Dictionnaire d’architecture civile et hydraulique/Bois

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BOIS, ſ. m. Matiere tirée du corps des arbres, qui ſert à divers uſages dans les bâtimens. Le tems le plus propre à la coupe des Bois, eſt depuis le commencement de l’automne juſques au printems ; &, ſelon Vegece, un peu après la pleine lune, parce que dans ce tems là, dit-il, la ſeve ne montant point, le Bois ſe trouve dégagé d’une humidité crue & ſuperflue, cauſe générale de tous les vices qui ſe rencontrent dans les Bois. Theophraſte veut qu’on coupe le ſapin, le pin & le picea, lorſqu’ils ont jetté leurs premiers jettons, & le tilleul, l’érable, l’orme & le frêne, après les vendanges. M. Caron prétend au contraire que les arbres qui ne portent point de fruit, peuvent être coupés en tout tems, excepté le chêne qu’on doit couper, ſelon lui, en été, & l’orme, qui ne doit être abattu qu’après la chûte de ſes feuilles. À l’égard des arbres fruitiers, M. Caron penſe qu’on doit les couper lorſque leurs fruits ſont mûrs.

Selon Vitruve, la meilleure maniere de couper le Bois eſt de le cerner juſques à moitié du cœur de l’arbre, & de le laiſſer ainſi ſur pied. Palladio croit qu’il ſuffit de le cerner juſques au cœur. Ce dernier ſentiment ne doit pas être ſuivi, & on doit préférer celui de Vitruve, parce qu’en cernant l’arbre juſques à moitié du cœur, on laiſſe égouter une eau rouſſe qui forme cette méchante humidité dont nous avons parlé plus haut, ſource de tous les accidens fâcheux qui arrivent dans les Bois quand ils ſont employés.

Comme on ne ſçauroit être trop attentif à ſe procurer de bons Bois, M. de Buffon a fait pluſieurs expériences, pour le rendre plus fort & plus ſolide ; & il a trouvé qu’on devoit écorcer les arbres, & les laiſſer ainſi ſecher & mourir ſur pied avant que de les abattre. L’aubier, par exemple, devient par cette opération auſſi dur que le cœur de chêne. Il augmente conſidérablement de force & de denſité. Avec cela, les ſouches des arbres écorcés & ſechés ſur pied, ne laiſſent pas que de repouſſer & de reproduire des rejetions. (Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, année 1738.) Le même Auteur, M. de Buffon, a trouvé que la force du Bois eſt proportionnelle à ſa peſanteur ; de ſorte qu’une piece de même longueur & groſſeur, mais plus peſante qu’une autre piece, ſera auſſi plus forte à peu près en même raiſon. Cette règle ſert à comparer la force du Bois qui vient de différens pays, & de différens terreins. Ainſi dans un ouvrage de conſéquence, on peut au moyen d’une table, & en peſant les pieces, ou ſeulement les échantillons de ces pieces, on peut, dis-je, s’aſſurer de la force du Bois qu’on employe. Frappé de cet avantage, M. de Buffon a calculé des tables pour les pieces de quatre pouces d’équarriſſage, juſques à celles de huit pouces. Il a encore ajouté une table ſur la force & la reſiſtance des Bois, fondée ſur cette règle : La réſiſtance des Bois eſt comme la largeur de la piece multipliée par le quarré de ſa hauteur, en ſuppoſant la même longueur.

Le chêne eſt le meilleur de tous les Bois pour les bâtimens, tant ſur terre que dans l’eau, où il ne pourrit point. L’aune ſe conſerve encore dans l’eau. Le châtaignier eſt un bon Bois pour la charpente, pourvu qu’il ſoit à couvert. On peut abbatre le chêne depuis ſoixante ans juſques à deux cens ans ; parce qu’avant ſoixante il eſt trop jeune, & qu’il dépérit après deux cens.

Apres ces connoiſſances générales ſur le Bois ; nous devons entrer dans les détails particuliers, & conſiderer le Bois ſuivant ſes eſpeces, ſes façons & ſes défauts. Ce qui diviſera le reſte de cet article en trois parties, qui contiendront, par ordre alphabétique, les différentes ſortes de Bois.

Des Bois ſelon ſes eſpeces.

Bois de chêne ruſtique ou dur. C’eſt le Bois qui a le plus gros fil, & qu’on employe dans la Charpenterie.

Bois de chêne tendre. Bois qui eſt gras, c’eſt-à-dire moins poreux que le dur, & avec peu de fil. Il eſt propre pour la Menuiſerie & la Sculpture.

Bois de haute-futaye. Bois planté de grands arbres de tige, tels que ſont le chêne, le hêtre, le charme, le tilleul, le pin, &c. qu’on laiſſe croître ſans y rien couper, juſques à ce qu’ils approchent de leur retour. Quand un Bois occupe une grande étendue de pays, on l’appelle Forêt & on en tire le Bois à bâtir.

Bois de touche, ou marmentaux. On appelle ainſi les Bois qui contribuent, tant à la décoration des jardins, ſoit par boſquets ou bouquets, taillis ou haute-futaye, qu’à l’embelliſſement des villes, maiſons & châteaux, comme les cours, avenues, &c.

Bois dur & précieux. C’eſt ainſi qu’on caractériſe les différentes Ebenes, Bois de la Chine, de violette, de Calembourg, de cedre & autres, qu’on débite par feuilles pour les ouvrages de placage & de marqueterie, & qui reçoivent un poli fort luiſant.

Bois léger. C’eſt tout Bois blanc, tel que le ſapin, le tilleul, le tremble, &c. qui ſert a faire les cloiſons & les planchers, au défaut du chêne.

Bois raiſineux. On comprend ſous ce nom le ſapin, le piceas, & autres arbres qui portent de la raiſine. Ces Bois, employés dans les bâtimens, ſont ſujets aux araignées, comme on peut le remarquer au dortoir du couvent des Jacobins, rue Saint-Jacques à Paris, lequel eſt bâti de Bois de ſapin, depuis plus de quatre cens ans.

Bois ſain & net. Bois qui eſt ſans malandres, nœuds vicieux, fiſtules, gales, &c.

Du Bois ſelon ſes façons

Bois affoibli. Bois dont on a diminué conſidérablement de la forme d’équarriſſage, pour le rendre d’une figure droite, courbe ou rampante, & pour laiſſer des boſſages aux poinçons, aux poteaux des membrures, &c. Ces Bois ſe toiſent de la groſſeur de leur équarriſſage, pris au plus gros de leur boſſage.

Bois apparent. Bois, qui étant mis en œuvre dans les planchers, cloiſons ou pans de bois, n’eſt point recouvert de plâtre.

Bois bouge. C’eſt un Bois qui a du bombement, ou qui courbe en quelqu’endroit.

Bois corroyé. C’eſt, en Charpenterie, un Bois qui eſt repaſſé au rabot ; & en Menuiſerie, celui qui eſt applani à la varlope.

Bois de brin & de tige. Bois dont on a ſeulement ôté les quatre doſſes flaches pour l’équarrir, & qui ſert pour les combles, les poteaux ramiers, les pans de bois, & les ſolives des planchers.

Bois d’échantillon. On appelle ainſi les pieces de Bois de certaines groſſeurs & longueurs ordinaires, comme elles ſont dans les chantiers.

Bois d’équarriſſage. C’eſt un Bois qui eſt équarri au-deſſus de ſix pouces, & qui a différens noms, ſuivant ſes groſſeurs.

Bois de refend. C’eſt un Bois qui ſe refend par éclats pour faire du merrain, des lattes, des échalas, du Bois de boiſſeau pour les treillages, &c.

Bois de ſciage. Bois qui eſt propre à refendre, ou qui eſt débité à la ſcie en chevrons, membrures ou planches.

Bois en grume. Bois qui eſt ébranché, & dont la tige n’eſt pas équarrie. Il ſert de ſa groſſeur pour les pieux des palées & pilotis.

Bois flache. Bois qui peut être équarri ſans beaucoup de déchet, & dont les arêtes ne ſont pas vives. Les ouvriers appellent Cantibay, celui qui n’a du flache que d’un côté.

Bois gauche ou deverſé. Bois qui n’eſt pas droit par rapport à ſes angles & à ſes côtés.

Bois lavé. Bois dont on ôte tous les traits de la ſcie & rencontres avec la beſaiguë.

Bois méplat. Bois qui a beaucoup plus de largeur que d’épaiſſeur, comme les membrures de Menuiſerie.

Bois tortu. Bois qui n’eſt bon qu’à faire des courbes.

Bois vif. C’eſt un Bois dont les arêtes ſont bien vives & ſans flaches, & dont il ne reſte ni écorce, ni aubier.

Du Bois ſelon ſes défauts.

Bois blanc. Bois qui tient de la nature de l’aubier, & qui ſe corrompt facilement.

Bois carié ou vicié. Bois qui a des malandres & nœuds pourris.

Bois gelif. Bois qui a des gerſures ou fentes cauſées par la gelée.

Bois mort en pied. Bois qui eſt ſans ſubſtance, & qui n’eſt bon qu’à brûler.

Bois nouailleux. C’eſt un Bois qui eſt plein de nœuds, qui le rendent défectueux & ſujet à ſe caſſer aux endroits où il ſe trouve chargé, ou lorſqu’on le débite.

Bois noueux. C’eſt un Bois qui eſt plein de nœuds.

Bois qui ſe tourmente. Bois qui ſe déjette n’étant pas ſec lorſqu’on l’employe.

Bois rouge. Bois qui s’échauffe, & qui eſt ſujet à ſe pourrir.

Bois roulé. Bois dont les cernes ſont ſéparées, & qui ne faiſant pas corps, n’eſt pas bon à débiter.

Bois tranché. Bois dont les nœuds vicieux, ou les fils obliques, coupent la piece, & qui, à cauſe de ces défauts, ne peut pas réſiſter à la charge.

Bois vermoulu. Bois qui eſt piqué de vers.