Biographie nationale de Belgique/Tome 1/ARNOUL Ier (comte de Looz)

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ARNOUL Ier, fils d’Emmon, comte de Looz, commença son règne entre les années 1078 et 1082. En 1078, Emmon paraît encore, comme témoin, dans une charte par laquelle l’évêque Henri de Verdun fait des donations à la collégiale de Saint-Barthélémy de Liège ; tandis que, en 1082, on voit figurer Arnoul parmi les principaux seigneurs du diocèse, que le même évêque avait convoqués pour fonder, avec leur concours, le célèbre Tribunal de Paix, destiné à mettre un terme à l’anarchie et aux guerres privées qui désolaient une grande partie du territoire actuel de la Belgique[1]. Six ans après, il joua un rôle important dans l’expédition entreprise pour étouffer les troubles suscités à Saint-Trond par les rivalités des moines Lantzon et Lupon, qui tous deux revendiquaient la prélature de la célèbre et riche abbaye seigneuriale de Saint-Trudon ; le premier avait été nommé abbé par les évêques de Metz et de Liége, le second par l’empereur Henri IV[2]. La ville ayant pris le parti de Lupon, l’évêque de Liége, Henri de Verdun, vint l’assiéger à la demande de son collègue de Metz, copropriétaire de la seigneurie, et le comte de Looz l’accompagna avec un corps de troupes levé dans ses domaines. Ce fut à lui que Henri de Verdun, retournant à Liége après la reddition et l’incendie de la ville, confia la mission de s’emparer d’une grande tour, solidement bâtie à l’un des angles du monastère, où les religieux du parti de Lupon et une troupe de bourgeois armés avaient cherché un dernier refuge. Les assiégés ne tardèrent pas à se rendre ; le riche trésor de l’abbaye fut pillé par les soldats, et Arnoul mit une garnison dans la tour, en attendant que le débat entre les deux concurrents fût vidé par le pape et par l’empereur d’Allemagne[3]. Plus tard, en 1094, au milieu des différends survenus entre Henri IV et Poppon, évêque de Metz, le chef de l’Empire conféra au comte de Looz la part que l’Église de Metz possédait dans la domination seigneuriale du territoire de Saint-Trond. Cette libéralité, dont la maison de Looz ne devait pas profiter longtemps, provoqua la jalousie de Henri Ier, comte de Limbourg et d’Arlon, qui, en sa qualité de duc de Lotharingie et de haut avoué de la ville, se croyait des titres incontestables à la préférence de l’Empereur[4]. Henri de Limbourg entra à Saint-Trond à la tête d’une troupe de cavaliers, saccagea les propriétés du comte de Looz et voulut même forcer les religieux de l’abbaye à accepter pour abbé un moine du nom de Herman, à qui l’évêque de Metz avait vendu la prélature à la fin de 1093. Arnoul s’empressa de venger cet outrage. Ayant réuni une armée, il arriva brusquement à Saint-Trond, dispersa les Limbourgeois, s’empara de Henri et de son protégé, et aurait fait subir à ceux-ci un sort funeste, si Godefroid le Barbu, comte de Louvain, n’avait intercédé pour obtenir leur mise en liberté.

Les renseignements manquent sur les dernières années d’Arnoul, et quelques historiens prolongent son règne jusqu’en 1127. On a dit qu’il mourut au plus tôt en 1096, parce qu’une charte de cette année le place parmi les témoins de- différentes donations qu’Ide, comtesse de Boulogne, fit au chapitre des chanoinesses nobles de Munsterbilsen. Nous croyons qu’il vécut jusqu’en 1101, et que c’est lui qui servit de témoin au chef de l’Empire, confirmant, par un diplôme du 14 mai de cette année, les priviléges de l’abbaye de Lobbes (Miræus, Oper, diplom., t. I, p. 673). Il eut pour successeur un fils du nom de Gérard, dont l’historien Mantelius ne fait aucune mention, mais qui se trouve cité, comme témoin, dès le 1er juillet 1101, dans une charte de l’empereur Henri IV, approuvant la restitution faite par Albert, comte de Namur, de la ville d’Andenne à l’abbaye de ce nom (Wolters, Cod. diplom. loss., p. 33 ; Miræus, Oper, diplom., t. I, p. 368). Un autre de ses fils succéda à Gérard, sous le nom d’Arnoul II.

Les cartulaires des évêques de Liége renferment un diplôme de l’empereur Henri IV, daté d’Aix-la-Chapelle, en 1101, par lequel il réprime les violences qu’excerçait, dans les villages de Saive et d’Ernau, appartenant à l’abbaye de Saint-Jacques de Liége, un certain Guillaume de Namur, homme puissant et cruel, à qui Arnoul Ier en avait cédé l’avouerie (Wolters, ibid., p. 33). Les comtes de Looz étaient, depuis 1015, les avoués héréditaires de l’abbaye ; mais la charte de l’évêque Baldéric, qui leur avait conféré cette dignité, stipulait qu’ils ne donneraient jamais cette avouerie en fief et qu’ils ne percevraient d’autres droits que ceux qui étaient indiqués dans la charte. La décision prise par l’Empereur, dans la cour plénière qu’il tint à Aix-la-Chapelle, le 11 juin 1101, était conçue dans ce sens.

J.-J. Thonissen.

Auteurs cités sous la vie de Arnoul V.


  1. C’est à tort que Mantelius (Hist. loss., pp. 88 et sqq.) place l’érection de ce tribunal en 1088. Voyez Ernst, Histoire du Limbourg, t. II, p. 9.
  2. L’administration temporelle et spirituelle de Saint-Trond offrait un caractère tout exceptionnel. Saint Trudon, fondateur de la cité, avait donné à saint Cloud, évêque de Metz, les vastes domaines qu’il possédait sur les rives de la Cicindria ; mais, quant à ses propriétés de Sarchinium (emplacement de la ville), il s’était réservé, pour lui et pour les abbés ses successeurs, l’administration simultanée avec les évêques de Metz. De là surgit entre ceux-ci et les abbés de Saint-Trond une souveraineté indivise, qui devint une source de complications d’autant plus abondante qu’un troisième prince, l’évêque de Liége, exerçait le pouvoir spirituel.
         En 1227, Hugues de Pierrepont, évêque de Liége, céda à l’église de Metz le bourg de Madières, en échange des droits de souveraineté que cette église possédait à Saint-Trond.
  3. D’après l’auteur des Gesta abbatum trudonensium, la garnison de la tour, dans la nuit qui suivit l’incendie de la ville, avait envoyé une députation au comte de Looz, pour lui déclarer qu’elle était prête à se rendre et à se placer sous sa protection. (Lib. III.)
  4. Les évêques de Metz, trop éloignés de Ιa ville, avaient délégué l’avouerie de Saint-Trond aux ducs de Lotharingie, et ceux-ci, absorbés par des intérêts plus graves, avaient, à leur tour, subdélégué ces fonctions (en 1060) aux comtes de Duras. Saint-Trond avait ainsi un haut avoué et un avoué ou, pour mieux dire, un sous-avoué. En 1180, Conon et Pierre, comtes de Duras, vendirent leur comté et l’avouerie de Saint-Trond à Gérard, comte de Looz.(Voyez Demal, L’Avouerie de Saint-Trond, p. 15 et 72.)