Chronique de la quinzaine - 30 avril 1870

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Chronique no 913
30 avril 1870
CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril 1870.

Voilà donc la grande partie engagée, et maintenant tout s’agite, tout se presse autour de cette urne bien gardée où est provisoirement enfermée la fortune de la France. Cette idée d’une solennelle consultation populaire, qui de prime abord n’était venue à personne, ou qui du moins n’était apparue que comme une vague et suprême chance dans des conjonctures extraordinaires, cette idée, la voilà en pleine réalisation, éclipsant et absorbant tout pour le moment, passionnant la nation française, étonnant l’Europe. En quelques jours, le sénat a expédié la constitution nouvelle, et le gouvernement s’est hâté de publier la formule du plébiscite. Après la proclamation de l’empereur à tous les Français est venue une proclamation ministérielle sous les dehors plus modestes d’une circulaire adressée à tous les fonctionnaires de l’empire, et à la circulaire collective a succédé une lettre sentimentale et politique de M. Émile Ollivier aux habitans du Var qui l’ont fait député. En face ou à côté du gouvernement, les partis s’interrogent et s’animent à la lutte, les comités s’organisent, la propagande sous toutes les formes assourdit la France. On dit oui, on dit non, on dit même oui et non à la fois ; ceux-ci veulent pousser le peuple au scrutin, ceux-là s’efforcent de le retenir dans l’abstention. Enfin nous sommes en plein vacarme de plébiscite jusqu’au 8 mai, jour où le sphinx populaire, prenant lui-même la parole, se chargera de dire le dernier mot de cette obscure et redoutable énigme qui s’appelle aujourd’hui la politique française.


Le drame est émouvant, fait pour susciter partout de patriotiques anxiétés, nous en convenons, et comme on avait hâte d’arriver au nœud de l’action, on a passé un peu par-dessus le prologue. Le prologue, c’était cette délibération du Luxembourg, qui avait pour objet de fondre la constitution ancienne et les réformes actuelles dans un sénatus-consulte marqué désormais du millésime du 20 avril 1870. Deux ou trois jours d’une discussion sans éclat ont suffi pour en finir. La vieille assemblée n’a point voulu visiblement embarrasser de ses résistances ou de son éloquence la marche rapide des choses. Elle s’est mise au pas, et tout ce qu’elle pouvait éprouver de regrets, de secrètes inquiétudes, de préoccupations à peine déguisées, tout s’est évanoui dans un vote d’une solennelle et exemplaire unanimité. Le sénat, on le sentait bien, se trouvait entre le flot d’événemens qui lui portait une œuvre constitutionnelle toute faite et la perspective d’un prochain vote populaire. La consultation du suffrage universel faisait tort à la consultation sénatoriale, qui n’était plus que le préliminaire d’une manifestation bien autrement décisive. On a eu beau vouloir s’échauffer à la recherche de la philosophie du plébiscite, et M. de Persigny s’est vainement ingénié à montrer dans la constitution nouvelle le dernier mot de la sagesse et de l’expérience, la synthèse définitive de la responsabilité impériale et de la responsabilité ministérielle, la conciliation de l’empire autoritaire et de l’empire libéral ; ces démonstrations plus ou moins habiles, plus ou moins heureuses, tombaient dans le vide. M. de Persigny, avec ses évocations de Henri IV, semblait recommencer ou continuer ses vieux discours sur les Samnites. Les esprits étaient ailleurs, on était impatient d’arriver au terme. C’est tout au plus si on s’est arrêté à quelques menus détails, et lorsque M. le garde des sceaux s’est levé pour couronner cette discussion par un morceau d’éloquence entraînante, par un air de bravoure, il a paru en vérité parler beaucoup moins au sénat qu’à un auditoire invisible ; il jetait sa première proclamation au pays par-dessus la tête de l’assemblée qui l’écoutait.

À vrai dire cependant, le sénat a laissé échapper une occasion unique de relever par un dernier acte de virile initiative ce pouvoir constituant dont il était appelé à faire un suprême usage, et qu’il allait voir tomber de ses mains. Puisque, seul des deux assemblées délibérantes, il avait l’étrange et dangereuse fortune d’être chargé par privilège de tout un remaniement constitutionnel, il pouvait, avec utilité pour lui comme pour le gouvernement, comme pour le pays, faire sentir son influence ; son crédit était à ce prix. Il pouvait accomplir une œuvre sérieuse autant que nécessaire et atténuer d’avance peut-être bien des difficultés en travaillant à dégager, à simplifier de plus en plus cette constitution nouvelle trop chargée de minuties. Il pouvait s’honorer bien mieux encore en s’occupant un peu moins de savoir si la nomination des sénateurs devrait se faire en conseil des ministres, et en abordant avec maturité, avec résolution, cette autre question qui n’a pas même été effleurée, qui a été tout au plus soulevée à l’improviste par un sénateur candidement audacieux. Cette question, c’était celle des révisions futures de la constitution et de la nécessité d’une délibération des pouvoirs publics. C’était là pourtant le point grave, essentiel. et on peut voir aujourd’hui plus que jamais peut-être combien il eût été utile de s’inspirer d’un large esprit de transaction, de ne point passer à côté de la difficulté sans la résoudre, ne fût-ce que pour maintenir intact le faisceau des forces libérales en présence d’une lutte où tous les partis se donnent rendez-vous, où tout devient une arme. Malheureusement à peine le premier mot a-t-il été prononcé, qu’un frisson a semblé parcourir l’assemblée ; on avait l’air de marcher sur des charbons, et on s’est hâté de découvrir dans le règlement un moyen expéditif d’évincer sans débats cette proposition importune de soumettre les révisions constitutionnelles à la nécessité d’une délibération collective de tous les pouvoirs publics. Le sénat aurait pu, sans nul doute, rendre un service signalé en se relevant lui-même, en s’assurant le prestige d’un acte de salutaire indépendance ; il s’est tu, et en définitive, sans en demander davantage, il a voté comme un seul homme cette constitution nouvelle qui le replace au rang des assemblées ordinaires. Il a mis fin au prologue pour laisser la toile se relever sur le drame.

C’en est donc fait, que le sénat ait bien ou mal terminé son existence de pouvoir constituant, l’œuvre de ces dix-huit années n’est pas moins atteinte dans son intégrité. C’est bien encore le même empereur, ce n’est plus le même empire ; ce n’est plus ni le même sénat, ni le même corps législatif, ni le même régime. Tout ce qui existait a été plus ou moins abrogé par le seul fait du sénatus-consulte. Qu’est-ce donc qui subsiste aujourd’hui ? Sous quel régime nous trouvons-nous provisoirement placés ? Ah ! voilà la question. Nous le saurons le 8 mai au soir, quand le peuple aura prononcé ; le 20 avril, tout a été mis en suspens par la déclaration d’incompétence des pouvoirs réguliers, et, si l’on y réfléchit un peu, c’est là certainement le côté faible, redoutable, de ce régime plébiscitaire qui vient de se relever dans tout son appareil aussi extraordinaire que peu rassurant. Qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, c’est toujours une partie engagée, et c’est le destin du pays qui en est l’enjeu. Il y a nécessairement un intervalle dans lequel on vit un peu sur la foi du hasard, sans savoir au juste ce qui arrivera. La politique n’est plus une affaire de sagesse, d’intelligence, de combinaison ; tout dépend d’une impression populaire, de la bonne chance, quelquefois d’un accident qui à la dernière heure vient bouleverser tous les calculs. C’est le coup de théâtre substitué aux délibérations régulières. Avec ce régime, qui a la prétention d’être un progrès, et qui en réalité est le plus primitif des expédiens politiques, nous avons sans doute l’agrément de nous dire qu’à heure fixe la question sera décidée par un oui ou par un non, et, n’était le sérieux de notre aventure, nous ressemblerions un peu en vérité à ce facétieux personnage de vaudeville qui, en apprenant que sa sœur va mettre au monde un enfant, se désole d’être obligé d’attendre si longtemps pour savoir s’il sera oncle ou tante. Nous sommes un peu ainsi, et nous resterons ainsi jusqu’au 8 mai, — Mais il n’en est rien, dira-t-on, tout cela n’est qu’une fantasmagorie ; la vie régulière du pays n’est nullement interrompue, et le résultat du scrutin est infaillible, il n’y a point à s’inquiéter. D’abord on pourrait bien se tromper, et nous serions curieux de savoir quel est aujourd’hui le politique en état de démêler au juste ce qui s’agite dans cette masse profonde et mystérieuse de 10 millions d’hommes. Et quand il serait vrai d’ailleurs que l’autorité du gouvernement fût assez forte pour qu’il n’y eût aucun doute sur le résultat, ne voit-on pas ce que cela signifie ? Cela veut dire que, s’il n’est pas l’inconnu avec ses plus redoutables périls, le plébiscite est réduit à n’être qu’une formalité dont le gouvernement reste le maître et le régulateur.

Ce qu’il y a de grave, c’est qu’à jouer ce jeu il n’y avait que péril sans aucune de ces nécessités irrésistibles qui expliquent parfois les résolutions hasardeuses, et qu’on pouvait être conduit, sans le vouloir, à laisser dans la question soumise au verdict populaire des équivoques de nature à troubler tous les esprits libéraux, ou tout au moins à préparer un de ces votes dont il est impossible de préciser d’avance le but et la portée. Nous ne méconnaissons pas ce qu’il y a de hardi, de décisif, de séduisant, dans ces appels adressés à une nation tout entière, et il peut y avoir des momens extrêmes, heureusement toujours rares, où c’est le seul moyen d’en finir avec une situation poussée à bout. On n’en était pas là évidemment, puisque M. Émile Ollivier a raconté lui-même devant le sénat l’histoire du laborieux enfantement de cette idée du plébiscite et des hésitations du gouvernement ; il n’a pas caché que le ministère était d’abord peu favorable à cette combinaison, qu’il avait commencé par résister à cette tentation de jeter le pays dans une aventure nouvelle. Pourquoi a-t-il changé de sentiment ? Un mot de La Bruyère, invoqué par M. le garde des sceaux, ne suffit pas sans doute pour former la conviction d’un gouvernement. La Bruyère est un pénétrant moraliste, mais il n’avait probablement prévu ni la constitution de 1852, ni les réformes libérales de 1870, ni le ministère du 2 janvier. C’est bon à l’Académie d’appeler La Bruyère en témoignage. De toutes les raisons qui ont pu être données, il n’y en a qu’une assez spécieuse, quoique fort peu politique, c’est que, si le ministère eût écarté résolument cette idée d’interroger directement la nation, il n’est point impossible que beaucoup de ceux qui lui reprochent aujourd’hui une témérité agitatrice ne l’eussent accusé d’éluder le jugement souverain du peuple. On lui aurait dit peut-être qu’il reculait, qu’il n’osait pas provoquer une manifestation de la volonté nationale, et lui, pour ne pas paraître reculer, il s’est jeté en avant sans s’informer si c’était bien nécessaire, si ce n’était pas au contraire le plus sûr moyen de tout compliquer en créant une vaste confusion. — Demander au peuple de dire son opinion sur les transformations qui s’accomplissent ! mais en vérité le peuple ne fait que cela depuis quelque temps ; il n’a pas laissé échapper une occasion de manifester ses vœux. Est-ce qu’il n’a pas dit son opinion dans les élections ? Est-ce qu’il n’a pas laissé voir ce qu’il pensait en acceptant tout d’abord avec un sentiment de confiance renaissante un ministère dont l’avènement était la consécration victorieuse d’une révolution pacifique ? Ces réformes qu’on soumet aujourd’hui à son vote, c’est lui qui les a réclamées, qui les a inspirées ; où était la nécessité d’une sanction particulière ? Cette ratification morale et anticipée suffisait évidemment. Le ministère n’a pas vu qu’aller au-delà, c’était dénaturer une situation tout entière, se livrer au hasard ou à ce qu’on pourrait appeler une politique d’imagination, et que ce qu’on pouvait gagner n’était pas en proportion de ce qu’on pouvait perdre.

La vérité est que, même dans le cas du succès le plus incontesté, le gouvernement n’a pas beaucoup à gagner, qu’il n’aura ni un ami de plus ni un ennemi de moins, et que dans le cas d’un échec relatif ou d’un demi-succès au contraire il a tout à perdre ; il sort de cette épreuve vaincu, énervé, affaibli dans son principe, réduit enfin à céder le terrain pied à pied devant un vote propre à enflammer toutes les passions ou à tenter de reconquérir son ascendant par quelque coup d’éclat. Voilà la conséquence, et cette conséquence, à vrai dire, elle tient à la manière même dont la question est posée, à cette inévitable équivoque qui met enjeu touta une situation. Le gouvernement, nous le savons bien, a fait ce qu’il a pu pour dissiper les obscurités, pour simplifier le plébiscite en le ramenant à son expression la plus inoffensive. La formule du vote le dit, la proclamation impériale l’affirme, et la circulaire ministérielle l’explique plus nettement encore : ce que l’on met aux voix, ce n’est ni l’empire, ni la dynastie, ni même la constitution tout entière, c’est la métamorphose libérale qui se poursuit depuis 1860, c’est l’ensemble des réformes inscrites dans le sénatas-consulte du 20 avril. Malheureusement il est plus facile de tracer des distinctions idéales dans un discours ou dans une proclamation que dans la réalité. Proposer à une masse de 10 millions d’hommes de voter sur un nom, sur un principe qui parle à l’imagination, sur une forme de gouvernement définie, cela peut s’expliquer encore ; lorsqu’il s’agit de problèmes laborieusement combinés, subtils, obscurs, de nuances constitutionnelles, ce n’est vraiment plus aussi facile, et le moins qui puisse arriver, c’est qu’on n’y comprenne rien. Le gouvernement inscrit dans le plébiscite les réformes libérales récemment accomplies, rien de mieux ; mais en même temps il livre à la ratification du peuple le sénatus-consulte du 20 avril dans son ensemble. Or ce sénatus-consulte, c’est l’établissement impérial tout entier avec ce qu’il a de vieux et ce qu’il a de nouveau, avec une série de dispositions organiques, les unes sollicitées et acceptées, les autres sérieusement combattues par bien des esprits libéraux, celles-ci minutieuses ou superficielles, celles-là énigmatiques, peut-être dangereuses, de telle sorte que ce n’est plus une question simple et nette à laquelle suffit une réponse également nette et simple ; c’est au contraire la question la plus complexe, réunissant les choses les plus diverses, les plus contradictoires, faisant passer sous la même étiquette ce qu’on approuve et ce qu’on ne demandait pas du tout. Que voulez-vous qu’on réponde à tout cela, si l’on veut rester dans la sincérité et dans la bonne foi ? Vous invoquez la souveraineté nationale, soit ; mais à quel titre pouvez-vous la limiter et comment vous y prendrez-vous pour qu’elle reste dans la sphère où vous voulez la renfermer ? Vous mettez hors de cause l’empire et ses conditions essentielles, rien de plus simple en apparence ; mais comment empêcherez-vous qu’on ne lève drapeau contre drapeau, que le vote ne devienne en réalité une lutte entre l’empire et la république ? Vous êtes des partisans de la monarchie qui, avec vos régimes plébiscitaires, vous réservez de mettre périodiquement la monarchie aux voix à propos de tout. M. Émile Ollivier, qui a du goût pour les citations et qui aime à nous faire part de ses lectures, invoquait l’autre jour le cardinal de Retz après La Bruyère ; il n’en est point à se souvenir de ce que disait le spirituel et pétulant agitateur de la fronde au sujet de ces droits des rois et de ces droits des peuples u qui ne s’accordent jamais mieux que dans le silence. » C’est ce silence que rompt le plébiscite en ayant l’air de soumettre simplement au peuple les réformes libérales de 1870.

Que sortira-t-il de cette confusion ? On nous place dans une alternative critique, cela n’est pas douteux. Rien n’était moins nécessaire que ce plébiscite, rien n’est plus dangereux que ces équivoques des questions mal posées, et c’est assurément l’épreuve la plus délicate pour tous les esprits sincères qui ont lutté jusqu’au bout contre un entraînement dont la conséquence peut être de dénaturer le mouvement libéral de la France. Le meilleur moyen d’échapper à ces obsessions, c’est de s’élever au-dessus de toutes les considérations secondaires en se plaçant en face de la situation telle qu’elle est, et de se demander ce qu’on peut faire. Ce serait assez simple en vérité, s’il ne s’agissait que de manifester son opinion sur le régime des plébiscites à perpétuité, si on pouvait dire dans un vote qu’on admet les réformes libérales débarrassées de tout ce qui peut les compromettre ; mais on n’en est plus là aujourd’hui : il faut choisir, et la meilleure chance qu’ait rencontrée jusqu’ici le plébiscite pour faire son chemin, c’est la situation extrême qu’il a créée, c’est la manière dont la question tend de jour en jour à se poser, c’est enfin la signification qu’on prétend donner à un vote négatif ou même à l’abstention. Ce n’est certainement pas que, parmi tous ceux qui rejettent ou rejetteront le plébiscite, il y ait une grande unité de vues et d’action. C’est au contraire un véritable chaos. — Dès le premier instant, la gauche elle-même s’est divisée avec éclat. M. Ernest Picard s’est retiré dans son indépendance, faisant bande à part avec quelques-uns de ses collègues du corps législatif, et depuis un premier manifeste qu’il a lancé, on n’a plus guère entendu parler de lui. Quoi qu’il fasse d’ailleurs, si vive que soit son opposition, M. Ernest Picard aura de la peine à se plaire dans ces tumultes et à être d’un parti extrême. M. Jules Favre est en Afrique, où il est allé plaider pour des Arabes ; il est parti tout juste le jour où l’opposition radicale formait un comité, et il en est quitte pour envoyer une adhésion sommaire. M. Gambetta lui-même, tout en restant dans la fraction la plus ardente du radicalisme et en affirmant avec éclat ses opinions républicaines, M. Gambetta a bien l’air d’en prendre à son aise avec son parti. Il signera tout ce qu’on voudra, et quand il sera en tête-à-tête avec ses jeunes amis des écoles dans les banquets de Montrouge, comme cela lui est arrivé l’autre jour, il leur dira « qu’il ne faut cependant pas bouleverser cette organisation qui tient la société en équilibre, » qu’il faut « un gouvernement, » et au lieu de pousser aux violences, aux agitations, il donnera ce mot d’ordre qui peut certes être accepté de tout le monde : travailler, — laboremus !

Aux yeux de tous ces hommes et de bien d’autres de tous les camps, le non prend en vérité une multitude de significations et de couleurs, depuis la nuance la plus modérée jusqu’à la nuance la plus criante. C’est tout ce que l’on voudra, la mauvaise humeur, le scrupule honnête, la simple protestation contre l’empire, la république jacobine, le socialisme, la liquidation universelle, la revanche du travail contre le capital, ou de 1848 contre 1852. Il y en a même dans le nombre qui voteront contre le plébiscite, parce que l’empereur a fait la guerre d’Italie, parce qu’il ne protège pas assez le pape, et en définitive il n’y a pas à s’y méprendre. Dans tout cela, les modérés, les scrupuleux ou les excentriques ne sont qu’un appoint ; ce qui l’emporte, ce qui tient la tête, c’est la république démocratique et sociale, qui a levé hardiment son drapeau dans les réunions publiques comme dans ses journaux. On peut très bien ne pas trop chercher à deviner l’avenir ; mais il est bien permis aussi de se demander ce qui arriverait le 9 mai, si ce non sortait triomphant de l’urne. Ce qui arriverait, c’est bien clair : ce serait une immense confusion où s’agiteraient tous les systèmes, toutes les passions, toutes les audaces accourant pour revendiquer le monopole d’une victoire dont tout le monde resterait ébahi, — de telle façon que par la fatalité des choses nous voilà replacés entre le développement progressif de toutes les libertés pacifiques et régulières et la révolution brutale, la révolution en quelque sorte encouragée et légalisée par un vole que chacun interpréterait comme il voudrait, ou plutôt que chacun confisquerait à son profit. Le non le plus modéré, le plus éclairé, peut contribuer à ce résultat autant que le non le plus violent et le plus aveugle, puisque tous les deux ils pèsent du même poids, et, si l’on y réfléchit, l’abstention elle-même, ce dernier refuge des consciences scrupuleuses, l’abstention peut avoir les mêmes conséquences. L’abstention peut être sans doute l’obligation exceptionnelle de certaines situations ; érigée en système, elle n’est plus que l’auxiliaire de la négation absolue qu’elle complète. C’est la tactique adoptée par l’Association internationale, qui vient de se constituer ou de se reconstituer à Paris, et qui ne manquerait certainement pas de ranger sous son drapeau l’armée des abstentionnistes. On peut après tout ne pas tenir beaucoup à faire campagne avec ceux qui ont de si merveilleux moyens de réformer la société française.

Qu’on mette les choses au mieux, que tout se borne à un avertissement, si l’on veut, ou en d’autres termes, qu’on suppose un vote assez significatif pour donner à réfléchir au gouvernement sans le réduire à merci : ce n’est point la révolution immédiate peut-être, c’est la lutte intime et permanente, l’instabilité, une suite de convulsions, jusqu’à ce que, par une réaction nouvelle, un autre vote nous ramène à une autre dictature, et voilà pourquoi le meilleur moyen est encore de sanctionner simplement, froidement, ce plébiscite qui nous est arrivé sans nous demander notre avis. C’est la plus sûre manière d’en finir. Est-ce à dire que ce soit un nouveau blanc-seing donné au pouvoir personnel, un rajeunissement de la politique dictatoriale d’autrefois ? Non ; par le fait, le plébiscite, tel qu’il se présente, a pour objet spécial de donner un caractère définitif aux réformes qui ont été récemment accomplies. Le oui qu’on nous demande, c’est la ratification de ces réformes ; il signifie que nous admettons la responsabilité ministérielle, l’initiative rendue aux chambres, l’indépendance parlementaire à peu près rétablie, le droit de discussion s’exerçant presque sur tout ; il signifie cela, et il ne signifie pas autre chose. — Mais quoi ! dira-t-on, est-ce qu’il n’y a pas l’appel au peuple, cette réserve suprême de la dictature, et le droit laissé à l’empereur seul de proposer au pays les révisions de la constitution ? Effectivement c’est écrit dans le sénatus-consulte, et il vaudrait mieux que cela n’y fût pas. Ce n’est cependant pas un motif pour dire non aux réformes actuelles, par cela seul qu’elles ne sont pas aussi complètes qu’on l’aurait désiré.

Après tout, ces prérogatives, que nous ne créons pas, il faut bien le remarquer, qu’on se borne à ne pas abroger, ces prérogatives, elles ne seront que ce que nous voudrons, elles n’auront d’autre puissance que celle que nous leur laisserons, elles ont pour limite la force de l’opinion attentive et libre. Est-ce que la constitution de 1852 n’existait pas, il y a un an, dans toute son intégrité, et cela a-t-il empêché les élections d’être c qu’elles ont été, l’interpellation des 116 de se produire ? Cela a-t-il enchaîné ce mouvement d’expansion libérale qui est allé en grandissant ? Ce qui a été possible il y a un an l’est à bien plus forte raison aujourd’hui avec les nouveaux moyens dont nous pouvons disposer. Nous avons la liberté, c’est à nous de faire le reste ; c’est à l’opinion de s’aguerrir, de se discipliner dans cette carrière ouverte à l’initiative de tous, et ce serait dans tous les cas une singulière politique de choisir le moment où nous sommes, où les idées libérales ont retrouvé leur puissance, pour renoncer aux moyens d’action pacifique qui nous ont conduits là, et pour nous rejeter dans les aventures révolutionnaires où toutes les espérances du pays ont toujours avorté. Ce n’est pas nous seulement qui parlons ainsi, c’est M. Gambetta lui-même, qui disait l’autre jour à ses jeunes convives de Montrouge que les temps héroïques du parti républicain étaient passés, et qui ajoutait : « Tant que le champ reste ouvert à la discussion, à la controverse, à la propagande, tant que l’homme peut aborder l’homme, le citoyen le citoyen, tant que les âmes et les raisons peuvent s’entendre et se pénétrer, jusque-là il faut proclamer hautement que l’on méprise la force entre ses mains comme on la méprise entre les mains des usurpateurs, » Nous ne disons rien de plus. Le jour où cette conviction sera entrée dans tous les esprits, un grand progrès sera certes accompli. Ce n’est pas la sanction des dernières réformes qui peut l’empêcher, on en conviendra ; ce n’est pas un oui de raison et de réflexion qui retardera ce progrès, il ne peut que le hâter au contraire, et en fin de compte le mieux serait aujourd’hui de traverser au plus vite cette période agitée, où tout est suspendu, pour reprendre l’œuvre commencée au point où elle était lorsque ce tourbillon du plébiscite s’est élevé subitement sur notre chemin. — Après cela, jusqu’à ce moment, il ne serait peut-être pas inutile que M. Émile Ollivier prodiguât un peu moins les circulaires et les lettres sur le mode lyrique et pastoral. M. le garde des sceaux est un politique à part, un jeune Werther homme d’état, qui a certainement le talent le mieux fait pour exciter la sympathie ; mais il a vraiment quelquefois l’imagination trop poétique, et il faut qu’il se ménage pour le lendemain du plébiscite : c’est alors, selon toute apparence, que les vraies difficultés commenceront.

Jusqu’à quel point l’approche du plébiscite est-elle étrangère à cette agitation qui redouble en ce moment parmi les ouvriers de la plupart (les industries françaises ? Ce qui est certain, c’est que depuis quelque temps, surtout depuis qu’on a en perspective un de ces événemens faits pour passionner les esprits, ce mouvement de grèves a pris une intensité nouvelle ; il s’étend et se propage avec une sorte de régularité redoutable dans les grands centres industriels. Du Creuzot et de Fourchambault, il passe maintenant à Paris pour refluer de nouveau sans doute en province. Les fondeurs, les raffineurs de sucre, les débardeurs parisiens viennent à leur tour de sa mettre en grève, et dans bien d’autres métiers on est toujours sur le qui-vive. C’est une véritable épidémie suspendue sur l’industrie française. — On peut dire du reste que partout cette agitation procède des mêmes causes, et qu’elle obéit à une impulsion à peu près identique. Partout aussi c’est un programme invariable : diminution du travail, augmentation des salaires, égalité des rémunérations, abolition du travail à la tâche, droit pour les ouvriers de choisir leurs contre-maîtres. C’est sans doute pour concentrer ce mouvement, pour essayer de s’en emparer, qu’il y avait récemment à Paris une réunion des sections de l’Association internationale, où l’on commençait naturellement par proclamer « la république sociale avec toutes ses conséquences, » et où l’on votait les statuts de la fédération des sectionnaires parisiens.

Nous assistons évidemment aujourd’hui à une de ces crises qui ont une bien autre importance que tous les plébiscites, justement parce qu’elles plongent au plus profond des masses populaires, qu’elles touchent à tous les ressorts du travail national. Que les ouvriers défendent leurs droits et leurs intérêts, c’est parfaitement juste ; que de ce libre débat il résulte des mésintelligences accidentelles entre travailleurs et patrons, personne ne peut s’en étonner, mais il est bien clair aujourd’hui que la grève devient une institution, que ces différends en quelque sorte locaux et partiels ne sont plus que les détails d’une vaste action engagée partout, dont les ouvriers sont les instrumens, et qui peut avoir pour conséquence d’attaquer l’industrie dans cette force de production qui fait la richesse de la France. Ces tentatives échoueront fatalement parce qu’elles se heurtent contre les lois économiques les plus simples. Qu’on augmente les salaires tant qu’on voudra, qu’on diminue la quantité de travail, en sera-t-on plus avancé, si tout cela se fait d’une manière arbitraire et factice ? Nécessairement l’activité productive se resserrera, ou mieux encore elle se déplacera. On ne fondra pas du fer à Paris chez M. Cail, on le fondra en Belgique. On ne fera pas des locomotives au Creuzot, on en fera en Angleterre. Si on ne peut point tisser à Lyon, on ira tisser en Suisse, et dans un temps donné l’industrie française, énervée par ces crises, atteinte dans sa vitalité, sera de toutes parts distancée par l’industrie étrangère. C’est alors que les ouvriers français s’apercevront qu’ils ont été les dupes et les victimes des meneurs qui exploitent leur crédulité ; ils auront fait les affaires de l’industrie étrangère en tarissant leurs propres ressources. S’est-on bien demandé quelle déperdition de forces, d’activité, d’intérêts, de bienêtre, représentent toutes ces grèves qui se succèdent ? On ne peut le calculer, et les ouvriers sont les premiers à supporter le poids de cette perte, lors même qu’ils ne vont pas au-devant de condamnations judiciaires, comme celles qu’ils viennent d’essuyer à Autun, à Dijon et à Fourchambault. C’est là toujours le dernier mot de ces agitations néfastes.

La politique de l’Europe n’est point aujourd’hui aux grandes affaires et aux grandes préoccupations, elle est partout d’une placidité qui contraste avec nos agitations ; mais elle peut être traversée par d’étranges incidens, et la parole est en ce moment aux peuples qui ont moins des affaires que des aventures, chez qui les politiques de grands chemins se mêlent de créer des embarras aux gouvernemens. La Grèce, pour une de ces aventures, est peut-être sur le point d’être un peu secouée par l’Angleterre, qui n’entend pas raillerie lorsqu’il s’agit de la protection des citoyens de l’empire britannique. Non, décidément ce n’est pas tous les jours une partie de plaisir de se promener en Grèce, et le prestige de tous ces noms d’Athènes, de Marathon, du Pentélique, de Mégare, n’est qu’une dérision de plus, lorsqu’un passé fameux vient aboutir à des scènes de brigands, lorsque le ciel de l’Attique ne s’illumine que pour éclairer le massacre de quelques touristes étrangers.

C’est une triste histoire d’hier. Il y a quelques jours à peine, une petite caravane s’était formée à Athènes pour aller visiter le champ de bataille de Marathon. Elle se composait de lord et lady Muncaster, M. Herbert, secrétaire de la légation britannique en Grèce, M. et Mme Lloyd, M. F. Vyner, beau-frère de lord Grey et Ripon, ministre dans le cabinet actuel de Londres, le comte de Boyl, secrétaire de la légation italienne, plus un interprète. Le voyage à Marathon se passa fort bien ; mais au retour il n’en fut point de même. On traversait en voiture un bois épais, lorsque deux coups de feu abattirent deux gendarmes, et aussitôt plus de vingt brigands se jetaient sur les voyageurs, qu’ils emmenèrent à travers la montagne du Pentélique. Les brigands grecs ne travaillent pas seulement pour la gloire ; après avoir mis la main sur des otages dont ils connaissaient parfaitement la qualité, ils entendaient bien en tirer profit. Une étrange négociation s’ouvrit entre eux et ces malheureux touristes, traînés à travers monts et ravins. Après bien des pourparlers, les bandits daignèrent se contenter de mettre la vie des prisonniers au prix d’une somme de 25,000 livres sterling et d’une amnistie du gouvernement. Ils renvoyèrent d’abord lady Muncaster et Mme Lloyd pour aller porter ces conditions ; puis ce ne fut pas assez : lord Muncaster lui-même, relâché sur parole, put se rendre à Athènes, où cette effroyable aventure causait naturellement une profonde émotion. Le ministre d’Angleterre, M. Erskine, multipliait ses efforts pour arracher leur proie aux bandits. Trouver la rançon demandée n’était pas le plus difficile, quoique les brigands, en bons financiers, dédaigneux du papier-monnaie grec, exigeassent du bon or anglais ; la somme fut trouvée. L’amnistie offrait plus de difficulté. C’était cruel, il faut l’avouer, pour un gouvernement, fût-ce le gouvernement grec, d’avoir l’air de traiter avec de pareils malandrins et de subir leurs conditions. On obtenait tout au moins du général Soutzo, ministre de la guerre, qu’il attendrait avant d’agir de vive force, car les bandits avaient signifié qu’à la première attaque les prisonniers seraient mis à mort. Que se passait-il à ce moinent ? On ne le sait pas trop. Toujours est-il que, sans plus attendre, les troupes envoyées pour cerner la montagne attaquaient les brigands et les détruisaient en partie ; mais ceux-ci avaient tenu parole, aussitôt qu’ils s’étaient vus assaillis, ils avaient massacré sans pitié leurs prisonniers. Ainsi ces malheureux touristes, qui allaient chercher les souvenirs de Miltiade, trouvaient une horrible mort de la main de quelques bandits, à quelques milles de la capitale hellénique.

De telles aventures arrivent sans doute dans d’autres pays. Il y en a eu de semblables il y a quelques années dans les Calabres, il y en a quelquefois dans les monts de Tolède, en Espagne ; mais elles n’ont pas toujours ce caractère exceptionnel de gravité qui en fait un événement politique. Cette tragédie de Marathon peut coûter cher à la Grèce. Et d’abord on peut s’attendre à d’énergiques réclamations des deux puissances, l’Angleterre et l’Italie, dont les agens ont perdu la vie. L’opinion publique a fait explosion en Angleterre au premier bruit de cette effroyable catastrophe, et on n’a parlé de rien moins que d’envoyer des habits ronges faire la police dans les campagnes de l’Attique, puisque le gouvernement grec n’y suffisait pas. C’est un premier feu d’indignation. N’allât-on pas jusque-là, la Grèce peut être bien sûre qu’elle aura des comptes à rendre, et les Anglais ne se tiendront pas sans doute pour satisfaits parce que le ministre de la guerre, le général Soutzo, a donné sa démission, et parce qu’on a exposé à Athènes les têtes de quelques-uns des bandits ; mais à part cette responsabilité directe et effective qui peut créer des difficultés, il y a pour le gouvernement hellénique une responsabilité morale devant le monde. De longtemps, la Grèce ne va pouvoir parler de son rôle et de sa mission civilisatrice en Orient, et elle ne se donne certes pas l’avantage vis-à-vis des Turcs. Que peut-elle avoir à réclamer de la Turquie lorsqu’elle ne peut pas se gouverner elle-même et maintenir la sécurité chez elle, lorsqu’elle ne fait rien pour en finir avec ce brigandage qui est une puissance dont les partis eux-mêmes se servent quelquefois ? Le seul avantage que puisse avoir cette malheureuse affaire, c’est que la Grèce sente enfin la nécessité de détruire définitivement ce fléau du brigandage, et de ne plus laisser des bandits promener leurs déprédations sanguinaires en arborant de temps à autre un drapeau politique.

Au fond de l’Amérique du Sud, dans un de ces pays où tout arrive, vient de se dénouer d’un seul coup et d’une façon sanglante un drame qui s’est déroulé pendant des années à travers les plus bizarres péripéties. La guerre poursuivie par le Brésil, la république argentine et la république orientale contre le Paraguay est définitivement arrivée à son terme. Depuis un an, on en était sans cesse à répéter que tout était achevé, que la dernière bataille ne laissait plus rien à faire, et il est certain que le jour où les alliés avaient pu s’établir à l’Assomption le plus fort était fait. Un doute restait encore néanmoins tant que le chef du Paraguay, Lopez, restait debout. Pour cette fois tout est bien fini, Lopez n’existe plus, et si c’était un bandit, il a trouvé le moyen de finir de la mort des héros.

Quelque opinion qu’on se fasse de cette guerre et de l’homme qui l’a soutenue, le dictateur paraguayen, ce cacique obstiné et terrible, n’est pas moins une des plus singulières figures de l’Amérique. Après tout, il défendait son pays, il a disputé le terrain pied à pied, opposant à ses adversaires une énergie, une fécondité de ressources qu’on n’aurait pas pu soupçonner, et, ce qui est plus étrange, avec tous les crimes dont on l’accuse, il avait réussi à fanatiser cette population qu’il poussait au combat, à la misère et à la destruction. Vaincu et n’ayant plus aucune chance, il n’avait point désespéré ; il ne reculait que pas à pas, poursuivi jusque dans ces derniers temps par une armée habilement conduite, et le jour où il a été atteint par un corps brésilien, il ne s’est pas laissé prendre, il n’a pas fui. Surpris dans son camp, au milieu des forêts, vers les frontières de la Bolivie, il a fait ce qu’il a pu pour rallier ses hommes, pour les conduire au feu, et il est tombé lui-même après avoir refusé de capituler. Un de ses ministres, presque tous ses officiers, le vice-président du Paraguay, ont été tués autour de lui. Un de ses jeunes fils a aussi perdu la vie. La mort de Lopez est assurément ce qui pouvait an i ver de plus heureux pour le Brésil, qui aurait été embarrassé d’une telle capture après une telle défense, et pour le Paraguay, où une guerre acharnée n’a laissé que la famine et la destruction. Seulement c’est ici que peuvent surgir d’étranges difficultés. Que fera-t-on maintenant du Paraguay ? Chacun des alliés met la main sur ce qui lui convient : les Argentins ont pris les vastes territoires du Chaco ; le Brésil est à l’Assomption ; des dissentimens nouveaux ne sont certes pas impossibles, et le vieil Urquiza, le chef de l’Entre-Rios, s’est depuis longtemps retiré de cette guerre en se ménageant une armée de quinze mille hommes pour le cas où la république argentine aurait de nouveau maille à partir avec le Brésil. C’est ainsi qu’en Amérique les guerres naissent des guerres, au grand détriment de la civilisation, qui ne pourrait se développer que par la paix et par le travail.

ch. de mazade.