ! Me lèverai-je pour combattre l’homme au front duquel resplendit la divine étincelle du génie ; qui, en quarante années de douleurs inexprimables, de constance indomptée, d’actions magnanimes, avec la fascination incomparable de sa parole, avec la merveilleuse puissance de son esprit, a entraîné, a conquis tous ceux qui, dans le monde, palpitent pour la liberté et la Justice ? Affronterai-je celui dont le nom a été, en notre siècle, une espérance de résurrection pour les peuples, une menace de ruine suprême pour les rois, et qui, en rappelant l’Italie à la vie, a resserré entre les nations cette inébranlable communion de sentiments qui assure le triomphe définitif de la plus grande des révolutions ? Citoyen, oserai-je me dresser contre l’homme qui le premier m’a appris à prononcer avec émotion le saint nom de l’Italie ; révolutionnaire, me prononcerai-je pour des idées qui ne sont pas celles du vénérable concitoyen de Balilla[3], sous la bannière duquel, avec l’enthousiasme du premier âge, j’ai conspiré et combattu toutes les formes du despotisme ; homme, oserai-je discuter le Titan dont les bras puissants ont cherché à enserrer l’humanité pour en faire une seule famille ?

C’est la première fois qu’en moi le cœur comprime les idées, que la main n’obéit qu’à regret aux inspirations de la pensée. À ceux qui traitent les socialistes d’impies, de spoliateurs, d’incendiaires, d’ennemis de la propriété et de la famille, un homme de cœur pourrait répondre par le mépris ; à Mazzini qui, dans un sentiment sincère et profond, déplore un mal qui n’est pas, signale un péril qui n’existe pas, profère un anathème quand de ses lèvres devraient sortir les bénédictions, je dois répondre que nos ennemis sourient en voyant nos divisions, que la cause des vaincus ne pouvait pas s’attendre à se voir, pour la première fois, abandonnée de celui qui n’a jamais été du côté des vainqueurs.

Je ne suivrai pas Mazzini lorsqu’il affirme que « le Conseil général de l’Internationale, composé d’hommes appartenant à des pays différents et dans lesquels il y a diverses manières de voir sur les maux existants et sur les remèdes possibles, doit inévitablement aboutir à de simples négations » ; que « un groupe d’individus qui assume le rôle de gouverner directement une vaste multitude d’hommes différents par la nationalité, les tendances, les conditions politiques, les intérêts économiques, et les moyens d’action, finira toujours par ne pas agir ou devra agir tyranniquement » ; que « l’Internationale est condamnée à mourir ». Je ne le suivrai pas, parce que, si ce qu’il affirme était seulement possible, je ne comprendrais pas l’organisation secrète de l’Alleanza repubblicana universale, ni les manifestes révolutionnaires signés de Pierre Leroux, Louis Blanc, Kossuth, Klapka, Ledru-Rollin, Karl Blind, et Giuseppe Mazzini. Je ne le suivrai pas, parce qu’il n’est personne au monde qui ne sache désormais que, pour les théories de l’Internationale, le tsarisme russe et la démocratie américaine se valent ; que la Pologne morcelée est l’égale de la France constituée en un bloc unitaire, que le catholique de Rome est l’égal du musulman de Constantinople, le blond fils d’Arminius l’égal de l’Arabe du désert. Qu’importent les différences de climats, de constitutions politiques, de tendances, quand la lutte n’est pas engagée contre les degrés de latitude, mais contre la misère ; quand la lutte n’est pas engagée contre la couleur de la peau et la plus ou moins grande excitabilité des nerfs, mais contre l’ignorance ; quand la lutte n’est pas engagée contre les rois, mais contre le privilège ! Pourquoi les hommes du Conseil général resteraient-ils inertes ou seraient-ils des tyrans, si toutes les sections de l’Association, autonomes dans leurs pays, se réunissent seulement sur le terrain international, entraînées par l’admirable identité des aspirations et des intérêts ? — L’Internationale est condamnée à mourir ? Et c’est là la destinée qu’on entrevoit pour elle, tandis qu’un effort sans précédent met dans ses bras puissants tous les ouvriers du monde ? L’idée qui a eu des martyrs comme Babeuf, des philosophes comme Proudhon, des apôtres comme Marx et Lassalle, maintenant qu’elle a soufflé une âme dans les masses immenses des déshérités et qu’elle s’est annoncée au monde avec l’immense audace de la révolution de Paris, est-il possible qu’elle soit proche des râles de l’agonie ? Les ruraux de Versailles peuvent détruire la plus grande des cités, ils peuvent assassiner les prisonniers, les blessés, les femmes, mais non les principes ; et l’Internationale est un principe qui organise ses phalanges pour combattre les batailles suprêmes du droit.

Quelles sont les causes de dissolution entrevues dans l’Internationale par l’illustre apôtre de la liberté ? — « La négation de Dieu, — dit-il aux ouvriers italiens, — c’est-à-dire de l’unique base solide, éternelle, inébranlable de vos devoirs et de vos droits, des devoirs d’autrui envers votre classe, de la certitude que vous êtes appelés à vaincre et que vous vaincrez. »

Dieu, base unique, solide, inébranlable, éternelle, de la loi morale ! Et qui en est l’interprète ? Mazzini dit ailleurs : Dieu est Dieu et l’humanité est son prophète. Mais qui réussira jamais à comprendre cette formule de musulman ? Il croit donc que les lois universelles et immuables qui dirigent avec une précision mathématique le monde physique, n’existent pas par elles-mêmes, indépendantes de toute volonté, dans l’organisme parfait du monde moral ? Comment Mazzini pourrait-il concilier l’idée de loi avec l’idée de Dieu ? Qu’il laisse à Dieu la prédestination et la grâce, et dans l’ordre social nous aurons le privilège ; qu’il lui laisse l’omnipotence, et nous aurons le despotisme. Le supranaturalisme ne peut donner des lois à la vie sociale, qui est la liberté. L’Internationale nie ce qui n’est pas affirmé par les sciences positives ; mais de là à répudier ce qu’il y a de beau, ce qu’il y a de bon, ce qu’il y a de juste dans le monde ; de là à répudier toute base de nos droits et de nos devoirs, il y a un abîme que le génie puissant de Mazzini ne comblera jamais. Il regarde son Dieu, — nous regardons l’Humanité.

L’Internationale — continue Mazzini écrivant aux ouvriers italiens — est « la négation de la patrie, de la nation, c’est-à-dire du point d’appui pour le levier au moyen duquel vous pouvez travailler en faveur de vous-mêmes et de l’humanité ; et c’est comme si on vous demandait de travailler en vous refusant toute division du travail, ou en fermant devant vous les portes de l’atelier. La patrie vous a été donnée par Dieu pour que, dans un groupe de vingt-cinq millions de frères liés plus étroitement à vous par le nom, la langue, la foi, les aspirations communes et un long et glorieux développement de traditions, de culte, de sépultures de chers disparus, de souvenirs solennels de martyrs tombés pour affirmer la nation, vous trouvassiez un appui robuste pour le plus facile accomplissement d’une mission, pour la part de travail que vous assignent votre position géographique et vos aptitudes spéciales. Qui la supprimerait, supprimerait toute l’immense quantité de forces créées par la communauté des moyens et par l’activité de ces millions, et vous fermerait toute voie pour la croissance et le progrès. À la nation l’Internationale substitue la commune, la commune indépendante appelée à se gouverner elle-même. « Vous sortez de la commune », dit-elle ; « c’est dans son sein que s’est faite l’éducation de votre vie » ; et cela est vrai : mais rétrograderiez-vous vers la vie de l’enfance, lui donneriez-vous la prépondérance sur la vie de l’âge viril, sous le prétexte qu’avant d’être hommes vous avez été enfants ? »

En transcrivant ces lignes de l’illustre proscrit, ma pensée se reporte à ces doux souvenirs du premier âge, qui rendent sainte aux âmes sensibles la terre où s’est passée notre enfance : les tendres caresses maternelles, le sourire de l’amour, les douces études ; puis les premières aspirations de liberté, les entretiens à voix basse, les ententes secrètes, les missives mystérieuses de Mazzini qui, avec le magique nom de Patrie, nous mettaient la fièvre dans le sang ; les persécutions, les prisons, les batailles ! — Est-il possible que l’Internationale demande à l’Italien, pour être citoyen du monde, d’oublier l’azur de son ciel, la verdure de ses campagnes, la magnificence de ses cités, les œuvres admirables de ses ancêtres ? alors, elle devrait donc demander à l’homme qu’avant de s’appeler humanitaire, il redescendît au niveau de la brute ? — Non, non, Maître ! l’Internationale ne demande pas à ses adhérents de ne pas voir ce qu’ils ont tous les jours sous les yeux, d’oublier ce qui est constamment dans leur pensée, de ne pas sentir ce qui est gravé dans leur cœur. Votre patrie est esclave ? que ses fils s’insurgent, et l’Internationale prêchera une croisade par-dessus les Alpes pour les aider. L’Internationale croit à la liberté, et combat l’autorité de quelque nom qu’elle s’appelle, sous quelque forme qu’elle s’enveloppe ; elle croit à la fraternité, et elle inculque à ses prosélytes la destruction des frontières. Qu’est-ce donc que la nation, sinon le despotisme et la guerre ? Pourquoi aurions-nous le percepteur et le gendarme, si nous n’avions pas à Rome un gouvernement, qui, républicain ou monarchique, concentre dans ses mains la puissance et la volonté des multitudes ; pourquoi aurions-nous une armée de douaniers et de soldats, si les Alpes ne mettaient pas une barrière entre des hommes destinés à s’aider réciproquement et à s’aimer ? Peut-on s’imaginer une nation sans une capitale qui s’impose aux villes et aux communes, sans un gouvernement autoritaire qui s’impose aux individus et aux groupes, sans une frontière qui enlève au travail des millions de bras pour en faire un obstacle aux échanges et d’épouvantables instruments de ruine et de carnage ? Est-il possible de concilier l’idée de nation avec celle de fraternité et de liberté ?

L’Internationale, dit Mazzini, substitue à la nation la commune, la commune indépendante appelée à se gouverner elle-même. Non, non ; l’Internationale substitue à la nation quelque chose de plus rationnel, quelque chose de plus important que la commune : l’individu, qui s’unissant librement à d’autres individus, constitue la commune, pour continuer par la fédération des communes situées dans une même région, et arriver à la fédération de l’humanité. Est-ce là rétrograder ? Est-ce faire prévaloir l’enfance sur l’âge viril, seulement parce qu’avant d’être homme on a été enfant, — ou ne faut-il pas considérer un semblable programme comme l’expression du but final des plus saintes aspirations de l’homme ? La solidarité de la famille humaine serait-elle, au dix-neuvième siècle, un rêve de malade ?

L’Internationale — continue encore Mazzini — est « la négation de toute propriété individuelle, c’est-à-dire de tout stimulant à la production, en dehors de celui de la nécessité de vivre. La propriété, quand elle est la conséquence du travail, représente l’activité du corps, de l’organisme, comme la pensée représente celle de l’âme : c’est le signe visible de notre participation dans la transformation du monde matériel, comme nos idées, nos droits de liberté et d’inviolabilité de la conscience sont le signe de la part que nous prenons à la transformation du monde moral. Qui travaille et produit a droit aux fruits de son travail : c’est en cela que réside le droit de propriété !

« Et si la plus ou moins grande activité dans le travail — c’est toujours Mazzini qui parle — est une source d’inégalité, cette inégalité matérielle est un gage d’égalité morale, conséquence du principe que tout homme doit être rétribué à proportion de son œuvre : recevoir autant qu’il l’a mérité. Il faut tendre à la création d’un ordre de choses dans lequel la propriété ne puisse pas devenir un monopole et ne provienne à l’avenir que du travail, d’un ordre dans lequel, quant à présent, les lois tendront à diminuer graduellement sa concentration permanente en un petit nombre de mains et se serviront de tous les moyens équitables pour en faciliter la transmission et la répartition. »

Depuis que l’homme cherche les éléments de la justice dans les institutions sociales, la question du tien et du mien a été une de celles qui ont le plus ardemment passionné l’esprit humain. De Moïse à Napoléon, de Philippe de Macédoine à Thiers, de Platon à Troplong, une armée innombrable d’intelligences a livré la plus obstinée des batailles sur le terrain ensanglanté de la propriété. D’une part le droit et la morale, de l’autre l’opportunité et la force ; d’une part la rapine, de l’autre le sophisme. Pour qui sera la victoire ?

Le socialisme n’a pas dit encore son dernier mot, mais ni le socialisme ni l’Internationale ne nient, comme le prétend Mazzini, toute propriété individuelle. Et comment pourraient-ils le faire, puisque ceux qui combattent le plus vivement la propriété individuelle du sol trouvent l’argument le plus fort à l’appui de leurs théories dans la nécessité indiscutable que tout individu ait un droit absolu de propriété sur les choses qu’il a produites ? Comment le pourraient-ils, si ce qui est un des axiomes de Mazzini, à savoir que « qui travaille et produit a droit aux fruits de son travail », constitue un des pivots fondamentaux de leurs théories sociales ?

L’accusation lancée contre les socialistes, d’être les ennemis de la propriété, n’est pas nouvelle ; mais il serait temps, enfin, qu’avant de la faire siffler à nos oreilles comme une malédiction et une menace, on nous dît une bonne fois si, à notre époque, la justice est la base et l’esprit des rapports sociaux ; qu’on nous dît si, pour nous combattre et pour éveiller contre nous les ressentiments d’un préjugé imbécile, il faut que nos ennemis aient toujours recours aux arguments de la déloyauté et du mensonge.

Par ces paroles, je ne fais pas allusion à Mazzini. L’affection et le respect que nul plus que moi n’a ressentis pour cet homme extraordinaire ne me permettraient certainement pas un autre langage que celui du respect et de l’affection. Et puis comment pourrais-je le combattre, comment pourrais-je faire sortir de mes lèvres d’autres paroles que des paroles amicales, puisque, sur la question de la propriété, au lieu de combattre, en effet, le socialisme et l’Internationale, il les a devancés ?

« Qui travaille et produit — écrit Mazzini aux ouvriers italiens — a droit aux fruits de son travail ; c’est en cela que réside le droit de propriété. » — « Tout homme doit être rétribué à proportion de son œuvre. » — « Il faut tendre à la création d’un ordre de choses dans lequel la propriété ne puisse pas devenir un monopole et ne provienne à l’avenir que du travail, d’un ordre dans lequel, quant à présent, les lois tendront à diminuer graduellement sa concentration permanente en un petit nombre de mains et se serviront de tous les moyens équitables pour en faciliter la transmission et la répartition. » — « Suppression de tout impôt direct ou indirect sur les choses nécessaires à la vie ; liberté du travail, et secours, si le travail fait défaut, ou si l’âge et les maladies empêchent de s’y livrer ; puis faveur et appui accordés, par le crédit, à vos tentatives pour substituer peu à peu au système actuel du salaire le système de l’association volontaire fondée sur la réunion du travail et du capital dans les mêmes mains. » — Mais n’est-ce pas là du pur socialisme ? Que voulaient Pierre Leroux et Proudhon, que veulent Marx et Bakounine, sinon que la propriété soit le fruit du travail ? Et le principe que tout homme doit être rétribué à proportion de ses œuvres ne répond-il pas à cette inégalité d’aptitudes et de forces où le socialisme voit la base de l’égalité et de la solidarité humaines ? Et vouloir, comme Mazzini le veut, proclamer, comme il le proclame, que la propriété ne doit pas être un monopole, qu’aucun impôt ne doit frapper les choses nécessaires à la vie, qu’au système du salariat doit être substitué celui de l’association volontaire fondée sur la réunion du travail et du capital dans les mêmes mains, — n’est-ce pas affirmer toutes les théories du socialisme ; n’est-ce pas défendre énergiquement, avec cette puissance d’intelligence qui distingue Mazzini, les principes professés par l’Internationale ? Dirai-je à l’homme que le monde aime et honore à bon droit : Comment le monopole pourrait-il être ôté de la propriété, puisque le monopole est le corrélatif nécessaire de la concurrence ? ou me mettrai-je à lui démontrer que tant que dureront les institutions qui régissent actuellement la société, les impôts pèseront toujours sur ce qui est nécessaire à la vie ? que tant que les théories de l’Internationale ne seront pas la base fondamentale de toute l’existence civile, la substitution du système de l’association volontaire au système du salariat sera toujours une impossibilité absolue ?

Maître ! pourquoi, après quarante années de douleurs indicibles, d’actions magnanimes, de constance indomptée, vous enrôlez-vous parmi les ennemis de ceux qui ont appris de vous à aimer la patrie et l’humanité ; parmi les ennemis de ceux qui ont bravé intrépidement, à votre appel, le canon et la potence ? Pourquoi, après quarante années d’un apostolat sans exemple, entre la vie et la perspective d’une gloire qui durera tant que l’homme sentira battre son cœur pour les entreprises magnanimes, cherchez-vous à vous démentir vous-même[4], et faites-vous que votre bannière tombe, sans combattre, entre les mains de vos ennemis ? — La jeunesse italienne est avec vous, les ouvriers du monde entier vous aiment et vous admirent, mais ne leur donnez pas l’indicible douleur de devoir combattre les dernières batailles pour la rédemption de la plèbe sans la direction et sans l’appui du vieux porte-étendard de la liberté.


  1. Comme il a été dit dans l’Avant-propos, le Gazzettino Rosa, pour achever de remplir les trente-deux pages du supplément dans lequel il fit paraître la Risposta de Bakounine, joignit à cette réponse l’article suivant, emprunté à l’Eguaglianza de Girgenti. Nous avons traduit cet article pour le reproduire ici en appendice à l’écrit de Bakounine ; il nous a paru que puisqu’ils avaient été joints l’un à l’autre en 1871, il convenait de les réunir aussi dans la présente édition.
    C’est à l’obligeance de notre ami Luigi Molinari, de Milan, que nous devons la communication du texte italien de cet article, qu’il a bien voulu copier pour nous sur l’exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale de Florence.
  2. Ces quatre lignes émanent de la rédaction du Gazzettino Rosa.
  3. Balilla était un gamin qui, ayant lancé une pierre aux Autrichiens, maîtres de Gènes, fut l’occasion d’une insurrection à la suite de laquelle les Autrichiens furent chassés de cette ville, en 1746.
  4. Voici comment G. Mazzini enseignait en 1852 les théories du socialisme :
    « La grande pensée sociale qui bouillonne aujourd’hui en Europe peut se définir ainsi : abolition du prolétariat ; émancipation des travailleurs de la tyrannie du capital concentré entre les mains d’un petit nombre d’individus ; répartition des produits, ou de la valeur qu’ils représentent, à proportion du travail accompli ; éducation morale et intellectuelle des ouvriers, association volontaire entre les ouvriers substituée pacifiquement, progressivement, autant qu’il est possible, au travail individuel salarié selon la volonté arbitraire du capitaliste. Voilà le résumé de toutes les aspirations raisonnables actuelles. Il ne s’agit pas de détruire, d’abolir, de transférer violemment la richesse d’une classe à une autre ; il s’agit d’élargir le cercle de la consommation, d’augmenter par conséquent les produits, de faire la part plus large, dans la répartition, à ceux qui produisent ; d’ouvrir une large voie au travailleur ; pour qu’il puisse acquérir richesse et propriété, de faire que tout homme qui donnera des garanties de volonté, de capacité, de moralité, trouve des capitaux et le moyen de travailler librement. Ces idées-là sont justes, et peu à peu elles triompheront. Historiquement, les temps sont mûrs pour leur triomphe. À l’émancipation de l’esclave succéda celle du serf, et celle du prolétariat doit venir ensuite. Le progrès de l’esprit humain a renversé, au moyen du patriciat, le despotisme de la monarchie ; au moyen de la bourgeoisie, de l’aristocratie financière, il a renversé le privilège de la noblesse du sang ; et il renversera, au moyen du peuple, de la masse qui travaille, le privilège de la bourgeoisie propriétaire et capitaliste, jusqu’au jour où la science, fondée sur le travail, ne reconnaîtra plus d’autre privilège que celui de l’intelligence vertueuse, appelée à diriger, par le choix du peuple que l’éducation aura éclairé, le développement des facultés et des forces sociales. » (Note de l’original.)