De la péritonite

La bibliothèque libre.
École Impériale Vétérinaire de Toulouse




DE LA


PÉRITONITE


PAR


C.-M. BAISSETTE

Médecin-Vétérinaire à Fabrègues (Hérault)

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(THÈSE POUR LE DIPLOME DE MÉDECIN VÉTÉRINAIRE)

Présentée et soutenue le 28 juillet 1868


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TOULOUSE

IMPRIMERIE J. PRADEL ET BLANC

rues des Gestes, 6

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1868


ÉCOLES IMPÉRIALES VÉTÉRINAIRES


Inspecteur général.

M. H. BOULEY, O. ❄, membre de l’Institut de France, de l’Académie de Médecine, etc.

ÉCOLE DE TOULOUSE


Directeur

M. LAVOCAT ❄, membre de l’Académie des sciences de Toulouse, etc.

Professeurs.

MM. LAVOCAT ❄, Physiologie (embrassant les monstruosités).
Anatomie des régions chirurgicales.
LAFOSSE ❄, Pathologie spéciale et Maladies parasitaires.
Police sanitaire.
Jurisprudence.
Clinique et consultations.
LARROQUE, Physique.
Chimie.
Pharmacie et Matière médicale.
Toxicologie et Médecine légale.
GOURDON, Hygiène générale et Agriculture.
Hygiène appliquée ou Zootechnie.
Botanique.
SERRES, Pathologie et Thérapeutique générales.
Pathologie chirurgicale.
Manuel opératoire et Maréchalerie.
Direction des Exercices pratiques.
N. Anatomie générale.
Anatomie descriptive.
Extérieur des animaux domestiques.
Zoologie.
Chefs de Service.

MM. BONNAUD. Clinique et Chirurgie.
MAURI Anatomie, Physiologie et Extérieure.
BIDAUD. Physique, Chimie et Pharmacie.
JURY D’EXAMEN
――
MM. BOULEY O. ❄, Inspecteur-général.
LAVOCAT ❄, Directeur.
LAFOSSE ❄, Professeurs.
LARROQUE,
GOURDON,
SERRES,
Bonaud, Chefs de Service.
Mauri,
Bidaud,


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PROGRAMME D’EXAMEN
――
INSTRUCTION MINISTÉRIELLE
du 12 octobre 1866.
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THÉORIE Épreuves
écrites
1o Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2o Dissertation sur une question complexe d’Anatomie et de Physiologie.
Épreuves
orales
1o Pathologie médicale spéciale ;
2o Pathologie chirurgicale ;
3o Manuel opératoire et Maréchalerie ;
4o Thérapeutique générale ; Posologie et Toxicologie ;
5o Police sanitaire et Jurisprudence ;
6o Hygiène, Zootechnie, Extérieur ;
PRATIQUE Épreuves
pratiques
1o Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2o Examen clinique d’un animal malade ;
3o Examen extérieur de l’animal en vente ;
4o Analyses des sels ;
5o Pharmacie pratique ;
6o Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.

À LA MÉMOIRE DE MA SŒUR

Souvenir éternel.

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À MON PÈRE, À MA MÈRE

Faible témoignage de reconnaissance et de tendresse filiales.

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À MES FRÈRES À MES SŒURS

Gage d’affection.

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À MES BEAUX-FRÈRES ET BELLES-SŒURS

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À MES ONCLES ET TANTES

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À MES COUSINS ET COUSINES

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À TOUS MES PARENTS

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À MES PROFESSEURS

En souvenir de leurs précieuses leçons.

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À MES AMIS

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À mon cher F. BUSCAILHON,

Médecin-Vétérinaire la Courson (Aude)

Bon Souvenir.

À MA MARRAINE

Mlle  Marie ROUVIER

Gage d’une reconnaissance et d’un attachement sans bornes.


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À MON PARRAIN


M. Claude CAMBIER

Hommage de reconnaissance.

DE LA PÉRITONITE



Avant d’entreprendre l’histoire de la péritonite, il est urgent, nous croyons, de donner un aperçu anatomique succinct du sac péritonéal.

Le péritoine est une membrane séreuse mince, blanchâtre, semi-diaphane, qui revêt les parois internes de la cavité abdominale, sert d’enveloppe aux organes qu’elle renferme, et fournit divers replis destinés à fixer ces viscères, ainsi que les vaisseaux et les nerfs propres à ces parties.

Comme toutes les séreuses, le péritoine représente un sac clos de toutes parts, ne renfermant pas les organes qu’il enveloppe. Sa surface externe est dite pariétale ou viscérale, selon qu’elle adhère aux parois abdominales ou aux viscères qu’elle recouvre ; l’adhérence a lieu au moyen d’un tissu cellulaire assez lâche pour permettre des mouvements plus ou moins marqués. Sa surface interne, lisse et polie, en contact avec elle-même, est le siège continuel d’une exhalation séreuse qui facilité les glissements.

Le péritoine reçoit un grand nombre de vaisseaux fins et de nerfs qui forment sous la séreuse un réseau serré et délié qu’on ne peut guère apercevoir qu’à l’aide d’instruments grossissants. Aussi, cette membrane est-elle très irritable chez le cheval.

Sans pouvoir être attaquée directement par les agents atmosphériques, sauf les cas d’éventration ou de rupture des organes qu’il revêt, le péritoine peut cependant être affecté, en raison de la solidarité fonctionnelle qui existe entre lui et les surfaces cutanée et muqueuse.

L’inflammation de cet organe, dont nous avons seulement à nous occuper, est très importante à étudier, parce qu’elle est promptement mortelle.


DÉFINITION

La péritonite est l’inflammation générale ou partielle du péritoine ; elle est caractérisée par des troubles des viscères abdominaux ; sa marche est rapide, sa terminaison est souvent funeste, son type est aigu ou chronique.


DIVISIONS.

Selon le type qu’elle affecte, avons-nous dit, la péritonite se divise en aiguë et en chronique.


PÉRITONITE AIGUE

La péritonite aiguë est spontanée ou primitive, lorsqu’elle est provoquée par les mêmes causes qui président au développement des autres inflammations :

Traumatique, si des corps étrangers, agissent directement sur sa surface ; en ce cas, elle est accidentelle ou intentionnelle. Dans la péritonite traumatique nous comprendrons aussi celle dite de castration ;

Symptomatique ou consécutive, quand elle survient à la suite d’une autre maladie ; cette division comprend la péritonite dite par perforation, consécutive à la rupture de l’un des viscères abdominaux, et celle dite par extension, survenant à la suite de l’inflammation des organes voisins.

La péritonite puerpérale n’est qu’une variété de la péritonite par extension. Nous ne possédons pas, en médecine vétérinaire, des exemples bien authentiques de cette maladie.

Enfin, on a décrit sous le nom de péritonite tuberculeuse celle qui résulte de la présence de tubercules dans la membrane séreuse de la cavité abdominale. Nous ne nous occuperons pas de cette altération.


ÉTIOLOGIE.

Un grand nombre de causes qui font développer les inflammations peuvent être considérées comme pouvant faire naître la péritonite. On l’observe à tous les âges de la vie.

Péritonite spontanée. — Certains animaux, comme le cheval, le chien, par leur nature de tempérament, la contractent plus facilement que d’autres ; l’état pléthorique y prédispose. L’hygiène qu’on fait suivre aux animaux, peut aussi influer sur le développement de l’affection. Ainsi, les habitations froides et humides, mal aérées ; l’ingestion de boissons froides, de fourrages verts et couverts de rosée, sont autant de causes prédisposantes. À ces causes, on peut encore ajouter : le refroidissement brusque de la peau, après que la transpiration cutanée a été vivement excitée, l’exposition des animaux aux intempéries des saisons froides et pluvieuses, la suppression de toute sécrétion, et l’immersion des animaux en sueur.

Il ne serait pas impossible qu’une suppression d’hémorrhagie contribuât au développement de cette affection. Cette cause, dont on ne trouve pas d’exemples dans notre médecine, a été relatée dans la médecine de l’homme.


Péritonite traumatique. 1o Accidentelle. — Cette variété est provoquée par les contusions des parois abdominales, et les plaies qui pénètrent jusqu’au péritoine. M. Bousquet a rapporté, dans le Journal des Vétérinaires du Midi, 1842, un fait de péritonite consécutive à plusieurs coups de couteau donnés dans le ventre d’un bœuf météorisé.

Les constrictions que subit le péritoine, dans les cas de hernie étranglée, déterminent souvent une inflammation partielle de cette séreuse, qui se généralise ensuite.

Les opérations chirurgicales qu’on pratique sur les parois de l’abdomen dans les indigestions (ponction du rumen du cœcum, etc.), peuvent aussi amener le développement de la péritonite, soit par l’introduction dans la cavité séreuse de substances irritantes, soit par la rentrée de l’air atmosphérique, soit enfin par le seul fait de la ponction.


2o Intentionnelle. Beaucoup d’expérimentateurs pour provoquer l’inflammation, ont injecté à dessein divers liquides irritants dans le péritoine. M. Lafosse a répété cette expérience avec de l’ammoniaque plus ou moins étendue d’eau, ou du bitartrate de potasse en solution plus ou moins concentrée.


Péritonite de castration. L’étiologie de cette variété est enveloppée d’une profonde obscurité ; néanmoins, nous allons exposer les diverses causes qu’on a émises et qu’on peut distinguer en directes et indirectes. Les premières sont celles qui agissent d’une manière immédiate sur le péritoine. Nous allons les passer en revue.

Certains auteurs ont admis que l’inflammation locale résultant de la castration, s’étendait par continuité de tissu de la gaine vaginale jusqu’à la séreuse abdominale. Comme appui à leur hypothèse, ils citent la communication constante qui existe entre le péritoine et la gaine. Cette supposition est loin d’être aussi juste qu’on le croirait au premier abord ; les faits pratiques démontrent, en effet, que la péritonite complique rarement l’inflammation de la gaine, relativement au nombre considérable de chevaux qu’on châtre. Toutefois nous pensons que l’inflammation de la gaine sur un individu présentant une prédisposition particulière, ne resterait pas étrangère au développement de la péritonite.

On a dit encore que l’introduction de l’air dans le péritoine par sa voie de communication avec la gaine, est une cause efficiente de cette affection. On a si souvent entendu dans la pratique le passage de ce fluide dans l’abdomen, sans qu’il en soit résulté des péritonites, que la plupart des auteurs considèrent son action comme nulle. En outre, disent ces auteurs, si l’air produisait les effets qu’on lui attribue, l’observation démontrerait que l’affection est plus rare dans les cas de castration où la gaine vaginale reste intacte, que dans le cas où elle est lésée ; ce qui n’a pas lieu.

Nous admettons avec ces observateurs que, dans la majorité des cas, l’air est sans action sur le péritoine ; néanmoins, nous pensons que, dans quelques circonstances, le fluide atmosphérique introduit dans l’organisme par les voies respiratoires et dans l’abdomen par l’ouverture de la gaine, est la seule cause véritablement efficiente de la maladie. Nous trouvons un exemple de ce que nous avançons dans l’enzootie observée par Lacoste, vétérinaire principal au dépôt de remonte de Caen. En 1838, sur 177 chevaux que ce vétérinaire a châtrés, il n’a éprouvé qu’une seule perte, du mois de novembre au mois de décembre. La semaine suivante il en châtra 62 ; 46 furent atteints de péritonite, sur lesquels 42 moururent. Cette maladie marchait si rapidement vers la mort, que Lacoste fut obligé d’arrêter ses opérations. Dans d’autres circonstances, ce fut le tétanos qui éclata d’une manière aussi foudroyante. M. Cailleux, vétérinaire à Caen, attribua cette mortalité à l’intempérie de la saison, aux mauvais soins donnés aux animaux châtrés ; mais Lacoste fait observer avec raison que les chevaux émasculés chaque année à pareille époque, et dans les mêmes conditions, n’ont pas éprouvé des accidents de cette nature. Il voulut en chercher lui-même les causes. Voici comment il s’exprime à ce sujet : « Ne trouvant pas les causes matérielles qui avaient pu déterminer de si graves accidents, je dus croire à une influence atmosphérique délétère qui, donnant alors dans le pays, agissait mortellement sur les chevaux nouvellement châtrés ; et ce qui me fortifia dans cette idée, c’est que dans le même moment la maladie aphtheuse, connue sous le nom vulgaire de cocotte, qu’on ne connaissait pas encore dans le pays, nous arrivait de l’Est. Ce qui acheva de me convaincre qu’une influence atmosphérique délétère et passagère avait déterminé la péritonite, c’est qu’ayant recommencé à châtrer, le 15 janvier 1839, je ne perdis plus, durant toute l’année, que deux chevaux atteints de tétanos. » (Journal des Vétérinaires du Midi.)

Plus loin, Lacoste demande à ceux qui refusent de croire à son hypothèse, comment on pourrait s’expliquer autrement les avortements épizootiques qui se développent parfois, dans certaines contrées, sur un grand nombre de juments à la fois, alors que les conditions extérieures ne changent pas.

Nous ne pouvons nier l’action délétère qu’exerce en pareilles circonstances l’air qui n’offre plus, sans doute, sa composition normale. L’organisme, saturé de cet air, ne peut qu’être prédisposé à un grand nombre d’affections ; mais ne se pourrait-il pas aussi que cet air délétère, introduit dans la membrane séreuse, exerçât une action morbifique qui, jointe à celle de l’air entré dans l’organisme, ne serait que plus prompte, plus foudroyante ? Ce ne serait pas impossible.

Le sang qui provient de l’opération, a-t-on dit, peut refluer par l’orifice de la gaine, se mettre en contact avec le péritoine et provoquer son inflammation. En admettant qu’il puisse s’y introduire, ce qui doit arriver rarement, le sang déterminera-t-il toujours une inflammation de la séreuse abdominale ? Nous ne le pensons pas ; car le sang n’est pas irritant et se résorbe facilement, comme le fait remarquer le savant M. H. Bouley.

D’après M. Lafosse, notre savant professeur, « la sérosité, dont l’écoulement au-dehors est impossible, peut être sécrétée assez abondamment pour remplir d’abord toute la portion de la gaine située au-dessus de la compression, et se répandre ensuite, par l’effet du trop plein, dans le compartiment abdominal du péritoine. Lorsque, pendant l’enlèvement des casseaux, l’animal est placé sur le dos avec les membres relevés, la sérosité granuleuse, trouble, purulente ou déjà plus ou moins putréfiée, dans laquelle peuvent se dissoudre en partie les caustiques employés sur les casseaux, parvient aussi dans l’abdomen et produit la péritonite. » (Journal des Vétérinaires du Midi, 1854.)

Cette théorie hypothétique ne manque pas de fondement et est très admissible ; mais comme le fait judicieusement observer M. H. Bouley, il ne faut pas toujours l’interpréter ainsi ; car, le plus souvent, la sérosité n’est pas sécrétée d’une manière si exagérée, seul cas qui permette son introduction dans le péritoine. Aussi croyons-nous que la péritonite doit être rarement déterminée par cette cause.

Parmi les causes directes les plus efficientes de la péritonite de castration, on peut citer les tiraillements immodérés du cordon testiculaire et les rétractions de ce cordon tronqué, entraînant avec lui la ligature ou la portion parcheminée qui, le plus souvent, est imprégnée d’un caustique.

Les causes indirectes de la péritonite de castration sont celles qui apportent une perturbation ou une suppression complète de la sueur.

On sait, en effet, que la transpiration cutanée est vivement excitée après la castration ou l’enlèvement des casseaux lorsqu’on est obligé d’abattre les animaux. C’est alors que les courants d’air provoquent de fréquents arrêts de transpiration que l’on doit fortement redouter. L’exposition des animaux au froid, aux courants d’air n’est pas moins grave pendant la période de la fièvre de suppuration, alors que la peau est le siège d’une transpiration assez grande.


Péritonite par perforation ou par rupture. La rupture, la perforation de l’estomac, des intestins (indigestion, calculs), déterminent la chute des matières alimentaires ou fécales dans le péritoine et en provoquent l’inflammation. L’urine qui s’échappe de la vessie rupturée produit les mêmes effets. Les abcès profonds qui s’ouvrent dans le péritoine, la matière des tubercules et des cancers ramollis, sont autant de causes qui déterminent cette variété de péritonite.


Péritonite par extinction. Dans certaines circonstances, l’inflammation de l’un des organes voisins s’étend jusqu’au péritoine ; il n’est pas rare de constater, chez la vache, la métro-péritonite consécutive à la parturition. D’après D’Arboval, « quelques personnes admettent que l’usage continué du mauvais son et l’abus du son mouillé, à force de déterminer des indigestions, occasionnent aussi des péritonites. » (Dict. de Méd. et de Chir. vét.)

Péritonite puerpérale. On ne l’a observée que chez la femme. Elle est un des éléments principaux de la fièvre dite puerpérale. La puerpéralité est la cause de cette variété.


SYMPTOMATOLOGIE


Symptôme communs. Dans la plupart des cas, la maladie débute par un frisson vague qui disparaît en quelques instants pour reparaître ensuite. À ce frisson, partiel ou général, succède une chaleur plus ou moins notable du corps. La face est grippée, le regard est fixe ; pendant la marche, l’animal écarte les membres, surtout les postérieurs, sans doute pour ne pas heurter l’abdomen ; sa marche est hésitée. L’abdomen est tendu en partie ou en totalité, douloureux à la pression ; aussi l’animal cherche-t-il à fuir ou à éloigner l’abdomen en se pliant, quand une main exploratrice percute les parois abdominales. Si l’animal se couche, ce qu’il fait très rarement pour soustraire la partie souffrante du contact de la litière ou du sol, il s’appuie sur le dos pour alléger le péritoine du poids de la masse intestinale, ou bien il s’étend sur le côté le moins douloureux et porte son membre postérieur de dessus vivement en arrière ou le soulève en l’air pour ne pas comprimer le ventre. La colonne vertébrale est voussée en contre-haut ; l’abdomen est météorisé ; le flanc tendu.

L’appétit est diminué, quelquefois nul ; les excréments sont secs, coiffés et expulsés avec difficulté ; la miction est rare.

La respiration est gênée, et on conçoit qu’elle doive être plutôt costale qu’abdominale. Le pouls est petit, dur, quelquefois accéléré, d’autres fois rare. Les extrémités sont froides, tandis qu’à l’abdomen la peau accuse un certain degré de chaleur. Chez les animaux qui peuvent vomir, il y a, en outre, des vomissements, des hoquets, etc.

Si la maladie est plus intense, les douleurs sont très vives, l’animal se débat, est atteint de violentes coliques, se couche, se relève, regarde le flanc ; en un mot, les symptômes plus haut cités s’aggravent.


Symptômes particuliers. Péritonite spontanée. Peu intense, la maladie est relativement lente ; il y a tristesse, diminution de l’appétit, tourments devenant de plus en plus fréquents ; enfin, météorisation. Lorsqu’elle est plus intense, la marche des phénomènes est très rapide ; il survient des coliques ordinairement assez fortes ; l’animal gratte le sol avec les pieds de devant et regarde le flanc ; la station est opiniâtre.


Péritonite traumatique. 1o Accidentelle. — Outre les symptômes précédents, on remarque encore sur les parois externes du ventre, des contusions, des œdèmes consécutifs, des ecchymoses sur la peau dépourvue de pigment, des plaies plus ou moins profondes dans lesquelles sont encore engagés parfois les corps étrangers qui les ont produites. M. Lafosse a constaté, dans plusieurs cas, la présence de canules de trocart, d’aiguilles ; c’est par l’exploration des parties (sondage, palpation) qu’on s’assure de leur présence, si on ne les aperçoit pas à première vue. M. Bousquet, en 1842, alors élève de 4e année à l’École de Toulouse, a observé sur un bœuf météorisé auquel on avait donné plusieurs coups de couteau, une tumeur volumineuse, crépitante, circonscrite, occupant le côté droit de la région lombaire et la partie supérieure du flanc droit, tumeur qui n’était autre chose qu’un emphysème dû aux gaz échappés du rumen à la suite de la ponction, et introduits dans le tissu cellulaire sous-cutané.


2o Intentionnelle. — M. Lafosse, dans le but d’expérimenter, a plusieurs fois injecté des liquides irritants dans le péritoine (solution de bitartrate de potasse, ammoniaque liquide plus ou moins concentré.) Voici les symptômes que notre honorable professeur a observés : « Peu d’instants après l’opération, on voyait survenir des tremblements généraux, de l’horripilation ; la respiration devenait grande, accélérée, bruyante ; les battements du cœur s’accéléraient, perdaient leur régularité ; le pouls aussi devenait alternativement fort, faible, petit, dur, lent ou accéléré, et des coliques se traduisaient de la manière plus haut décrite. Ces symptômes étaient plus ou moins intenses, suivant que le liquide injecté était plus ou moins irritant ; suivant aussi le degré de susceptibilité nerveuse du sujet. Ils allaient promptement, s’aggravant jusqu’au moment de la mort, ou bien ils s’apaisaient, et bientôt la maladie s’exprimait par les caractères » propres à la péritonite. (Traité de Pathologie vétérinaire, p. 417, tome III).


Péritonite de castration. Aux symptômes caractéristiques de l’affection viennent s’ajouter les suivants : Du 2e au 6e jour qui suit l’opération, la maladie se déclare. Dans quelques cas, elle demeure plus longtemps à apparaître (15 jours, 1 mois).

Au début, l’animal tient la tête basse et a peu d’appétit ; puis la suppuration des cordons testiculaires est supprimée, et il se développe un engorgement chaud, plus ou moins douloureux, des bourses et des parties environnantes ; ensuite quelques légers symptômes de péritonite se déclarent. L’affection marche avec tant de rapidité que quelques jours après les symptômes prennent une aggravation alarmante ; l’engorgement scrotal s’œdématie, devient moins chaud, moins douloureux ; il s’étend de plus en plus, monte quelquefois par le périnée jusqu’à l’anus, gagne l’abdomen et le thorax et descend le long des cuisses. C’est alors qu’on perçoit de légères coliques. Plus tard, l’animal faiblit, chancelle, et la gangrène envahissant les parties œdématiées vient mettre un terme aux souffrances de l’animal.


Péritonite par perforation. Cette variété se différencie des autres, en ce que les symptômes précédemment décrits succèdent ordinairement à ceux des maladies occasionnées par la rupture des organes : Ainsi, après la rupture de la vessie, on constate toujours une fluctuation du ventre due au déversement de l’urine dans la cavité abdominale. La sécrétion purulente des abcès, la matière des cancers ramollis ; les aliments ou excréments par suite d’une rupture, la bile, etc., se déversent dans l’abdomen, provoquent une péritonite dont les symptômes sont précédés de ceux déterminés par l’affection primitive.


Péritonite par extension. Il en est de même de la péritonite par extension ; elle sera toujours précédée de l’inflammation de l’un des viscères abdominaux, matrice, intestin, etc.


Péritonite puerpérale. Chez les femmes, elle se montre tantôt avec les caractères de la péritonite commune, tantôt, et le plus souvent, sous des traits moins franchement phlegmasiques, par l’effet de la puerpéralité. Alors, aux symptômes de péritonite, moins intenses, se joignent ceux de l’embarras gastrique, enduit muqueux de la langue, anorexie, dégoût, vomissements plus ou moins bilieux, céphalalgie, etc.


DIAGNOSTIC


Dans la plupart des cas, on diagnostique la péritonite par les symptômes caractéristiques suivants : météorisation, sensibilité de l’abdomen, difficulté de la locomotion ; respiration gênée, costale ; pouls petit, serré ; constipation, rareté des urines, coliques ; mais les symptômes de l’affection ne se traduisent pas toujours ainsi. Quelquefois, mais rarement, rien n’indique le début de la maladie ; les animaux travaillent, mangent, puis tout-à-coup ils se trouvent presque agonisants. Dans ces cas, si les symptômes observés ne suffisaient pas pour faire diagnostiquer la maladie, on y arriverait par voie d’exclusion.

Si l’inflammation est partielle et n’intéresse pas les parties inférieures du péritoine, le diagnostic est difficile.

La péritonite passe souvent inaperçue lorsqu’elle se complique de pleurésie ; car les symptômes de celle-là sont effacés par les symptômes plus intenses, plus apparents de celle-ci.


PRONOSTIC


Le pronostic est souvent fâcheux. Si elle est intense, elle laisse peu de chances de guérison. Si à la constipation succède une diarrhée abondante, si les sueurs froides apparaissent, si l’animal faiblit, chancelle, mort prochaine. Mais si les symptômes sont légers, on peut pronostiquer une heureuse terminaison.


MARCHE, DURÉE


La marche de la maladie est prompte, rapide ; sa durée courte, de cinq à dix jours.


TERMINAISONS


Les modes de terminaison de la péritonite sont la résolution, l’épanchement et l’exsudation, la suppuration, la gangrène.


Résolution. — C’est le seul mode que le vétérinaire doit chercher à obtenir ; mais il est si rare, que la thérapeutique la mieux appropriée est souvent impuissante. Si la maladie est peu intense, il y a des chances de l’obtenir du 2e au 3e jour ; la résolution s’annonce par la diminution graduelle de tous les symptômes, enfin par une amélioration sensible. Quelquefois, il s’est formé des lésions intérieures, des adhérences qui, sans provoquer de la douleur, déterminent de l’agitation dans les flancs, et persistent pendant toute la vie de l’animal.


Épanchement, exsudation. Quand, au bout de quatre à huit jours, la résolution ne s’est pas effectuée, ces modes de terminaison sont le plus souvent en voie de formation. Alors le pouls devient petit, tout en conservant sa fréquence. Chez l’homme, l’exsudation se diagnostique par l’auscultation ; on entend, en effet, quand elle a lieu, des bruits de frottement, de craquement, de raclement, etc. Chez nos animaux, on ne peut guère se servir de ce moyen ; car, n’ayant pas la conscience de ce qu’on fait pour eux, ils se défendent contre tout attouchement de l’abdomen.

L’épanchement, s’il est abondant, constitue l’ascite ; alors on peut le déceler par la fluctuation. Toutefois, il ne faudrait pas confondre avec l’épanchement la fluctuation qu’on observe à l’abdomen, lors de la rupture de la vessie, fluctuation qui est due à l’urine déversée dans la cavité abdominale.

La sérosité est épanchée abondamment, chez les animaux qui habitent dans des locaux humides. Elle détermine un gonflement considérable du ventre, et s’annonce, chez les chevaux, par des œdèmes formés aux parties déclives de l’abdomen, par une agitation constante du flanc, par une maigreur extrême, et enfin par le dépérissement lent et gradué du malade. Il est rare que l’épanchement se résolve. Ordinairement, il progresse jusqu’à la fin de la vie. L’inflammation peut cependant cesser et l’affection devenir chronique.

Une terminaison non moins funeste de cette affection, c’est l’adhérence des fausses membranes ; elles sont cause de tiraillements et de douleurs, et parfois elles gênent dans leurs fonctions les viscères abdominaux.


Suppuration. La suppuration s’observe surtout dans les cas de péritonite traumatique, plus souvent encore lorsque celle-ci est déterminée par un corps étranger. Quelquefois le pus se ramasse, forme un ou plusieurs foyers purulents ; d’autres fois, la suppuration est diffuse. Dans le premier cas, on pourrait la confondre avec les abcès profonds de l’abdomen, si on ne prenait pas en considération la cause provocatrice.

Localisée, sans épanchement, la suppuration peut se guérir, si on peut faire écouler le pus au dehors et extraire le corps étranger qui l’a produite ; sinon elle détermine rapidement la mort.

Elle est rare chez les herbivores, moins encore chez les chiens.


Gangrène. D’après D’Arboval, la gangrène serait la terminaison la plus commune de la péritonite ; M. Lafosse, par ses propres observations, assure le contraire et « ne conçoit même guère qu’une véritable gangrène soit possible dans une membrane qui n’est pas au contact de l’air. Toutefois, dit-il, sous l’influence d’une vive inflammation, la circulation peut s’arrêter dans les capillaires, et, par suite, une mortification sans décomposition putride s’effectue. »

Dans tous les cas, si elle se produit, elle s’annonce par un abaissement de la température du corps qui fait suite à une chaleur successive, la tristesse, les frissons, la petitesse du pouls, la pâleur des muqueuses, la cessation subite du malaise, des douleurs du ventre et des coliques, et la mort ne se fait pas attendre. La gangrène survient ordinairement trois ou quatre jours après l’invasion de la maladie.


LÉSIONS CADAVÉRIQUES.


À l’ouverture des animaux morts de péritonite, on trouve, dans la plupart des cas, les traces de l’inflammation de la membrane séreuse abdominale. Voici les lésions qu’on observe :

Sur la surface péritonéale se dessinent des arborisations vasculaires provenant de l’injection de ces mêmes vaisseaux : dans l’espace intercepté par les divisions sanguines, le péritoine est uniformément rouge et plus ou moins mou, soit dans une ou plusieurs de ses parties plus ou moins considérables, circonscrites, soit dans la totalité de son étendue.

D’autres fois, l’injection se présente sous la forme de points serrés, de plaques, de zones d’ecchymoses offrant la plus grande analogie à celles produites par la succion. La rougeur peut être plus ou moins violacée ou rosée, ou enfin diversement nuancée.

Ce sont là les lésions de la péritonite récente.

Si elle est plus ancienne, le tissu cellulaire sous-séreux présente une infiltration plus ou moins grande et peut même être le siège d’un épanchement sanguin.

Dupuy et Prince citent un cas où l’abdomen d’un bœuf contenait de 12 à 15 litres de sang à la suite d’une hémorrhagie interne. (Journal prat. de méd. vét., 1834.)

La surface du péritoine exsude une matière plastique fibrino-albumineuse, jaunâtre, qui se concrète, tantôt sous forme de fausses membranes plus ou moins épaisses, étendues, qui font adhérer entre eux les divers replis du péritoine, tantôt sous la forme de petites saillies coniques qui rendent rugueuse la surface péritonéale. À ces lésions se joint ordinairement une petite quantité de liquide exhalé.

M. Parent (Journal de méd. vét. de Lyon, 1862), a trouvé chez un cheval mort d’une péritonite consécutive à la castration, un épanchement autour du cordon enflammé, qui s’était transformé en fausses membranes établissant des adhérences entre la portion pelvienne du cordon et la courbure pelvienne du gros colon. En outre, les replis du péritoine étaient pourvus de productions fibro-albumineuses.


Épanchement, exsudation. Quand ce mode de terminaison s’est effectué, on trouve, à l’autopsie, dans le sac du péritoine, une quantité de liquide exhalé plus ou moins grande (un ou plusieurs seaux).

Cet épanchement séreux ne s’offre pas toujours sous les mêmes caractères physiques ; il est trouble ou roussâtre ; d’autres fois, il est mêlé à une plus ou moins grande quantité de flocons blancs, opaques, ou bien jaunes ou verdâtres ; du sang peut être mélangé à la sérosité. C’est alors que l’exsudation constitue un grand nombre de fausses membranes qui réunissent entre elles les circonvolutions de l’intestin ou les divers viscères abdominaux ; examinées dans leur composition, ces adhérences présentent des aréoles plus ou moins grandes, pleines de sérosité pure ou mélangée à du sang, du pus, etc. Au début, la matière plastique exhalée est inorganisée ; plus tard, des vaisseaux se forment, la production devient rougeâtre et prend les caractères de l’organisation.

Dans la péritonite, qui succède à l’effusion du pus, la sérosité est purulente ; celle qui est due à la perforation présente une sérosité mélangée ou à des aliments, ou à des excréments, ou à de l’urine, etc.


Suppuration. Il n’est pas rare de rencontrer quelques foyers purulents sur les divers points de l’abdomen, foyers appelés abcès. Plus ou moins spacieux, à une ou plusieurs loges, ces abcès sont formés par les faces pariétale et viscérale du péritoine, qui est rouge, plus ou moins granuleux, tout comme une membrane pyogénique.

Quand la suppuration est disséminée, la séreuse est plus ou moins dense, friable, et par la pression elle laisse suinter de la sérosité sanguinolente, mélangée à des gouttelettes purulentes.


Gangrène. Lorsque la péritonite se termine par gangrène, la séreuse péritonéale est quelquefois noirâtre, ou brunâtre, ou verdâtre ; pressée, elle se réduit facilement en déliquium boueux qui, parfois, présente une grande analogie avec la lie de vin.

Tantôt le sac péritonéal est le siège d’une exhalation liquide, plus ou moins sanguinolente ; tantôt des fausses membranes d’un jaune safrané ; d’autres fois, ces deux sortes de productions existent simultanément et ces dernières nagent dans le liquide sécrété. M. Lafosse dit n’avoir jamais constaté l’odeur fétide sui generis des tissus gangrenés au contact de l’air atmosphérique, excepté dans les cas de péritonite de castration ; « mais alors, dit notre honorable professeur, la gangrène frappait aussi les bourses, la gaine vaginale des testicules, et l’air avait pu s’introduire dans le péritoine par le trajet inguinal. Le tissu cellulaire sous-séreux est alors plus ou moins emphysémateux. » (Traité de Pathologie vét., t. III.)

Suivant que la gangrène se propage ou qu’elle se complique plus ou moins, les désordres affectent les intestins et autres viscères abdominaux.

Dans quelques cas, plusieurs auteurs nient avoir trouvé les traces de l’inflammation péritonéale. Est-on bien sûr, dans ces cas, d’avoir observé les symptômes caractéristiques de la péritonite, et l’animal n’a-t-il pas succombé à une autre affection, névrose, maladie du sang ?


NATURE


Tous les auteurs sont unanimes pour considérer la péritonite comme une affection simplement inflammatoire ; le type, les symptômes, les lésions viennent confirmer cette opinion.

Toutefois, il est des cas, rares il est vrai, où aucune altération sensible du péritoine éloigne de l’idée la préexistence d’une inflammation, où l’étiologie échappe complètement à la sagacité de l’observateur, où la thérapeutique, enfin, ne produit pas l’effet auquel on pourrait s’attendre, s’il s’agissait d’une simple inflammation. C’est surtout la péritonite de castration qui présente ces phénomènes jusqu’ici insaisissables, ou du moins que personne n’a cherché à saisir.

Cette particularité n’a pu échapper à la sagacité de M. Gourdon. À ce sujet, notre honorable professeur, en niant la possibilité de considérer la péritonite de castration comme une phlegmasie, avance les preuves suivantes : « La forme épizootique que peut affecter la maladie, fournissant l’indice d’un trouble beaucoup plus général, indépendant des circonstances particulières de l’opération ; son apparition dans des circonstances identiques à celles au milieu desquelles se déclare le tétanos, d’essence également inconnue ; l’absence des lésions cadavériques caractéristiques ; les dangers du traitement antiphlogistique appliqué à cette affection, tout prouve qu’il y a quelque chose de plus qu’une simple phlegmasie.

« Si la péritonite n’est pas une inflammation du péritoine, qu’est-ce donc ? Nous l’ignorons. Peut-être n’est-ce qu’une autre forme d’altération du sang, un état typhoïde particulier ou simplement une infection putride. » (Traité de Castration, p. 211).

Sans vouloir prétendre, à notre âge, de trancher la question sur ce point délicat, qu’il nous soit permis d’émettre simplement une opinion.

Il est un point qui n’a pas besoin de commentaire, c’est lorsque le péritoine présente des traces d’inflammation : la nature est toute connue ; mais dans les cas rares où ces indices n’existent pas, à quoi faudra-t-il attribuer la mort ?

Et d’abord, est-il bien certain que l’animal mort en pareilles circonstances présentait, pendant la maladie, les symptômes caractéristiques de la péritonite ? Toutefois, en admettant qu’il en soit ainsi et qu’on ne trouve pas de lésions cadavériques, il serait possible qu’un amas de pus en putréfaction existât aux bourses, consécutivement à la suppuration du cordon testiculaire, et qu’une résorption purulente s’effectuât à cet endroit. Il en résulterait une infection putride qu’on pourrait confondre avec la péritonite.

Il y aurait donc, dans ces cas-là, à analyser le fluide circulatoire ?


TRAITEMENT


T. préservatif. Une fois développée, la péritonite s’achemine promptement vers la mort. Aussi faut-il s’évertuer à remplir les indications prophylactiques pour empêcher son développement ?

Les moyens de prophylaxie doivent surtout être mis en pratique sur les animaux qu’on vient de châtrer. Combien de péritonites ne reconnaissent d’autres causes qu’une hygiène mal comprise ?

Bouchonnement, couvertures, camail, bâton à surfaix et autres moyens de l’hygiène des opérés, telles sont les conditions qu’il faut remplir pour prévenir la maladie.


T. curatif. S’attacher à obtenir la résolution, c’est le seul moyen de traiter la péritonite avec avantage. Pour atteindre ce but, on doit combattre l’inflammation et s’opposer à son progrès, rétablir la transpiration, prévenir la gangrène ou l’entraver dans sa marche.

Péritonite spontanée. Comme dans toutes les inflammations, on emploie les antiphlogistiques administrés avec énergie et dès le début de la maladie ; les émissions sanguines générales doivent être copieuses et réitérées si le pouls conserve sa dureté et la fièvre son intensité ; elles sont suivies de saignées locales dès qu’on constate une amélioration sensible. Pour les premières, la plus petite saignée est de six à huit livres, d’après D’Arboval ; les secondes doivent être pratiquées le plus près possible du point enflammé. Chez les grands ruminants, on saigne aux veines sous-cutanées abdominales, tandis que chez le cheval elles ne sont pas assez développées. D’Arboval conseille de faire usage de sangsues qu’on pourrait amorcer en rasant les poils sur les points douloureux. « Il serait nécessaire, dit-il, de les appliquer en grand nombre, parce que l’inflammation est presque toujours vaste, et qu’il faut obtenir un écoulement prolongé du sang. » (Dict. de Méd. vét. D’Arboval.)

Les ventouses scarifiées pourraient remplacer les sangsues, mais elles ont l’inconvénient de provoquer de la douleur.

Chez les petits animaux, les sangsues sont d’un usage plus fréquent.

La saignée pratiquée, on fait des fumigations générales de vapeur d’eau qu’on rend émolliente par l’addition de mucilage. On emploie les bains émollients chez les petits animaux. Pour calmer la douleur locale, on applique des cataplasmes adoucissants sur les reins et sous le ventre.

À l’intérieur, on administre des diurétiques : tisanes de bourrache, de pariétaire, de chiendent, auxquelles on ajoute du miel, de la gomme et du nitre. Les lavements, d’après D’Arboval, sont contre-indiqués, parce qu’ils produisent la distension des intestins et déterminent de la douleur au péritoine. M. Lafosse croit obvier à cet inconvénient en n’administrant que des demi-lavements qui facilitent la défécation et produisent un effet émollient.

Chez les carnivores et les omnivores, on combat les vomissements opiniâtres par des calmants : laudanum, opium en breuvages ou en lavements. L’eau de Sedlitz, la potion de Rivière, ont été données en breuvages.

Dans la péritonite partielle, on emploie avec succès les larges vésicatoires, car la fièvre est peu prononcée ; ils conviennent encore dans la péritonite générale lorsque la fièvre disparaît ou diminue d’intensité, car ils hâtent la résolution et combattent la chronicité.

Quand il y a épanchement, exsudation, on fait usage des diaphorétiques, des diurétiques, à dose très élevée, et de la médication vésicante.

La suppuration, si elle est générale, est mortelle ; si elle est rassemblée en un ou plusieurs foyers purulents, elle exige le traitement approprié au phlegmon ordinaire qui aurait ce siège. On doit donc se hâter d’extraire les corps étrangers qui l’ont provoquée. Pour cela, on doit, au besoin, débrider la plaie et saisir le corps soit avec les doigts, soit avec des pinces.

La gangrène est incurable.


Péritonite traumatique. Après avoir fait disparaître la cause qui l’a fait naître (corps étrangers), on tente de combattre l’inflammation par les antiphlogistiques, parmi lesquels on emploie d’une manière continue les réfrigérants de préférence : glace, neige, eau glacée, froide ; la médication émolliente doit agir de concert avec les réfrigérants ; si le mal empire, les révulsifs sont indiqués.


Péritonite de castration. Lacoste (loc. cit.) a traité les nombreux malades qu’il a opérés par les saignées, l’administration de boissons émollientes, calmantes, diurétiques, de demi-lavements laxatifs et l’application de larges vésicatoires.

M. Lafosse (Traité de Pathologie vétérinaire) propose, quand il y a épanchement, de donner issue au liquide intérieur par la position droite de l’animal, ou même par l’introduction d’une sonde étroite en caoutchouc par l’anneau inguinal.

Texier, vétérinaire du train, à Évreux, traita avec succès les engorgements par les scarifications et les pointes de feu ; puis il fit par dessus une friction de liniment ammoniacal ; quelque temps après, le liquide s’écoulait par les scarifications ; plus tard, mêmes frictions ; les plaies suppurèrent et un mieux sensible s’opéra


Péritonite par extension. Van-den-Eide (Journal Vétérinaire de Belgique) a employé avec succès, dans le cas de métro-péritonite, les frictions d’onguent mercuriel sous le ventre, l’administration à l’intérieur de huit grammes de calomel, alliés à une égale quantité d’extrait de belladone. À ce traitement, il joignait celui de la péritonite spontanée.

En thèse générale, on doit faire marcher de front les traitements de la péritonite et de l’inflammation primitive du viscère.


Péritonite par perforation. La plus redoutable, cette forme de péritonite est exceptionnellement traitée avec succès. Toutefois, comme on doit toujours en essayer la cure, on doit, comme indication principale, supprimer la cause qui pourrait entretenir la péritonite, en n’administrant pas de breuvages, ni de lavements. On fait des fumigations générales, on donne des bains. Pour calmer la soif, M. Lafosse propose de donner des gargarismes d’eau fraîche.


Péritonite puerpérale. Ne possédant pas d’exemples de cette variété de péritonite, chez nos animaux, nous allons exposer le traitement qui réussit presque toujours dans la médecine de l’homme. Nous voulons parler de la médication mercurielle que quelques vétérinaires ont appliquée à une forme de péritonite d’abord, et à toutes plus tard.

Voici comment M. Lafosse propose de changer pour nos animaux, la manière de pratiquer cette médication, méthode préconisée par M. Velpeau en médecine humaine :

Saignées au début ; si le mal progresse, on fait des frictions de pommade mercurielle double, à la dose de 64 à 200 grammes, pour les solipèdes, de 4 à 12 grammes pour les chiens ; toutes les deux heures on répète ces frictions qu’on ne doit faire qu’avec lenteur et précaution, pour ne pas comprimer le ventre.

Puis, on recouvre les parties frictionnées d’un bandage de laine.

Si l’inflammation du tube digestif ne se joint pas à celle du péritoine, on administre, chaque deux heures, du calomel à la dose de 1 à 2 grammes pour les grands animaux, 0,05 à 0,10 grammes pour les petits. Si, au contraire, il y a gastro-entérite, on donne de l’huile de ricin, ou de l’eau de Sedlitz à dose purgative.

Certains praticiens ont prétendu que, pour produire l’effet désiré, la médication doit terminer le ptyalisme mercuriel. Des auteurs recommandables ont, au contraire, affirmé qu’il était inutile d’obtenir cet effet qui n’est pas toujours sans gravité.

Beau recommande, après les premiers moyens employés contre la péritonite, d’administrer promptement de la quinine à haute dose, pour combattre cette phlegmasie, lorsqu’elle est bornée à la région sous-ombilicale, et pour en conjurer la généralisation.

Quand l’animal est en proie à de vives coliques, de vives douleurs, on fait prendre des tisanes calmantes, de feuilles d’oranger, de tilleul, additionnées de pavot blanc ou d’œillette, à doses petites mais souvent réitérées.

Les sangsues sont dans ce cas d’un grand secours.

On doit soustraire les malades des courants d’air ; les locaux qu’ils habitent doivent être à la température de 15 ° à 20° centigrades.

La péritonite puerpérale, a été aussi combattue par les narcotiques : on a fait des frictions sous le ventre avec une pommade composée de cyanhydrate de soude, laudanum et axonge.

À l’intérieur, l’essence de térébenthine, le carbonate de soude ont été employés avec plus ou moins de succès.


PÉRITONITE CHRONIQUE


Elle est primitive ou consécutive au type aigu.


Étiologie. Lorsqu’elle est primitive, elle attaque les sujets faibles et lymphatiques. Elle est assez fréquente chez les solipèdes, plus rare chez les bêtes bovines.


Symptômes. Partielle, elle reste longtemps inaperçue, à moins qu’elle ne succède au type aigu ; générale, les symptômes qu’elle détermine sont si peu marqués, si vagues, qu’on ne les attribue pas directement à la péritonite. Dans ce cas, on arrive au diagnostic par voie d’exclusion ; on achève de se convaincre, s’il y a un peu de douleur à la percussion des parois abdominales.

Plus tard, l’épanchement se forme, le ventre devient volumineux aux parties déclives, tandis que le flanc se creuse et que l’amaigrissement fait des progrès.

La sérosité gagne même le tissu cellulaire sous-cutané des membres, du ventre, des mamelles, du périnée ; ces parties s’engorgent, s’œdématient.

Gellé rapporte que M. Canu a observé une tumeur circonscrite, fluctuante, se former à l’ombilic et communiquant avec le péritoine.

L’abdomen est fluctuant, quelquefois douloureux ; enfin, le pouls est faible, les muqueuses sont pâles, la respiration est gênée, la soif est vive, la peau est sèche, la diurèse est abondante.


Marche, durée, terminaisons. Une fois développée, sa marche est lente, continue, jusqu’à l’épuisement et la mort. Quelquefois, néanmoins, elle s’arrête, pour reparaître ensuite.

Elle dure plusieurs mois, et se termine ordinairement par la mort.


Diagnostic. Ventre volumineux, douloureux ; diminution de l’appétit, amaigrissement ; œdèmes aux parties déclives ; tels sont les caractères principaux du type chronique. S’il y a incertitude, on pratique une ponction d’essai.


Pronostic. Fâcheux ; car la péritonite chronique est rarement curable, quoique sa marche soit lente.


Lésions morbides. Un liquide trouble, lactescent, purulent ou floconneux est épanché dans le péritoine ; des fausses membranes de diverses formes, colorées en rouge vineux, peuvent provoquer des adhérences entre les deux lames péritonéales ; d’autres fois, elles sont incolores, transparentes ou épaisses.

Le péritoine présente une injection sanguine ; il existe quelquefois des exsudations. Les lymphatiques voisins du péritoine et les ganglions auxquels ils aboutissent sont engorgés, apparents. Alors la sérosité est claire, limpide et se solidifie au contact de l’air. Quelquefois, le liquide épanché est purulent, et le péritoine a l’aspect d’une membrane pyogénique.


Traitement. Les médications évacuantes et révulsive sont les seules employées : à l’intérieur, diaphorétiques, diurétiques ; tels que digitale, essence de térébenthine, scille, colchique, acétate et bi-carbonate de soude, nitre, poudre de Lebas, etc.

Sous le ventre, vésicatoires, sétons, moxas, cautérisation actuelle.

Si l’animal est débilité, on donne des toniques. Des scarifications, des pointes de feu suivies de frictions de liniment ammoniacal sur les œdèmes seront employés quelquefois avec avantage.


Parallèle entre la péritonite et la pleurésie.


Quoique la médication antiphlogistique, qui a reçu l’assentiment général des praticiens, soit théorique, appropriée à la nature de la maladie, personne ne se dissimulera son impuissance dans la plupart des cas. Aussi croyons-nous utile de mettre en relief l’analogie qui existe entre la pleurésie et la péritonite ; peut-être que de ce rapprochement nous pourrons tirer des déductions pratiques.

Comparer la péritonite avec la pleurésie, quoi de plus naturel, quoi de plus légitime ? Que d’intimes analogies se dévoilent aux yeux de celui qui étudie dans les détails les plus circonstanciés de leur histoire, le parallèle entre ces deux grandes affections ! Nous n’allons citer que les identités les plus frappantes.

D’abord, qu’est-ce que le péritoine ? qu’est-ce que la plèvre ? Ce sont deux membranes séreuses, c’est-à-dire des sacs clos de toutes parts, ne renfermant pas d’organes dans leur cavité. Nous pensons que c’est établir assez nettement l’identité de composition de ces deux membranes par cette seule définition qui les dessert également.

Les mêmes causes les provoquent, et les symptômes ne sont pas sans analogie, à part les symptômes locaux.

Les deux affections se terminent de la même manière ; quant à la nature, c’est une inflammation.

Il existe donc une grande analogie entre les deux affections. Et si cette analogie est incontestable au point de vue pathologique, pourquoi n’existerait-elle pas au point de vue thérapeutique ?

La méthode révulsive, employée avec tant de succès dans la pleurite, serait sans doute avantageuse dans la péritonite. Les frictions sinapisées, les sinapismes sous l’abdomen, qu’on emploie si peu dans cette dernière, seraient peut-être d’un utile secours.

Dans les cas d’épanchement ou de foyers purulents, alors qu’il y a imminence d’une terminaison funeste, on pourrait pratiquer la paracenthèse abdominale, tout comme on pratique la thoracenthèse dans certains cas de pleurite, etc.

C.-M. BAISSETTE.