Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ACTION

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 100-102).
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☞ ACTION. s. f. Terme de Physique & de Mécanique. Actio. C’est le mouvement qu’un corps produit réellement, ou qu’il tend à produire dans un autre, c’est-à-dire, qu’il y produiroit, si rien ne l’empêchoit. On peut dire aussi que le mot action, dans ce sens, est l’effort que fait un corps ou une puissance contre un autre corps ou une autre puissance, quelquefois l’effet même qui résulte de cet effort.

☞ Ce mot, considéré grammaticalement, se dit indifféremment de tout ce qu’on fait, commun ou extraordinaire, à la différence du mot acte qui se dit seulement de ce qu’on fait de remarquable. Le sage se propose dans toutes ses actions une fin honnête. Les Princes doivent marquer les diverses époques de leur vie par des actes de vertu & de grandeur. On dit une action vertueuse, & une bonne ou mauvaise action ; mais on dit un acte de vertu, & un acte de bonté.

☞ Un petit accessoire, de sens Physique & historique, distingue encore ces deux mots. Celui d’action a plus de rapport à la puissance qui agit, & celui d’acte en a davantage à l’effet produit : ce qui rend l’un propre à devenir attribut de l’autre. Ainsi on parleroit avec justesse, en disant que nous devons conserver dans nos actions la présence d’esprit, & faire en sorte qu’elles soient toutes des actes de bonté ou d’équité. M. l’Abbé Girard, Syn.

Action, se dit aussi par rapport à la morale. Les Actions morales ne sont autres choses que les actions volontaires de l’homme considérées par rapport à l’imputation de leurs effets dans la vie commune. Ainsi on dit une bonne action. Mauvaise action. Vilaine action. Action noire. Action généreuse. Voy. Moral, Moralité.

On appelle action de grâces, un témoignage de reconnaissance, & un remerciment pour un bienfait reçu. Gratiarum actio. Rendre mille actions de grâces. On le dit aussi de la prière qu’on fait après le repas, ou après avoir dit la Messe, ou après la Communion.

Action, dans l’art militaire, est un combat qui se donne entre deux armées, ou entre différens corps de troupes qui en dépendent. Le mot action, dans ce sens, peut être regardé comme le genre par rapport à bataille & combat, qui semblent n’être que des espèces. Car on peut dire que la bataille de Pharsale & le combat des Horaces & des Curiaces sont des actions bien connues. Ce mot s’emploie aussi pour signifier quelque fait mémorable d’un Officier, d’un Commandant de corps de troupes, ou même d’un soldat.

Action, se dit pour marquer, la véhémence, la chaleur à dire ou à faire quelque chose. Parler avec action. Parler d’action. Ce qu’il fait, il le fait avec action.

On dit être en action, pour dire, être en mouvement, se remuer, s’agiter souvent. On dit aussi d’un cheval, qu’il est toujours en action ; pour dire, qu’il est toujours en mouvement, qu’il s’agite continuellement. Ac. Fr.

Action, se dit aussi des gestes, de la contenance & du maintien d’un homme. Il étendoit la main en action d’écrire. Bourd. C’est son action ordinaire de hausser les épaules, & de pencher la tête.

Action, se prend plus particulièrement encore pour cette partie extérieure de l’Orateur qui comprend le mouvement du corps & les gestes. Cet Avocat a l’action belle. Il n’y a rien de plus nécessaire à un Orateur que l’action : elle fait une partie de l’éloquence ; & si elle n’en fait pas toute la force, elle en fait tout l’agrément.

Cicéron l’appelle l’Eloquence du corps. Quintilien s’est fort étendu sur l’action de l’Orateur ; mais ces préceptes ne regardent que le Barreau. Le meilleur ouvrage que nous ayons sur cette matière, est celui du ministre Michel le Faucheur, intitulé de l’Action de l’Orateur, ou de la Prononciation & du Geste, imprimée sous le nom de Valentin Conrard, célèbre Académicien, in-l2. Paris, 1657. Le Poëme du P. Sanlecque qui a pour titre, Poëme sur les mauvais gestes de ceux qui parlent en public ; & sur-tout des Prédicateurs, est sur le même sujet, aussi bien que le Poëme de M. Boyer de l’Académie Françoise, Caractère des Prédicateurs, Deux ouvrages encore excellens sur cette matière sont le Traité du Récitatif, par M. de Grimaretz, in-12, 1707, & les Pensées sur la Récitation, par M. Riccoboni. Le P. Lucas, Jésuite, a fait un Poëme en Latin, De Gestu & Voce ; du Geste & de la Voix ; c’est-à-dire, de l’Action. C’est du concert de la voix, de la prononciation, des yeux & des bras, que résulte l’action parfaite de l’Orateur. Riccoboni.

Action, en Poësie, se dit en général de ce qui fait la matière ou le sujet d’un poëme, mais plus particulièrement du principal événement qui fait le sujet d’une pièce de théâtre ou d’un poëme épique. Fabula. Il faut donner de la chaleur à l’action théâtrale. Corn. L’unité d’action est l’une des principales règles du poëme épique ; & les épisodes ajoutés à l’action principale, ne doivent point corrompre cette unité. Le Bos. La durée de l’action pour le poëme épique n’est point fixe, ni déterminée ; mais l’action tragique doit être renfermée dans le temps qu’il faut au soleil pour fournir sa carrière. Id. Le poëme théâtral est d’autant plus parfait, que l’action qui en compose le sujet, comprend moins de temps, pourvû que d’ailleurs elle soit d’une juste grandeur. Ménag. Les anciens Tragiques n’ont pas toujours contraint ou renfermé l’action dans l’espace de douze heures. Id. Racine, exact imitateur des Anciens, a suivi scrupuleusement la netteté, & la simplicité de l’action. La Bruy.

Action, se dit encore par opposition à récit. On dit qu’il y a beaucoup d’action dans une pièce de théâtre, dans un poëme dramatique, quand la plûpart des choses s’y passent en action, & non en récit, & que les événemens, qui donnent de la chaleur à l’action théâtrale, y naissent les uns des autres.

Action, se disoit autrefois d’un discours public, comme est un sermon, une harangue, un plaidoyer. Oratio. Ce Prédicateur, cet Avocat a fait une belle action. Il vieillit en ce sens. Ac. Fr. En parlant de quelques anciens Conciles, on appelle action, ce que, dans les derniers, on a appelé session. Ainsi quand on parle des Conciles d’Ephèse ou de Constantinople, on dit dans la première action du Concile Il fut délibéré, &c.

Action signifie quelquefois, vertu, force d’agir. Virtus, vis. L’aimant perd son action, quand on le laisse longtemps sans être armé.

Action, se dit aussi de ces effets momentanés qui détruisent toute la force d’agir de quelque chose. Ce pétard a fait son action ou son effort en l’air. Une mine éventée n’a plus d’action.

Action. Ce nom se donne quelquefois au Canon de la Messe. Voyez Canon.

Action, se dit aussi en Peinture, de la posture & de la disposition du corps, ou du visage, quand ils marquent quelque passion de l’ame. Habitas, status. Il étoit à genoux en action de suppliant. Il a peint Jupiter avec une action menaçante.

Action. Terme de Manège, Cheval toujours en action, est celui qui mâche son mord, qui jette beaucoup d’écume, & qui par-là se tient la bouche toujours fraîche.

Action, se dit aussi de toutes sortes de procès qu’on intente, soit en matière civile, soit en matière criminelle. En général il n’y a que deux sortes d’actions ; l’une sur la chose, & l’autre contre la personne, d’où résulte une troisième sorte, qui est l’action mixte, laquelle a pour objet la personne & la chose. Une action personnelle, est celle qui attaque seulement la personne : action réelle, celle qui l’attaque à l’égard des fonds qu’elle possède ; comme est l’action hypothécaire, ou en déclaration d’hypothèque : action mixte, celle qui est réelle & personnelle. Les personnelles se divisent en actions civiles, & en actions criminelles, selon qu’un procès est civil ou criminel. Il y a des actions mobiliaires & immobiliaires. Les actions réelles sont de deux sortes ; l’une est l’action possessoire, ou de réintégrande, qui est celle où il s’agit seulement de la possession : l’autre est l’action pétitoire, qui est intentée pour la propriété d’un héritage contre le possesseur ou le détenteur, pour le contraindre à la restitution. Les Jurisconsultes marquent d’ordinaire trois sortes d’actions mixtes : l’action de partage entre cohéritiers ; l’action de partage entre associés qui possèdent quelque chose en commun ; & l’action de bornage entre voisins, pour planter des bornes entre leurs héritages. Mais dans la pratique commune la plupart des actions réelles sont mixtes en même temps, à cause de la restitution des fruits & des intérêts auxquels le détenteur est personnellement obligé. Ainsi une action n’est purement réelle que quand elle s’attache uniquement à la chose, & que le détenteur est quitte en l’abandonnant. Quand il s’agit de servitudes, on distingue deux sortes d’actions, confessoires & négatoires. L’action confessoire, est celle par laquelle un voisin prétend un droit de servitude sur son voisin : & l’action négatoire, celle par laquelle le voisin soutient son héritage franc & libre de toute servitude. Il y a aussi entre l’acheteur & le vendeur une espèce d’action particulière : c’est l’action redhibitoire, par laquelle l’acheteur peut contraindre le vendeur à reprendre une marchandise défectueuse : par exemple, un cheval vicieux. On appelle action en complainte, celle qui est intentée en cas de saisine & de nouvelleté en matière profane, ou simplement complainte en matière bénéficiale. Action de garantie, Action de rapt, de stellionnat. On dit aussi, une action d’injures. On ne donne point d’action de larcin contre une femme, mais seulement l’action pour les choses soustraites. Il ne faut pas se mettre en possession par violence & voies de fait, mais venir par action. Le titre 6 du quatrième Livre des Institutes de Justinien, contient les plus célèbres actions introduites par le Droit Romain, qui sont en grand nombre. On trouve là dans un grand ordre toutes les divisions & subdivisions des actions, & les diverses formules dont se servoient les Romains, dans lesquelles il falloit être si prudent, & se renfermer si précisément, que celui qui y manquoit, étoit déchu de sa prétention au fond. C’est pourquoi la matière des actions est proposée dans les écoles comme un monstre invincible, à cause des obscurités & des difficultés qui s’y rencontrent. En France on ne suit point les formules, ni l’ordre judiciaire des Romains : il n’est pas besoin de qualifier positivement l’action que l’on intente ; il suffit de former la demande, & d’en exposer le sujet. Un défaut de qualification, ou dans la manière, n’annulle pas le droit & l’action du demandeur.

Action, en Jurisprudence signifie aussi un droit qu’on a de poursuivre quelque demande ou prétention en justice. Jus. Il lui a cédé une action sur un tel ; il l’a subrogé en ses droits, noms, raisons & actions.

☞ Ce mot au pluriel signifie aussi quelquefois les dettes actives d’un homme. C’est ainsi qu’on dit que les créanciers d’un marchand le sont saisis de toutes ses actions ; pour dire, qu’ils se sont saisis de toutes ses dettes actives.

Action, signifie aussi une part ou un intérêt que l’on a dans quelque société de commerce, ou dans quelqu’entreprise, pour en partager les profits à proportion de la somme qu’on y a mise. C’est une dette active sur une Compagnie. Telles sont les actions de la Compagnie des Indes. Les actions haussent & baissent suivant les circonstances.

Les actions Françoises sont présentement de trois sortes, savoir ; des actions simples, des actions rentières : & des actions intéressées.

Les actions simples, sont celles qui ont part à tous les profits de la Compagnie, mais qui en doivent aussi supporter toutes les pertes, n’ayant d’autre caution que le seul fonds de la Compagnie des Indes même.

Les actions rentières, sont celles qui ont un profit sûr de deux pour cent, dont sa Majesté s’est rendue garante, ainsi qu’elle l’étoit autrefois des rentes sur la Ville ; mais qui n’ont point de part aux répartitions ou dividendes.

Les Actions intéressées tiennent, pour ainsi dire, le milieu entre les deux ; elles ont deux pour cent de revenu fixe sous la garantie du Roi, comme les Actions rentières, & outre cela elles doivent partager l’excédant du dividende avec les Actions simples. Ces dernières Actions ont été créées en faveur des Communautés Ecclésiastiques, qui pouvoient avoir des remplacemens de deniers à faire.

On dit, Nourrir une Action. C’est payer exactement à leur échéance, les diverses sommes pour lesquelles on a fait sa soumission à la caisse de la Compagnie, suivant qu’il a été réglé par les Arrêts du Conseil, donnés pour la création des nouvelles Actions.

Une Action nourrie, est celle dont tous les payements sont faits, & qui est en droit d’avoir part aux dividendes ou répartitions des profits de la Compagnie. Jusqu’à cet entier & parfait payement, ce n’est pas proprement une Action, mais simplement une soumission. Voyez Soumission.

Fondre des Actions. C’est les vendre & s’en défaire, suivant les besoins que l’on a de fonds.