Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOSSCHAERT, Thomas-Willebrord

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BOSSCHAERT, Thomas-Willebrord



BOSSCHAERT (Thomas-Willebrord), ou BOSSAERT, peintre d’histoire et de portrait, naquit à Berg-op-Zoom (ancien Brabant), en 1613. Il quitta fort jeune sa ville natale, et, poussé par le goût des arts, il se rendit à Anvers où il entra dans l’atelier de Gérard Zegers; c’est dès lors qu’on le trouve inscrit dans le livre de la corporation de Saint-Luc, comme élève, en 1629, et comme maître sept ans plus tard. Un an après, en 1637, il obtint à Anvers le droit de bourgeoisie. Un apprentissage de sept années, les leçons et l’influence de la grande école où il avait été formé, avaient développé ses qualités naturelles. Cependant, désireux de se perfectionner encore et de visiter les contrées étrangères, il se mit en route pour l’Italie où il séjourna quelque temps. Non-seulement il y continua ses études avec succès, mais encore il y reçut des commandes qui le firent connaître avantageusement. On suppose avec assez de raison que Bosschaert revint par l’Allemagne, car il fut également apprécié dans ce pays dont les souverains l’employèrent. C’est à Anvers, dont il était devenu citoyen, qu’il alla s’établir; nous devons relever à ce propos l’erreur d’Immerzeel qui, par inadvertance sans doute, a dit : « Revenu dans sa ville natale. » Or, nous pensons qu’il ne revit jamais celle-ci. En effet ce n’était pus là le séjour que pouvait choisir un artiste, tandis que la brillante cité d’Anvers était à cette époque un des grands foyers artistiques du monde. L’Angleterre et l’Espagne firent, ainsi que l’Italie et l’Allemagne, des commandes à Thomas Bosschaert. Ce succès remarquable pour un artiste qui n’occupe certes pas le premier rang, est dû sans doute à la grâce que revêtent ses compositions; quelque chose d’attrayant respire dans ses tableaux; bien que la force et la vigueur en soient absentes, que le coloris soit froid, la composition faible, et que les têtes manquent d’animation, le moelleux du pinceau, l’harmonie qui embellit le tout, suppléent à d’autres qualités absentes. Ajoutons que les dernières toiles de Bosschaert sont de beaucoup supérieures à ses premières, qu’il exécuta des portraits d’une grande ressemblance et d’un mérite incontestable, des portraits dignes de la grande école et que, si la mort ne l’eût enlevé dans la force de l’âge, il est probable qu’il aurait atteint un degré de talent très-supérieur. Bosschaert est un de ces Flamands auxquels le séjour de l’Italie fit plus de mal que de bien; du moment où, revenu à Anvers, il eut de nouveau sous les yeux les vigoureux coloristes et les énergiques compositeurs de l’école de Rubens, sa manière s’en ressentit. On a été jusqu’à l’approcher de Van Dyck; cet éloge exagéré appartient aux critiques d’un siècle qui n’est pas précisément réputé pour ses grandes connaissances artistiques; le fait est qu’il tâcha d’imiter ce grand maître, que son dessin est correct, ses airs de tête agréables, son ordonnance pleine de mesure et de jugement. Là se borne la ressemblance.

En 1649, Bosschaert fut élu doyen de la corporation de Saint-Luc. Parmi les souverains qui l’employèrent, on cite surtout Frédéric-Henri, prince d’Orange, et son fils, Guillaume. Descamps s’occupe assez longuement de notre maître; la seule partie intéressante de son travail, est une espèce de liste des principales œuvres de Bosschaert qui se trouvaient dans le pays à cette époque. A Anvers, l’église des Carmes possédait une Vierge avec l’Enfant et sainte Catherine; à Saint-Willebrord, près d’Anvers, un Saint Willebrord honorant la sainte famille s’y trouve encore; il passait autrefois, dit Descamps, pour un Rubens; c’est probablement un hommage du peintre à l’église qui portait son nom patronal; aux Annonciades, Deux anges tenant le voile de la Véronique avec l’image du Christ; une admirable (c’est Descamps qui parle) copie de Van Dyck à la cathédrale, représentant Saint François au pied de Jésus en croix et dont l’original était à l’église des Capucins, à Termonde; à Duffel, une Assomption; à l’abbaye de Tongerloo, Jésus et la Madeleine et un Enfant prodigue; aux Capucins de Bruxelles, un Martyr couronné. « Enfin, dit le même auteur, on regrette un excellent ouvrage de lui qui se voyait dans la salle de la confrérie du Mail, à Anvers; il y avait représenté Vénus qui arrête les fureurs de Mars. Ce beau tableau fut brûlé le lendemain d’un repas qui fut donné dans cette salle à l’envoyé d’Angleterre. »

De nos jours, outre le tableau de l’église de Saint-Willebrord, lez-Anvers, la Belgique possède encore au Musée de Bruxelles, les Anges annonçant à Abraham la future naissance d’Isaac, tableau provenant de l’ancien Grand-Béguinage. A Salzthalen se trouve une Bacchanale; au Musée de Vienne on voit Diane à la chasse; les figures seules sont de Bosschaert, le reste est de Jean Fyt; cette toile est datée de 1650; au même musée, Élie au désert; à Berlin, le Mariage mystique de sainte Catherine.

Nous remarquerons que les catalogues de ces deux derniers musées nomment notre peintre, le premier: Thomas Willebort dit Boschaert; le second, rédigé par M. Waagen, Thomas Willeborts dit Bossaert. Ces variantes ou transformations de noms sont fatales à l’histoire de l’art. Les anciens auteurs avaient tous donné l’année 1656 pour celle de la mort de Bosschaert; les dernières recherches faites dans les diverses archives de la Gilde de Saint-Luc, à Anvers, ont rectifié cette erreur. On y lit: « Thomas Willebrord Bosschaert, reçu comme élève chez Gérard Zegers, 1629, devient maître 1636, doyen, 1650-51, 18 octobre. Mourut 23 janvier 1654. » Notre peintre fut enterré à l’église des Carmélites où on lui érigea un monument avec cette épitaphe:

D. O. M. Hic Requiescit Thomas Willebrordus Bosschaert, Pictor, suæ artis Decus et Decanus, quem Berga genuit, Antverpia aluit, utraque Luget. Obiit 22 januarii 1654 ; ætat. 40, etc.

M. Chrétien Kramm conclut de cette épitaphe que Bosschaert est né en 1614. Nous ferons remarquer que le peintre étant né dans le courant de 1613 et mort le 22 janvier 1654, il n’avait que quarante ans et était seulement dans sa quarante et unième année. L’épitaphe, au lieu d’infirmer la date de 1613, la corrobore, au contraire. L’écrivain et peintre hollandais contemporain, Samuel van Hoogstraaten, dans un livre sur la peinture, parle de notre Bosschaert en termes élogieux : « Le Brabant, dit-il, peut se glorifier du grand Rubens, de son noble disciple Antoine van Dyck, du fougueux Jordaens, du gracieux Willeboorts, etc. — » On le voit, en Hollande aussi on avait débaptisé notre pauvre artiste.

Dans le Gulden cabinet de De Bie, se trouve le portrait de Bosschaert gravé par Conrad Woumans, peint par lui-même. C’est une œuvre des plus médiocres, sous laquelle se trouve une inscription fautive, ce qui prouve, une fois de plus, qu’il ne faut point s’en rapporter exclusivement aux inscriptions des gravures. Il existe un second portrait, petit in-folio, gravé de trois quarts, avec une main au manteau : Thomas Willeboirts Bosschaerts, Pictor ; Martinus Vanden Ende excudit.

Ad.Siret.