Chant séculaire (Horace, Leconte de Lisle)

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Traduction par Leconte de Lisle.
Alphonse Lemerre, éditeur (Tome premierp. 225-229).








Phoebus, et Diana, reine des forêts, resplendissant honneur du ciel, ô toujours adorables et toujours adorés, donnez ce que nous vous demandons, en ce temps sacré

Où les vers Sibyllins ordonnent que les vierges choisies et les chastes jeunes hommes disent un chant aux Dieux à qui plaisent les sept Collines.

Soleil générateur, qui, de ton char brillant, montres et caches le jour qui renais, nouveau et le même, puisses-tu ne rien voir de plus grand que la ville Roma !

Toi qui ouvres les enfantements mûrs, bienveillante Ilithyia, qui protèges les mères, Lucina, soit que tu le préfères, ou Génitalis,

Déesse, tu multiplieras notre postérité, tu feras prospérer les décrets des Pères sur les femmes à marier, loi conjugale féconde en nouvelles générations ;

Afin qu’un cercle assuré de dix fois onze années ramène les chants et les jeux et la foule, pendant trois jours de fête et autant de nuits heureuses !

Et vous, Parques véridiques, qui chantez ce que confirme le terme immuable des choses, ajoutez de propices destinées à celles qui se sont déjà accomplies.

Que la terre fertile en fruits et en troupeaux donne à Cérès une couronne d’épis, et que les eaux salubres et les souffles de Jupiter nourrissent les germes !

Paisible et doux, ayant enfermé tes flèches, entends les jeunes hommes suppliants, Apollo ! Entends les jeunes filles, ô Lune à deux cornes, reine des astres !

Si Roma est votre ouvrage, si, par votre ordre, une partie de la race Ilienne aborda le rivage Étrusque, changeant de ville et de Lares, en une course heureuse,

Guidée par le pieux Ænéas qui, survivant à sa patrie, leur ouvrit une libre route à travers Troja ardente et leur rendit plus qu’ils n’avaient quitté ;

Dieux ! accordez de bonnes mœurs à la jeunesse docile ! Dieux ! accordez le repos à la vieillesse paisible, et, à la race de Romulus, la richesse, des enfants et la gloire !

Ce que l’illustre sang d’Anchisès et de Vénus implore en sacrifiant des bœufs blancs, qu’il l’obtienne ! qu’il soit victorieux et bienveillant à l’ennemi abattu !

Déjà ses mains régissent la mer et la terre, et le Mède craint les haches Albaines ; déjà les Scythes, orgueilleux naguère, demandent des ordres, et les Indiens aussi.

Déjà la Foi, la Paix, l’Honneur, l’antique Pudeur et la Vertu négligée osent reparaître, et l’heureuse Abondance à la corne pleine renaît.

Si l’augure Phœbus, orné de l’arc resplendissant, aimé des neuf Muses, et qui, de son art sauveur, ranime les corps fatigués.

Regarde, bienveillant, les citadelles Palatines, qu’il prolonge d’un nouveau lustre, et en un siècle meilleur toujours, la Chose Romaine et l’heureux Latium !

Que Diana qui commande sur l’Aventinus et l’Algidus exauce les prières des Quindécemvirs et prête des oreilles amies aux vœux des jeunes hommes !

Nous emportons dans nos demeures l’heureuse et certaine espérance d’être entendus par Jupiter et par tous les Dieux, ayant dit en chœur les louanges de Phœbus et de Diana.