Biographie nationale de Belgique/Tome 1/ANTOINE DE BOURGOGNE

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ANTOINE DE BOURGOGNE, duc de Brabant, de Lothier, de Limbourg et de Luxembourg, marquis du saint-empire, né en 1384, mort à Azincourt le 25 octobre 1415. Deuxième fils de Philippe le Hardi, Antoine de Bourgogne épousa, en avril 1402, Jeanne de Saint-Pol, fille unique de Waleran III, comte de Saint-Pol et de Ligny, et de Mahaut de Rœulx. Son père, le plus proche héritier du duché de Brabant, à titre de sa femme, Marguerite, nièce de la duchesse Jeanne, fit plusieurs tentatives infructueuses pour assurer cette succession à sa famille. Ce ne fut qu’en 1404 que la duchesse consentit à abdiquer sa souveraineté, et elle engagea alors les états à conférer la régence à Antoine de Bourgogne, son petit neveu, qui, la même année, fut nommé ruward (gouverneur).

En 1405, Antoine de Bourgogne prit part, avec son frère Jean sans Peur, à la lutte entre les Bourguignons et les Armagnacs. À la mort de la duchesse Jeanne (1406), il fut investi, par le testament de Philippe le Hardi, du titre de duc de Brabant et de Limbourg, et donna, dès le commencement de son règne, libre cours à l’impétuosité de son caractère. Le duc Renaud de Gueldre se refusait à lui faire hommage pour les fiefs qu’il tenait du Brabant, et les habitants de Maestricht ne voulaient pas prêter serment à leur nouveau souverain. Antoine s’adressa aux villes qui, à l’exception de Bois-le-Duc et d’Anvers, ne lui accordèrent aucun secours. Il n’en entreprit pas moins son expédition, assiégea Maestricht et prit cette ville le 9 octobre 1407. Le même jour, il recevait, près de Grave, l’hommage du duc de Gueldre. L’empereur Robert, à la suite de cette expédition, se désista des prétentions qu’il avait élevées sur la possession des duchés de Brabant et de Limbourg, comme fiefs de l’Empire. Sommés par lui, le 22 décembre 1406, de reconnaître la justice de ses prétentions, les états du Brabant n’avaient tenu aucun compte de cette démarche.

Le 12 août 1407, Antoine de Bourgogne perdit sa femme, qui lui avait donné Jean IV, son successeur ; Philippe de Bourgogne, né le 25 juillet 1404, mort le 4 août 1430, et Antoine, mort jeune. Il songea bientôt à une seconde union et porta ses vues sur Élisabeth de Gorlitz, fille de Jean de Luxembourg, duc de Gorlitz, et de Richarde de Mecklenbourg. L’empereur Wenceslas, l’oncle de la duchesse, le seconda dans ce projet, et le contrat de mariage fut signé à Prague le 27 avril 1409. Antoine et Élisabeth prirent les titres de duc et duchesse de Lothier, de Brabant et de Luxembourg, marquis et marquise du saint-empire, comte et comtesse de Chiny. Le premier acte de Wenceslas en faveur des nouveaux souverains avait été de les autoriser à racheter de Josse, marquis de Brandebourg, et de Moraire, qui les tenait en engagère, le duché de Luxembourg, le comté de Chiny et l’avouerie d’Alsace.

La guerre s’étant rallumée entre Jean sans Peur et le duc Louis d’Orléans, Antoine reprit les armes, accompagna son frère et combattit vaillamment pour la même cause. Son ardeur belliqueuse ne l’empêcha pas de signaler son règne par des institutions d’une haute importance : celle de la chambre des comptes en 1406, (nouv. style), et celle de la chambre de tonlieu en 1412.

D’autres actes contribuèrent encore à rendre sa mémoire chère à ses sujets : le 20 mai 1411, il annula, en faveur de la ville de Bruxelles, la gilde ou corporation drapière de Merchtem, qu’il avait lui-même instituée dans cette bourgade le 30 novembre 1409 ; le 22, il renouvela l’octroi des accises et publia un règlement sur les trêves. La même année, il confirma les priviléges des Luxembourgeois. Il supprima, le 2 novembre 1412, le Havestoit[1] dans le Limbourg, et accorda, le 25 mai 1414, à la ville de Bruxelles, la remarquable charte connue sous le nom de Privilége du meurtre[2]. Malheureusement, en maintes circonstances, le duc semblait ne rien épargner pour s’attirer la haine du peuple. La ville de Batenbourg, en Gueldre, qui lui avait été engagée par Jean Berlaer, ayant été reprise à l’improviste par les Gueldrois, il voulut imposer par la crainte aux états, qui étaient convoqués à Louvain pour répondre à la demande de troupes et d’argent qu’il destinait au siége de Batenbourg et ne craignit pas de faire arrêter les députés de Tirlemont et de Léan ; ceux de Bruxelles n’échappèrent au même sort que grâce à la précaution qu’ils avaient prise de se faire escorter d’une nombreuse troupe d’arbalétriers. Ces violences provoquèrent une grande fermentation dans les villes, et Antoine fut obligé d’ajourner ses projets. Les états furent alors assemblés à Vilvorde ; le duc se plaignit de l’obstination des villes à lui refuser aide et secours ; mais celles-ci, à leur tour, présentèrent une longue série de griefs à sa charge et lui reprochèrent surtout d’immiscer le pays dans les démêlés intérieurs de la France. Antoine avait, en effet, engagé une bonne partie du Limbourg pour satisfaire sa passion des armes. Le duc promit de réparer ses torts et rentra à Bruxelles au mois d’août 1413.

En 1414, le duc Antoine suivit pour la troisième fois Jean sans Peur contre les Armagnacs, qui avaient rompu la paix, et, après avoir emporté d’emblée Compiégne, Soissons, Laon, etc., mettaient le siége devant Arras. Cette ville allait céder, lorsque survint un accommodement, et le duc rentra dans ses États.

La même année, de nouveaux troubles éclatèrent : Le prince n’ayant pas voulu rendre les sommes avancées par les villes, celles-ci refusèrent de payer les subsides accordés par les états. La querelle allait s’envenimer, lorsque le duc, informé de la descente des Anglais en Normandie, marcha au secours du roi de France et perdit la vie à la bataille d’Azincourt, le 25 octobre 1415.

Son corps fut apporté à Bruxelles et placé à l’église de Sainte-Gudule, où les états allèrent le reconnaître. Le 2 novembre, ils lui firent de pompeuses funérailles, et le lendemain il fut enterré à Tervueren, dans le chœur de l’église paroissiale.

Adolphe Mathieu.

Haræus, Annales ducum Brabantiœ. — Luyster van Braband. — Ernst. Histoire du Limbourg. — Bertholet, Histoire du Luxembourg. — Henne et Wauters, Histoire de Bruxelles. — Piot, Histoire de Louvain.


  1. Ernst, Histoire du Limbourg, t. V, p. 196.
  2. Henne et Wauters, Histoire de la ville de Bruxelles