Code civil des Français 1804/Livre I, Titre I

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Livre I, Titre I : de la jouissance et de la privation des droits civils.
(p. 3-10).

Livre premier.
des personnes.


Décrété le 17 Ventôse an XI.
Promulgué le 27 du même mois.

Titre I.er
de la jouissance et de la privation des droits civils.


Chapitre premier.
de la jouissance des droits civils.

7.

Lexercice des droits civils est indépendant de la qualité de Citoyen, laquelle ne s’acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle.

8.

Tout Français jouira des droits civils.

9.

Tout individu né en France d’un étranger, pourra, dans l’année qui suivra l’époque de sa majorité, réclamer la qualité de Français ; pourvu que, dans le cas où il résiderait en France, il déclare que son intention est d’y fixer son domicile, et que, dans le cas où il résiderait en pays étranger, il fasse sa soumission de fixer en France son domicile, et qu’il l’y établisse dans l’année, à compter de l’acte de soumission.

10.

Tout enfant né d’un Français en pays étranger, est Français.

Tout enfant né, en pays étranger, d’un Français qui aurait perdu la qualité de Français, pourra toujours recouvrer cette qualité, en remplissant les formalités prescrites par l’article 9.

11.

L’étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra.

12.

L’étrangère qui aura épousé un Français, suivra la condition de son mari.

13.

L’étranger qui aura été admis par le Gouvernement à établir son domicile en France, y jouira de tous les droits civils, tant qu’il continuera d’y résider.

14.

L’étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français.

15.

Un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger.

16.

En toutes matières, autres que celles de commerce, l’étranger qui sera demandeur, sera tenu de donner caution pour le paiement des frais et dommages-intérêts résultant du procès, à moins qu’il ne possède en France des immeubles d’une valeur suffisante pour assurer ce paiement.

Chapitre II.
de la privation des droits civils.


Section I.re
De la Privation des Droits civils par la perte de la qualité de Français.
17.

La qualité de Français se perdra, 1.o par la naturalisation acquise en pays étranger ; 2.o par l’acceptation non autorisée par le Gouvernement, de fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger ; 3.o par l’affiliation à toute corporation étrangère qui exigera des distinctions de naissance ; 4.o enfin, par tout établissement fait en pays étranger, sans esprit de retour.

Les établissemens de commerce ne pourront jamais être considérés comme ayant été faits sans esprit de retour.

18.

Le Français qui aura perdu sa qualité de Français, pourra toujours la recouvrer en rentrant en France avec l’autorisation du Gouvernement, et en déclarant qu’il veut s’y fixer, et qu’il renonce à toute distinction contraire à la loi française.

19.

Une femme française qui épousera un étranger, suivra la condition de son mari.

Si elle devient veuve, elle recouvrera la qualité de Française, pourvu qu’elle réside en France, ou qu’elle y rentre avec l’autorisation du Gouvernement, et en déclarant qu’elle veut s’y fixer.

20.

Les individus qui recouvreront la qualité de Français, dans les cas prévus par les articles 10, 18 et 19, ne pourront s’en prévaloir qu’après avoir rempli les conditions qui leur sont imposées par ces articles, et seulement pour l’exercice des droits ouverts à leur profit depuis cette époque.

21.

Le Français qui, sans autorisation du Gouvernement, prendrait du service militaire chez l’étranger, ou s’affilierait à une corporation militaire étrangère, perdra sa qualité de français.

Il ne pourra rentrer en France qu’avec la permission du Gouvernement, et recouvrer la qualité de Français qu’en remplissant les conditions imposées à l’étranger pour devenir citoyen ; le tout sans préjudice des peines prononcées par la loi criminelle contre les Français qui ont porté ou porteront les armes contre leur patrie.

Section II.
De la Privation des Droits civils par suite des condamnations judiciaires.
22.

Les condamnations à des peines dont l’effet est de priver celui qui est condamné, de toute participation aux droits civils ci-après exprimés, emporteront la mort civile.

23.

La condamnation à la mort naturelle emportera la mort civile.

24.

Les autres peines afflictives perpétuelles n’emporteront la mort civile qu’autant que la loi y aurait attaché cet effet.

25.

Par la mort civile, le condamné perd la propriété de tous les biens qu’il possédait ; sa succession est ouverte au profit de ses héritiers, auxquels ses biens sont dévolus, de la même manière que s’il était mort naturellement et sans testament.

Il ne peut plus ni recueillir aucune succession, ni transmettre, à ce titre, les biens qu’il a acquis par la suite.

Il ne peut ni disposer de ses biens, en tout ou en partie, soit par donation entre-vifs, soit par testament, ni recevoir à ce titre, si ce n’est pour cause d’alimens.

Il ne peut être nommé tuteur, ni concourir aux opérations relatives à la tutelle.

Il ne peut être témoin dans un acte solennel ou authentique, ni être admis à porter témoignage en justice.

Il ne peut procéder en justice, ni en défendant, ni en demandant, que sous le nom et par le ministère d’un curateur spécial, qui lui est nommé par le tribunal où l’action est portée.

Il est incapable de contracter un mariage qui produise aucun effet civil.

Le mariage qu’il avait contracté précédemment, est dissous, quant à tous ses effets civils.

Son époux et ses héritiers peuvent exercer respectivement les droits et les actions auxquels sa mort naturelle donnerait ouverture.

26.

Les condamnations contradictoires n’emportent la mort civile qu’à compter du jour de leur exécution, soit réelle, soit par effigie.

27.

Les condamnations par contumace n’emporteront la mort civile qu’après les cinq années qui suivront l’exécution du jugement par effigie, et pendant lesquelles le condamné peut se représenter.

28.

Les condamnés par contumace seront, pendant les cinq ans, ou jusqu’à ce qu’ils se représentent ou qu’ils soient arrêtés pendant ce délai, privés de l’exercice des droits civils.

Leurs biens seront administrés et leurs droits exercés de même que ceux des absens.

29.

Lorsque le condamné par contumace se présentera volontairement dans les cinq années, à compter du jour de l’exécution, ou lorsqu’il aura été saisi et constitué prisonnier dans ce délai, le jugement sera anéanti de plein droit ; l’accusé sera remis en possession de ses biens : il sera jugé de nouveau ; et si, par ce nouveau jugement, il est condamné à la même peine ou à une peine différente emportant également la mort civile, elle n’aura lieu qu’à compter du jour de l’exécution du second jugement.

30.

Lorsque le condamné par contumace, qui ne se sera représenté ou qui n’aura été constitué prisonnier qu’après les cinq ans, sera absous par le nouveau jugement, ou n’aura été condamné qu’à une peine qui n’emportera pas la mort civile, il rentrera dans la plénitude de ses droits civils, pour l’avenir, et à compter du jour où il aura reparu en justice ; mais le premier jugement conservera, pour le passé, les effets que la mort civile avait produits dans l’intervalle écoulé depuis l’époque de l’expiration des cinq ans jusqu’au jour de sa comparution en justice.

31.

Si le condamné par contumace meurt dans le délai de grâce des cinq années sans s’être représenté, ou sans avoir été saisi ou arrêté, il sera réputé mort dans l’intégrité de ses droits. Le jugement de contumace sera anéanti de plein droit, sans préjudice néanmoins de l’action de la partie civile, laquelle ne pourra être intentée contre les héritiers du condamné que par la voie civile.

32.

En aucun cas la prescription de la peine ne réintégrera le condamné dans ses droits civils pour l’avenir.

33.

Les biens acquis par le condamné, depuis la mort civile encourue, et dont il se trouvera en possession au jour de sa mort naturelle, appartiendront à la nation par droit de déshérence.

Néanmoins le Gouvernement en pourra faire, au profit de la veuve, des enfans ou parens du condamné, telles dispositions que l’humanité lui suggérera. civile, laquelle ne pourra être intentée contre les héritiers du condamné que par la voie civile.

32.

En aucun cas la prescription de la peine ne réintégrera le condamné dans ses droits civils pour l’avenir.

33.

Les biens acquis par le condamné, depuis la mort civile encourue, et dont il se trouvera en possession au jour de sa mort naturelle, appartiendront à la nation par droit de déshérence.

Néanmoins le Gouvernement en pourra faire, au profit de la veuve, des enfans ou parens du condamné, telles dispositions que l’humanité lui suggérera.