Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BAUDOUIN IV (comte de Hainaut)

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BAUDOUIN IV, comte de Hainaut, surnommé le Bâtisseur, succéda au précédent, mais comme il était encore mineur, la comtesse douairière administra le pays en son nom avec autant de fermeté que de prudence. Elle ne remit à son fils les rênes du gouvernement qu’après lui avoir obtenu la main d’Alix de Namur et avec elle des droits éventuels sur le comté de ce nom (1127). À peine ce mariage était-il célébré qu’un meurtre sacrilége priva la Flandre de son excellent prince, Charles le Bon, et vit surgir plusieurs prétendants à son bel héritage. Baudouin de Hainaut, qui joignait aux qualités les plus brillantes beaucoup d’ambition, fut un des premiers à se prononcer, et plaida éloquemment pour les droits de sa maison près du roi Louis le Gros. Il se flattait même de l’emporter sur ses compétiteurs, quand la nomination de Guillaume le Normand vint le détromper. Vivement irrité, il courut aux armes et envahit le pays d’Alost, mais s’étant aperçu bientôt qu’il ne pourrait pas garder sa conquête, il retira ses troupes et se vengea de cet échec par l’incendie d’Audenarde. Les nouveaux efforts qu’il fit inutilement après la déchéance de Guillaume et une entreprise avortée sur Douai, qui causa la mort du célèbre Gilles de Chin, ne le ramenèrent pas à des sentiments plus pacifiques. En dépit des lois de l’Église qui défendaient d’attaquer les États d’un prince croisé, Baudouin profita de l’absence de Thierri d’Alsace pour ravager l’Artois avec une armée considérable, de concert avec les comtes de Boulogne et de Saint-Pol. La comtesse Sybille d’Anjou ne laissa pas impunie cette agression déloyale et les troupes nombreuses qu’elle rassembla se jetèrent à leur tour sur le Hainaut. Heureusement l’archevêque de Reims, Samson, parvint à ménager entre les belligérants une trêve de six mois. Dans l’intervalle, Thierri revint à la hâte de Constantinople et, profondément indigné de l’attentat commis contre ses droits, il s’avança bientôt à la tête d’une puissante armée vers Douai que menaçait Baudouin. On en vint aux mains et les deux princes essuyèrent de grandes pertes ; mais quoique elle fût renforcée par des troupes de Liége et de Namur, l’armée du Hainaut céda la victoire aux Flamands. Il s’ensuivit une entrevue dans laquelle les deux comtes, las enfin d’une guerre qui désolait leurs pays depuis plus d’un siècle, conclurent une paix solide, dont les conditions principales furent que Douai resterait définitivement à la Flandre et que la fille de Thierri serait donnée en mariage au fils de Baudouin. Sûr désormais de l’amitié de son puissant voisin, le Bâtisseur fit rentrer dans leur devoir quelques-uns de ses vassaux trop entreprenants, réunit à ses domaines plusieurs terres considérables et fortifia Mons, le Quesnoy, Binche, Beaumont et Bouchain. Braine-la-Willotte, qu’il se fit céder par le chapitre de Sainte-Waudru, devint un boulevard contre le Brabant et fut nommée dans la suite Braine-le-Comte. On bâtissait, on restaurait en même temps plusieurs églises. A l’occasion des noces de son héritier, qui furent célébrées avec la plus grande pompe au Quesnoy (1169), le vieux comte conduisit à Valenciennes l’empereur Frédéric I et les princes qui avaient assisté aux fêtes, pour leur montrer son palais en construction. Tous eurent l’imprudence de monter à sa suite sur les échafauds des bâtiments qui, mal étayés, s’écroulèrent sous leurs pieds. Quelques-uns furent relevés tout meurtris et le comte lui-même eut les cuisses et les reins brisés. Dès lors il ne fit plus que languir et mourut en 1171, dans la soixante-douzième année de son âge.

J.-J. De Smet.