Dialogues d’Évhémère/Édition Garnier/12

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DOUZIÈME DIALOGUE.

Inventions des barbares, arts nouveaux, idées nouvelles.

Callicrate.

Dites-moi donc au plus tôt ce que ces barbares ont imaginé de si utile au monde.

Évhémère.

Quand ils n’auraient inventé que les moulins à vent, nous leur devrions une éternelle reconnaissance ; ce ne sont ni des Cassitérides[1] ni des Goths, ni des Celtes, qui ont été les auteurs de cette belle machine : ce sont des Arabes établis en Égypte ; les Grecs n’y ont nulle part.

Callicrate.

Comment est faite cette belle machine ? J’en ai ouï parler, mais je ne l’ai jamais vue.

Évhémère.

C’est une maison montée sur un pivot, et qui tourne à tout vent : elle a quatre grandes ailes qui ne peuvent voler, mais qui servent à briser entre deux pierres le grain recueilli dans la campagne. Les Grecs et nous autres Siciliens, les Romains même, n’ont pas encore l’usage de ces maisons ailées : nous ne savons que fatiguer les mains de nos esclaves à moudre grossièrement ce blé, que nous arrachons à la terre avec tant de peine. J’espère que le bel art des maisons ailées parviendra un jour jusqu’à nous.

Callicrate.
On dit que c’est à notre Sicile que les dieux ont fait la grâce de donner le blé, et que c’est de chez nous qu’il s’est répandu dans une partie du monde : nos épicuriens n’en croient rien ; ils sont persuadés que les dieux sont trop occupés de leur bonne chère pour songer à la nôtre ; et en effet, si Cérès nous avait accordé le blé, elle aurait bien dû nous faire présent aussi d’un moulin à vent.
Évhémère.

Pour moi, je serai toujours persuadé, non pas que Cérès ait apporté du froment à Syracuse, mais que le grand Démiourgos a donné aux hommes et aux animaux les aliments et l’industrie nécessaire pour soutenir leur courte vie, selon les climats où il les a fait naître.

Les peuples qui habitent les bords de la Seine et du Danube n’ont pas les fruits délicieux qui croissent vers le Gange. La nature ne fait pas croître chez eux ce riz si savoureux et si nourrissant, dont le goût est relevé par les aromates ou par les cannes sucrées de l’Inde. Notre Europe septentrionale est privée de ces beaux palmiers dont toute l’Asie est couverte, de ces pommes d’or de tant d’espèces différentes, qui fournissent un aliment si léger et une boisson si rafraîchissante. Des pays immenses, dont Alexandre n’a vu que les frontières, ont en partage le coco, dont vous avez entendu parler ; ce fruit fournit une amande supérieure à notre pain et à notre miel, une liqueur plus agréable que nos meilleurs vins, une huile pour les lampes, et une coque très-dure dont on façonne des vases et mille petits bijoux ; une écorce filamenteuse, qui l’enveloppe, est filée en toile, et taillée en voile de navire ; on bâtit avec son bois des vaisseaux et des maisons, et ses feuilles larges et épaisses servent à couvrir ces maisons. Ainsi une seule espèce de fruit nourrit, désaltère, habille, loge, voiture, et meuble des peuples entiers à qui la terre prodigue ces présents sans culture.

Dans l’Europe, dont la Sicile est la partie la plus fortunée, nous n’avons jusqu’à présent que des fruits sauvages : car les pommes d’or des Hespérides, les beaux fruits de Perse[2], de Cérasonte[3] et d’Épire[4] ne sont pas encore cultivés dans notre île ; notre ressource et notre gloire sont dans ce blé dont nous nous vantons. Quelle triste gloire et quelle ressource pénible ! ceux-là n’avaient peut-être pas tant de tort qui ont dit que nous avions offensé Cérès, et que pour nous punir elle nous enseigna l’agriculture.

Il faut d’abord tirer du sein de la terre et forger par les mains de nos cyclopes le fer qui doit la déchirer. Les trois quarts des peuples de notre petite Europe sont obligés d’acheter de l’Asie et de l’Afrique des grains pour ensemencer leurs maigres champs ; et ces champs, après plusieurs labours qui excèdent les hommes et les animaux, rapportent dix pour un dans les meilleures années, d’ordinaire cinq ou six, quelquefois trois. Quand cette chétive moisson est faite, on est obligé de battre les gerbes à grands coups de levier, et d’en perdre une partie dans ce rude travail.

Ces travaux n’ont encore rien avancé pour la nourriture de l’homme. Il faut porter ce grain chétif à ceux qui l’arrosent de leur sueur en l’écrasant sous la meule à force de bras. Ce n’est encore rien si dans cet état on ne l’expose au feu dans des antres voûtés, où trop de chaleur peut le pulvériser, et où trop peu n’en ferait qu’une pâte inutile.

C’est donc là ce pain dont Cérès a gratifié les hommes, ou plutôt qu’elle leur a fait acheter si chèrement ! Il ne ressemble pas plus au grain dont il est formé, qu’une robe d’écarlate ne ressemble au mouton dont elle est tirée. Ce qui surtout est déplorable, c’est que le laboureur ne jouit qu’à peine du fruit de tant de travaux. Ce n’est pas pour lui que l’habitant des rives du Danube et du Borysthene a semé : c’est pour le barbare qui s’est emparé de son pays sans savoir comment le blé germe en terre ; c’est pour le druide ou pour le lama, qui de la part du ciel exige une partie de la récolte, en attendant qu’il déflore ou qu’il sacrifie sur l’autel la fille du bonhomme dont il dévore la subsistance.

Du moins vous m’avouerez que les mathématiciens qui ont inventé le moulin à vent ont soulagé le malheureux cultivateur de la plus rude de ses peines.

Callicrate.

Je ne doute pas que la mode des moulins à vent ne prenne bientôt faveur chez tous les peuples qui mangent du pain, et qu’ils ne bénissent la philosophie. Continuez, je vous prie, de m’instruire des nouvelles inventions de vos barbares.

Évhémère.
Je vous ai déjà dit qu’ils avaient donné des yeux à ceux qui n’en avaient point : ils ont aidé les vieillards à lire[5] ; ils ont fait voir à tous les hommes des étoiles[6] qui leur avaient toujours été cachées ; et ces bienfaits, diversifiés admirablement, ne sont que la suite d’un théorème connu en Grèce, que l’angle d’incidence est égal à l’angle de réflexion.
Callicrate.

Vous faites des dieux de vos philosophes : ils donnent le pain à l’homme, et ils disent : Que la lumière se fasse. Qu’ont-ils créé encore ? Dites-moi tout.

Évhémère.

Ils ont créé l’art de copier en un tour de main un livre entier. La science, par ce moyen, peut devenir universelle ; les livres coûteront moins que les comestibles au marché. Chacun aura un Aristote à moins de frais qu’une poularde. Une partie même de ce grand art s’étend jusqu’à multiplier un tableau mille et dix mille fois : de sorte que le plus pauvre des citoyens peut avoir chez lui les ouvrages de Zeuxis et d’Apelles. Cela s’appelle des gravures.

Callicrate.

Tout à l’heure vos inventeurs philosophes étaient des dieux, à présent ils sont des magiciens.

Évhémère.

Vous dites plus vrai que vous ne croyez. Il y a des pays en Europe où cet art encore peu connu de multiplier les tableaux et les livres a été pris pour un sortilége ; mais cet art deviendra beaucoup plus commun que les moulins à vent dont j’ai parlé. Chacun voudra faire un livre, chacun voudra multiplier son portrait ; nous serons inondés de livres insipides ; la littérature deviendra un vil métier, et l’orgueil augmentant dans la tête d’un auteur en proportion de sa sottise, il n’y aura point de barbouilleur de papier qui ne se fasse graver à la tête de son recueil.

Callicrate.

Je conviens bien que la grande quantité de livres pourrait avoir son danger ; mais on doit être bien obligé à ceux qui ont trouvé le secret d’en rendre le débit si facile. On choisit ses amis dans la foule.

Évhémère.

Il y a en effet dans cette foule un grand nombre de marchands de pensées : les uns vendent les rêveries de Platon, les autres les impudences de Diogène ; on voit dans la même boutique un Hermès Trismègiste et un Aristophane. Depuis peu, plusieurs de ces marchands se sont associés pour vendre un extrait, en trente volumes immenses[7] de tout ce que les philosophes grecs et barbares ont jamais inventé, ou imité, ou critiqué dans les sciences et dans les arts. Avec cet ouvrage on peut, dit-on, se passer de tous les autres : car, depuis la manière de faire la poudre exterminante jusqu’à celle d’enfiler des aiguilles, il n’y a rien que vous n’appreniez, dit-on, en lisant cet extrait.

Callicrate.

Que parlez-vous de poudre exterminante ? Est-ce quelque poison inventé par les Anitus et les Mélitus pour délivrer la terre des philosophes ?

Évhémère.

Non, c’est une admirable expérience de physique, faite par un bon prêtre[8] qui n’y entendait pas finesse : cette expérience, réduite en art, imite parfaitement les éclairs et la foudre. Elle a même de bien plus terribles effets ; elle embrase et elle détruit jusqu’aux plus solides remparts. Si notre Alexandre avait connu cette invention, il n’aurait pas eu besoin de sa valeur pour conquérir le monde. Ce qui vous étonnera, c’est que cet art de tout écraser est employé dans les solennités et dans les plaisirs. Célèbre-t-on les noces d’un prince, ce n’est point avec des harpes et des lyres, comme chez les Grecs, c’est au feu des éclairs et au retentissement du tonnerre, comme lorsque Jupiter vint coucher avec Sémélé dans tout l’appareil de sa gloire.

Callicrate.

Ce que vous me dites m’épouvante : c’est un monde nouveau, où l’on est à tout moment près d’être foudroyé ; mais ceux qui échappent jouissent d’un grand spectacle.

Évhémère.

Si je rassemblais en effet tout ce que ces modernes étrangers ont inventé en divers temps, vous les prendriez pour des géants auprès de qui nos Grecs ne sont que des enfants qui promettent d’être un jour des hommes.

Ne vous étonnerais-je pas si je vous disais que ces prétendus barbares ont su faire avec du simple sable des espèces de diamants polis de plus de cinq pieds de haut et de large, qui réfléchissent tous les objets mieux que le petit miroir d’argent consacré par la belle Phryné dans le temple de Vénus, et qui laissent un libre passage à la lumière dans les maisons, en les garantissant des injures de l’air ? Vous dirai-je à quel point ils perfectionnent tous les arts qui flattent les sens, et qui contribuent à la douceur de la vie ? M’en croirez-vous quand je vous apprendrai que leurs villes capitales sont dix fois plus grandes, plus peuplées que celles d’Athènes et de Syracuse, et qu’elles sont remplies, dans l’espace de plus de trente stades, d’ouvrages magnifiques en tout genre, qui surpassent tous ces chefs-d’œuvre de luxe qu’on vante dans Suse et dans Babylone ?

Ce qui vous surprendra encore davantage, c’est que la plupart des découvertes de tous ces arts ingénieux n’ont été faites que dans des temps d’ignorance et de grossièreté. Il semble que Dieu ait donné à certains hommes un instinct supérieur à la raison ordinaire, comme on voit des éléphants naître dans des pays peuplés de petits singes. Mais peu à peu la raison se forme : elle examine à la fin ce que l’instinct a inventé, elle fait des systèmes ; elle se perd enfin en arguments, chez les barbares comme chez les Grecs.

Callicrate.

Vous me dites toujours le pour et le contre dans toutes les choses que vous m’apprenez.

Évhémère.

C’est que toutes les choses de ce monde ont un bon et un mauvais côté. Chez nos barbares, par exemple, les uns ont la politesse et la douceur des Athéniens, les autres la cruauté superstitieuse des Scythes. Des particuliers ont eu le génie et le bon goût en partage, mais ils ont été élevés dans des écoles qui n’avaient pas le sens commun. Ils commencent à surpasser les Grecs en peinture et en musique, s’ils ne les égalent pas tout à fait en sculpture. Ils ont une physique expérimentale dont la Grèce n’a jamais connu les premiers éléments ; mais en métaphysique ils sont quelquefois plus chimériques que les Platon, les Pythagore, les Zoroastre, les Mercure Trismégiste.

Callicrate.

Je voudrais bien raisonner métaphysique avec un Gaulois ou un Cassitéride.

Évhémère.

Quand vous apprendriez leur langue, à quoi aboutirait cette controverse ? On ne s’entend jamais en disputant de vive voix ; un des contendants s’explique mal, l’autre répond plus mal encore. Un faux argument est réfuté par un argument plus faux ; c’est pourquoi les disputes dans les écoles ont longtemps perverti la raison humaine. Sans cet heureux instinct qui a inventé et perfectionné les arts, sans les expériences faites loin des déclamateurs scolastiques, la société serait encore sauvage.

Ce que les honnêtes gens ont le plus reproché aux savants, et à ceux qui prétendent l’être, soit Grecs, soit barbares, c’est d’avoir voulu aller plus loin que la nature. Ils ont creusé des abîmes, et le terrain est retombé sur eux.

L’un[9], qui pourtant était un vrai génie, examine ce que serait un homme sans tête, et à qui les dieux auraient donné tout le reste. L’autre[10] emploie toute la sagacité d’un esprit supérieur à rechercher quel personnage ferait un homme qui n’aurait de sens que celui du nez. Un autre philosophe[11] de cette première classe a fixé le jour et l’heure où il n’y aurait plus ni hommes ni animaux. Que voulez-vous ? Ce sont des Hercules qui jouent aux osselets ; ils n’en sont pas moins des Hercules. Trois illustres mathématiciens de l’île Cassitéride ont démontré, chacun à leur manière, comment le monde était fait avant le déluge de Deucalion et de Pyrrha ; leurs résultats sont absolument différents : ainsi il a bien fallu que leurs calculs fussent erronés ; cependant ils ne les ont point corrigés, et ils ont laissé là ce monde qu’ils avaient créé. Il aurait mieux valu en laisser le soin à Dieu.

Que direz-vous de celui[12] qui a trouvé le secret d’exalter son âme au point de prédire précisément l’avenir ; et cela sur ce bel argument que si on pense au passé, qui n’est plus, on peut penser au futur, qui n’est pas encore ?

Vous voyez que je ne suis pas un fade admirateur des étrangers que j’ai vus, je leur rends justice comme aux Grecs : il y a partout des erreurs et des abus ; le ciel en est plein, si l’on en croit Homère. Deux choses multiplient furieusement les livres chez nos barbares, la vanité et l’indigence. L’art d’écrire est devenu un métier d’autant plus universel qu’il est plus facile.

Il n’y a pas longtemps que tous les auteurs étaient des druides qui expliquaient dans d’énormes volumes comment les propriétés mystérieuses du gui de chêne se trouvaient dans Aristote et dans Platon. À présent un grand nombre d’écrivains se consacrent à réformer les empires et les républiques. Tel homme qui ne sait pas gouverner un poulailler, qui même n’en a point, prend la plume et donne des lois à un royaume.

D’autres élèvent la jeunesse dans leurs écrits, après lui avoir donné de grands exemples par leur conduite.

Vous avez lu le roman de l’Athénien Xénophon sur l’éducation de Cyrus ?

Callicrate.
Oui, et je vous avoue qu’il m’a donné encore meilleure opinion de Xénophon que de Cyrus même.
Callicrate.

Eh bien ! un petit barbare a cru depuis peu instituer une méthode d’élever les princes bien supérieure à l’éducation du vainqueur de Babylone.

D’abord l’auteur, demi-Gaulois, demi-Allemand, déclare qu’un grand prince l’a supplié de vouloir bien lui faire l’honneur d’être précepteur de son fils ; qu’il l’a refusé, et qu’il ne sera jamais précepteur. Aussitôt il nous apprend qu’il l’est d’un jeune homme de qualité. Savez-vous quelles leçons il donne à son élève ? Il en fait un garçon menuisier[13] ; il l’accompagne au b.....[14]. Il lui persuade qu’un prince, un souverain, doit épouser la fille du bourreau si les convenances s’y trouvent[15]. Enfin il lui dit qu’il est bien plus sage d’assassiner son ennemi que de le combattre noblement[16].

Callicrate.
Est-ce ainsi qu’on élève la jeune noblesse dans la Gaule ? Vraiment vous ne m’avez pas trompé quand vous m’avez promis que vous me diriez ce que vos barbares ont de bon et de mauvais.
Évhémère.

Comme je me suis engagé à tout dire, j’ajouterai que tous trouverez dans ce Xénophon des Gaules un épisode qu’on appelle le Druide savoyard, contre les idées scolastiques des druides, lequel épisode est plein de choses excellentes.

Callicrate.

Qu’est-ce qu’un Savoyard ?

Évhémère.

C’est le nom d’un peuple qui habite certaines montagnes des Alpes.

Callicrate.

Et les druides de ces Alpes n’ont pas brûlé votre Xénophon ?

Évhémère.

Non ; ils ont imité les Athéniens, qui, ayant fait mourir Socrate, se sont mis à rire de Diogène.

Callicrate.

Vos Gaulois sont donc aussi une drôle de nation ?

Évhémère.

Très drôle, après avoir été horriblement sauvage, sotte, et cruelle.

Callicrate.

C’est précisément ce qui est arrivé à nos Grecs Pélasges. Et dans la capitale de vos Gaules, qui est, dites-vous, dix fois plus grande, plus peuplée, plus riche qu’Athènes, y a-t-il comme dans Athènes des tragédies, des comédies, des spectacles en musique, des danses semblables à la pyrrhique et à la cordace ?

Évhémère.

S’il y en a ! Tous les jours de l’année sont consacrés à ces beaux arts. Les Gaulois ont eu leurs Sophocles, leurs Euripides, leurs Ménandres, leurs Timothées[17]. Ils sont surtout aujourd’hui le peuple de la terre le plus habile dans la danse ; il y a plus de danseurs que de géomètres. Mais il est arrivé dans la métropole des Gaules ce qui arriva il y a quarante à cinquante mille ans dans la ville de Zoroastre, à ce que disent les sages Parsis, qui ne mentent jamais. Le ciel, étant irrité contre la terre, où l’on ne songeait qu’à se divertir, envoya vers le Gange une grosse couleuvre qui était enceinte de dix mille Envies. Elle accoucha, et dès lors les hommes furent malheureux. Il faut qu’il y ait eu plus de cent mille de ces Envies dans la grande ville gauloise : car dès qu’un homme y réussit dans quelque genre que ce puisse être, toutes les filles de la couleuvre s’élèvent contre lui. Il y a des boutiques où les Envies vendent la diffamation quatre fois par mois[18]. L’art de mettre ses pensées par écrit, art admirable, inventé d’abord pour instruire, est devenu le grand partage de l’Envie. Ce n’est pas de tous les arts le plus honorable, mais c’est le plus cultivé : on achète les injures dites au prochain avec plus d’empressement que les vins délicieux et le miel divin de Syracuse.

Callicrate.

N’importe. Dès que je pourrai m’échapper de ma famille, j’irai voir cette capitale de barbares aimables, où l’on passe son temps à danser et à médire. Les filles de la couleuvre n’épouvanteront pas un voyageur.



FIN DES DIALOGUES D’ÉVHÉMÈRE.

  1. Des Anglais.
  2. La pêche, en latin malum persicum ou amygdalis persica.
  3. La cerise, rapportée du Pont par Lucullus, vainqueur de Mithridate.
  4. La malum epiroticum des Romains est notre pomme de calville.
  5. Les lunettes ; voyez tome XII, page 54 ; et XXV, 456.
  6. Le télescope, inventé par Galilée et perfectionné depuis.
  7. L’Encyclopédie ; voyez la note sur les Dialogues chrétiens, tome XXIV, page 132.
  8. Voyez tome XII, page 19.
  9. Pascal. (Note de Voltaire.)
  10. L’abbé de Condillac.
  11. M. de Buffon. (K.)
  12. Maupertuis.
  13. Dans une édition de Londres (Hollande), on a supprimé la fin de cet alinéa, et la réponse de Callicrate. Après le mot menuisier, on a mis trois etc. ; et l’on dit en note :

    « L’éditeur de cet ouvrage, qui se fait gloire d’annoncer publiquement sa haute estime pour M. J.-J. Rousseau, a jugé à propos de supprimer ici quelques traits d’une critique trop amère contre cet homme célèbre, qui jamais ne trempa sa plume dans le fiel de l’envie et de la malignité. Il y a bien peu de mérite à isoler les phrases d’un livre pour les présenter dans un autre sens que l’auteur ne les donne ; il n’y a point d’ouvrage si bon qu’on ne parvînt à rendre condamnable ou ridicule par cette basse manœuvre. À Dieu ne plaise que nos grands hommes s’avilissent à un tel point ! ces guerres méprisables ne doivent être connues que sous les charniers des Innocents.

    « Voici un passage assez convenable, et que l’auteur de ces Dialogues ne récusera pas :

    Les Muses, filles du Ciel,
    Sont des sœurs sans jalousie ;
    Elles vivent d’ambroisie,
    Et non d’absinthe et de fiel ;
    Et quand Jupiter appelle
    Leur assemblée immortelle
    Aux fêtes qu’il donne aux dieux,
    Il défend que la satire
    Trouble les sons de leur lyre
    Par ses sons audacieux.

    Cette strophe fait partie de la lettre au P. Porée, du 7 janvier 1730 ; voyez dans la Correspondance. (B.)

  14. Émile, tome III, page 261, édition de Néaulme, à Amsterdam. (K.)
  15. Émile, tome IV, page 178. (K.)
  16. Tome II, page 297. (K.) — Voyez Dictionnaire philosophique, au mot Assassinat, section ii, tome XVII, page 444.
  17. Timothée était le joueur de flûte d’Alexandre. (B.)
  18. Fréron ne diffamait Voltaire que tous les dix jours dans son Année littéraire : mais cette diffamation, qui dura depuis 1754 jusqu’en 1776, ne fut pas arrêtée par la mort du journaliste, le 10 mars de cette dernière année, ni même par la mort de Voltaire, le samedi 30 mai 1778. Fréron fils ou minor, comme l’appelait Voltaire, succéda à son père, et fut le prête-nom des abbés Royou et Geoffroy, depuis 1776 jusqu’en 1790. Fréron fils, qui se conduisit en politique comme son père en littérature, mourut à Saint-Domingue vers 1803. Voyez, au sujet de Fréron major et minor, la lettre de Voltaire à Saurin, du 26 septembre 1777. (Cl.)