Catéchisme du curé Meslier/Texte entier

La bibliothèque libre.


CATÉCHISME


DU CURÉ MESLIER.



De tous ses préjugés l’homme est prêt à rougir :
De sa trop longue enfance il veut enfin sortir ;
Il se lasse du joug, il s’agite, il murmure ;
Il ose en appeller aux droits de la Nature…
Enfin, le Peuple pense……

Fragment d’un Poëme sur Dieu.


Mis au jour par l’Éditeur de l’Almanach des honnêtes gens.




L’AN PREMIER,

Du règne de la Raison & de la Liberté ;
de l’Ère vulgaire 1789.

Imprimé en 1790.

Nil credo auguribus, qui aures verbis devitant,
Alienas, suas ut auro locupletant domos.
Ex fragmentis Astyanactis accii.


Augures ! loin de moi tous ces Charlatans !
Qui vendent à prix d’or des mots vuides de sens.




L’ÉDITEUR DE BONNE FOI,


AUX LECTEURS BIEN INTENTIONNÉS.


CE livre n’est point un libelle. On ne trouvera ici ni médisances, ni calomnies, ni personnalités. Les amis de l’ordre & de la vérité, depuis long-temps, se disent tout bas à l’oreille ce qu’on ose écrire & publier ici.

L’erreur & le mensonge ont pu avoir leur moment d’utilité & servir de frein à un peuple esclave & ignorant : mais du moment qu’une Nation devient éclairée & s’est rendue libre, elle ne doit, elle ne peut plus être gouvernée que par ses propres loix. Quand un temple est bâti, l’échafaudage devient inutile & nuisible ; on l’abbat. Parvenu à l’âge de raison, on rejette avec dédain les hochets de la premiere enfance. Il ne nous faut plus désormais que des vertus publiques & des mœurs privées.

N. B. Il est certains préjugés qu’il faut attaquer, & qu’on ne peut détruire qu’avec l’arme du ridicule.


ÉPITAPHE


DU CURÉ MESLIER.


Ci-git
Jean Meslier,
Curé
D’Étrepigni, village de la Champagne :
décédé en 1733,
âgé de 55 ans ;
à sa mort, il rétracta
ce qu’il prêchoit pendant sa vie ;
et
n’eut pas besoin de croire en dieu,
pour être honnête homme.



CATÉCHISME


DU CURÉ MESLIER.




I.


De Dieu.


Demande. Qu’est-ce que Dieu ?

Réponse. Dieu est tout ce que veulent les Prêtres.

D. Pourquoi dit-on qu’il est un esprit ?

R. Pour faire peur à ceux qui sont toute matiere.

D. Pourquoi éternel ?

R. Pour faire durer plus long-temps le pouvoir de l’Église.

D. Pourquoi indépendant ?

R. Parce que les Prêtres n’ont jamais voulu dépendre de personne.

D. Pourquoi infini ?

R. Parce que l’Église voudroit n’avoir point de bornes.

D. Pourquoi présent par-tout ?

R. Parce que les Prêtres en ont besoin par-tout.

D. Pourquoi peut-il tout ?

R. Il pourra tout tant qu’on voudra bien le croire.

D. Que veut dire qu’il a créé toutes choses ?

R. Cela ne veut rien dire.

D. Pourquoi Dieu nous a-t-il créé & mis au monde ?

R. Pour le craindre & le servir dans la personne de ses Prêtres.




II.


De la Trinité.


D. Y a-t-il plusieurs Dieux ?

R. Oui, & non ! il n’y a qu’un Dieu ; mais ce Dieu unique en fait trois.

D. Pourquoi ces trois personnes divines sont-elles égales en toutes choses ?

R. Afin que les Prêtres aient trois cordes à leur arc.

D. Que faut-il conclure du mystere de la Sainte Trinité ?

R. Que c’est une rêverie renouvellée des Grecs. Voyez Platon, &c.




III.


De l’Incarnation.


D. Que veut dire qu’un Dieu s’est fait homme ?

R. Cela veut dire qu’un homme a voulu se faire passer pour un Dieu.

D. Est-il Dieu & homme en effet, & tout ensemble ?

R. Point de réponse à sotte demande.




IV.


Du Symbole.


D. Dites votre Credo.

R. Je ne crois qu’à la Vertu. S’il existe un Dieu, je ne crois pas qu’il ait un fils ; que ce fils ait été suspendu ; qu’il vienne un jour juger les vivants & les morts. Je ne crois pas non plus au Saint-Esprit de l’Église, encore moins à son infaillibilité. Je voudrois bien pouvoir me persuader la résurrection de la chair, & j’aimerois assez la vie éternelle.

D. Expliquez-nous ces premieres paroles :

Je ne crois qu’à la Vertu.

R. Parce que la Vertu me paroît la seule Divinité digne du cœur de l’homme.

D. Pourquoi dites-vous s’il existe un Dieu ?

R. C’est-à-dire, je n’ose affirmer l’existence d’un Dieu ; parce que je vois du mal & des méchants sur la terre, & j’aimerois mieux nier un Dieu que d’en faire un tyran.

D. Qu’entendez-vous par ces mots :

Je ne crois pas qu’il ait un fils.

R. Parce que Dieu le Pere, Dieu le Fils me paroît indécent & ridicule.

D. Pourquoi ne croyez-vous pas au Saint-Esprit ?

R. Parce que je n’entends rien à ce pieux galimathias.

D. Pourquoi ajoutez-vous :

Encore moins à l’infaillibilité de l’Église.

R. Parce que qui trompe peut être trompé.

D. Qu’entendez-vous par la résurrection de la chair ?

R. J’entends… une absurdité. La résurrection des corps n’est qu’un piége tendu à ceux qui n’ont point d’esprit.

D. Pourquoi paroissez-vous désirer plutôt une vie à venir que vous ne l’espérez ?

R. Parce qu’un pere bon & tout-puissant auroit tout d’abord placé ses enfants dans le meilleur des mondes possibles.




V.


Des Sacrements en général.


D. Qu’est-ce que les Sacrements en général ?

R. Ce sont des pratiques superstitieuses, instituées par des fourbes pour diriger des sots.

D. Pourquoi l’Église se sert-elle de tant de cérémonies dans l’administration des Sacrements ?

R. Parce qu’elle connoît le cœur humain : parce qu’elle n’ignore pas qu’il faut des spectacles au peuple, & qu’on mene son esprit quand on a frappé ses sens.




VI.


Du Baptême.


D. Qu’est-ce que le Baptême ?

R. C’est un petit bain salé qu’on donne à l’enfant qui vient de naître, & qui déjà est coupable d’un gros péché commis, dit-on, il y a quelques milliers d’années, par ses premiers ancêtres.

D. Le Baptême efface-t-il tous les péchés ?

R. Oui ! un homme qui prudemment attendroit le moment de sa mort pour se faire baptiser, peut se conduire ad libitum pendant sa vie ; le baptême le lavera de ses souillures les plus invétérées ; cela est commode.

D. Le Baptême peut-il être suppléé ?

R. Oui ! en se faisant égorger ou en égorgeant soi-même pour défendre & soutenir les intérêts de la Religion pacifique ; c’est ce qu’on appelle un Baptême de sang.

L’expédition de la Saint-Barthelemi étoit un Baptême de sang, & la sainte Inquisition est un Baptême de feu.




VII.


De la Confirmation.


D. Qu’est-ce que la Confirmation ?

R. C’est une espece d’accolade spirituelle que vous donne l’Église, & par laquelle vous devenez son preux Chevalier envers & contre tous.

D. Quels sont les effets du Sacrement de Confirmation ?

R. Il y en a plusieurs.

D’abord, il nous rend parfaits Chrétiens ; c’est-à-dire, opiniâtres, intolérants, peres durs, maris bourrus & citoyens sans patrie.

Ensuite, il nous donne non pas de l’esprit, mais le Saint-Esprit qui ne fait plus de miracles pour descendre sur nous en langues de feu, comme au temps des bons Apôtres ; mais qui vient habiter en nous incognito.

En troisieme lieu, il nous rend insensibles, non pas aux menaces des tyrans ; car il n’y en a plus qui persécutent les Chrétiens ; mais au mépris des Philosophes qui ont trouvé les Chrétiens persécuteurs à leur tour.

D. Qu’est-ce que le Saint Crême ?

R. C’est un composé d’huile & de baume, emblême de la douceur & des bons exemples qu’on seroit en droit d’exiger des Prélats qui conférent ce Sacrement.

D. Pourquoi donne-t-on un soufflet ?

R. C’est un autre emblême des affronts & des mauvais traitements qu’il y a à dévorer au service de ces mêmes Prélats, qui ne sont pas tous des Fenelons.

D. Ce Sacrement est-il absolument nécessaire pour être sauvé ?

R. Les Prêtres eux-mêmes avouent que non.

D. En quelle occasion doit-on principalement le recevoir ?

R. Quand on veut ébranler notre foi. Jamais on n’a eu tant besoin de ce Sacrement qu’aujourd’hui & jamais il n’a été aussi négligé.

D. Quelle disposition exige ce Sacrement ?

R. Une grande provision de foi, un dévouement aveugle & un front d’airain.




VIII.


De l’Eucharistie.


D. Qu’est-ce que l’Eucharistie ?

R. C’est le grand tour de gobelet des Prêtres.

D. Comment appelle-t-on le changement suposé du pain & du vin ?

R. Cet escamotage s’appelle Transubstantiation, grand mot qui en impose aux petits esprits.

D. Comment se fait cette métamorphose ?

R. Cette métempsycose s’opere en vertu de deux ou trois lignes de mauvais latin que prononce gravement le Prêtre qui sans doute en rit sous cappe.

D. N’y-a-t-il que le corps sous l’espece du pain & le sang sous l’espece du vin ?

R. Dieu est tout entier sous chacune des deux especes & tout entier encore sous chaque partie de ces mêmes especes ; ensorte que, (pour rendre cela plus sensible par un exemple) s’il fait du vent quand le Prêtre dit la Messe, le moindre petit zéphir disperse autant de Dieux qu’il fait voltiger de miettes de cette pâte divine : il arrive delà qu’en jappant, ou en poursuivant les moucherons, le petit chien d’une dévote communie par la même occasion avec sa maîtresse & l’Aumônier de sa maîtresse.

D. Et quels sont les effets de ce Sacrement ?

R. Pour vous répondre encore par un fait, je citerai le bon mot d’un Capucin indigne. Il étoit Aumônier d’une Reine d’Espagne : un Homme de Cour le traitant d’une façon cavaliere, notre Capucin lui dit avec une sainte impudence : Sachez que j’ai tous les jours votre Reine à mes pieds & votre Dieu dans mes mains.

D. En quelles dispositions doit-on recevoir le Dieu-pain ?

R. Il y en a de deux sortes ; les unes regardent l’ame & les autres le corps.

Les premieres sont :

Une foi sotte & la confession de ses péchés à un Pécheur.

Quant aux secondes :

Il faut n’avoir pas mangé auparavant de pain de ménage ; il faut, crainte d’ébranler sa foi, fermer les yeux & avaler son Dieu sans le mâcher. Jacques Clément de pieuse mémoire avoit encore son Dieu sur ses levres, quand armé d’un poignard, imitateur de Judith, il massacra bravement son Roi.

D. Quel crime commettent ceux qui communient en péché mortel ?

R. Ils commettent un sacrilege plus horrible mille fois que s’ils eussent tué le bon Henri ou leur pere.




IX.


De la Messe.


D. Qu’est-ce que le Sacrifice de la Messe ?

R. C’est le pain quotidien des Prêtres.

D. Pourquoi a-t-il été institué ?

R. Pour nous rappeller sans cesse qu’autre fois les Juifs suppliciérent un fanatique qu’ils auroient dû plutôt envoyer paître avec les brebis dont il se disoit si souvent le Pasteur, ou avec le troupeau de cochons que cet énergumene effraya & fit noyer.

D. Dans quel esprit doit-on assister à ce Sacrifice ?

R. Il faut assister à la sainte Messe en réfléchissant à part soi, qu’il n’est pas impossible de voir un jour l’homme en Oraison dans sa garde robe, aux pieds de sa chaise percée, puisqu’on est venu à bout de lui faire diviniser ce que dans peu il doit digérer.




X.


De la Pénitence.


D. Qu’est-ce que la Pénitence ?

R. De tous les Sacrements que l’Église imagina, celui-ci est son chef d’œuvre de politique. On pourroit le définir : l’art de tirer les vers du nez aux sots.

D. Combien a-t-elle de parties ?

R. Trois.

La Contrition,

Le Confession,

Et la Satisfaction.

C’est principalement sur les deux dernieres que les Prêtres appuyent le plus.

D. Qu’est-ce que la Contrition ?

R. C’est une détestation feinte du péché que l’on a commis, avec promesse tacite d’y retomber le moment d’après.

D. Qu’est-ce que la Confession ?

R. C’est un tribut honteux que l’Église leve sur la conscience timorée des gens crédules pour en faire tout ce qu’elle voudra, quand une fois elle a surpris leurs secrets.

D. Faut-il déclarer tous ses péchés ?

R. Vraiment, si l’on s’avisoit d’en passer un……

D. La Confession des péchés véniels est-elle absolument nécessaire ?

R. Elle n’est pas tout-à-fait de rigueur, mais elle ne laisse pas que d’être très-utile… aux Prêtres, s’entend : par là ils étudient l’esprit d’une maison & peuvent dans la suite agir en conséquence.

D. Qu’est-ce que la Satisfaction ?

R. C’est une réparation que l’on doit à Dieu, c’est-à-dire, à ses Prêtres, des injustices commises envers le prochain.

D. Qu’est-ce que l’Absolution ?

R. C’est une quittance orale qui vous sauve d’un châtiment éternel en l’autre vie, mais qui ne vous absoud pas (faites attention à ce dernier article) d’une satisfaction temporelle en cette vie ; & c’est là où votre Directeur vous attend.

D. Quelles sont les œuvres de pénitence ?

R. C’est d’obéir ponctuellement & aveuglément à tout ce que prescrit le Confesseur ; de se conduire, par exemple, si le cas avoit lieu, comme la docile Cadiere, avec le bienheureux pere Girard……… Voyez les Causes Célebres, &c., &c., &c.




XI.


De l’Indulgence.


D. Qu’est-ce que l’Indulgence ?

R. C’est le casuel de l’Église ; c’est un bâillon sacré que l’on achete, pour empêcher le remords de vous étourdir de ses cris importuns.

N.B. Il faut bien se garder de confondre les Indulgences du Pape, avec l’Indulgence du Philosophe.

D. Par quel pouvoir l’Église donne-t-elle des Indulgences ?

R. Par les pouvoirs que lui ont transmis l’abus & l’ignorance.

D. Que faut-il faire pour gagner les Indulgences ?

R. Il faut accomplir les conditions prescrites par l’Église ; c’est-à-dire, remplir ses troncs, baiser la sandale des Prêtres, & quelquefois pis, &c., &c., &c.




XII.


De l’Extrême-Onction, et du Viatique.


D. Qu’est-ce que cette cérémonie ?

R. C’est un moyen assez adroit, inventé par les Prêtres, pour s’emparer des derniers moments d’un malade, & profiter de la foiblesse de son esprit, afin d’en obtenir tout ce qu’ils convoitent.

D. Quels en sont les effets ?

R. D’épouvanter le moribond, de le rendre encore plus malade, & de lui faire insérer dans son testament des clauses qui ne plaisent pas toujours à la veuve & aux orphelins.

Les Prêtres disent aussi que ce Sacrement rend la santé au corps ; mais comme un malade, réduit à l’Extrême-Onction, n’en revient gueres, l’Église finement ajoute : Si la santé est nécessaire pour le salut du malade ; ensorte que, par ce retour, l’Église ne se rend responsable de rien.




XIII.


De l’Ordre.


D. Qu’est-ce que l’Ordre ?

R. C’est le pire de tous les Sacrements ; c’est celui qui nous donne des tyrans spirituels, plus redoutables encore que les autres ; c’est celui qui assure aux plus fourbes des hommes le droit de tout faire impunément, au nom du Ciel.

D. D’où vient cette puissance ?

R. De la barbarie des temps, des préjugés, de la fausse politique, de l’ambition, &c., &c.

D. Comment cette puissance est-elle venue jusqu’à nous ?

R. Hélas ! je n’en sçais rien ; c’est peut-être parce que de tout temps il y a eu des sots & des fourbes sur la terre. On nous menace que ce despotisme, d’autant plus odieux qu’il est sacré, durera jusqu’à la fin des siecles : per omnia sæcula sæculorum. Ce n’est point ici le cas de répondre : Amen.

D. Avec quelles dispositions doit-on recevoir ce Sacrement ?

R. Il y a quatre principales dispositions pour être admis à l’Ordination ; savoir :

L’Impudence,

La Dissimulation,

L’Ignorance,

Et un Cœur de rocher.




XIV.


Du Mariage.


D. Qu’est-ce que le Mariage ?

R. C’est une question qui me fait toujours sourire, quand je l’entends proposer gravement à une fille de quinze ans, par un Clerc de vingt.

D. Qu’est-ce que le Sacrement du Mariage ?

R. C’est un droit assez bizarre, que les Prêtres de tout temps se sont arrogé, & maintiennent sur des plaisirs qui devroient leur être défendus ; ce qui prouve qu’il faut que les Prêtres touchent à tout : encore s’ils se contentoient de bénir le lit nuptial, sans en exiger la dixme !




XV.


Des Commandements de Dieu.


D. Est-ce assez d’être baptisé & d’avoir de la foi, pour être sauvé ?

R. Non. Il faut encore garder les Commandements de Dieu, & sur-tout ceux de l’Église.

D. Quels sont les Commandements de Dieu ?

R. À l’exception des trois premiers que Moïse eut le soin de mettre en tête du décalogue, parce qu’ils regardent les Prêtres, les sept autres suivants ne sont que les plus simples loix, les éléments de la morale, gravés dans le cœur de tous les hommes, & que le plus ancien comme le plus adroit des trois imposteurs, n’avoit pas besoin d’aller chercher sur une haute montagne, ni de les faire écrire sur des tables d’airain, par le doigt de son Dieu.

D. Dites ces Commandements en vers françois.

R. Vous avez bien de la bonté d’appeller cela des vers ; ce n’est que de la mauvaise prose mal rimée.

D. Qu’est-ce que croire en Dieu ?

R. C’est se soumettre servilement à tout ce que l’Église prétend avoir reçu de Dieu, par la Révélation.

D. Comment Dieu s’est-il révélé ?

R. Par l’Écriture, monument plus que suspect, & par une tradition incertaine, à des Prêtres infaillibles, quoiqu’ils soient hommes.

D. Comment peche-t-on contre la Foi ?

R. De quatre manieres :

1.o En se servant de sa raison.

2.o En osant douter.

3.o En restant neutre ou indifférent.

4.o En usant de tolérance.

D. Qu’est-ce qu’espérer en Dieu ?

R. C’est se nourrir de chimeres.

D. Comment peche-t-on contre l’espérance en Dieu ?

R. En se défiant (non sans raison peut-être) d’une Providence, Auteur, tout-à-la-fois, & du bien & du mal ; qui fait la pluie & le beau temps.

D. Qu’est-ce qu’aimer Dieu ?

R. C’est faire l’impossible ; car qui jamais a pu aimer ce qu’il ne connoît pas, ce qu’il n’a jamais vu, & ce qu’il craint ?

D. Comment peche-t-on contre l’amour de Dieu ?

R. En fermant son cœur à un tyran qui laisse agir les causes secondes ; qui peut à chaque instant m’anéantir, comme au tremblement de terre de Lisbonne, &c., &c., &c.

D. Est-on obligé d’aimer son prochain ?

R. Théologiquement parlant, on n’y est obligé qu’autant que l’intérêt des Prêtres n’en souffre point ; car ils sont les premiers amis, les premiers parents, les premiers pauvres, &c.

D. Qu’est-ce qu’adorer Dieu ?

R. C’est ramper aux pieds de ses Commettants.

D. Peut-on prier les Saints ?

R. Pourquoi non ? N’obtient-on pas tout d’un Évêque, quand on a gagné sa maîtresse, ou celle de son Grand-Vicaire ?

D. Comment doit-on invoquer les Saints ?

R. En chargeant de riches offrandes leurs Autels, desservis par les Prêtres.

D. Ne fait-on point injure à J. C., en priant les Saints ?

R. Point du tout ; ils s’entendent entr’eux.

D. Peut-on honorer les Reliques des Saints ?

R. À vous très-permis ; on vous invite sur-tout à les faire enchâsser avec luxe.

D. Peche-t-on en honorant les images ?

R. Pas plus que ne péchoient les pauvres Gentils, qu’on traite cependant d’idolâtres ; tandis que nous ne serons sauvés que par la même raison pour laquelle nous les damnons.

D. Qu’est-ce que le Dimanche ?

R. C’est le jour que le Tout-Puissant qui pouvoit créer mille mondes d’un souffle, se reposa, après avoir eu bien de la peine à parachever notre misérable petite planette, en six jours ; encore, dit-on, étoient ils trois à cette grande besogne.

D. Pourquoi l’Église sanctifie-t-elle le Dimanche ?

R. Pour faire sa recette.

D. Que faut-il pratiquer pour sanctifier le Dimanche ?

R. Il faut faire le paresseux, brâiller du mauvais latin qu’on n’entend pas, mettre dans le plat du Curé, & dormir à son Prône ou à son Sermon.

D. Qui sont ceux qui pechent contre la sanctification du Dimanche ?

R. Tous ceux qui ont trop d’oreille pour aimer le Plain-Chant, & trop de jugement pour se plaire aux saintes platitudes d’un Capucin nazillard ; ou bien encore ceux qui croiroient avoir perdu leur journée, s’ils ne l’avoient consacrée à un travail utile.

D. À quoi nous obligent les autres Commandements de Dieu ?

R. Je ferois injure aux enfants des hommes, si je les soupçonnois avoir besoin d’apprendre ce que la nature leur inspire en naissant.




XVI.


Des Commandements de l’Église.


D. L’Église a-t-elle le pouvoir de faire des Commandements ?

R. Du moins trouve-t-elle des esprits assez sots pour le croire.

D. Combien y a-t-il de Commandements de l’Église ?

R. Une demi-douzaine.

D. Quelles sont les Fêtes instituées par l’Église ?

R. Il y en a de deux sortes. Les unes regardent les mysteres, ce sont les grandes & les plus absurdes ; les autres ont pour objet d’honorer la Vierge & les Saints, ce sont les plus lucratives & les plus nombreuses.

D. Qu’est-ce qu’un Saint ?

R. C’est un homme qui a cessé de l’être pour son tourment & celui des autres.

D. À quoi nous oblige le second Commandement ?

R. À assister à tous les Offices, tant de jour que de nuit ; c’est-à-dire, à faire une cour assidue aux Prêtres.

D. Et le troisieme ?

R. À la Confession. Il est de la propreté de se purifier le corps tous les jours ; l’ame n’a besoin de l’être qu’à tout le moins une fois l’an.

D. De quelle peine l’Église menace-t-elle ceux qui ne s’acquittent point du quatrieme ?

R. L’entrée du Temple leur est interdite pendant leur vie, & la sépulture après leur mort.

D. À quoi vous obligent les cinquieme & sixieme Commandements ?

R. À manger davantage, mais moins souvent, ou plus tard, & à préférer un brochet à son potage ordinaire.

D. Pourquoi a-t-on institué le jeûne & l’abstinence ?

R. Entr’autres conjectures, celle-ci pourroit être admise. Un Évêque, dans les premiers temps de l’Église, n’aura trouvé pour tout revenu que des étangs ; en conséquence il aura ordonné le poisson dans l’étendue de son Diocèse.




XVII.


Du Péché.


D. Qu’est-ce que le péché originel ?

R. Une injustice digne de Tibere.

D. Qu’est-ce qu’un péché capital ?

R. Comme les exemples sont à la portée de plus de personnes, que les définitions, je réponds que la philosophie est un Péché capital, qu’elle donne naissance à trois péchés mortels pour lesquels l’Église refuse toujours l’absolution, savoir :

l’Incrédulité,

le Pirrhonisme,

la Tolérance.

D. Quelle est l’opposé de la philosophie ?

R. La Théologie, qui se divise aussi en trois branches, savoir :

l’Amour du Préjugé,

la Foi sur parole,

& le Fanatisme.

D. Où l’Église a-t-elle pris l’idée des sept péchés mortels capitaux ?

R. Dans son propre Giron. En effet :

Rien de plus orgueilleux qu’un Capucin.

Rien de plus avare qu’un vieux Prélat.

Rien de plus luxurieux qu’un Carme.

Rien de plus envieux qu’un jeune Prêtre.

Rien de plus gourmand qu’une None.

Rien de plus colere qu’un Pape.

Rien de plus paresseux qu’un Chanoine.




XVIII.


De l’état de l’homme après sa mort.


D. Que devient l’homme après sa mort ?

R. N’importe ce qu’il devient, il est heureux, puisqu’il se trouve hors des mains Sacerdotales.

D. Quelle est la récompense que Dieu promet aux justes ?

R. C’est de savoir s’il ressemble à ceux qui le représentent sur la terre.

D. Tous les Justes voient-ils Dieu après leur mort ?

R. Non, il n’y a que ceux qui ont eu le bonheur de voir leur Confesseur avant de mourir.

D. Qu’est-ce qu’un Juste ?

R. C’est un bon Chrétien pour lequel on a eu soin de payer la présence de son Curé à son convoi, qui n’a pas oublié de faire mettre sous le chandelier, le prix de la course du porte-Dieu, & a donné pour boire aux sonneurs qui ont rompu la tête de ses voisins, & aux crocheteurs apostoliques qui l’ont porté en terre.

D. Pourquoi prie-t-on pour les morts ?

R. Pour avoir l’argent des vivants.

D. Qu’est-ce que le Purgatoire ?

R. C’est le brasier qui fait bouillir la marmite du Pasteur dont les ouailles fournissent le bois.

D. Quelle est la peine des Méchants ?

R. Leur corps subit le feu, l’ame aussi ; oui, l’ame : le Catéchisme dressé par ordre de Monseigneur…, le dit formellement ; je n’en suis ici que le Copiste.




XIX.


Du Signe de la Croix.


D. Pourquoi fait-on le Signe de la Croix ?

R. Ce Signe est le point de ralliement, le cri de guerre des Chrétiens. Au massacre de la Saint Barthelemi, il servoit à distinguer les charitables Catholiques égorgeant pieusement leurs Concitoyens Protestants.




XX.


Du Pater


Et de la Salutation Angélique.


I.


Du Pater.


D. Qu’est-ce que l’Oraison Dominicale ?

R. C’est une Priere qui certainement n’a pas pour auteur un Philosophe, encore moins un homme de goût.

D. Dites votre Pater.

R. Je vais vous le lire ; car ma mémoire récalcitrante n’a jamais pu le retenir tout entier…

D. Pourquoi dites-vous, Notre Pere ?

R. Dans le fait, je n’en sais rien : car Dieu ne nous traite pas comme ses enfants.

D. Pourquoi dites-vous, qui êtes aux Cieux ?

R. Je le dis ainsi, parce qu’il est écrit ainsi : car il y a long temps que j’ai cru voir dans ce peu de paroles une lourde inconséquence & même une contradiction manifeste. Dieu n’est-il pas par-tout ?

D. Expliquez-nous, que votre nom soit sanctifie.

R. J’en serois bien embarrassé, car je ne conçois pas comment un atôme peut glorifier & sanctifier un Dieu.

D. Expliquez-nous, que votre Regne arrive !

R. En effet, il seroit temps que le Maître arrivât : car on commence à être bien las de ses valets.

D. Et ces paroles, que votre volonté soit faite, &c.

R. Me semblent ridicules. Les Catholiques sont les premiers qui se soient avisés de dire à leur Maître absolu qu’ils veulent bien lui obéir.

D. Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien ? —

R. Si j’étois pere, je gronderois mes enfants, quand ils me feroient une priere aussi injurieuse à mes devoirs & à mon cœur.

D. Pourquoi dites-vous : pardonnez-nous nos offenses ?

R. Je dis cela pour obéir, car un homme ne peut pas plus fâcher un Dieu que lui faire plaisir : d’ailleurs Dieu a-t-il besoin, pour être juste & clément, qu’on lui rappelle son équité & sa bonté ?

D. Expliquez-nous : comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

R. Je tremble toujours, quand j’entends ce passage sortir de la bouche d’un Prêtre. Hélas ! Que devienderions-nous, si Dieu ne pardonnoit pas mieux que ses Ministres ?

D. Et ne nous induisez pas à la tentation.

R. Pour cet article, j’ai beaucoup de répugnance à le prononcer ; car je le crois un véritable blasphême. Quoi ! un Dieu tenter l’homme ! Dieu ne seroit-il qu’un avec le démon ? On auroit du penchant à le croire, si on le jugeoit, d’après ses Vices-Dieu.

D. Mais délivrez-nous du mal…

R. De quel mal ?


II.


L’Ave Maria.


D. Qu’est-ce que la Salutation Angélique ?

R. C’est un petit madrigal hébreux que l’Ange Gabriel fit, de la part de son maître le Saint-Esprit, à la Vierge Marie, femme de Joseph le Charpentier. Si j’etois mere, je me garderois bien de le faire apprendre, & sur-tout d’en expliquer le sens à mes filles.


Fin des Réponses catégoriques

Aux principales demandes du Catéchisme de Paris.




Ad majorem gloriam Ecclesia.






SECONDE PARTIE.


Réponses catégoriques aux principales demandes du Catéchisme de Montpellier.




Demande. Donnez-nous une idée des vérités de la Religion.

Réponse. Ces vérités-là ne sont pas bonnes à dire.

D. À combien de parties peut-on réduire toutes les vérités de la Religion ?

R. Il n’y auroit pas de quoi en former un volume bien gros.

D. Sommes-nous certains qu’il y a un Dieu ?

R. Pas autant que de la Géométrie d’Euclide & de l’Arithmétique de Barrême.

D. Par quelles raisons pouvons-nous nous convaincre qu’il y a un Dieu ?

R. Ce ne seroit pas par celles qu’on tireroit du mal physique & moral.

D. Pourquoi est-il parlé dans l’Écriture des bras, des jambes, des mains, des pieds de Dieu ?

R. Parce que si les Singes se faisoient un Dieu, ils le feroient velu à l’image d’un Singe.

Le Roi d’Angleterre, Jean Sans-Terre, prioit par les dents de Dieu.

D. N’est-il pas parlé aussi dans la même Écriture-Sainte que Dieu se met en colere ?

R. Oui, sans doute, & en plus d’un endroit ; ce qui prouve que quand on veut parler de ce qu’on ne peut connoître, on s’expose à bien des contradictions & à bien des inconséquences.

D. N’y a-t-il qu’un Dieu ?

R. Cette question n’est gueres philosophique & ne mériteroit pas de réponse. L’Église dit qu’il n’y en a qu’un, mais en même temps elle a trouvé en lui assez d’étoffes pour en tailler trois dans le besoin. Elle en a fait un polype.

D. N’est-ce pas manquer de raison que de croire ce qu’on ne comprend pas ?

R. Qui vous dit le contraire ?

D. Sommes-nous certains que Dieu a révélé le Mystere de la Sainte Trinité ?

R. Autant qu’on peut l’être d’une absurdité.

D. Comment Dieu se fait-il connoître hors de lui-même ?

R. C’est une énigme dont les Prêtres se vantent d’avoir le mot ; ils sont plus hardis que les Philosophes.

D. Quels sont les ouvrages de Dieu ?

R. Si les Prêtres en sont, & si l’œuvre fait connoître l’ouvrier, il faut avouer que Dieu n’a pas toujours fait de bonne besogne.

D. Est-ce le Pere, ou le Fils ou le Saint Esprit qui a fait le monde ?

R. Ils n’étoient pas trop de trois pour le faire.

D. Pourquoi Dieu a-t-il créé le Ciel & la Terre ?

R. Dieu n’a pas de compte à rendre.

D. Comment Dieu a-t-il fait le Ciel & la Terre ?

R. Le comment n’est pas plus aisé à expliquer que le pourquoi. Nous n’en finirons pas, si vous exigiez le comment & le pourquoi de la Religion.

D. Il y a-t-il long-temps que Dieu a créé le Ciel & la Terre ?

R. Les Chronologistes le mettent à l’ouvrage, les uns plutôt, les autres plus tard ; quelques-uns, pour ne pas se tromper dans des calculs aussi difficiles, font le monde éternel & coupent ainsi le nœud.

D. Combien de temps Dieu a-t-il employé pour faire le monde ?

R. Tout juste une semaine entiere.

D. Qu’est-ce que les Anges ?

R. Ce sont des êtres mixtes, des animaux amphibies, moitié Dieux, moitié hommes, ce sont les Commissionnaires du vieux Pere Éternel. On les prendroit pour de mauvaises copies des demi-dieux de la mythologie profane.

D. Les Anges sont-ils nus ou habillés ?

Réponse de Jeanne d’Arc dans son interrogatoire, à Rouen : — pensez-vous que Dieu n’ait pas de quoi les vêtir. —

D. En quoi consiste la vie éternelle ?

R. Quand nous y serons, nous le saurons.

D. Qu’est-ce que les démons ?

R. Suivant Côme Ruggeri, les Démons ne sont que les ennemis que chacun a : & qui n’en a pas ?

D. Les Démons sont-ils tous en Enfer ?

R. Hélas ! non. Il y a sur la terre des Démons mâles & femelles, des Démons domestiques, des Démons politiques, des Démons Ecclésiastiques ; & ces derniers sont les pires de tous.

D. Qu’est-ce que l’Enfer ?

R. Quand nous y serons, nous le saurons.

D. Quelle est la Créature la plus parfaite ?

R. L’homme ne manquera de s’écrier : c’est moi.

D. Comment est-ce que Dieu forma l’Homme ?

R. Encore un comment ! mais comment peut-on faire cette question ?

D. Qu’est-ce que l’Ame ?

R. Quand on m’aura bien expliqué le Méchanisme du Corps, je pourrai dire ce que c’est que l’ame.

D. Qu’est-ce que l’arbre de vie & celui de la science du bien & du mal dont parle la Genese ?

R. C’est peut-être l’emblême d’une chose dont le mot propre feroit rougir une Vierge.

D. Comment le Démon séduisit-il Eve ?

R. Comme on est venu à bout, depuis, de toutes les autres femmes qu’on a attaqué.

D. Qu’étoit-ce le déluge ?

R. Ce ne fut pas le plus beau miracle du Pere des miséricordes.

D. Qui étoit Noé ?

R. Noé est le pere des ivrognes, comme Adam est celui des cocus. L’un se fit montrer au doigt par ses enfants, & l’autre se laissa coîffer par sa femme ; tous deux modeles, dignes de ceux qui les offrent & de ceux à qui on les offre.

D. Que signifie l’Arche de Noé (dans le style figuré) ?

R. L’Arche de Noé représente l’Église.

D. Qu’est-ce que la Tour de Babel (toujours dans le style figuré) ?

R. La Tour de Babel est encore le Symbole de l’Église où l’on parle sans s’entendre & l’ambition est sans comble.

D. Qui étoit Abraham ?

R. Le pere des Croyans. Sa famille diminue de jour en jour & va bientôt s’éteindre.

D. Qu’est-ce que le Sacrifice d’Isaac ?

R. Une atrocité : une mere dit à ce sujet que Dieu n’auroit point commandé un tel sacrifice à une mere : une Juive, ou une dévote cependant en auroit été capable.

D. Que fit Joseph avec la femme de Putiphar ?

R. Il ne fit rien.

D. Qui étoit Moïse ?

R. Le plus habile & le moins heureux des trois imposteurs.

D. Que signifie l’agneau Paschal ?

R. Un enfantillage. Quelques personnes y ont entrevu la conduite des Prêtres, qui, vêtus de la toison des brebis confiées à leurs soins, égorgent pour s’en nourrir le troupeau dont ils se disent impudemment les Pasteurs, & dont ils ne sont que les bouchers.

D. Que signifie le passage de la Mer rouge ?

R. Un miracle pour les sots ; une sottise pour les gens sensés.

D. Que signifie la Mane ?

R. Idem.

D. Que fit Moïse sur la Montagne de Sinaï ?

R. Il y composa mille drogues qui resteroient aujourd’hui sans acheteurs.

D. Comment vécut David ?

R. Comme ont vécû depuis tous les Rois libertins & tyrans.

D. Comment vécut Salomon ?

R. Voyez le Cantique des Cantiques.

D. Qu’étoient les Prophêtes ?

R. Des frippons ou des sots.

D. Qu’étoit Job ?

R. L’image de bien des gens.

D. Que sont les prophéties ?

R. Sunt verba & voces, prætereà que nihil, comme l’ancienne musique française.

D. Qu’étoit Jesus-Christ ?

R. Le fils putatif d’un compagnon charpentier.

D. Qu’étoit la Vierge ?

R. La femme putative d’un Charpentier.

D. A-t-elle toujours été Vierge ?

R. Autant qu’on peut l’être, quand on a eu un enfant.

D. Et S. Joseph, qu’étoit-il ?

R. Ce que sont encore tous les jours maints époux qui ne croient pas lui ressembler tant.

D. Pourquoi Jesus-Christ voulut-il naître dans une étable ?

R. L’étable où il naquit étoit une figure caractéristique de son Église ; le bœuf, l’âne, les Pasteurs & les Rois mulâtres représentoient ceux qui devoient un jour entrer dans le giron de l’Église.

D. Que savons-nous sur l’enfance de J. C.

R. Rien ; & vraisemblablement à en juger d’après ce qu’il fit dans son adolescence jusqu’à sa mort hâtive, nous n’y perdons pas grand’chose.

D. Quelle vie mena J. C.

R. Une vie qui ne lui mériteroit aujourd’hui qu’une loge aux petites maisons, ou un lit aux incurables.

D. Que fit J. C.

R. Ce qu’on ne s’avisera pas de faire de si tôt ; il lui en a trop coûté.

D. Qu’entendez-vous par ces paroles : J. C. se transfigura.

R. J’entends un petit tour de Comus, qui ne prendroit plus aujourd’hui.

D. Qu’est-ce que la Passion de J. C.

R. Le supplice d’un fanatique plus à plaindre qu’à blâmer, qui méritoit plus de pitié que de courroux.

D. Que fit J. C. sur la Croix ?

R. Il rendit l’esprit, & ce ne fut pas le moment le plus douloureux de son supplice.

D. Quels furent les prodiges arrivés à la mort de J. C. ?

R. Le plus grand de ses prodiges, c’est qu’on en parle encore.

D. Pourquoi Dieu a-t-il voulu mourir d’une maniere si ignominieuse ?

R. Ne lui en sachons pas tant de gré ; le genre de sa mort n’étoit peut-être pas à son choix.

D. Quels bienfaits J. C. nous a-t-il procuré par sa mort ?

R. Quand ce ne seroit que le massacre de la S. Barthelemi & l’établissement de la sainte Inquisition.

D. Qu’entendez-vous quand vous dites que J. C. est mort ?

R. J’entends un trait d’histoire fort ordinaire.

D. Jesus-Christ est-il ressuscité ?

R. Ce n’est plus ici un trait historique ; cette question appartient à la mythologie moderne, qui, par parenthese, ne vaut pas son aînée.

D. Après sa Résurrection, à qui Jesus-Christ s’est-il montré ?

R. La premiere personne dont il se laissa toucher, fut une femme.

D. Jesus-Christ n’est-il plus sur la terre ?

R. La meilleure partie de lui-même, son esprit intolérant & fanatique, y est toujours.

D. Quelle place Jesus-Christ occupe-t-il dans le Ciel ?

R. On le fait asseoir à la droite de son Pere.

D. Dieu a-t-il une main droite ?

R. Le croyez-vous manchot ? Ses Substituts ne le sont pas du moins.

D. Pourquoi dites-vous que Jesus-Christ est assis dans le Ciel ?

R. Un Dieu même ne pourroit pas être debout pendant toute l’éternité.

D. Pourquoi dites-vous que Dieu est notre pain ?

R. Parce que nous le mangeons à table d’hôte, servi par des Prêtres qui rançonnent raisonnablement leurs convives. Il n’y a gueres de repas plus léger, & plus cher.

D. Quelles sont les choses que l’on doit imiter en Jesus-Christ ?

R. Je vous dirois plutôt celles dont on devroit se défendre.

D. Comment est-ce que le Saint-Esprit est descendu sur les Apôtres ?

R. En langues de feu ; c’est pour cela que quand leurs successeurs parlent, ils mettent tout en combustion.

D. Qu’est-ce qu’un Martyr ?

R. Un homme qui a perdu la tête, ou qui n’en a jamais eu.

D. Qu’est-ce que l’Église ?

R. C’est un troupeau de moutons, conduits par des loups déguisés en Pasteurs.

D. Quel est l’esprit qui anime le corps de l’Église ?

R. C’est à l’Histoire Ecclésiastique à nous en instruire. Qu’on s’arrête, par exemple, au supplice de Jean Hus.

D. Qu’est-ce qu’un Chrétien ?

R. Saint-Justin, Martyr, va vous répondre pour moi : Omnes qui ratione vixêre, sunt Christiani, etiamsi Athei.

D. L’Église subsistera-t-elle jusqu’à la fin du monde ?

R. On nous en menace fort, mais on interjettera appel au Tribunal de la Raison.

D. Qu’entendez-vous par l’Église Romaine ?

R. Celle qui a fait le plus de mal & le moins de bien, parce qu’elle a été la plus forte.

D. Pourquoi l’Évêque de Rome est-il appellé Pape ?

R. C’est un mot grec, qui veut dire Pere. Les Papes ont oublié l’étymologie de leur nom, ou plutôt ils ne l’ont jamais bien sçue.

D. Quels sont les ennemis de la Religion ?

R. Tous les Amis de la Raison.

D. Quels sont les avantages de la Religion ?

R. Les Prêtres seuls peuvent répondre à cette demande.

D. Les Chrétiens doivent-ils étudier l’Écriture Sainte ?

R. Malheur à leur foi, s’ils y apportent trop d’attention.

D. Tous les usages reçus dans l’Église, viennent-ils des Apôtres ?

R. Il faut être juste ; pour leur honneur, ils n’en viennent pas tous.

D. Qu’est-ce qu’un Concile ?

R. Pour en donner une idée assez juste, il est à propos d’appliquer à un Concile le mot de Piron, sur l’Académie Françoise : ils sont là dedans quarante, & ils ont de l’esprit comme quatre.

D. La Foi est-elle la même en tous ceux qui croient ?

R. Les uns ont une foi vive, les autres une foi morte ou mourante. Il y en a, & c’est le plus grand nombre, qui n’ont ni l’une ni l’autre.

D. Qu’est-ce qu’un vœu ?

R. Ordinairement, c’est une promesse qu’on ne tient pas.

D. Qu’est-ce que la Chasteté ?

R. Demandez à un Carme.

D. Qu’est-ce que mentir ?

R. C’est faire le Prophête.

D. Est-il quelquefois permis de mentir ?

R. Un Prêtre vous dira oui ; un honnête homme vous dira non.

D. Qu’est-ce que la Flatterie ?

R. Personne ne peut mieux la définir qu’un Confesseur de Roi.

D. Est-ce un grand nom que celui de Jesus-Christ ?

R. J’en connois de plus saint.

D. Pourquoi Jesus-Christ fit-il son entrée à Jérusalem, monté sur une ânesse ?

R. L’ânesse opiniâtre & ignorante, étoit le symbole de l’Église future.

D. Pourquoi ne sonne-t-on pas les cloches depuis le Jeudi jusqu’au Samedi-Saint ?

R. Pour ne point réveiller le chat qui dort.

D. Pourquoi appelle-t-on Ténebres l’Office de la Semaine Sainte ?

R. Il est vrai qu’on auroit pu donner ce nom aux Offices que l’Église célebre pendant toute l’année.

D. Pourquoi éteint-on les lampes pendant l’Office du soir de la Semaine Sainte ?

R. Pour montrer allégoriquement que la Religion éteint en nous le flambeau de la Vérité.

D. Pourquoi fait-on du bruit aux mêmes Offices ?

R. Toutes ces cérémonies sont le symbole de la conduite de la Religion Catholique, Apostolique, Romaine, & autres.

D. Pourquoi dépouille-t-on les Autels ?

R. Pour nous exhorter à les recouvrir de présens.

D. Pourquoi chante-on Alleluia ?

R. On chante pour chanter.

D. À quel âge peut-on communier ?

R. Un peu avant qu’on ait atteint toute sa raison.

D. Quel est l’esprit de l’Église dans l’imposition des cendres ?

R. De nous faire ressouvenir que nous sommes sous la verge des Prêtres depuis nôtre naissance jusqu’à notre mort.

D. Qu’est-ce que la Grace ?

R. Je serois peut-être moins embarrassé, si vous me demandiez, qu’est-ce que les Graces ?

D. À qui Dieu donne-t-il ses Graces ?

R. À ceux qui les ont payées d’avance.

D. Qu’est-ce que la Fête-Dieu ?

R. C’est le Carnaval de l’Église, c’est le temps des saintes mascarades.

D. Comment savons-nous qu’il y a un Purgatoire ?

R. Par ceux qui ont intérêt à ce qu’il y en ait un.

D. Qu’est-ce que le Jubilé ?

R. C’est un monitum de l’Église pour reveiller la dévotion & sur-tout la génerosité des fidelles, envers elle.

D. Que faut-il faire pour ne point perdre l’effet des Indulgences ?

R. Il faut les payer exactement.

D. Qu’entendez-vous par les Cas réservés ?

R. J’entends une espece particuliere de despotisme sacerdotal.

D. Qu’est-ce que l’excommunication ?

R. C’est un grand mot qui ne signifie plus grand’chose.

D. Qu’est-ce qu’un Monitoire ?

R. Idem.

D. Qu’est-ce que la Simonie ?

R. C’est un vice du terroir de l’Église.

D. Qu’est-ce que le joug de l’Évangile ?

R. Il pouvoit être léger dans les premiers temps ; mais par la suite il est devenu lourd au point d’en être insupportable.

D. Pourquoi l’Église fait-elle ses prieres publiques dans un langage inconnu au peuple ?

R. Pour lui en imposer. Le peuple est porté à révérer tout ce qu’il n’entend pas.

D. Pourquoi l’Église se sert-elle d’encens ?

R. Pour enivrer les cerveaux foibles de ceux dont la saine raison lui deviendroit funeste.

D. Pourquoi & depuis quand n’est-il plus permis d’offrir à Dieu, comme autrefois, des animaux en sacrifices ?

R. Depuis, & parce qu’on immole des hommes : il est vrai que l’Eglise en ce siecle s’est un peu relâchée de son ancienne & respectable discipline. Autrefois elle immoloit les hommes dans leur vie, dans leur honneur, & dans leurs biens ; les immoler aujourd’hui dans leur vie, seroit par trop criant. Les immoler dans leur honneur n’est plus chose faisable. Il ne lui reste plus que de les immoler dans leurs biens ; & les hommes croient à ce prix, en être quittes à grand marché.

D. Doit-on aller à l’Offrande, à la Messe de Paroisse ?

R. Sans doute, point d’argent, point de Suisse : point d’Offrande, point de Messe.

D. Qu’est-ce qu’un miracle ?

R. C’est ce qu’on n’a jamais vu, & ce qu’on ne verra jamais.

D. Qu’est-ce qu’un Mystere ?

R. C’est l’argument des Théologiens, quand ils n’en ont plus d’autres.

D. Qu’est-ce qu’une Prophétie ?

R. C’est une autorité pour ceux qui n’ont pas bonne mémoire.

D. Qu’est-ce que la Bible ?

R. C’est un Livre dont on empêcheroit aujourd’hui la premiere édition, si heureusement elle étoit encore à faire, pour peu qu’on s’intéressât au maintien des bonnes mœurs.

D. Qu’est-ce que l’Évangile ?

R. C’est un autre Livre Divin que les Chinois n’auroient point préféré au juste milieu de Confucius, & les Romains aux offices de Cicéron ou à l’Enchyridion d’Épictete.

D. Qu’est-ce qu’un Prêtre ?

R. Hélas ! c’est après Dieu l’être dans l’univers, qui a, ou qui a eu le pouvoir le plus absolu, & le plus obscur… Il y auroit un traité philosophique & moral à faire, qui seroit bien piquant s’il étoit bien digéré. Il auroit pour titre : des valets & des Prêtres.

D. Qu’est-ce qu’un Pape ?

R. C’est un Vicaire qui en sçait souvent plus long que son Curé.

D. Qu’est-ce que le Clergé ?

R. C’est un corps sans tête ; mais qui a les bras longs, & qui ne coupe jamais ses ongles.

D. Qu’est-ce que Rome la Sainte ?

R. C’est une Ville où l’on voit beaucoup de statues & peu d’hommes ; où l’on rencontre plus de masques que de visages.

D. Pour finir canoniquement, suivant cet axiome pieux, Deus est alpha & omega ; dites-nous encore une fois ce que c’est que Dieu ?

R. Ce ne sera plus moi qui vous répondrai, je laisserai parler le grand Tertulien :

Deus est ens ignotum & creditum.

D’après cette définition, par un Pere de l’Église, sur le point capital & fondamental de la Religion, on peut sçavoir à quoi s’en tenir sur tout le reste.




PRIERE PHILOSOPHICO-MORALE
à Dieu.


Pour le matin & pour le soir de chaque jour de l’année, depuis la naissance jusqu’à la mort.


Toi que je n’ai jamais vû, & que je ne connois que de nom ; toi dont l’existence est présumée par l’harmonie de cet univers & démentie par le désordre de ce même univers ; toi dont on dit que je suis l’Enfant ; ne me cache pas mon pere. Pour me faire embrasser la Vertu, explique-moi, d’où vient que dans ton empire, elle est si souvent malheureuse ? pour me détourner du vice, dis-moi pourquoi tu permets qu’il soit presque toujours impuni ? Réponds-moi autrement que par la bouche de tes Prêtres sots ou frippons. Je te dois la vie ; te l’avois-je demandée ? Est-elle un bienfait ? Tu m’as donné la Raison pour me conduire, & les passions plus fortes pour m’égarer. Tu m’as doué de la liberté, & tu sçavois que j’en abuserois. Auteur du bien, le serois-tu donc aussi du mal ? Être tout-puissant & parfait, demeurerois-tu indifférent sur le sort de tes ouvrages foibles & imparfaits ? Trop au-dessus d’eux par ta grandeur, ta bonté devroit t’en rapprocher ; pur esprit, comment peux-tu agir sur la matiere ? Hélas ! dans un monde dont je fais partie, je ne rencontre que des énigmes ; & toi, tu en es la premiere & la plus difficile à deviner… jusqu’à ce que tu daignes m’en dire le mot, qu’ai-je à craindre si je ne te préfére que la Vertu ?






ÉPILOGUE.


Quel fourbe, le premier, pour nous donner la loi,
Attacha sur nos yeux le bandeau de la foi,
Dégrada les vertus par un honteux salaire,
De l’homme bienfaisant fit un vil mercenaire,
Et lui montrant au Ciel son rémunérateur,
Osa lui proposer un prix hors de son cœur !…

Fragment d’un poëme moral sur Dieu.


FIN de la seconde & derniere Partie.