Deux sonnets pour Timocrate

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Deux sonnets pour Timocrate
Appendice des Poésies diverses, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 359-360).


IX


(Voyez la Notice, p. 20.)
DEUX SONNETS POUR TIMOCRATE[1].


Endymion[2] est mort : cet illustre champêtre
Est déjà descendu dedans le monument.
Chacun est demeuré dans un étonnement
De l’avoir vu mourir presque aussitôt que naître.

Tous les grands spectateurs qui le virent paroître 5
Disent que le Soleil fit mourir cet amant ;
Mais ils se sont trompés, et dedans un moment
Vous connoîtrez celui qui l’a fait cesser d’être.

Non, Apollon n’est point le sujet de sa mort,
Et ce n’est point par lui qu’il a fini son sort : 10
L’auteur de son trépas assez souvent éclate.
 

Qu’ils sachent que celui qui lui perça le cœur,
Et qui d’Endymion est demeuré vainqueur,
N’est point l’astre du jour : c’est le grand Timocrate.




Déplorables jaloux, dont les noires envies,
De Don Sanche et Pompée étalent les appas,
Et vantant Nicomède, Horace et Venceslas[3],
Veulent dans Timocrate en trouver des copies,

Le chimérique orgueil de vos antipathies 5
En croit par là servir les surprenants éclats,
Comme si c’étoit peu d’égaler de tels pas,
Et former un beau tout de ces nobles parties !

Apprenez qu’élever de pompeux bâtiments
Sur un brillant amas d’illustres fondements 10
Porte un nom au-dessus de la gloire commune.

De semblables larcins sont de grands coups de l’art,
Et quand dans ce chef-d’œuvre on n’auroit d’autre part,
C’est beaucoup d’assembler tant de beautés en une.

Ces deux sonnets se trouvent dans les Muses illustres de MM. Malherbe, Théophile et Cie, publiées par François Colletet, Paris, Chamoudry, 1658, in-12, p. 148 et suivantes. Ils sont anonymes dans le recueil ; mais on lit à la table : Deux sonnets pour Timocrate. Corneille. M. Paul Lacroix les attribue à Pierre[4] ; nous les croyons plutôt de Thomas.



  1. Il s’agit ici de la tragédie de Timocrate, de Thomas Corneille, jouée, suivant les frères Parfait, en novembre 1656, au théâtre du Marais.
  2. Les Amours de Diane et d’Endymion, par Gilbert. Voyez ci-dessus la notice qui est en tête de la pièce LI, p. 154. Les frères Parfait, comme nous l’avons dit, en fixent la première représentation à l’année 1657, mais il semble évident qu’elle est un peu antérieure.
  3. Venceslas, tragédie de Rotrou, représentée en 1648.
  4. Bulletin du bouquiniste (8e année, 1er semestre, p. 53).