Convention secrète du 18 vendémiaire An X entre la République française et la Russie

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Convention secrète du 18 vendémiaire An X entre la République française et la Russie
Texte établi par Jules de ClercqAmyot, éditeur des archives diplomatiques (1p. 498-499).

Convention secrète conclue à Paris le 18 vendémiaire an X (10 octobre 1801) entre la République Française et la Russie

Art. 1er. Les deux Puissances Contractantes, considérant que lors de la paix de Teschen, l'accord qui a régné entre la France et la Russie a été du plus grand avantage pour les deux gouvernemens et a amené la paix définitive ; Considérant d'ailleurs l'identité de leurs intérêts dans les affaires de l'Empire, et désirant apporter le moins d'altération possible aux bases de la Constitution germanique, s'engagent réciproquement à agir d'un commun accord relativement aux principes à suivre pour les indemnités ; à se communiquer leurs vues et à former un concert parfait entre elles pour amener les parties intéressées à l'adoption de leurs plans qui auront pour principe invariable le maintien d'un juste équilibre entre les Maisons d'Autriche et de Brandebourg.

Art. 2. Le Premier Consul de la République Française et S. M. I. de toutes les Russies établiront un concert intime et se communiqueront leurs vues respectives pour terminer à l'amiable les affaires ultérieures de l'Italie, et celles du Saint-Siège sous le rapport politique.

Art. 3. Le Premier Consul de la République Française s'engage à ouvrir dès à présent une négociation à Constantinople pour le rétablissement définitif de la paix avec la Sublime Porte, sous la médiation de S. M. l'Empereur de toutes les Russies.

Art. 4. La République Française s'engage de maintenir, d'après les bases du Traité de paix du 7 germinal an IX (28 mars 1801), l'intégrité des États de S. M. le Roi des Deux-Siciles, ami et allié de de S. M. l'Empereur de toutes les Russies. Les troupes Françaises qui occupent le pays de Bari et d'Otrante, et celles qui pourraient être amenées dans les États de S. M. S. pour relever lesdites troupes, n'y demeureront que jusqu'à ce que le sort de l'Égypte soit décidé.

Art. 5. Il est convenu entre les Parties Contractantes que le Royaume de Naples sera considéré comme Puissance neutre et jouira de tous les bénéfices de la neutralité après que le sort de l'Égypte sera décidé. En conséquence, le Premier Consul s'engage à ne point exiger de S. M. S. l'accomplissement de l'article 3 du Traité de paix an 7 germinal an IX (28 mars 1801); et S. M. l'Empereur de toutes les Russies s'engage d'employer ses bons offices auprès de la Grande-Bretagne et de la Porte-Ottomane pour leur faire reconnaître la neutralité du Royaume de Naples.

Art. 6. Le Premier Consul de la République Française et S. M. l'Empereur de toutes les Russies s'occuperont à l'amiable et de gré à gré des intérêts de S. M. le Roi de Sardaigne et y auront tous les égards compatibles avec l'état actuel des choses.

Art. 7. La République Française s'engage à unir ses soins à ceux de S. M. I. de toutes les Russies pour procurer à S. A. S. le Duc de Wurtemberg une indemnité en Allemagne proportionnée à ses pertes et conforme à la justice.

Art. 8. Ladite République prend le même engagement en faveur de S. A. S. l'Électeur de Bavière et lui garantit, de concert avec S. M. l'Empereur de Russie, l'intégrité de ses États non cédés à la France par l'Empire ; mais, dans le cas où les deux Parties Contractantes se décideraient d'un commun accord à faire entrer une partie de la Bavière dans la masse des indemnités, et que l'Électeur dût faire quelque sacrifice, il est convenu que ce Prince sera dédommagé par un équivalent à sa convenance, et d'après les règles de la plus stricte justice.

Art. 9. Les deux Parties Contractantes reconnaissent et garantissent l'indépendance et la constitution de la République des Sept-Iles-Unies, ci-devant vénitiennes ; et il est convenu qu'il n'y aura plus dans ces îles de troupes étrangères.

Art 10. S. M. l'Empereur de toutes les Russies s'engage à employer ses bons offices pour faire rendre les prisonniers Français détenus à Constantinople et dans les autres parties de l'Empire Ottoman.

Art. 11. Aussitôt après la signature du Traité de paix et de la présente convention secrète, les deux Parties Contractantes s'occuperont des moyens de consolider la paix générale sur les bases susmentionnées ; de rétablir un juste équilibre dans les différentes parties du Monde, et d'assurer la liberté des mers, se promettant d'agir de concert dans toutes les mesures de conciliation ou de vigueur convenues entre elles pour le bien de l'humanité, le repos général et l'indépendance des gouvernemens.

En foi de quoi, Nous soussignés, en vertu de nos pleins-pouvoirs avons signé la présente convention secrète et y avons apposé nos cachets.

Fait à Paris, le 18 Vendémiaire an X (10 octobre 1801).

Ch. Maurice TALLEYRAND. Le Comte De MARCOFF.