À relire

Colère

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Œuvres de Théophile Gautier — PoésiesLemerreVolume 1 (p. 109-110).
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Amende-toi, vieille au regard hideux,
Ou pour ung mot villain en auras deux.

Épistre à la première vieille.

À Montfaucon tout sec puisses-tu pendre,
Les yeux mangez de corbeaux charongneux,
Les pieds tirez de ces mastins hargneux
Qui vont grondant, hérissés de furie,
Quand on approche auprès de leur voirie.

PIERRE RONSARD.


Hypocrisie et vice, — oui, c’est bien là le monde :
          Belles maximes et grands airs
Jetés comme un manteau sur le cloaque immonde
          D’un cœur tout gangrené de vers.
Oui, — la religion dont le péché se couvre
            Pour japper après la vertu ;
Oui, — le simple dont l’âme à tous les regards s’ouvre,
          Aux pieds du méchant abattu ;
La vierge pure en proie aux noires calomnies
          De courtisanes de bas lieu
Qui, vieilles et sans dents et les lèvres jaunies,
            Osent mentir si près de Dieu.
— Sorcières de Macbeth, dignes d’être huées,
          Serpents armés d’un triple dard,
Ulcères ambulants, viles prostituées,
          Tombeaux badigeonnés de fard,

Oh ! comme il leur va bien, elles dont trente places,
          Elles dont trente carrefours,
Avec des charretiers, crapuleux Lovelaces,
          Ont vu les publiques amours ;
Elles dont la jeunesse en débauches passée
          Couperose et jaspe le teint,
Et qui sous une peau détendue et plissée
          Couvent un brasier mal éteint,
D’user tartufement leurs genoux sur les dalles,
          Leurs pouces sur un chapelet,
Et prenant pour voiler leurs antiques scandales
          La soutane d’un prestolet,
De venir sans pudeur noircir une que j’aime
          Comme l’on n’a jamais aimé,
D’un amour pur et saint et qui de Dieu lui-même,
          Certes, ne peut être blâmé.