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Controverse d’un évêque/Traduction française

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Controverse d'un évêque : lettre adressée à un des ses collègues vers l'an 514 ; traduit en français du texte arabe ; publié d'après un ancien manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Paris (No 755 du catalogue)
Traduction par Léon Schlosberg.
F. Viewveg (p. np-34).

Et pour ce qui est des idoles elles seront toutes détruites. (Isaïe, II, 18.)
Et les hommes entreront dans les cavernes des roches, et dans les trous de la terre, à cause de la frayeur qu’ils auront de l’Éternel, et à cause de la gloire de sa Majesté quand il se lèvera pour frapper la terre. (Ibid. 19.)
En ce jour-là l’homme jettera aux taupes et aux chauves-souris les idoles faites de son argent et les idoles faites de son or qu’on lui aura faites pour se prosterner devant elles. (Ibid. 20.)


Controverse d’un Évêque




Voici la lettre de l’évêque (que la miséricorde divine soit avec lui), qui se convertit au judaïsme, mais qui n’entra dans la foi d’Israël qu’après avoir discuté avec des savants chrétiens possédant la science de l’Évangile et leur avoir prouvé leurs erreurs et leurs illusions. Il écrivit aussi à un évêque qui était son parent et qui connaissait à fond l’Évangile.




Nous connaissons, tous deux, la religion chrétienne, mieux peut-être qu’un homme avant nous et sans doute aussi après nous. Je prends la défense de la loi divine et de ceux qui y croient et je t’exposerai les croyances chrétiennes et leurs idées (des chrétiens) sur le Messie. Mais tout d’abord je vais te révéler de quelle façon je crois en Dieu, le Tout-Puissant, te faire part de ma profession de foi et de ce que, par suite, je pense au sujet du Christ.

Je crois avec une foi parfaite que Dieu est tout-puissant et un ; qu’il est la vérité indubitable, qu’il n’y a point de Dieu en dehors de Lui ; que Lui seul a droit à nos prières. Tu demandes si les mots en eux-mêmes (le verbe) sont créateurs ou créés ? En vérité, Dieu seul est le créateur, le verbe vient de Dieu. Dieu accorde son verbe à qui il veut, mais le verbe n’a aucune force créatrice. Dieu seul est l’être primordial, créateur, éternel, omniscient, connaissant chaque chose dès qu’elle est entrée dans la vie. Sa puissance embrasse toutes les choses. Il en est de même de l’autorité de son ordre, de l’étendue de sa domination, de la force de sa grandeur, de sa puissance et de sa gloire. Rien ne peut résister à son ordre qui accomplit tout ce qu’il veut.

Maintenant je te fais remarquer que tu doutes, ainsi que je te l’ai expliqué, que tels soient les attributs de Dieu, car en réalité ma foi ne ressemble aucunement à la tienne. Tu dis que Dieu a séjourné dans les entrailles (d’une femme) au milieu des impuretés du sang menstruel, qu’il s’est resserré dans l’obscurité d’un organe humain ; que les yeux des hommes ont pu le voir, qu’il a été sujet à l’assoupissement ou sommeil, qu’il a subi la crainte et l’effroi entravant et contraignant sa volonté ; qu’il a été emprisonné en compagnie de pécheurs et de criminels ; qu’une poignée de romains idolâtres et hypocrites, maîtres de sa personne, lui infligèrent des tourments et des tortures et, certes, le traitèrent, en un mot, contrairement à sa volonté ; puisqu’il mangea et but, commit des négligences et des oublis, fut triste, éprouva des regrets aussi bien que tous les autres hommes ; en outre, que pendant qu’assis sur son trône, il régnait dans les cieux, il n’eut pas la force d’assurer l’obéissance à ses ordres, et qu’il se vit contraint de descendre sur la terre pour détourner les hommes de l’erreur, les affranchir des séductions de Satan, leur ennemi, et les purifier du péché, qu’alors les juifs se moquèrent de lui, le tournèrent en dérision, s’emparèrent de lui, le pendirent et qu’il mourut, et, pendant trois jours, séjourna dans le sépulcre avec d’autres morts.

Tels sont les points sur lesquels vous êtes à peu près d’accord dans vos affirmations concernant le Messie, car, pour tout le reste, votre religion est divisée en beaucoup d’églises et de sectes qui ne sont d’accord dans aucune de leurs conclusions. Il n’y a unanimité sur rien et ainsi chaque secte accuse l’autre d’erreur et, par suite, la poursuit de sa haine.

N’affirmez-vous pas tous …… que le Messie a été pendu et que, pendant quarante-sept ans, ses compagnons, les apôtres, ont été couverts de mépris et livrés aux tourments ? Si c’est malgré lui et malgré eux, n’est-il pas ridicule et méprisable qu’un Dieu, un être tout-puissant, ait pu être violenté et torturé ? Si c’est, au contraire, volontairement, de leur libre choix, et, certes, alors ils auraient atteint leur but, comment comprendre la loi qui vous ordonne de vous affliger au souvenir de ces souffrances ? Et il te conviendrait à toi, qui crains le Créateur en tout, qui est juste dans tes affirmations et sincère dans tes paroles, de ne pas repousser une vérité qui est indubitable.

Vous affirmez que le Christ, animé de l’Esprit-Saint, est Dieu et vous l’adorez pour la raison qu’il n’a pas eu de père. Pour être conséquent, vous devriez aussi invoquer comme un Dieu Adam, le premier homme, qui, lui, n’eut ni père, ni mère, dont la chair et le sang, les os et le corps tout entier furent formés de l’argile, en qui l’Esprit-Saint insuffla la vie et qui devint ainsi un être doué de raison. De même, Ève, sortie de la côte d’Adam, n’eut non plus ni de père ni de mère. L’Esprit pénétra en elle et elle devint ainsi un être pensant. Invoque donc également ces deux êtres et ainsi tu auras une quantité de dieux.

Ta foi en la divinité du Christ est-elle fondée sur sa prétendue ascension dans les cieux ? Mais Hénoch, Élie, les anges se sont également élevés dans les cieux et ne sont pas redescendus sur la terre ! Ces personnages aussi bien que le Messie, tu devrais les honorer comme des dieux !

Crois-tu en sa divinité parce que tu l’as vu désigner dans l’Évangile, sous le nom de fils de Dieu et parce que, d’après tes auteurs, Dieu l’appelle mon fils ? Mais je te montrerai que, dans la Bible, les enfants d’Israël portent aussi le nom d’Enfants, de Premier-né (de Dieu). À côté du Messie, prends donc aussi pour Dieu, les enfants d’Israël ! Invoque aussi les apôtres qui dans l’Évangile, sont appelés les enfants de Dieu !

Ou bien appelles-tu le Christ Dieu, parce qu’il changea l’eau en vin, rassasia (cinq) mille hommes avec cinq pains et des poissons, ressuscita un mort, guérit un malade et marcha sur les eaux ? Mais Élisée n’accomplit-il pas de plus grands prodiges ? Il opéra le miracle de la résurrection à deux reprises, une fois de son vivant, une autre après sa mort ; il traversa le Jourdain en marchant sur les eaux comme sur un terrain solide, guérit de la lèpre Naaman, général du roi de Syrie, en lui disant : Va, plonge-toi dans les eaux du Jourdain et ton corps sera sain comme auparavant. S’étant baigné dans le Jourdain et se voyant guéri, Naaman crut en Dieu le Tout-Puissant. Le prophète Élie aussi rappela un mort à la vie, et Ézéchiel ressuscita une multitude de morts dans la vallée.

Élie, par sa prière, fit descendre la bénédiction divine sur une poignée de farine et un peu d’huile. Par son ordre, la terre ne produisit rien pendant trois années. À la famine succéda la fécondité. Après avoir réuni les faux prophètes sur le mont Carmel il invoqua le Seigneur et le feu descendit du ciel, dévora le sacrifice et dessécha les 36 vases remplis d’eau. À la vue de ce prodige le peuple massacra quatre cent cinquante faux prophètes, le même jour. Son disciple Élisée rassasia aussi plus que cent prophètes avec un peu de pain et quelques légumes. N’eût-il pas été plus beau et plus raisonnable d’adorer ces prophètes que d’adorer ce Christ, qui fut jeté en prison et pendu après qu’on eût mis sur sa tête une couronne d’épines, qu’on lui eût donné à boire du vinaigre et de l’hysope et qu’on l’eût chargé de la croix sur laquelle on l’attacha. Car c’est là ce que vous racontez vous-mêmes dans votre Évangile.

Le Christ n’a pas fait plus de miracles que Moïse, fils d’Amram, qui, par l’ordre de Dieu, frappa Pharaon et son peuple de dix plaies : 1o le sang qui corrompit leurs eaux ; 2o les grenouilles qui envahirent toutes leurs demeures ; 3o une repoussante vermine qui s’attacha à leur corps ; 4o un mélange d’animaux sauvages qui détruisaient tout ; 5o la peste qui les frappa jeunes et vieux ; 6o les ulcères et la lèpre qui envahirent leurs corps ; 7o la grêle qui fracassa leurs arbres ; 8o des sauterelles qui dévorèrent toutes les plantes ; 9o les ténèbres dont le voile épais s’étendit dans toutes les maisons et sur tout le territoire ; 10o le fléau qui frappa les premiers-nés du plus élevé au plus humble. Mais voici les plus merveilleux de ses prodiges : Il changea en serpent son bâton et celui-ci engloutit tous les bâtons [des magiciens] ; il ouvrit dans la mer douze chemins, engloutit dans les abîmes, Pharaon, sa cavalerie et toute son armée et sauva les tribus d’Israël ; il donna à Israël sa loi sur le mont Sinaï, fit descendre la manne et les cailles, fit sortir des rochers des sources jaillissantes, conduisit les enfants d’Israël à travers les déserts, leurs vêtements ne furent pas déchirés, ni leurs souliers usés. Puis il ordonna à la terre de s’entr’ouvrir et elle engloutit vivants Korach et ses coupables adhérents. Ces prodiges ne sont-ils pas plus merveilleux que tout ce que fit le Christ ? Tu devrais donc adorer Moïse puisqu’il fut plus grand que le Christ.

Le Christ n’a pas fait de plus grands miracles que Josué, fils de Noune, qui suspendit la marche du Soleil et de la Lune pendant presqu’un jour entier, dessécha le Jourdain après en avoir suspendu le cours impétueux en portant l’Arche sainte dans le lit du fleuve : Enfin, le Christ n’a pas fait rien de plus merveilleux qu’Ézéchias qui fit reculer de dix degrés l’ombre sur le cadran solaire. Quand on considère tous ces prodiges, tout ce que fit le Christ n’est que vanité et mensonge, et l’adoration d’un tel personnage est ridicule. Et il ne te sera pas possible de ne pas la condamner comme une imposture évidente après avoir examiné les deux considérations que je te soumettrai.

Maintenant, tu crois que le Père, le Fils et le Saint-Esprit, être coéternels, sont unis tous trois dans la même puissance, dans la même domination, dans la même divinité, dans la même substance ; dis-moi donc si le Fils a été appelé ainsi avant ou après sa naissance ou bien, être incréé, avant toute création ? S’il était Fils avant que le Père ne l’eût engendré, il était donc connu avant sa naissance, le récit de sa naissance est donc ridicule et vain. Mais s’il n’est devenu le Fils qu’après sa naissance et s’il n’était rien avant que son Père ne l’eût créé formé, et si, sans sa naissance, il serait resté dans son néant ; et si tu dis que le Père l’avait appelé son Fils avant toute création, avant que celui-ci n’existât, par conséquent, le Père et le Fils sont pour toi deux êtres différents et tu donnes un démenti à l’Évangile qui affirme que le Christ est le fils né de Dieu. Si tu confesses que tous les trois, le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont consubstantiels, dis-moi si avant sa naissance, le Fils était déjà avec le Père ou non. Si tu dis qu’il n’était pas avec lui[1] …… tu donnes ainsi un démenti à la parole de l’Évangile qui affirme qu’il est né sous la forme de Dieu, de Dieu dont le nom ne peut être attribué à aucun être se nourrissant d’aliments et astreint aux fonctions les plus dégoûtantes de l’humanité. Oh ! quelle honte !

Un autre article de la foi que tu professes, c’est que le Dieu Jésus, le Fils de Dieu est le Christ par lequel tout a été créé et qu’il est descendu des cieux pour nous sauver et nous manifester sa sollicitude sans pour cela se séparer du Père et du Saint-Esprit, sans cesser d’être Dieu et maître du genre humain. Eh bien, s’il est Dieu, quelle nécessité le contraignait à entrer dans l’humanité ? Est-il homme, quel rapport a-t-il avec la divinité ? Si, en outre, tu admets que la substance du Fils est descendue du ciel, tu détruis ainsi ton autre affirmation que tous les trois membres ne forment qu’une Puissance, une Royauté et une Divinité.

J’affirme de plus que Christ était, en même temps, Dieu et homme, qu’au moment il monta aux cieux il avait réuni dans leur entière perfection les caractères de la Divinité et de l’Humanité et que c’est ainsi qu’il est allé s’asseoir sur le trône divin à côté du Père. Alors sur ce trône, sont assises la crainte, la frayeur, la terreur, l’inquiétude, la tristesse, la faim, la soif, l’impureté, car l’idée d’homme implique nécessairement l’idée de nourriture, de boisson, etc.

Explique-moi aussi comment il a pu avoir la forme divine puisque cette forme est invisible à des êtres humains ? Et si tu me réponds : mais qui donc l’a vu ? N’ajouterais-tu pas foi à la parole de l’Évangile d’après qui les Juifs ont arrêté le Christ, l’ont mis en prison, l’ont puni et crucifié ?

Tu prétends que Dieu et le Christ sont un seul et même Être et que le Christ est descendu sur la terre pour conduire les hommes dans la bonne voie et les préserver des pièges de Satan. Quelle est, dis-moi, cette loi que le Christ vint faire accomplir, est-ce la sienne ou celle d’un autre ? Si cette loi a été l’œuvre d’un autre, triste Dieu que celui qui a besoin de la loi d’autrui et peut-il alors être honoré comme un Dieu ? Ou bien si, d’après toi, cette loi est son œuvre, tu donnes un démenti à la parole de l’Évangile qui a dit : « Je ne suis pas venu pour abolir la loi de Moïse ! » Et, puis dis-moi, celui qui suit la même loi que le Christ a-t-il raison ou tort ? S’il a raison alors c’est vous tous qui êtes dans l’erreur, puisque vous désobéissez à sa parole, qui n’observez pas la loi de Moïse à laquelle le Christ s’était soumis et que vous avez abolie. Mais, si vous dites qu’il est dans l’erreur celui qui suit la loi à laquelle le Christ s’est conformé, vous reniez le Christ et ses disciples, les Apôtres, le Christ qui dit, en propres termes, dans son Évangile : « Certes, je ne suis pas venu pour abroger la loi de Moïse et pour démentir les prophètes, mais pour les accomplir en vérité et je vous le dis : le ciel et la terre peuvent passer, mais la loi de Moïse ne passera pas, mais au contraire, elle sera accomplie dans l’œuvre de l’humanité et quiconque retranche l’un de ses commandements pour suivre les commandements d’une autre loi sera retranché du Royaume des cieux. » Ainsi la parole de l’Évangile s’applique à quiconque rejette la loi de Moïse, fils d’Amram, et vous ne pouvez pas échapper à ce dilemme : De deux choses l’une, ou vous ne croyez pas à votre Évangile et à votre Christ et c’est pour cette raison que, sans scrupule, vous désobéissez à ses enseignements et rejetez les lois de Moïse, comme celle du Sabbat et de la circoncision, etc …… Ou bien vous croyez au Christ, et à la vérité de l’Évangile et c’est de propos délibéré que vous ne vous conformez pas à sa doctrine, alors vous attirez sur vous sa malédiction en ce monde, et dans l’autre le retranchement du Royaume des cieux.

Voici encore une question au sujet de laquelle je te prie de m’éclairer : Le Christ s’est-il envoyé lui-même ou bien n’a-t-il été qu’un envoyé ? Admettre cette dernière supposition, c’est donner un démenti à l’Évangile qui le représente comme un Dieu, objet de culte et d’adoration ; admettre la première, c’est s’inscrire en faux contre le livre inspiré des Psaumes, car dans ce livre il est dit (Chap. ii, v. 6) : « C’est moi qui ai envoyé mon roi à Sion, ma sainte montagne, pour que je puisse y révéler mon alliance. » Voilà encore un point apparaît le peu de solidité de vos paroles et la faiblesse de votre foi.

Dis-moi maintenant, ajoutez-vous foi aux affirmations du Christ ou les croyez-vous mensongères ? De toutes façons vous donnez un démenti au Dieu que Moïse a enseigné, car Dieu défend d’envoyer un autre que Lui et vous, pourtant, vous invoquez le Christ et en le reconnaissant comme votre Dieu, vous délaissez le culte du Créateur. Mais, en outre, ne vous est-il pas dit dans l’Évangile de Marc (Ch. xiii, v. 32), quand les apôtres questionnaient le Christ au sujet du jour de la résurrection : « Le jour, leur répondit le Christ, ce moment nul ne le connaît, ni même le Fils de l’homme, ni les anges ! » S’il était Dieu pourquoi se nomme-t-il lui-même le Fils de l’homme ? Du reste comment le considérer comme un Dieu quand dans l’Évangile de Jean (viii, 16) on met dans sa bouche les paroles suivantes : « Voyez, je ne juge pas seul les hommes, celui qui m’a envoyé les juge avec moi ! »

Me répondrez-vous que tous les deux sont dieux, mais ce serait démentir Dieu, car il est dit dans la loi de Moïse (Deut. xxxii, 39) : « Je suis le Dieu unique et il n’y en a pas d’autre, je fais mourir et je fais vivre, je blesse et je guéris et nul ne peut se soustraire au châtiment que j’inflige ! » Et il est dit dans l’Évangile de Jean (xvii, v. 4) : « C’est toi (dit Jésus) qui m’as envoyé et j’ai déjà fait connaître ton Nom. » Dis-moi quel est celui dont il leur a révélé le Nom ? C’est ainsi qu’il est écrit en outre : « Je m’en vais monter vers celui qui est mon Dieu et le vôtre. » Le Christ en disant qu’il avait un Dieu a-t-il dit la vérité, pourquoi alors méprisez-vous sa parole en n’adorant pas le Créateur qui pourtant était son Dieu ? Ou bien (n’) aurait-il (pas) dit la vérité. Ah ! quelle outrageante supposition.

Mais vous prétendez sans doute que Dieu est le Christ et que le Christ est Dieu. C’est là une imposture. Si le Christ était Dieu, il n’aurait pas invoqué un autre être au moment de la souffrance et de la douleur, car il s’écria dans son angoisse : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » En effet, étant lui-même Dieu, comment pouvait-il dans son infortune implorer un autre Dieu ? Mais puisque vraiment il était homme et non Dieu, n’est-ce pas, de votre part, un mensonge de faire un Dieu d’un être qui ressemble si peu à la Divinité ? En définitive, le Christ déclare qu’il est homme et qu’il a un Dieu et un maître, vous, vous dites non, c’est lui qui est notre Dieu, notre Seigneur, et ce faisant, vous l’accusez de mensonge et vous considérez ses paroles comme vaines.

Comment, en général, peut-on soutenir le dogme de la Divinité du Christ, quand Paul, au commencement de sa première épître, dit de lui qu’il est le fils de Dieu. Cela ressort de mon explication (?). En outre, il dit : « J’ai fait pour vous tout ce qui était en mon pouvoir, mais la paix vient de Dieu, de qui émanent tous les biens. » Paul reconnaît ainsi que Dieu et le Christ sont deux êtres différents. Il dit de même : « Les œuvres que vous accomplissez témoignent en ma faveur. Dieu aussi qui m’a envoyé dépose pour moi et sa voix que vous entendez seulement, mais que vous ne voyez pas, et sa parole qui m’a conduit mais que vous ne pouvez pas comprendre. » — Puis il est écrit dans l’Évangile de Luc que Jésus a dit à Simon Pierre : « Satan veut vous induire en erreur, car il vous hait, mais moi j’ai prié Dieu pour toi afin que ta foi ne souffre aucune atteinte. » Si le Christ était lui-même un Dieu, certes il n’aurait adressé aucune prière à un autre Dieu. Et d’une façon générale, quiconque a besoin de demander quelque chose est imparfait et est, par conséquent, un être créé.

Ne sais-tu pas que le prophète David dit : « Mon Dieu, je te construirai une maison pour y honorer ton Nom et y offrir tes Sacrifices. » Mais Isaïe dit : « Quelle maison voulez-vous me construire, quel lieu pourra renfermer mon être, moi dont le ciel est le trône et la Terre le marchepied. » Ainsi Dieu dit qu’aucune maison ne peut le contenir, et, toi, tu prétends, que pendant neuf mois, une femme l’a porté dans son corps dans un organe resserré et sombre, dans le sang, au siège de son impureté ; qu’une nourrice l’a allaité, l’a couché dans un berceau, dans la crèche de l’âne, qu’il est monté sur un mulet, qu’il est entré dans une barque. Les cieux et la Terre ne peuvent pas contenir Dieu et toutes ces choses L’auraient contenu !

De plus, le Christ lui-même, en montant sur un mulet pour prendre la fuite, avait dit à Pierre que le Prophète n’est jamais honoré ni estimé dans sa patrie. Jésus prétend être un prophète, et toi tu prétends qu’il est Dieu ! Il faudrait pourtant savoir qui a raison, vous ou lui. Mais en vérité lui et vous, vous mentez et on peut vous appliquer la parole de David (Ps. v, 7).

Ne sais-tu pas que Jésus, ses frères et sa mère ont gravi la montagne du Temple pour célébrer la fête de Pâque et qu’ils y restèrent jusqu’à la fin de la fête ? Ce fut alors que Philippe, rencontrant Jésus, lui dit : « Montre-moi le Père avant que je ne meure. » — « Tout le jour je suis avec toi, lui répondit Jésus, et cela ne te suffit pas ! Qui voit mon père me voit, et qui me voit, voit mon père, car moi et mon père nous sommes semblables. »

On nous raconte que Jésus vint de Galilée, se rendit sur les bords du Jourdain auprès de Jean-Baptiste, afin que celui-ci le purifiât de ses souillures et de son impureté. Ton Dieu eut donc été impur si Jean n’était pas venu pour le purifier et Jean était donc plus pur que lui.

Après que Jean eut purifié le Christ par le baptême, le ciel s’ouvrit et il vit l’Esprit de Dieu, comme une colombe, planer au-dessus de sa tête et une voix descendit du ciel et disait : « Celui-ci est mon fils dans lequel j’ai mis toute mon affection. » C’est à la suite de ce récit que Marc affirme que Jésus est le fils de Dieu. Comme c’est rapetisser la sublime Majesté de Dieu que de professer de telles croyances !

Oui, si Jésus était Dieu, il ne se serait, en vérité, pas invoqué lui-même, il ne se serait pas agenouillé, priant et jeûnant. Et implorant Dieu, il a dit encore : « Oh ! détourne de moi le calice de la mort, Tu en as la puissance et non moi, cela dépend de ta Volonté et non de la mienne. » Ainsi il montrait clairement, par ses propres paroles, qu’il n’était pas Dieu, mais un homme, et un homme triste, affligé, qui se mortifie et implore la pitié d’un autre, comme tu l’as déjà vu d’ailleurs par la supplication qu’il adresse à Dieu : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’abandonnes-Tu ? » Et si, en dépit de tous ces témoignages irrécusables, vous continuez à soutenir qu’il est le Seigneur, comment ne vous cracherait-on pas au visage. Quelle audace dans l’imposture !

Ne vois-tu pas que le Christ a avoué lui-même qu’il n’était qu’un envoyé, un serviteur. Et quand il vint dans la ville, enseignant dans la Synagogue, il fut le sujet de l’étonnement général et l’on se disait l’un à l’autre : « D’où lui vient cette sagesse et ces miracles. N’est-ce pas là le fils du charpentier. Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères Simon, Joseph, Jacques et Juda. » (Mathieu, xiii, 54, 55.) Puis quand on lui dit : « Va et fuis, car le roi Hérode veut te faire mourir », il répondit : « Voyez, j’ai encore à expulser les démons du corps des hommes et à faire beaucoup de miracles et, après avoir accompli toutes ces choses j’irai à Dieu, car il ne faut pas qu’un Prophète souffre la mort ailleurs que dans Jérusalem. » (Luc, xiii, 31, 32, 33.) Il s’exprima dans le même sens, après avoir guéri un malade : « le Ciel est témoin qu’un prophète n’est jamais cru ni honoré dans son pays. » (Jean iv, 44.) On trouve le même aveu dans l’Évangile de Marc (iv, 16). Voici comment il s’exprime dans l’Évangile de Jean : « Ce n’est pas de moi-même que je parle. Dieu m’a donné l’ordre et la mission de parler. Sachez que quiconque obéit à l’ordre de Dieu et accomplit ce qui lui est prescrit recevra la vie éternelle, et c’est la parole que Dieu m’a donnée que je vous adresse. » Le Christ lui-même, dans l’Évangile, se désigne par le nom de Fils de l’homme. Enfin, dans saint Mathieu, il est dit de lui : « Voilà mon serviteur que j’ai choisi, vers lequel mon âme aspire. Je répands sur lui en abondance la grâce de mon Esprit, avec l’œuvre de ma main. » C’est dans ces termes que le Messie parle de lui-même dans Isaïe (xxix, 1, 2) : « Le Seigneur m’a appelé dès le sein de ma mère, il m’a appelé par mon nom lorsque j’étais encore dans les entrailles maternelles. Il a fait de ma bouche un glaive tranchant (il m’a donné deux mains, m’a doué du sens de l’ouïe), m’a fait don d’une flèche acérée et m’a caché dans son carquois. »

Et toi aussi, chaque jour, dans ta prière, tu proclames que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois personnes ! C’est là ton symbole, ta profession de foi ! Ainsi, Moïse l’envoyé de Dieu, supplie Dieu de lui laisser contempler l’ange en qui se personnifie la gloire divine, Dieu lui répond : « Nul homme vivant ne peut voir ma Majesté », et Jésus a pu voir son Père et s’asseoir à sa droite !

Quelle croyance sotte ou plutôt quelle frivolité insensée que celle qui s’est logée dans vos cerveaux ! Tu sais pourtant que le serviteur d’Archelaüs donna un soufflet à Jésus et lui cracha au visage ! Est-il possible de rapporter au sujet du Dieu qu’on adore des faits aussi laids.

En outre, vous avez abrogé la Loi que Dieu, par l’intermédiaire de Moïse, a donnée au jour grand et redoutable de l’assemblée en ce jour où les enfants d’Israël allaient périr si Dieu n’avait fait tomber une pluie vivifiante qui ranima leurs esprits (conf. Talmud Sabbat 88 b). La voix divine cessa de se faire entendre et Moïse alors leur parla (au nom de Dieu). Il leur ordonna de pratiquer la circoncision le huitième jour après la naissance, et de punir de mort (?) celui qui enfreindrait cette loi, en effet, Jésus lui-même, ton Dieu, a été circoncis le huitième jour ainsi que Moïse l’avait prescrit. À l’aide de quelle théorie justifiez-vous aujourd’hui l’abandon de la circoncision, loi plus importante que celle du sacrifice, puisqu’on l’accomplit non avec sa fortune mais sur son propre corps. Est-ce Dieu qui vous a ordonné de ne plus pratiquer ce précepte ou bien Jésus ? Si tu prétends que c’est Jésus, tu le places au dernier rang dans le Royaume des cieux : il aurait ainsi aboli la loi et les commandements des élus et des anciens, puisque aussi bien Abraham qu’Isaac, Jacob, Moïse, Aaron, David, Salomon, et que tous les autres prophètes et tous les autres élus ont observé la circoncision. Si tous ces hommes illustres ont été dans le vrai, comment pouvez-vous admettre ce qui est contraire à la vérité et vous attacher au néant ? Que si, comme vous le dites, Jésus est Dieu, c’est lui-même donc qui a prescrit à Moïse la circoncision. À l’âge de huit jours, il fut circoncis, mais plus tard, paraît-il, il aura compris que la circoncision est une pratique ridicule et c’est pourquoi il l’aura abolie ! Il faut donc penser que Jésus était d’abord un ignorant puisqu’il donna des préceptes insensés, mais avec l’âge, et grâce aux enseignements de l’expérience, il reconnut la folie de ses premiers commandements, révéla une nouvelle loi et c’est ainsi que Moïse, Abraham et les autres prophètes étaient dans le chemin de l’erreur ! Seulement alors ton Dieu se respecte moins que ne se respecte l’homme le plus léger et le plus frivole : celui-ci, en effet, craint d’être méprisé et honni en donnant des ordres contradictoires, mais ton Dieu était, paraît-il, à l’abri d’une telle crainte puisqu’il abrogea ses propres lois !

De deux choses l’une : Jésus eut-il raison ou tort de subir la circoncision ? S’il eut raison, si dans sa jeunesse il a fait ce qui était bien, alors plus tard il a manqué à son devoir et enseigné le mensonge ! Mais s’il ne s’est soumis à cette loi que parce qu’alors il était dénué d’intelligence, comment peux-tu considérer comme Dieu un être qui a manqué d’intelligence, qui était jeune et est devenu plus âgé ou bien enfin qui a subi une violence, une contrainte quelconque ?

Du reste, si tu soutiens qu’il était alors dans l’erreur, tu pourrais être conduit à affirmer que toute la loi de Moïse est fausse. Comment alors ton Christ, ton Dieu, a-t-il pu dire : « Je ne suis pas venu pour abolir la loi de Moïse mais pour l’accomplir dans la justice ! »

Ne sais-tu pas que Dieu, après avoir créé, en six jours, le ciel, la Terre et tous les genres, les espèces et les formes qu’ils renferment, se reposa le septième jour de l’œuvre de la création, ordonna aux enfants d’Israël d’observer le Sabbat durant toutes leurs générations, non seulement le leur imposa comme devoir, mais défendit, sous peine de mort, de modifier cette loi ? Vous méritez cette peine, Jésus et vous, car il ne vous a pas prescrit de célébrer le Sabbat, et vous, à son exemple, vous ne l’observez pas !

L’absurdité de vos croyances ne devient-elle pas évidente quand on compare vos assertions diverses relativement à sa généalogie ? D’après les uns, Jésus est fils de Joseph, un lévite, fils de Matot, un lévite, fils de Lévi, un lévite. D’après d’autres, Jésus est descendant de David. On nous raconte que Marie, étant sur le point d’accoucher dans l’hôtellerie, Joseph, le charpentier, n’ayant pas trouvé de sage-femme, amena avec lui une femme de mœurs légères, nommée Salita, qui se chargea de soigner l’enfant, lui donna le sein, répandit du sel sur lui, l’enveloppa de langes, l’endormit et le coucha dans la crèche d’un âne (voy. Ézéchiel, xvi, 4) ainsi que tu es obligé de le croire d’après ton Évangile (Luc, ii, 7). Quoi ! tu n’as pas honte, toi dont les discours sont ceux d’un homme intelligent, tu n’as vraiment pas honte de m’engager à ajouter foi à de telles absurdités, à des contes si ridicules ! Tu n’as pas honte de révérer comme une divinité, d’adorer un dieu qui, pendant neuf mois, a séjourné dans le sein d’une femme, a dormi dans la crèche d’un âne, a été allaité par une femme sans pudeur ! Devenu grand, Jésus semble s’intéresser beaucoup au vin et à ceux qui en font commerce. Tu n’ignores pas que, monté sur un bateau, Jésus, au milieu de la tempête, dormait. Ses disciples durent le réveiller et lui dire : « Ne sais-tu pas où nous sommes ? » D’après votre Évangile, il assista à une noce, il mangea, but, but très abondamment et s’endormit. Il dormait aussi dans la maison de Simon Pierre : la Samaritaine vint embrasser ses pieds, mais il ne le sut pas, car il dormait. Il dormait aussi dans beaucoup d’autres lieux qui auraient pu servir de refuge à des chiens ou à des loups ! Et tu n’as pas honte de toutes ces ignominies dont je me garderais bien de parler, par respect pour moi-même, si elles n’étaient pas racontées par vos Évangiles ! Ne sais-tu donc pas qu’en parlant de la Divinité, le prophète David dit : « Non, Il ne dort ni ne sommeille, le Gardien d’Israël ! » Ailleurs, il est dit : « Aucun dieu ne te ressemble, Seigneur, Tu ne dors ni ne sommeilles. » C’est ce qu’attestent aussi tous les grands hommes, tous les hommes distingués de l’univers. Se sont-ils concertés pour être unanimes dans le mensonge ? Et si tu crois qu’il a dormi dans la crèche, qu’il a mangé, etc. As-tu donc plus de lumières, plus de science, as-tu l’esprit plus droit qu’eux tous ? Mais tout homme intelligent qui t’écoute est obligé de dire que tu es un insensé, que tes allégations sont vaines, que ton Christ et tes Évangiles sont mensonges !

Ne sais-tu pas que lorsque Jésus fut âgé de huit jours sa mère alla avec lui auprès du prêtre, afin d’offrir le sacrifice prescrit par Dieu aux enfants d’Israël. Quand Marie accompagnée de Salita et de Joseph, le charpentier, arriva auprès du prêtre Simon Refa, celui-ci considéra Jésus pendant quelques instants. Déjà on pouvait reconnaître dans ses yeux, la ruse, la méchanceté, la perversité ! « Que de souffrances, que d’infortunes, s’écria Simon Refa, cet homme, quand il sera grand, causera à Israël ! » Ton Dieu n’avait que huit jours, et déjà Simon avait pu deviner toute la malignité de son caractère.

Quand le roi Hérode eut appris la conduite de Jésus, sut ce qu’il avait fait des orages (?), il résolut de le mettre à mort, le fit chercher et ne le trouvant pas, il ordonna de massacrer tous les enfants, pensant le faire périr à la faveur de ce massacre. Son espoir fut trompé. Jésus s’enfuit en Égypte avec Joseph, son père. Salita, sa nourrice, y resta longtemps et y apprit l’art de teinturier et d’autres métiers. À la nouvelle de la mort de Hérode, ils quittèrent tous l’Égypte pour arriver ensemble dans le Nord (en Palestine). Le premier miracle de Jésus à son retour de l’Égypte fut de changer l’eau en vin ? C’est pourquoi quelques-uns crurent en sa divinité.

Ne sais-tu pas qu’invité à une noce, lui et Marie, sa mère, il but, s’enivra et s’endormit si bien que sa mère dut le réveiller, lui disant : « Lève-toi, mon fils, car le banquet est fini. » Il s’en alla alors avec elle et lui dit : « Maintenant invoquons Dieu pour qu’Il nous donne du vin à boire. » Jésus est Dieu et il faut qu’il prie ! Et que Dieu, qui boit, s’enivre et s’endort ! Dans la maison de Simon Refa, il but également, il pria Dieu de lui donner du vin et, à la suite de sa prière, ses disciples lui versèrent à boire. Chez Jacob Padou, il s’enivra de même, comme si son unique occupation et son principal souci était de boire. Si j’avais un esclave avec de telles dispositions, ne m’aurait-il coûté que dix drachmes, je m’empresserais de la vendre.

La femme de Zacharie dit à Jésus : « Puissè-je voir mes deux fils assis, l’un, à ta droite, l’autre à ta gauche. » « Moi et tes deux fils, lui répondit-il, nous boirons dans la même coupe. » — Peut-il être un Dieu, celui qui ne fait ainsi aucune différence entre les hommes et lui ?

Ailleurs, Jésus a dit : « Quiconque a foi en moi, sa foi ne serait-elle pas plus grande au fond de son cœur, qu’un grain de sénevé, s’il disait aux montagnes : suivez-moi, elles le suivraient aussitôt. » Il me semble que si tous les chrétiens du monde appelaient à eux un objet quelconque, ne pèserait-il que deux ……, ils ne le feraient pas bouger. Pourrais-tu déplacer quelque chose par la puissance de ta foi, toi ou l’un de tes coreligionnaires ? Par ce seul détail, tu peux te convaincre de la fausseté du Christ, car sa parole est vaine et sans consistance.

Marie, la mère du Christ a-t-elle dit vrai ou a-t-elle menti ? N’a-t-elle pas déclaré, en effet, en plusieurs circonstances, que Jésus était le fils de Joseph. Par exemple, quand elle reçut la visite de l’envoyé de César-Auguste, lors du dénombrement du peuple. Et puis, quand elle le trouva dans le temple et qu’elle lui dit : « Ô ! mon fils, ton père et moi nous étions bien inquiets et bien affligés à cause de toi. » (Saint Luc, ii, 7.) Ainsi, Marie reconnaît que Jésus, son fils, a pour père Joseph, le charpentier. Peut-on rabaisser la Majesté sublime du Dieu un et éternel jusqu’aux odieuses et misérables conceptions de votre dogme !

Ne sais-tu pas que Gabriel a dit à Joseph : « Va et prends ta femme et ne crains personne. » Gabriel atteste donc que Marie était la femme de Joseph, ainsi que cela est raconté dans l’Évangile de Mathieu.

Le Christ appartient-il à la famille de David ou à une autre famille ? Il doit nécessairement être de la race de David, car Isaïe a annoncé la venue du Messie en ces termes : « Il sortira un rejeton de la tige de Jessé et un scion naîtra de sa racine, il siègera sur le trône de David, il frappera les demeures par la voix de sa bouche et avec le souffle de ses lèvres il tuera l’impie. » — Si donc ton Christ est de la famille de David il a dû réaliser cette prédiction et cette magnifique description doit se rapporter à lui. Assurément, c’est pourquoi, sans doute, l’Évangile lui attribue ces paroles : « les renards ont des tanières, les passereaux, des nids, mais le Fils de l’homme n’a pas de refuge. » (Sinon, sans doute, sur le bois infamant il a été attaché !) En vérité, ils ne peuvent être ni comptés ni pesés les outrages qu’il a reçus, au dire de l’Évangile, et si j’étais tenté de les raconter tous, la description en serait répugnante et odieuse.

Ne sais-tu pas que Jésus se donna la noble tâche de laver les pieds de Pierre, lui disant : « Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir. » S’il était Dieu, pourquoi lui attribuer de telles paroles ? Il dit ailleurs dans l’Évangile : « Si quelqu’un aime sa mère plus que moi il n’est pas mon semblable ; celui qui ne réunit pas toutes ses forces pour me suivre n’est pas mon semblable. » Comment, étant Dieu, pouvait-il s’assimiler ainsi à des hommes ? À Pierre il dit : « Je désire que, pour moi, tu dérobes cet âne. Prends garde que le possesseur ne le remarque pas. » Pierre s’en alla, s’empara du mulet qui appartenait à un pauvre homme et Jésus monta sur la bête et poursuivit ainsi son voyage. — N’as-tu pas honte de considérer comme un Dieu un homme qui accomplit de tels actes ?

Tu sais bien qu’étant enfant, le Christ a fait ce que font tous les petits enfants : il a mangé, pris le sein, bu, dormi, pleuré, babillé, satisfait aux besoins de la nature, joué, bavé et ri. Tout cela ne vous empêche pas, paraît-il, de le prendre pour Dieu, pour Seigneur, et de l’adorer. Cette adoration excite le mépris et contre vous et contre lui. Est-il convenable que des hommes disent à leur Dieu : « Réveille-toi, sors de ton assoupissement, mange ceci, bois cela. » Ce dieu, il est vrai, était impur à cause du péché jusqu’à ce que Jean-Baptiste vînt le purifier ! C’est vous qui le dites ! Anathème, honte et malédiction sur qui ne craint pas de dire que Dieu s’est enivré, qu’Il a mangé des poissons immondes et du gibier, qu’Il a été en proie à l’effroi, à l’angoisse, à la terreur ; qu’Il a eu des accès de colère et d’impatience, qu’Il a exprimé des vœux, prie, pleuré ; que, pendant sa jeunesse, des anges durent Le porter et Le conduire pour L’empêcher de se blesser aux pierres de la route ! Ou bien doit-on admettre qu’il était à la fois Créateur et créature, Dieu et homme, et qu’ainsi les armées de Satan ont pu le dominer, les Romains l’outrager, en faire un objet de risée, le conduire en prison et lui mettre sur la tête une couronne d’épines ; que l’épouvante et l’horreur se sont emparé de lui, si bien que le sang de ses veines inonda son visage et son front.

Ou bien encore qu’il prit la fuite, que, pendant qu’il était dans le Temple, Satan le ravit pendant quarante nuits, le transporta dans un endroit que Jésus n’aimait pas, qu’il n’avait pas choisi …… et c’est ce Jésus qui prétendit guider tous les hommes dans le bon chemin et, après avoir envoyé en vain les anges et les prophètes, les diriger lui-même ! C’est dans ce but qu’il leur donna pour règle une loi qui devait procurer le Paradis à ceux qui la respecteraient. Mais bientôt il se ravisa, il dit que cette loi était fausse et qu’elle conduirait en enfer ceux qui la suivaient. Soyez fiers et heureux de tout cela, mais sachez que vous êtes bien coupables, que votre égarement est bien grand, car vous avez délaissé les devoirs que votre Maître a pratiqués lui-même et qui vous sont prescrits par la loi de Moïse, tels que la circoncision, le Sabbat, le Grand Pardon et, en général tous les commandements de la Torah.

Dieu, en effet, n’a-t-Il pas ordonné à Moïse de dire aux enfants d’Israël de laver leurs vêtements, de se séparer de leurs femmes, de se purifier pendant deux jours et de se présenter le troisième jour au pied du mont Sinaï ? Moïse obéit. Dieu envoya ses anges et les éclairs brillèrent, la foudre gronda, la Terre fut ébranlée et à demi morts d’épouvante, tous les enfants d’Israël, prosternés, dirent à Moïse : « Parle-nous, nous voulons t’écouter et t’obéir, mais que Dieu ne nous fasse plus entendre sa Voix, car nous mourrions. » Et Dieu dit à Moïse : « Ne crains rien, écoute ce que Je te dirai. » Et il lui donna le Décalogue …… Il leur ordonna de l’observer et leur promit, en récompense de leur fidèle et constante obéissance, de les bénir, de bénir leurs moissons, les productions de leurs champs, de leur donner des pluies en abondance, de les combler de biens et les menaça, en cas de rébellion, de changer ces bénédictions en malédictions. Alors la nation tout entière dit à Moïse : « Nous voulons écouter et observer la voix de notre Dieu un et unique. » (David[2] lui aussi, a dit dans les Psaumes) : « Le salut de Dieu est éternel. » David, en outre, a dit : « Contre toi seul, ô ! Dieu, j’ai péché et j’ai fait ce qui était mal à tes yeux. »

Tous donc avaient reconnu que Dieu est Unique et Un, et toi, tu dis qu’il y a deux Dieux. Bien des fois Dieu a révélé aux hommes qu’Il est Un, que nul ne lui ressemble que nul ne peut lui être comparé et vous, vous prétendez le contraire, vous dites qu’Il est composé de trois personnes, ainsi que je l’ai vu dans le quatrième Évangile et que Jésus est le fils de Dieu (que le nom éternel de Dieu soit sanctifié et exalté.) De deux choses l’une : ou Dieu en proclamant que l’Unité est son essence a dit vrai et par suite Moïse, son serviteur et les prophètes sont véridiques ou bien ils ont menti. Si Dieu a dit vrai, tes Évangiles, ces livres que tu révères, sont faux, tout l’édifice de tes croyances s’écroule et tu pries tous les jours des êtres imaginaires ; ou bien tu crois que l’Évangile est vrai, alors, à cette déclaration de Jésus que nous avons rappelée plus d’une fois, à savoir que la loi de Moïse est immuable, tu lui enlèves toute valeur.

J’ai parcouru avec soin les Évangiles de Mathieu, Marc et Jean et j’y ai trouvé des allégations bien téméraires au sujet du Christ. J’ai écrit pour toi l’histoire de Jésus du commencement à la fin, du jour où sa mère l’a enfanté jusqu’à sa mort, conformément aux indications des Évangiles. Il est dit que l’ange Gabriel vint annoncer à Marie qu’elle enfanterait le Seigneur. Pour moi, je prétends qu’Adam est bien plus près de la divinité, bien plus dieu que Jésus, car à Adam Dieu dit : Sois, et il fut et il devint en même temps le dominateur de toutes les créatures, tandis que Jésus, en admettant même, comme vous le prétendez, que sa naissance fut annoncée par Gabriel, dut être resserré pendant neuf mois dans les ténèbres du sein maternel, ainsi que Mathieu lui-même l’affirme, et sa vie, comme vous le racontez vous-mêmes, ne fut qu’une suite ininterrompue de misères et d’infortunes, depuis la naissance jusqu’au jour où il mourut crucifié. Parmi les Chrétiens, les uns disent qu’il mourut avant que le légionnaire ne l’eût percé de sa lance ; d’autres disent qu’il périt de cette blessure. Car votre religion se divise en beaucoup de sectes qui s’accusent mutuellement d’hérésie et il n’y a d’accord parmi vous en aucun point.

Ne sais-tu pas que Nestor a dit que c’est nier la divinité que de croire que Jésus a séjourné dans le sein d’une mère, car, dit-il, il est écrit dans la loi de Moïse : « Ton Dieu est un feu dévorant. Comment donc, le sein d’une femme aurait-il pu contenir une telle flamme. » C’est ainsi que Nestor fonda une secte particulière.

Marie était enceinte quand Auguste fit faire un recensement, et alors Marie déclara que Joseph, son époux, était le père de l’enfant qu’elle portait en son sein. Cette déclaration fut reçue. C’est ainsi que Marie elle-même reconnut que Jésus était le fils de Joseph. Je te citerai encore deux témoignages irrécusables pour toi et dont tu ne t’aviseras pas de contester la véracité, ceux de Matthieu et Marc qui, dans leurs Évangiles, nous affirment que Joseph était l’époux de Marie et que les habitants de Nazareth, lieu natal de Jésus et résidence de ses frères et de ses sœurs, disaient que Joseph était son père. À ce propos, il est certain que la généalogie du Christ qui se trouve dans l’Évangile et qui remonte jusqu’à Abraham est mensongère. Je ne tiens nullement à connaître la vie de Marie, son origine, le nom de son père, je voudrais être renseigné sur l’origine de Jésus, mais, sur ma vie, les Évangiles de Matthieu et de Luc renferment deux tables généalogiques absolument contradictoires[3] ……

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Il remplaça le Sabbat par la célébration du premier jour de la semaine, abolit les défenses et les devoirs les plus importants et vous prescrivit par contre d’entrechoquer des bois[4] et d’adorer une croix d’argent ou d’or ! Il vous permit de manger la chair du porc, mais il vous ordonna, par contre, d’offrir le pain et le vin qui se changent en votre corps en excréments fétides ! Vous portez dans vos églises des cadavres et vous versez sur les ossements de l’huile pensant ainsi les purifier ! Vous croyez vous sanctifier en vivant dans la solitude, dans le célibat, en chassant les malins esprits : vous devriez avoir honte de telles pratiques ! Vous croyez ainsi conquérir le Ciel et qui, sur ma vie, elles vous mèneront en enfer ! Comment pouvez-vous lever la tête devant les autres peuples et les autres races si telle est votre foi, si telles sont vos lois ? Ne sais-tu pas que dans la loi de Moïse, il est dit que quiconque touche un corps mort, un seul os de cadavre ou une tombe est impur pendant sept jours et ce n’est qu’après cet intervalle qu’il peut se purifier. Un autre peuple (les Mahométans) affirme que quiconque convertit des mosquées en sépultures, sera consumé par un feu inextinguible jusqu’au jour de la résurrection. Les hommes pieux s’efforcent toujours de s’éloigner de toute impureté afin d’être purs quand ils se tiennent devant Dieu au moment de la prière, pensant obtenir ainsi la bienveillance de leur Dieu. Mais vous, vous prenez le bain du baptême dans des eaux souvent d’une telle saleté que l’odeur en est assez forte pour empoisonner un oiseau et vous croyez que ce sont là des eaux lustrales, qu’elles purifient ceux qui sont impurs ! Mais en vérité, un homme pur qui s’y plongerait devient impur et on peut appliquer à ce sujet la parole du sage Salomon (Prov. xxx, 11).

Ainsi vous portez des cercueils et vous ensevelissez des morts dans vos sanctuaires et vous croyez sanctifier ainsi vos lieux de prière ! Ah ! si les anciens prophètes avaient vécu de votre temps, ils vous cracheraient au visage, vous qui adoptez des opinions pernicieuses, qui repoussez la vérité et vous attachez à des doctrines dangereuses qui ne sont que mensonge et égarement.

Vous avez la prétention de posséder ces ossements que vous appelez les ossements des martyrs ; certes, sur ma vie, c’est la vérité. Oui, ce sont les ossements des martyrs qui devant Dioclétien ont menti et témoigné faussement le jour le chef des évêques se parjura devant l’empereur, fit un faux témoignage et, avec lui, cent trente-six évêques, soixante-quinze moines, prêtres et diacres. Quand Dioclétien fut convaincu que tous, chef des évêques, moines, prêtres et diacres avaient menti dans leurs témoignages et s’étaient parjurés, il leur fit trancher la tête ! Il y a 230 ans que cet événement eut lieu et tu ne pourras m’en imposer.

Ne sais-tu pas que tandis qu’il est écrit dans notre Torah[5] : « œil pour œil, dent pour dent », l’Évangile a dit au contraire : « Aimez votre prochain, ne haïssez pas vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous ont fait du mal et priez pour ceux qui vous calomnient, afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est aux Cieux. Si vous êtes les bienfaiteurs de vos frères, vous aurez une grande récompense. » Donc quiconque observe ces préceptes est un fils de Dieu et l’égal de Jésus, car il porte comme lui le titre de fils de Dieu.

De même il est écrit dans votre livre : « Si vous traitez les autres comme ils vous traitent, quelle récompense pouvez-vous attendre de votre Père dans le Ciel ? » L’Évangile dit : « Si vous pardonnez aux autres, Dieu vous pardonnera, mais si vous n’êtes pas indulgents envers vos semblables, Dieu ne le sera pas non plus envers vous »[6].

Ne sais-tu pas que lorsque Jésus descendit de la montagne, un homme vint à lui et lui dit : Purifie-moi.  —  Volontiers, lui répondit Jésus, mais ma parole ne suffira pas pour te purifier. Va te montrer au prêtre, fais ce que Dieu, dans la Torah, a prescrit à son serviteur Moïse, c’est-à-dire offre un sacrifice afin de purifier ainsi ton âme du péché. » — N’est-il pas extrêmement étonnant que l’on puisse considérer comme Dieu un être à qui on attribue un tel langage.

L’Évangile rapporte encore que Jésus dit à ses disciples : « Restez-là : je vais m’éloigner et prier Dieu. » S’il était Dieu, à qui pouvait-il adresser sa prière ? Et puis encore, quand il eut été mis en croix, il pria et dit : « Mon âme est disposée et prête à mourir. » Il avait dit à Simon-Cephos, à Jacques et à Jean : « Mon âme approche de la mort, aussi veillez pendant que j’irai en avant et que j’invoquerai Dieu : peut-être me viendra-t-Il en aide et éloignera-t-il de moi ce moment douloureux ! » (Vraiment n’est-il pas étonnant et n’as-tu pas honte de croire à la divinité d’un être qui appelle Dieu à son secours ?)

Puis Jésus se prosterna et pria en ces termes : « Mon Dieu, détourne de moi le calice de la mort, par Ta force à Toi et par Ton ordre » (et non par ma force et par mon ordre).

Après avoir prié, il revint vers ses disciples et dit à Simon : « Tu me vois dans une si grande affliction et tu dors ? Au lieu de m’assister dans la peine où je me trouve, tu t’abandonnes au sommeil ! Réveille-toi, afin de m’aider et afin de te placer à mes côtés : peut-être pourrais-je ainsi échapper au danger qui me menace ! » (Sa situation était donc affreuse !) Comment le Fils de l’homme a-t-il pu être livré ainsi aux mains des pécheurs, éprouver une telle angoisse, être contraint de demander du secours, de supplier Simon, Jean et Jacques d’invoquer, avec lui, dans sa triste position, la miséricorde de Dieu. Et cet homme, ce désespéré, serait un être tout-puissant et divin !

Après tous ces événements, et pour échapper à Satan, il resta quarante jours dans les montagnes, en proie à inquiétude, à la frayeur, à une extrême angoisse. Il gravit les plus hauts sommets, cherchant un refuge pour échapper à son persécuteur et implora le secours de Dieu, car il était torturé par l’effroi, la faim et la soif. Mais Satan ne cessa pas de le poursuivre et il l’atteignit enfin à un endroit qui ne pouvait pas même servir de retraite aux bêtes fauves et où la faim et la soif l’avaient épuisé. Satan se saisissant de Jésus lui dit : « Si tu es Dieu, comme tu le prétends, essaie de te sauver de mes mains, change cette pierre en pain et mange-le ; fais jaillir de l’eau de ce rocher et bois-la. » Jésus lui répondit : « Ô homme ! Il est écrit dans la Torah : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de la parole de Dieu et c’est la volonté de Dieu qui le soutient. » Alors, Satan se saisit de Jésus avec violence, et tandis que celui-ci implorait le Seigneur, Satan le transporta jusque dans la ville sainte, dans le sanctuaire de la paix, il le plaça sur le toit du Temple et lui dit : « Contemple le monde, qu’il est beau ! Béni soit le Créateur qui a fait éclater sa Puissance et sa Majesté ! Tout ce que tu voudras, je te le donnerai ; tu pourras en disposer à ton gré. Incline-toi, prosterne-toi un seul instant devant moi et je ferai, de toi, le maître de toutes choses et te donnerai tout ce que je t’ai déjà promis. » Et Jésus répondit : « Va-t’en Satan, retire-toi loin de moi, car il est écrit dans la Torah : Tu craindras l’Éternel ton Dieu, tu Le serviras, tu jureras en son Nom et tu te réjouiras de sa Puissance, car Il est ta gloire, il est le Dieu Unique, ton Créateur, l’Auteur de toutes les merveilles et aucun dieu ne peut lui être comparé. Pourrais-je donc renoncer à Dieu et me prosterner, non devant Lui, mais devant toi, Satan ? » Mais Satan ne cessa de tenter Jésus que lorsque celui-ci eut échappé, par la fuite, aux embûches du séducteur.

Ainsi Satan, le tentateur, la plus perverse, la plus ignoble des créatures, fut plus puissant que ton Dieu, fut maître de sa personne, le tourna en dérision et, sans doute, l’eût fait périr si celui-ci n’était parvenu à s’enfuir !

Tu sais que ton Évangile lui-même reconnaît la vérité de la Torah, la réalité des faits qu’elle rapporte, savoir que Dieu, au jour de la Révélation, la promulgua sur le mont Sinaï, par l’intermédiaire de Moïse ben Amram. Tu sais que Jésus, ton Christ, se conforma à la Loi, suivit les voies qu’elle prescrit et maudit sans cesse quiconque la modifie ou même contrevient à une seule des dispositions qu’elle renferme. Et vous, aujourd’hui, vous violez toutes les lois de Moïse, aussi vous êtes un objet de dérision et de mépris pour les sages, surtout quand on constate tant de contradictions dans vos Évangiles. Ainsi n’as-tu pas remarqué que l’Évangéliste Luc, après avoir attesté, de la façon la plus explicite, que Jésus était le fils de Dieu, témoigne tout aussi clairement, dans un autre endroit, que Jésus était le fils de Joseph et nous fait connaître très minutieusement la généalogie du Christ jusqu’à son quarante-deuxième ascendant ! Voilà donc deux témoignages divergents, deux affirmations absolument contradictoires ! Quelle foi peut-on ajouter aux attestations, à la véracité d’un homme qui témoigne d’une façon si étonnante ? Ton esprit peut-il faire un choix, ta raison peut-elle se fixer au milieu de toutes ces contradictions ? Peux-tu distinguer entre la lumière et les ténèbres, entre la raison et la folie ?

C’est de tes pareils qu’Isaïe a dit : « Malheur à ceux qui disent que le mal est bien, que le bien est mal, qui donnent aux ténèbres le nom de lumière, à la lumière, le nom de ténèbres. » Et David, dans ses Psaumes, parle aussi de ceux qui te ressemblent.

Vraiment n’as-tu pas honte de dire tant d’impostures au sujet de ton Dieu ? À t’en croire, tantôt il est le fils de Joseph, tantôt le fils de Jacques, tantôt le fils de David ! Lui-même, une fois, il dit : « Celui qui voit mon visage, vois mon Père qui est au Ciel. Moi et Lui nous ne sommes qu’un à nous deux. » Une autre fois, parlant à la femme de Zacharie, il s’exprime ainsi : « Moi et ton fils, nous nous ressemblons. » Ailleurs, il dit à Pierre qu’il allait lui laver les pieds : car le Fils de l’homme est venu pour servir les autres ! » Ah ! certes, si Moïse, Josué, Samuel, David, Jérémie, Isaïe, Ézéchiel avaient [encore] vécu, ils vous auraient tourné en dérision. Car David a dit dans ses Psaumes : « Ne vous fiez pas aux princes, ni à leur magnanimité, ni au Fils de l’homme d’où ne peut venir aucun salut. Soudain il est enlevé, périt et retourne à la poussière d’où il est sorti. Heureux celui dont le Dieu de Jacob est le secours, celui qui met en Dieu son espoir. » Jérémie a dit aussi : « Maudit celui qui se fie à l’appui des hommes et qui détourne son cœur de Dieu ! »

Ignores-tu que Joseph, le charpentier, a dit : « Je n’ai plus connu Marie depuis le jour où elle a conçu Jésus. » L’a-t-il connue auparavant, dis-le moi, oui ou non ? Si tu réponds négativement, tu commets un mensonge, car il est dit dans l’Évangile : « Jésus vint avec sa mère, ses frères et ses disciples. » Donc, il avait des frères ?[7] ……

Ne sais-tu pas que Jésus, buvant un jour avec ses compagnons, dans la maison de Jacques, se tourna vers Pierre et lui dit : « Cet homme de Judée, que tu vois là, causera mon tourment et l’affliction de mon cœur. » « Homme, lui répondit Pierre, quel est celui dont tu te plains ainsi ? » — « Il se nomme Judas, reprit Jésus, et il embrassera en même temps que moi le Christianisme (?) »

Le Juif dit alors à Jésus : « Homme, peux-tu mentir ainsi avec tant d’impudence ! Je ne t’ai jamais fait de mal, pourquoi m’accuses-tu ? mais désormais je chercherai à te nuire et ne laisserai échapper aucune occasion de te créer des tourments. » Enflammé de colère à la suite de ces propos, cet homme alla trouver sa femme et lui raconta la discussion qu’il avait eue avec Jésus : « Mais, lui dit celle-ci, justement les Juifs sont à la recherche de ton ennemi, et malheur à lui, s’il tombe entre leurs mains. » Aussitôt Judas se rendit auprès des Juifs, muni de trente drachmes qu’il distribua à des jeunes gens, Juifs et paysans, se dirigea avec eux vers l’endroit où se trouvait Jésus, le conduisit à Pilate à qui il dévoila la conduite de Jésus, ses démêlés avec les Juifs[8] ……

Là-dessus, Pilate dit : « Emparez-vous de lui et faites-lui absolument comme bon vous semblera. » On le conduisit alors dans un cachot comme vous l’affirmez vous-mêmes dans vos Évangiles. Et le vendredi matin, on le fit sortir de sa prison, on lui mit sur la tête une couronne d’épines et on lui dit : « Si tu es Dieu, montre-le à la fin. » Mais Jésus pleura, se lamenta et nul ne vint le sauver.

Il me répugne, le Créateur m’en est témoin, il me répugne de parler de toutes ces choses, car Dieu n’aime pas les insanités, tu sais ce que le prophète Isaïe dit de celui dont la bouche profère le mensonge. Et vous que d’erreurs ne propagez-vous pas au sujet du Créateur, vous qui lui donnez un fils, un associé, un anti-Dieu (!)

Tu sais pourtant qu’après que Dieu eut divisé la mer, Moïse et les enfants d’Israël exaltèrent Dieu et dirent : « Qui parmi les dieux te ressemble, ô Toi qui es majestueux dans ta Sainteté, redoutable, au-dessus de toute louange, opérant des prodiges. » De même, Jérémie affirmait que personne n’est comparable à Dieu. Les enfants d’Israël se redisent à l’envi ces paroles qui sont leur profession de foi : « Écoute, Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est Un. » Et avant sa mort, dans une suprême recommandation, Moïse les conjure de ne révérer qu’un seul Dieu : « Voyez maintenant que Moi seul Je suis et qu’il n’est point de dieu à côté de moi. Je fais mourir, Je fais vivre, Je blesse et Je guéris, et nul ne peut échapper à mon châtiment. » (Deutéronome, 32.)

À l’approche de la mort, Josué, lui aussi, ayant réuni les enfants d’Israël, leur recommanda de ne servir que le Dieu Unique. De même, le prophète Samuel, le Roi David dans les dernières volontés qu’il fait connaître à son fils Salomon, et de même tous les prophètes. Aucun d’eux ne recommanda à ses contemporains d’adorer deux ou trois dieux comme toi et tes Évangiles s’en sont avisés, mais ils sont unanimes à dire, à témoigner, à proclamer que Dieu est Un, d’une unité parfaite et indivisible, qu’il n’est point de dieu qui lui ressemble, qui soit placé à côté ou en face de lui.

La surprise que tu me causes est extrême, car tu connais toutes les affirmations étranges, inadmissibles dont je ne t’ai rapporté qu’une partie, tu as la preuve de leur néant et malgré tout, tu me parles encore et toujours du Christianisme ! Je le jure par ma vie, je te plains de tout mon cœur de ton entêtement à ne pas renoncer à cette croyance. Pour moi, je me suis élevé au-dessus de ces absurdités indignes même de l’attention d’un homme tant soit peu raisonnable, serait-il le dernier de ma communauté, à plus forte raison de ceux qui sont doués d’intelligence et de discernement capables de distinguer le bien du mal et de reconnaître le chemin de la vérité.

La Torah, tu le sais, est le plus excellent des livres et enseigne la Religion la plus lumineuse, eh bien ! nulle part, il n’y est fait mention de la trinité, il n’y est fait la moindre allusion au Père, au Fils et au Saint-Esprit !

Ne sais-tu pas que quand les enfants d’Israël, en l’absence de Moïse, eurent péché en faisant un veau d’or, pour avoir, à défaut du prophète, un intermédiaire auprès de la Divinité, si, à son retour, voyant de quelle calamité ils étaient menacés, Moïse n’eût imploré leur pardon, pas un seul des coupables n’eût été épargné. Il en fut de même quand, après que Béléam eut essayé de les maudire, ils péchèrent avec les filles de Moab à Schittem et sacrifièrent aux idoles et que Dieu s’irrita contre eux ; si Phinée, le fils du grand prêtre, enflammé d’un zèle religieux, n’eût percé de sa lance les deux principaux coupables, un nombre infini de personnages connus ou obscurs eussent été anéantis. Si tel fut le malheureux sort de ceux qui ne cédèrent qu’à un entraînement d’un moment, quel sera le châtiment terrible de ceux qui, de propos délibéré, se détachent de la vérité et s’opiniâtrent dans des doctrines vaines et mensongères. C’est ce que David disait en parlant des pécheurs et des renégats (Ps. ci, 3 et 11) et le sage Salomon voulant rappeler les impies à l’obéissance s’exprime ainsi : « Mon fils, ne chemine pas avec eux, éloigne tes pieds de leurs sentiers, etc » ……

Je remercie Dieu, béni soit-Il ! de m’avoir aidé à trouver grâce à ses yeux, fortifié mes mains pour m’habituer à lui obéir, tiré de l’abîme, inspiré le mépris du mensonge et dessillé les yeux. David disait cela aussi en parlant de lui-même (Ps. xl, 3) : Car mon âme était vacillante tant qu’elle n’était pas imprégnée de la connaissance de la loi de Moïse, de cette Loi qui brille comme la lumière du Soleil et le doux éclat de la Lune à laquelle les peuples rendent hommage et les nations accordent leur obéissance, loi primordiale, antérieure même à la Création, qui illumine les yeux, éclaire les cœurs, guide les esprits faibles et hésitants, dont on ne peut rien changer, modifier ou omettre sans altérer la vérité, car cette loi seule est la loi de Dieu qui conduit les cœurs dans le chemin droit, donne la paix aux corps et la joie aux âmes. »

Il faut que je te fasse une question. Ne sais-tu pas que, d’après l’Évangile, les âmes des hommes étaient en enfer, auprès de Satan, jusqu’au jour où l’âme de Jésus descendit elle-même dans l’enfer. S’apercevant de ce que s’y passait et voyant les âmes des jeunes gens martyrisés pour lui, il résolut de les sauver des mains de Satan. N’est-il pas extrêmement étonnant que, ne pouvant se soustraire au supplice, à la mort, Jésus fût assez puissant pour arracher à Satan les âmes des hommes. Tu prétends aussi que les âmes de tous les hommes depuis Adam étaient en enfer jusqu’à ce qu’à sa mort Jésus vînt les délivrer ! Les âmes d’Adam, de Noé, d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Moïse, d’Aaron, de David et de Salomon ont-elles été également sauvées par Jésus ? Si tu osais l’affirmer, tu assimilerais aux méchants les prophètes, les élus de Dieu, et tu accuserais d’injustice ton Dieu, qui, d’après toi, aurait livré, à la puissance de Satan, les âmes de ses pieux serviteurs, de ses prophètes et de ses envoyés. Si, au contraire, tu prétendais que les âmes des hommes pieux n’étaient pas confondues avec celles des impies, tu donnerais un démenti à ton Évangile qui affirme que les âmes de tous les hommes étaient en enfer jusqu’à ce que Jésus vînt les délivrer.

Ne sais-tu pas que Dieu avait parlé 570 fois avec Moïse avant la mort de ce prophète ? Dieu avait honoré Moïse en entourant le front de son serviteur d’une auréole brillante : quand le prophète allait parler à Dieu il découvrait sa face et il la voilait quand il revenait auprès des enfants d’Israël. Si Jésus était fils de Dieu, combien de fois Dieu lui parla-t-il ? J’ai bien lu les quatre Évangiles et jamais je n’y ai vu la moindre allusion à un entretien de Dieu avec Jésus ! Dieu honorait donc son serviteur plus que son prétendu fils, car il s’entretenait avec son serviteur, mais jamais avec ce fils bien-aimé. Il fit couvrir aussi la face de son serviteur dont personne, pendant quarante ans, n’aurait pu soutenir l’aspect. Moïse avait vaincu toutes les puissances de la nature, son serviteur Josué, fils de Moïse, les avait également asservies à sa volonté, tandis que celui dont l’Évangile avait fait le fils de Dieu[9] ……

N’as-tu pas lu dans le livre de Joël (Joël, iv, 18), au sujet de l’époque que nous espérons, que nous attendons, les promesses que Dieu, le Tout-Puissant, fait à ses serviteurs confiants dans sa grâce : À cette époque, les montagnes se couvriront comme d’une rosée de miel, le lait dégouttera des collines, les ruisseaux de Juda seront remplis d’eaux vives et du Temple de l’Éternel sortira une source qui arrosera la vallée de Scittim.




Fin de l’épître de l’évêque qui embrassa la Religion de la Vérité. Béni soit-il ! Que la grâce de Dieu soit avec lui !


  1. Il y a une lacune dans le texte ; de là une grande obscurité et une certaine incohérence (note du traducteur de l’arabe).
  2. Il y a une erreur dans le texte lisez Isaïe xlv, 17.
  3. Il y a là des lacunes, de là, des incohérences et une certaine obscurité dans le texte.
  4. Au lieu de sonner les cloches, on entrechoque des bois, en Orient pour appeler les fidèles à l’église.
  5. C’est un mot hébraïque qui signifie Pentateuque.
  6. Pensée obscure. Peut-être, d’après l’auteur, l’Évangile est-il inconséquent en prescrivant aux hommes d’être, les uns à l’égard des autres, plus indulgents que Dieu ne l’est envers eux-mêmes.
  7. Il y a là une lacune dans le texte.
  8. Passage incompréhensible.
  9. Il y a là, dans le texte, une lacune. Il est facile de compléter la pensée de l’auteur.