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Du principe poétique

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Traduction par Félix Rabbe.
Derniers ContesAlbert Savine (p. 301-345).


DU PRINCIPE POÉTIQUE[1]



En parlant du Principe poétique, je n’ai pas la prétention d’être ou complet ou profond. En discutant à l’aventure de ce qui constitue l’essence de ce qu’on appelle Poésie, le principal but que je me propose est d’appeler l’attention sur quelques-uns des petits poèmes anglais ou américains qui sont le plus de mon goût, ou qui ont laissé sur mon imagination l’empreinte la plus marquée. Par petits poèmes j’entends, naturellement, des poèmes de peu d’étendue. Et ici qu’on me permette, en commençant, de dire quelques mots d’un principe assez particulier, qui, à tort ou à raison, a toujours exercé une certaine influence sur les jugements critiques que j’ai portés sur la poésie. Je soutiens qu’il n’existe pas de long poème ; que cette phrase « un long poème » est tout simplement une contradiction dans les termes.

Il est à peine besoin d’observer qu’un poème ne mérite ce nom qu’autant qu’il émeut l’âme en l’élevant. La valeur d’un poème est en raison directe de sa puissance d’émouvoir et d’élever. Mais toutes les émotions, en vertu d’une nécessité psychique, sont transitoires. La dose d’émotion nécessaire à un poème pour justifier ce titre ne saurait se soutenir dans une composition d’une longue étendue. Au bout d’une demi-heure au plus, elle baisse, tombe ; — une révulsion s’opère — et dès lors le poème, de fait, cesse d’être un poème.

Ils ne sont pas rares, sans doute, ceux qui ont trouvé quelque difficulté à concilier cet axiome critique, « que le Paradis Perdu est à admirer religieusement d’un bout à l’autre » avec l’impossibilité absolue où nous sommes de conserver, durant la lecture entière, le degré d’enthousiasme que cet axiome suppose. En réalité, ce grand ouvrage ne peut être réputé poétique, que si, perdant de vue cette condition vitale exigée de toute œuvre d’art, l’Unité, nous le considérons simplement comme une série de petits poèmes détachés. Si, pour sauver cette Unité, — la totalité d’effet ou d’impression qu’il produit — nous le lisons (comme il le faudrait alors) tout d’un trait, le seul résultat de cette lecture, c’est de nous faire passer alternativement de l’enthousiasme à l’abattement. À certain passage, où nous sentons une véritable poésie, succèdent, inévitablement, des platitudes qu’aucun préjugé critique ne saurait nous forcer d’admirer ; mais si, après avoir parcouru l’ouvrage en son entier, nous le relisons, laissant de côté le premier livre pour commencer par le second, nous serons tout surpris de trouver maintenant admirable ce qu’auparavant nous condamnions — et condamnable ce qu’auparavant nous ne pouvions trop admirer. D’où il suit, que l’effet final, total et absolu du poème épique, le meilleur même qui soit sous le soleil, est nul — c’est là un fait incontestable.

Si nous passons à l’Iliade, à défaut de preuves positives, nous avons au moins d’excellentes raisons de croire que, dans l’intention de son auteur, elle ne fut qu’une série de pièces lyriques ; si l’on veut y voir une intention épique, tout ce que je puis dire alors, c’est que l’œuvre repose sur un sentiment imparfait de l’art. L’épopée moderne est une imitation de ce prétendu modèle épique ancien, mais une imitation maladroite et aveugle. Mais le temps de ces méprises artistiques est passé. Si, à certaine époque, un long poème a pu être réellement populaire — ce dont je doute — il est certain du moins qu’il ne peut plus l’être désormais.

Que l’étendue d’une œuvre poétique soit, toutes choses égales d’ailleurs, la mesure de son mérite, c’est là sans doute une proposition assez absurde — quoique nous en soyons redevables à nos Revues trimestrielles. Assurément, il ne peut y avoir dans la pure étendue, abstractivement considérée dans le pur volume d’un livre, rien qui ait pu exciter une admiration si prolongée de la part de ces taciturnes pamphlets ! Une montagne, sans doute, par le seul sentiment de grandeur physique qu’elle éveille, peut nous inspirer l’émotion du sublime ; mais quel est l’homme qui soit impressionné de cette façon par la grandeur matérielle de la Colombiade même ? Les Revues du moins ne nous ont pas encore appris le moyen de l’être. Il est vrai qu’elles ne nous disent pas crûment que nous devons estimer Lamartine au pied carré, ou Pollock à la livre ; — et cependant quelle autre conclusion tirer de leurs continuelles rodomontades sur « l’effort soutenu du génie » ? Si par « un effort soutenu un petit monsieur a accouché d’un épique, nous sommes tout disposés à lui tenir franchement compte de l’effort — si toutefois cela en vaut la peine ; mais qu’il nous soit permis de ne pas juger de l’œuvre sur l’effort. Il faut espérer que le sens commun, à l’avenir, aimera mieux juger une œuvre d’art par l’impression et l’effet produits, que par le temps qu’elle met à produire cet effet ou la somme d’« effort soutenu » qu’il a fallu pour réaliser cette impression. La vérité est que la persévérance est une chose, et le génie une autre, et toutes les Quarterlies de la Chrétienté ne parviendront pas à les confondre. En attendant, on ne peut se refuser à reconnaître l’évidence de ma proposition et celle des considérations qui l’appuient. En tous cas, si elles passent généralement pour des erreurs condamnables, il n’y a pas là de quoi compromettre gravement leur vérité.

D’autre part, il est clair qu’un poème peut pécher par excès de brièveté. Une brièveté excessive dégénère en épigramme. Un poème trop court peut produire çà et là un vif et brillant effet ; mais non un effet profond et durable. Il faut à un sceau un temps de pression suffisant pour s’imprimer sur la cire. Béranger a écrit quantité de choses piquantes et émouvantes, mais en général ce sont choses trop légères pour s’imprimer profondément dans l’attention publique, et ainsi, les créations de son imagination, comme autant de plumes aériennes, n’ont apparu que pour être emportées par le vent.

Un remarquable exemple de ce que peut produire une brièveté exagérée pour compromettre un poème et l’empêcher de devenir populaire, c’est l’exquise petite Sérénade que voici :


Je m’éveille de rêver de toi
Dans le premier doux sommeil de la nuit,
Lorsque les vents respirent tout bas,
Et que rayonnent les brillantes étoiles.
Je m’éveille de rêver de toi,
Et un esprit dans mes pieds
M’a conduit — qui sait comment ?
Vers la fenêtre de ta chambre, douce amie !

Les brises vagabondes se pâment
Sur ce sombre, ce silencieux courant ;
Les odeurs du champac s’évanouissent
Comme de douces pensées dans un rêve ;
La complainte du rossignol
Meurt sur son cœur,
Comme je dois mourir sur le tien,
Ô bien-aimée que tu es !

Oh ! soulève-moi du gazon !
Je meurs, je m’évanouis, je succombe !
Laisse ton amour en baisers pleuvoir
Sur mes lèvres et mes paupières pâles !
Ma joue est froide et blanche, hélas !
Mon cœur bat fort et vite ;
Oh ! presse-le encore une fois tout contre le tien,
Où il doit se briser enfin.


Ces vers ne sont peut-être familiers qu’à peu de lecteurs ; et cependant ce n’est pas moins qu’un poète comme Shelley qui les a écrits[2]. Tout le monde appréciera cette chaleur d’une imagination en même temps si délicate et si éthérée ; mais personne ne la sentira aussi pleinement que celui qui vient de sortir des doux rêves de la bien-aimée pour se baigner dans l’air parfumé d’une nuit d’été australe.

Un des poèmes les plus achevés de Willis[3], le meilleur assurément à mon avis qu’il ait jamais écrit, a dû sans doute à ce même excès de brièveté de ne pas occuper la place qui lui est due tant aux yeux des critiques que devant l’opinion populaire.


Les ombres s’étendaient le long de Broadway,
Proche était l’heure du crépuscule,
Et lentement une belle dame
S’y promenait dans son orgueil.
Elle se promenait seule ; mais invisibles,
Des esprits marchaient à son côté.

Sous ses pieds la Paix charmait la terre,
Et l’Honneur enchantait l’air ;
Tous ceux qui passaient la regardaient avec complaisance,
Et l’appelaient bonne autant que belle,

Car tout ce que Dieu lui avait donné
Elle le conservait avec un soin jaloux.

Elle gardait avec soin ses rares beautés
Des amoureux chauds et sincères —
Son cœur pour tout était froid, excepté pour l’or,
Et les riches ne venaient pas lui faire la cour ; —
Mais quel honneur pour des charmes à vendre,
Si les prêtres se chargent du marché !

Maintenant elle marchait, vierge encore plus belle.
Vierge éthérée, pâle comme un lis :
Et elle avait maintenant une compagnie invisible
Capable de désespérer l’âme —
Entre le besoin et le mépris elle marchait délaissée,
Et rien ne pouvait la sauver.

Aucun pardon maintenant ne peut rasséréner son front
De la paix de ce monde, pour prier ;
Car pendant que la prière égarée de l’amour s’est dissipée dans l’air,
Son cœur de femme s’est donné libre carrière !
Mais le péché pardonne par Christ dans le ciel
Sera toujours maudit par l’homme !


Nous avons quelque peine à reconnaître dans cette composition le Willis qui a écrit tant de « vers de société. » Non seulement elle est richement idéale ; mais les vers en sont pleins d’énergie, et respirent une chaleur, une sincérité de sentiment évidente, que nous chercherions en vain dans tous les autres ouvrages de l’auteur.

Pendant que la manie épique — l’idée que pour avoir du mérite en poésie, la prolixité est indispensable — disparaissait peu à peu depuis quelques années de l’esprit du public, en vertu même de son absurdité, nous voyions lui succéder une autre hérésie d’une fausseté trop palpable pour être longtemps tolérée ; mais qui, pendant la courte période qu’elle a déjà duré, a plus fait à elle seule pour la corruption de notre littérature poétique que tous ses autres ennemis à la fois. Je veux dire l’hérésie du Didactique. Il est reçu, implicitement et explicitement, directement et indirectement, que la dernière fin de toute Poésie est la Vérité. Tout poème, dit-on, doit inculquer une morale, et c’est par cette morale qu’il faut apprécier le mérite poétique d’un ouvrage. Nous autres Américains surtout, nous avons patronné cette heureuse ides, et c’est particulièrement à nous, Bostoniens, qu’elle doit son entier développement. Nous nous sommes mis dans la tête, qu’écrire un poème uniquement pour l’amour de la poésie, et reconnaître que tel a été notre dessein en l’écrivant, c’est avouer que le vrai sentiment de la dignité et de la force de la poésie nous fait radicalement défaut — tandis qu’en réalité, nous n’aurions qu’à rentrer un instant en nous-mêmes, pour découvrir immédiatement qu’il n’existe et ne peut exister sous le soleil d’œuvre plus absolument estimable, plus suprêmement noble, qu’un vrai poème, un poème per se, un poème, qui n’est que poème et rien de plus, un poème écrit pour le pur amour de la poésie.

Avec tout le respect que j’ai pour la Vérité, respect aussi grand que celui qui ait jamais pu faire battre une poitrine humaine, je voudrais cependant limiter, en une certaine mesure, ses moyens d’inculcation. Je voudrais les limiter pour les renforcer, au lieu de les affaiblir en les multipliant. Les exigences de la Vérité sont sévères. Elle n’a aucune sympathie pour les fleurs de l’imagination. Tout ce qu’il y a de plus indispensable dans le Chant est précisément ce dont elle a le moins affaire. C’est la réduire à l’état de pompeux paradoxe que de l’enguirlander de perles et de fleurs. Une vérité, pour acquérir toute sa force, a plutôt besoin de la sévérité que des efflorescences du langage. Ce qu’elle veut, c’est que nous soyons simples, précis, élégants ; elle demande de la froideur, du calme, de l’impassibilité. En un mot, nous devons être à son égard, autant qu’il est possible, dans l’état d’esprit le plus directement opposé à l’état poétique. Bien aveugle serait celui qui ne saisirait pas les différences radicales qui creusent un abîme entre les moyens d’action de la vérité et ceux de la poésie.

Il faudrait être irrémédiablement enragé de théorie, pour persister, en dépit de ces différences, à essayer de réconcilier l’irréconciliable antipathie de la Poésie et de la Vérité.

Si nous divisons le monde de l’esprit en ses trois parties les plus visiblement distinctes, nous avons l’Intellect pur, le Goût et le Sens moral. Je mets le Goût au milieu, parce que c’est précisément la place qu’il occupe dans l’esprit. Il se relie intimement aux deux extrêmes, et n’est séparé du Sens moral que par une si faible différence qu’Aristote n’a pas hésité à mettre quelques-unes de ses opérations au nombre des vertus mêmes. Cependant, l’office de chacune de ces facultés se distingue par des caractères suffisamment tranchés. De même que l’Intellect recherche le Vrai, le Goût nous révèle le Beau, et le Sens moral ne s’occupe que du Devoir. Pendant que la Conscience nous enseigne l’obligation du Devoir, et que la Raison nous en montre l’utilité, le Goût se contente d’en déployer les charmes, déclarant la guerre au Vice uniquement sur le terrain de sa difformité, de ses disproportions, de sa haine pour la convenance, la proportion, l’harmonie, en un mot pour la Beauté.

Un immortel instinct, ayant des racines profondes dans l’esprit de l’homme, c’est donc le sentiment du Beau. C’est ce sentiment qui est la source du plaisir qu’il trouve dans les formes infinies, les sons, les odeurs, les sensations.

Et de même que le lis se reproduit dans l’eau du lac, ou les yeux d’Amaryllis dans son miroir, ainsi nous trouvons dans la simple reproduction orale ou écrite de ces formes, de ces sons, de ces couleurs, de ces odeurs une double source de plaisir. Mais cette simple reproduction n’est pas la poésie. Celui qui se contente de chanter, même avec le plus chaud enthousiasme, ou de reproduire avec la plus vivante fidélité de description les formes, les sons, les odeurs, les couleurs et les sentiments qui lui sont communs avec le reste de l’humanité, celui-là, dis-je, n’aura encore aucun droit à ce divin nom de poète. Il lui reste encore quelque chose à atteindre. Nous sommes dévorés d’une soif inextinguible, et il ne nous a pas montré les sources cristallines seules capables de la calmer. Cette soif fait partie de l’Immortalité de l’homme. Elle est à la fois une conséquence et un signe de son existence sans terme. Elle est le désir de la phalène pour l’étoile. Elle n’est pas seulement l’appréciation des Beautés qui sont sous nos yeux, mais un effort passionné pour atteindre la Beauté d’en haut. Inspirés par une prescience extatique des gloires d’au delà du tombeau, nous nous travaillons, en essayant au moyen de mille combinaisons, au milieu des choses et des pensées du Temps, d’atteindre une portion de cette Beauté dont les vrais éléments n’appartiennent peut-être qu’à l’éternité. Alors, quand la Poésie, ou la Musique, la plus enivrante des formes poétiques, nous a fait fondre en larmes, nous pleurons, non, comme le suppose l’Abbé Gravina, par excès de plaisir, mais par suite d’un chagrin positif, impétueux, impatient, que nous ressentons de notre impuissance à saisir actuellement, pleinement sur cette terre, une fois et pour toujours, ces joies divines et enchanteresses, dont nous n’atteignons, à travers le poème, ou à travers la musique, que de courtes et vagues lueurs.

C’est cet effort suprême pour saisir la Beauté surnaturelle — effort venant d’âmes normalement constituées — qui a donné au monde tout ce qu’il a jamais été capable à la fois de comprendre et de sentir en fait de poésie.

Naturellement, le Sentiment poétique peut revêtir différents modes de développement — la Peinture, la Sculpture, l’Architecture, la Danse — la Musique surtout — et dans un sens tout spécial, et fort large, l’art des Jardins. Notre sujet doit se borner à envisager la manifestation du sentiment poétique par le langage. Et ici qu’on me permette de dire quelques mots du rythme. Je me contenterai d’affirmer que la Musique, dans ses différents modes de mesure, de rythme et de rime, a en poésie une telle importance que ce serait folie de vouloir se passer de son secours, — sans m’arrêter à rechercher ce qui en fait l’essence absolue. C’est peut-être en Musique que l’âme atteint de plus près la grande fin à laquelle elle aspire si violemment, quand elle est inspirée par le Sentiment poétique — la création de la Beauté surnaturelle. Il se peut que cette fin sublime soit en réalité de temps en temps atteinte ici-bas. Il nous est arrivé souvent de sentir, tout frémissant de volupté, qu’une harpe terrestre venait de faire vibrer des notes non inconnues des anges. Aussi est-il indubitable que c’est dans l’union de la Poésie et de la Musique, dans son sens populaire, que nous trouverons le plus large champ pour le développement des facultés poétiques. Les anciens Bardes et Minnesingers avaient des avantages dont nous ne jouissons plus — et Thomas Moore, chantant ses propres poésies, achevait ainsi fort légitimement de leur donner leur véritable caractère de poèmes.

Pour récapituler, je définirais donc en peu de mots la poésie du langage : une Création rythmique de la Beauté. Son seul arbitre est le Goût. Le Goût n’a avec l’Intellect ou la Conscience que des relations collatérales. Il ne peut qu’accidentellement avoir quelque chose de commun soit avec le Devoir soit avec la Vérité.

Quelques mots d’explication, cependant. Ce plaisir, qui est à la fois le plus pur, le plus élevé et le plus intense des plaisirs, vient, je le soutiens, de la contemplation du Beau. Ce n’est que dans la contemplation de la Beauté qu’il nous est possible d’atteindre cette élévation enivrante, cette émotion de l’âme, que nous reconnaissons comme le sentiment poétique, et qui se distingue si facilement de la Vérité, qui est la satisfaction de la Raison, et de la Passion, qui est l’émotion du cœur. C’est donc la Beauté — en comprenant dans ce mot le sublime — qui est l’objet du poème, en vertu de cette simple règle de l’Art, que les effets doivent jaillir aussi directement que possible de leurs causes : — personne du moins n’a osé nier que l’élévation particulière dont nous parlons soit un but plus facilement atteint dans un poème. Il ne s’ensuit nullement, toutefois, que les excitations de la Passion, ou les préceptes du Devoir ou même les leçons de la Vérité ne puissent trouver place dans un poème et avec avantage ; tout cela peut, accidentellement, servir de différentes façons le dessein général de l’ouvrage ; — mais le véritable artiste trouvera toujours le moyen de les subordonner à cette Beauté qui est l’atmosphère et l’essence réelle du Poème.

Je ne saurais mieux commencer la série des quelques poèmes sur lesquels je veux appeler l’attention, qu’en citant le Poème de l’Épave de M. Longfellow[4].


Le jour est parti, et les ténèbres
Tombent des ailes de la Nuit,
Comme une plume tombe emportée
De l’aile d’un Aigle dans son vol[5].

J’aperçois les lumières du village
Luire à travers la pluie et la brume,
Et un sentiment de tristesse m’envahit,
Auquel mon âme ne peut résister ;

Un sentiment de tristesse et d’angoisse
Qui n’a rien de la douleur,
Et qui ne ressemble au chagrin
Que comme le brouillard ressemble à la pluie.

Viens, lis-moi quelque poème,
Quelque simple lai, dicté par le cœur.
Qui calmera cette émotion sans repos,
Et bannira les pensées du jour.

Non pas des grands maîtres anciens,
Ni des bardes-sublimes
Dont l’écho des pas lointains retentit
À travers les corridors du temps.

Car, de même que les accords d’une musique martiale,
Leurs puissantes pensées suggèrent
Les labeurs et les fatigues sans fin de la vie ;
Et ce soir j’aspire au repos.

Lis-moi dans quelque humble poète,
Dont les chants ont jailli de son cœur,
Comme les averses jaillissent des nuages de l’été,
Ou les larmes des paupières ;

Qui à travers de longs jours de labeur
Et des nuits sans repos,
N’a cessé d’entendre en son âme la musique
De merveilleuses mélodies.

De tels chants ont le pouvoir d’apaiser
La pulsation sans repos du souci,
Et descendent comme la bénédiction
Qui suit la prière.

Puis lis, dans le volume favori,
Le poème de ton choix,
Et prête à la rime du poète
La beauté de ta voix.

Et la nuit se remplira de musique,
Et les soucis qui infestent le jour
Replieront leurs tentes comme les Arabes,
Et s’enfuiront aussi silencieux.


Sans beaucoup de frais d’imagination, ces vers ont été admirés à bon droit pour leur délicatesse d’expression. Quelques-unes des images ont beaucoup d’effet. Il ne se peut rien de meilleur que :


.... ces bardes sublimes,
Dont l’écho des pas lointains retentit
À travers les corridors du Temps


L’idée du dernier quatrain est aussi très saisissante. Toutefois, le poème dans son ensemble, est surtout admirable par la gracieuse insouciance de son mètre, si bien en rapport avec le caractère des sentiments, et surtout avec le laisser-aller du ton général. Il a été longtemps de mode de regarder ce laisser-aller, ce naturel dans le style littéraire, comme un naturel purement apparent — et en réalité comme un point difficile à atteindre. Mais il n’en est point ainsi : — un ton naturel n’est difficile qu’à celui qui s’appliquerait à l’éviter toujours, à être toujours en dehors de la nature.

Un auteur n’a qu’à écrire avec l’entendement ou avec l’instinct, pour que le ton dans la composition soit toujours celui qui plaira à la masse des lecteurs — et naturellement, il doit continuellement varier avec le sujet. L’écrivain qui, d’après la mode de la North American Review, serait toujours, en toute occasion, uniquement serein, sera nécessairement, en beaucoup de cas, simplement niais, ou stupide ; et il n’a pas plus de droit à être considéré comme un auteur facile ou naturel qu’un exquis Cockney, ou la Beauté qui dort dans des chefs-d’œuvre de cire.

Parmi les petits poèmes de Bryant[6], aucun ne m’a plus fortement impressionné que celui qui est intitulé Juin. Je n’en cite qu’une partie :


Là, à travers les longues, longues heures d’été,
La lumière d’or s’épandrait,
Et des jeunes herbes drues et des groupes de fleurs
Se dresseraient dans leur beauté ;
Le loriot construirait son nid et dirait
Sa chanson d’amour, tout près de mon tombeau ;
Le nonchalant papillon
S’arrêterait là, et là on entendrait
La bonne ménagère abeille, et l’oiseau-mouche,

Et les cris joyeux à midi,
Qui viennent du village,
Ou les chansons des jeunes filles, sous la lune,
Mêlées d’un éclat de rire de fée !
Et dans la lumière du soir,
Les amoureux fiancés se promenant en vue
De mon humble monument !
Si mes vœux étaient comblés, la scène gracieuse qui m’entoure
Ne connaîtrait pas de plus triste vue ni de plus triste bruit.

Je sais, je sais que je ne verrais pas
Les glorieuses merveilles de la saison ;
Son éclat ne rayonnerait pas pour moi,
Ni sa fantastique musique ne s’épandrait ;
Mais si autour du lieu de mon sommeil

Les amis que j’aime venaient pleurer,
Ils n’auraient point hâte de s’en aller :
De douces brises, et la chanson, et la lumière, et la fleur
Les retiendraient près de ma tombe.

Tout cela à leurs cœurs attendris porterait
La pensée de ce qui a été,
Et leur parlerait de celui qui ne peut partager
La joie de la scène qui l’entoure ;
De celui pour qui toute la part de la pompe qui remplit
Le circuit des collines embellies par l’été,
Est : — que son tombeau est vert ;
Et ils désireraient profondément, pour la joie de leurs cœurs,
Entendre encore une fois sa voix vivante.


Le courant rythmique ici est, pour ainsi dire, voluptueux ; on ne saurait lire rien de plus mélodieux. Ce poème m’a toujours causé une remarquable impression. L’intense mélancolie qui perce, malgré tout, à la surface des gracieuses pensées du poète sur son tombeau, nous fait tressaillir jusqu’au fond de l’âme — et dans ce tressaillement se retrouve la plus véritable élévation poétique. L’impression qu’il nous laisse est celle d’une voluptueuse tristesse. Si, dans les autres compositions qui vont suivre, on rencontre plus ou moins apparent un ton analogue à celui-la, il est bon de se rappeler que cette teinte accusée de tristesse est inséparable (comment ou pourquoi ? je ne le sais) de toutes les manifestations de la vraie Beauté. Mais c’est comme dit le poète :


Un sentiment de tristesse et d’angoisse
Qui n’a rien de la douleur,
Et qui ne ressemble au chagrin,
Que comme le brouillard ressemble à la pluie.


Cette teinte apparaît clairement même dans un poème cependant si plein de fantaisie et de brio, le Toast d’Edward Coote Pinkney[7].


Je remplis cette coupe à celle qui est faite
De beauté seule —
Une femme, de son gracieux sexe
L’évident parangon ;
À qui les plus purs éléments
Et les douces étoiles ont donné
Une forme si belle que, semblable à l’air,
Elle est moins de la terre que du ciel.

Chacun de ses accents est une musique qui lui est propre,
Semblables à ceux des oiseaux du matin,
Et quelque chose de plus que la mélodie
Habite toujours en ses paroles ;
Elles sont la marque de son cœur,
Et de ses lèvres elles coulent
Comme on peut voir les abeilles chargées
Sortir de la rose.

Les affections sont comme des pensées pour elle,
La mesure de ses heures ;
Ses sentiments ont la fragrance,
La fraîcheur des jeunes fleurs ;
Et d’aimables passions, souvent changeantes,
La remplissent si bien, qu’elle semble
Tour à tour leur propre image —
L’idole des années écoulées !

De sa brillante face un seul regard tracera
Un portrait sur la cervelle,
Et de sa voix dans les cœurs qui font écho
Un long retentissement doit demeurer ;
Mais le souvenir, tel que celui qui me reste d’elle,
Me la rend si chère,
Qu’à l’approche de la mort mon dernier soupir
Ne sera pas pour la vie, mais pour elle.

J’ai rempli cette coupe à celle qui est faite
De beauté seule,
Une femme de son gracieux sexe
L’évident parangon —
À elle ! Et s’il y avait sur terre
Un peu plus de pareils êtres,
Cette vie ne serait plus que poésie,
Et la lassitude un mot !


Ce fut le malheur de Mr Pinkney d’être né trop loin dans le sud. S’il avait été un Nouvel Englander, il est probable qu’il eût été mis au premier rang des lyriques américains par cette magnanime cabale qui a si longtemps tenu dans ses mains les destinées de la littérature américaine, en dirigeant ce qu’on appelle la North American Review. Le poème que nous venons de citer est d’une beauté toute spéciale ; quant à l’élévation poétique qui s’y trouve, elle se rattache surtout à notre sympathie pour l’enthousiasme du poète. Nous lui pardonnons ses hyperboles en considération de la chaleur évidente avec laquelle elles sont exprimées.

Je n’avais nullement le dessein de m’étendre sur les mérites des morceaux que je devais vous lire. Ils parlent assez éloquemment pour eux-mêmes. Dans ses Avertissements du Parnasse, Boccalini nous raconte que Zoïle faisant un jour devant Apollon une critique amère d’un admirable livre, le Dieu l’interrogea sur les beautés de l’ouvrage. Zoïle répondit qu’il ne s’occupait que des défauts. Sur quoi, Apollon, lui mettant en main un sac de blé non vanné, le condamna pour sa punition à en enlever toute la paille.

Cette fable s’adresse admirablement aux critiques — mais je ne suis pas bien sûr que le Dieu fût dans son droit. Il me semble qu’il se méprenait grossièrement sur les vraies limites des devoirs de la critique. L’excellence, dans un poème surtout, participe du caractère de l’axiome, et n’a besoin que d’être présentée pour être évidente par elle-même. Ce n’est plus de l’excellence, si elle a besoin d’être démontrée telle ; — et par conséquent faire trop particulièrement ressortir les mérites d’une œuvre d’Art, c’est admettre que ce ne sont pas des mérites.

Parmi les Mélodies de Thomas Moore, il y en a une dont le remarquable caractère poétique semble avoir fort singulièrement échappé à l’attention. Je fais allusion aux vers qui commencent ainsi : « Viens, repose sur cette poitrine », et dont l’intense énergie d’expression n’est surpassée par aucun endroit de Byron. Il y a deux de ces vers, où le sentiment semble condenser dans toute sa puissance la divine passion de l’Amour — sentiment qui peut-être a trouvé son écho dans plus de cœurs et des cœurs plus passionnés qu’aucun autre de ceux qu’ait jamais exprimés la parole humaine.


Viens, repose sur cette poitrine, ma pauvre biche blessée,
Quoique le troupeau t’ait délaissée, tu as encore, ici ta demeure ;
Ici encore tu trouveras le sourire, qu’aucun nuage ne peut obscurcir
Un cœur et une main à toi jusqu’à la fin.


Oh ! pourquoi l’amour a-t-il été fait, s’il ne reste pas le même
Dans la joie et le tourment, dans la gloire et la honte ?
Je ne sais pas, je ne demande pas, si ton cœur est coupable ;
Je ne sais qu’une chose, c’est que je t’aime, quelle que tu sois.
Tu m’as appelé ton Ange dans les moments de bonheur,
Je veux rester ton Ange, au milieu des horreurs de cette heure,
À travers la fournaise, inébranlable, suivre tes pas,
Te servir de bouclier, te sauver — ou mourir avec toi !


Depuis quelque temps c’est la mode de refuser à Moore l’Imagination en lui laissant la Fantaisie — distinction qui a sa source dans Coleridge — qui mieux que personne cependant a compris le génie de Moore. Le fait est que chez Moore la Fantaisie prédomine tellement sur toutes ses autres facultés, et surpasse à un si haut degré celle des autres poètes, qu’on a pu être naturellement amené à ne voir en lui que de la Fantaisie. Mais c’est une grave erreur, et c’est faire le plus grand tort au mérite d’un vrai poète. Je ne connais pas dans toute la littérature anglaise un poème plus profondément, — plus magiquement imaginatif, dans le meilleur sens du mot, que les vers qui commencent ainsi : « Je voudrais être près de ce lac sombre » — qui sont de la main de Thomas Moore. Je regrette de ne pouvoir me les rappeler.

L’un des plus nobles — et puisqu’il s’agit de Fantaisie, l’un des plus singulièrement fantaisistes de nos poètes modernes, c’est Thomas Hood[8]. La Belle Inès a toujours eu pour moi un charme inexprimable :


Oh ! n’avez-vous pas vu la belle Inès ?
Elle est partie dans l’Ouest,
Pour éblouir quand le soleil est couché,
Et voler au monde son repos.
Elle a emporté avec elle la lumière de nos jours,
Les sourires qui nous étaient si chers,
Avec les rougeurs du matin sur sa joue
Et les perles sur son sein.

Oh, reviens, belle Inès,
Avant la tombée de la nuit,
De peur que la lune ne rayonne seule,
Et que les étoiles ne brillent sans rivale ;
Heureux sera l’amoureux
Qui se promènera sous leur rayon,

Et exhalera l’amour sur ta joue,
Je n’ose pas même l’écrire !

Que n’étais-je, belle Inès,
Ce galant cavalier,
Qui chevauchait si gaîment à ton côté,
Et te murmurait à l’oreille de si près !
N’y avait-il donc point là-bas de gentilles dames
Ou de vrais amoureux ici,
Qu’il dût traverser les mers pour obtenir
La plus aimée des bien-aimées !

Je t’ai vue, charmante Inès,
Descendre le long du rivage
Avec un cortège de nobles gentilshommes.
Et des bannières ondoyant en tête
D’aimables jeunes hommes et de joyeuses vierges ;
Ils portaient des plumes de neige ;
C’eût été un beau rêve —
Si ce n’avait été qu’un rêve !

Hélas ! hélas ! la belle Inès,
Elle est partie avec le chant,
Avec la musique suivant ses pas,
Et les clameurs de la foule ;
Mais quelques-uns étaient tristes, et ne sentaient pas de joie,
Mais seulement la torture d’une musique.

Qui chantait : Adieu, Adieu
À celle que vous avez aimée si longtemps.

Adieu, adieu, belle Inès,
Ce vaisseau jamais ne porta
Si belle dame sur son pont,
Ni ne dansa jamais si léger —
Hélas ! pour le plaisir de la mer
Et le chagrin du rivage !
Le sourire qui a ravi le cœur d’un amoureux
En a brisé bien d’autres !


La Maison hantée, du même auteur, est un des poèmes les plus véritablement poèmes, les plus exceptionnels, les plus profondément artistiques, tant pour le sujet que pour l’exécution. Il est puissamment idéal — imaginatif. Je regrette que sa longueur m’empêche de le citer ici. Qu’on me permette de donner à sa place le poème universellement goûté : le Pont des Soupirs.


Une plus infortunée,
Fatiguée de respirer,
Follement désespérée,
Est allée au devant de la mort !

Prenez-la tendrement,
Soulevez-la avec soin : —
Son enveloppe est si frêle,
Elle est jeune, et si belle !


Voyez ses vêtements
Qui collent à son corps comme des bandelettes ;
Pendant que l’eau continuellement
Dégoutte de sa robe ;
Prenez-la bien vite
Amoureusement, et sans dégoût.

Ne la touchez pas avec mépris ;
Pensez à elle tristement,
Doucement, humainement ;
Ne songez pas à ses taches.
Tout ce qui reste d’elle
Est maintenant fémininement pur.

Ne scrutez pas profondément
Sa révolte
Téméraire et coupable ;
Tout déshonneur est passé,
La mort ne lui a laissé
Que la beauté.

Silence pour ses chutes,
Elle est de la famille d’Ève —
Essuyez ses pauvres lèvres
Qui suintent si visqueuses.
Relevez ses tresses
Échappées au peigne,
Ses belles tresses châtaines,
Pendant qu’on se demande, dans l’étonnement :
Où était sa demeure ?

Qui était son père ?
Qui était sa mère ?
Avait-elle une sœur ?
Avait-elle un frère ?
Ou avait-elle quelqu’un de plus cher
Encore, et qui lui tenait de plus près
Encore que tous les autres ?


Hélas ! Ô rareté
De la chrétienne charité.
Sous le soleil !
Oh ! Quelle pitié !
Dans toute une cité populeuse
Elle n’avait point de foyer !

Sentiments de sœur, de frère,
De père, de mère
Avaient changé pour elle ;
L’amour, par une cruelle clarté,
Était tombé de son faite ;
La providence de Dieu même
Semblait se détourner.

En face des lampes qui tremblotent
Si loin sur la rivière,
Avec ces mille lumières,
Qui luisent aux fenêtres des maisons
De la mansarde au sous-sol,
Elle se tenait debout, dans l’effarement,
Sans abri pour la nuit.

Le vent glacial de mars
La faisait trembler et frissonner,
Mais non l’arche sombre,
Ou la rivière qui coule noire.
Affolée de l’histoire de la vie,
Heureuse d’affronter le mystère de la mort,
Impatiente d’être emportée, —
N’importe où, n’importe où,
Loin du monde !

Elle se plongea hardiment, —
Sans s’inquiéter si, froidement,
L’âpre rivière coule —
De sa berge.
Représente-toi cette rivière — penses-y,
Homme dissolu !

Baigne-t-y, bois de ses eaux,
Si tu l’oses !

Prenez-la tendrement ;
Soulevez-la avec soin ;
Son enveloppe est si frêle,
Elle est jeune et si belle !
Avant que ses membres glacés,
Ne soient trop rigidement raidis,
Décemment — tendrement
Aplanissez-les et arrangez-les ;
Et ses yeux, fermez-les ;
Ces yeux tout grands ouverts sans voir !

Épouvantablement ouverts et regardant
À travers l’impureté fangeuse,
Comme avec le dernier regard
Audacieux du désespoir
Fixe sur l’avenir.

Elle est morte sombrement,
Poussée par l’outrage,
La froide inhumanité,
La brûlante folie,
Dans son repos.
Croisez ses mains humblement,
Comme si elle priait en silence,
Sur sa poitrine !
Avouant sa faiblesse,
Sa coupable conduite,
Et abandonnant, avec douceur,
Ses péchés à son Sauveur !


Ce poème n’est pas moins remarquable par sa vigueur que par son pathétique. La versification, tout en poussant la fantaisie jusqu’au fantastique, n’en est pas moins admirablement adaptée à la furieuse démence qui est la thèse du poème.

Parmi les petits poèmes de lord Byron il en est un qui n’a jamais reçu de la critique les hommages qu’il mérite incontestablement[9].


Quoique le jour de ma destinée fut arrivé,
Et que l’étoile de mon destin fut sur son déclin,
Ton tendre cœur a refusé de découvrir
Les fautes que tant d’autres ont su trouver ;
Quoique ton âme fut familiarisée avec mon chagrin,
Elle n’a pas craint de le partager avec moi,
Et l’amour que mon esprit s’était fait en peinture,
Je ne l’ai jamais trouvé qu’en toi.

Quand la nature sourit autour de moi,
Le seul sourire qui réponde au mien,
Je ne crois pas qu’il soit trompeur,
Parce qu’il me rappelle le tien ;
Et quand les vents sont en guerre avec l’océan,
Comme les cœurs auxquels je croyais le sont avec moi,
Si les vagues qu’ils soulèvent excitent une émotion,
C’est parce qu’elles me portent loin de toi.

Quoique le roc de mon espérance soit fracassé,
Et que ses débris soient engloutis dans la vague,
Quoique je sente que mon âme est livrée
À la douleur — elle ne sera pas son esclave.
Mille angoisses peuvent me poursuivre ;
Elles peuvent m’écraser, mais non me mépriser —
Elles peuvent me torturer, mais non me soumettre —
C’est à toi que je pense — non à elles.

Quoique humaine, tu ne m’as pas trompé ;
Quoique femme, tu ne m’as point délaissé ;
Quoique aimée, tu as craint de m’affliger ;
Quoique calomniée, jamais tu ne t’es laissée ébranler ;
Quoique ayant ma confiance, tu ne m’as jamais renié ;
Si tu t’es séparée de moi, ce n’était pas pour fuir ;
Si tu veillas sur moi, ce n’était pas pour me diffamer ;
Si tu restas muette, ce n’était pas pour donner au monde le droit de me condamner.

Cependant je ne blâme pas le monde, ni ne le méprise,
Pas plus que la guerre déclarée par tous à un seul.
Si mon âme n’était pas faite pour l’apprécier,
Ce fut une folie de ne pas le fuir plus tôt :
Et si cette erreur m’a coûté cher,
Et plus que je n’aurais jamais pu le prévoir,
J’ai trouvé que malgré tout ce qu’elle m’a fait perdre,
Elle n’a jamais pu me priver de toi.

Du naufrage du passé, disparu pour moi,
Je puis au moins retirer une grande leçon,
Il m’a appris que ce que je chérissais le plus
Méritait d’être chéri de moi par dessus tout ;
Dans le désert jaillit une source,
Dans l’immense steppe il y a encore un arbre,
Et un oiseau qui chante dans la solitude
Et parle à mon âme de toi.


Quoique le rythme de ces vers soit un des plus difficiles, on pourrait à peine trouver quelque chose à redire à la versification. Jamais plus noble thème n’a tenté la plume d’un poète. C’est l’idée, éminemment propre à élever l’âme, qu’aucun homme ne peut s’attribuer le droit de se plaindre de la destinée dans le malheur, dès qu’il lui reste l’amour inébranlable d’une femme[10].

Quoique je considère en toute sincérité Alfred Tennyson comme le plus noble poète qui ait jamais vécu, je me suis à peine laissé le temps de vous en citer un court spécimen. Je l’appelle, et le regarde comme le plus noble des poètes, non parce que les impressions qu’il produit sont toujours les plus profondes — non parce que l’émotion poétique qu’il excite est toujours la plus intense, — mais parce qu’il est toujours le plus éthéré — en d’autres termes, le plus élevé et le plus pur. Il n’y a pas de poète qui soit si peu de la terre, si peu terrestre. Ce que je vais vous lire est emprunté à son dernier long poème : La princesse.


Des larmes, d’indolentes larmes, (je ne sais ce qu’elles veulent dire,)
Des larmes du fond de quelque divin désespoir
Jaillissent dans le cœur, et montent aux yeux,
En regardant les heureux champs d’automne,
Et en pensant aux jours qui ne sont plus.

Frais comme le premier rayon éclairant la voile,
Qui ramène nos amis de l’autre hémisphère,
Tristes comme le dernier rayon rougissant celle
Qui sombre avec tout ce que nous aimons sous l’horizon ;
Aussi tristes, aussi frais sont les jours qui ne sont plus.

Ah ! tristes et étranges comme dans les sombres aurores d’été
Le premier cri des oiseaux éveillés à demi,

Pour des oreilles mourantes, quand sous des yeux mourants
La croisée lentement en s’illuminant se dessine ;

Aussi tristes, aussi étranges, sont les jours qui ne sont plus,
Aussi chers que des baisers remémorés après la mort,
Aussi doux que ceux qu’imagine une pensée sans espoir
Sur des lèvres réservées à d’autres ; profonds comme l’amour,
Profonds comme le premier amour, enténébrés de tous les regrets,
Ô mort dans la vie ! tels sont les jours qui ne sont plus.


En essayant ainsi de vous exposer, quoique d’une façon bien rapide et bien imparfaite, ma conception du principe poétique, je ne me suis proposé que de vous suggérer cette réflexion : c’est que, si ce principe est strictement et simplement l’aspiration de l’âme humaine vers la beauté surnaturelle, sa manifestation doit toujours se trouver dans une émotion qui élève l’âme, tout à fait indépendante de la passion qui enivre le cœur, et de la vérité qui satisfait la raison. Pour ce qui regarde la passion, hélas ! elle tend plutôt à dégrader qu’à élever l’âme. L’Amour, au contraire, — l’Amour, — le vrai, le divin Éros — la Vénus Uranienne si différente de la Vénus Dionéenne — est sans contredit le plus pur et le plus vrai de tous les thèmes poétiques. Quant à la Vérité, si par l’acquisition d’une vérité particulière nous arrivons à percevoir de l’harmonie où nous n’en voyions pas auparavant, nous éprouvons alors en même temps le véritable effet poétique ; mais cet effet ne doit s’attribuer qu’à l’harmonie seule, et nullement à la vérité qui n’a servi qu’à faire éclater cette harmonie.

Nous pouvons cependant nous faire plus directement une idée distincte de ce qu’est la véritable poésie, en considérant quelques-uns des simples éléments qui produisent dans le poète lui-même le véritable effet poétique. Il reconnaît l’ambroisie qui nourrit son âme dans les orbes brillants qui étincellent dans le Ciel, dans les volutes de la fleur, dans les bouquets formes par d’humbles arbustes, dans l’ondoiement des champs de blé, dans l’obliquement des grands arbres vers le levant, dans les bleus lointains des montagnes, dans le groupement des nuages, dans le tintement des ruisseaux qui se dérobent à demi, le miroitement des rivières d’argent, dans le repos des lacs isolés, dans les profondeurs des sources solitaires ou se mirent les étoiles. Il la reconnaît dans les chants des oiseaux, dans la harpe d’Éole, dans le soupir du vent nocturne, dans la voix lugubre de la forêt, dans la vague qui se plaint au rivage, dans la fraîche haleine des bois, dans le parfum de la violette, dans la voluptueuse senteur de l’hyacinthe, dans l’odeur suggestive qui lui vient le soir d’îles éloignées non découvertes, sur des océans sombres, illimités, inexplorés. Il la reconnaît dans toutes les nobles pensées, dans toutes les aspirations qui ne sont pas de la terre, dans toutes les saintes impulsions, dans toutes les actions chevaleresques, généreuses, et supposant le sacrifice de soi-même. Il la sent dans la beauté de la femme, dans la grâce de sa démarche, dans l’éclat de ses yeux, dans la mélodie de sa voix, dans son doux sourire, dans son soupir, dans l’harmonie du frémissement de sa robe. Il la sent profondément dans ses attraits enveloppants, dans ses brûlants enthousiasmes, dans ses gracieuses charités, dans ses douces et pieuses patiences ; mais par dessus tout, oui, par dessus tout, il l’adore à genoux, dans la fidélité, dans la pureté, dans la force, dans la suprême et divine majesté de son amour.

Permettez-moi d’achever, en vous lisant encore un petit poème, un poème d’un caractère bien différent de ceux que je vous ai cités. Il est de Motherwell[11], et est intitulé le Chant du Cavalier.

Avec nos idées modernes et tout à fait rationnelles sur l’absurdité et l’impiété de la guerre, nous ne sommes pas précisément dans l’état d’esprit le mieux fait pour sympathiser avec les sentiments de ce poème et par conséquent pour en apprécier la réelle excellence. Pour y arriver, il faut nous identifier nous-mêmes en imagination avec l’âme du vieux cavalier.


Un coursier ! Un coursier ! d’une vitesse sans égale !
Une épée d’un métal acéré !
Pour de nobles cœurs tout le reste est peu de chose —
Sur terre tout le reste n’est rien.
Les hennissements du fier cheval de guerre,
Le roulement du tambour,
L’éclat perçant de la trompette,
Sont des bruits qui viennent du ciel ;

Et puis ! le tonnerre des chevaliers serrés qui se précipitent
En même temps que grandit leur cri de guerre,
Peut faire descendre du ciel un ange étincelant,
Et réveiller un démon de l’enfer.

Montez donc ! montez donc, nobles braves, montez tous,
Hâtez-vous de revêtir vos cimiers ;
Courriers de la mort, Gloire et Honneur, appelez-nous
Au champ de guerre une fois encore.
D’aigres larmes ne rempliront pas nos yeux,
Quand la poignée de notre épée sera dans notre main ;
Nous partirons le cœur entier, sans un soupir
Pour la plus belle du pays.
Laissons l’amoureux jouer du chalumeau, et le poltron
Se lamenter et pleurnicher ;
Notre affaire à nous, c’est de combattre en hommes,
Et de mourir en héros !

  1. Cet essai, comme l’indique sa forme, n’est autre chose qu’une des lectures ou conférences que Poe fit en 1844 et 1845 sur la poésie et sur les poètes en Amérique.
  2. Cette version est empruntée à la traduction que nous avons publiée des Poésies complètes de Shelley, (3 v. in-18, Albert Savine, éditeur.) Nous saisissons avec empressement cette occasion d’ajouter le remarquable jugement de Poe sur Shelley aux nombreuses appréciations de la Critique Anglaise que nous avons citées dans notre livre : Shelley : sa vie et ses œuvres (1 v. in-18) qui commente et complète notre traduction.

    « Si jamais homme a noyé ses pensées dans l’expression, ce fut Shelley. Si jamais poète a chanté (comme les oiseaux chantent) — par une impulsion naturelle, — avec ardeur, avec un entier abandon — pour lui seul — et pour la pure joie de son propre chant — ce poète est l’auteur de la Plante Sensitive. D’art, en dehors de celui qui est l’instinct infaillible du Génie — il n’en a pas, ou il l’a complètement dédaigné. En réalité il dédaignait la Règle qui est l’émanation de la Loi, parce qu’il trouvait sa loi dans sa propre âme. Ses chants ne sont que des notes frustes — ébauches sténographiques de poèmes — ébauches qui suffisent amplement à sa propre intelligence, et qu’il ne voulut pas se donner la peine de développer dans leur plénitude pour celle de ses semblables. Il est difficile de trouver dans ses ouvrages une conception vraiment achevée. C’est pour cette raison qu’il est le plus fatigant des poètes. Mais s’il fatigue, c’est plutôt pour avoir fait trop peu que trop ; ce qui chez lui semble le développement diffus d’une idée n’est que la concentration concise d’un grand nombre ; et c’est cette concision qui le rend obscur.

    « Pour un tel homme, imiter était hors de question, et ne répondait à aucun but — car il ne s’adressait qu’à son propre esprit, qui n’eût pas compris une langue étrangère — c’est pourquoi il est profondément original. Son étrangeté provient de la perception intuitive de cette vérité que Lord Bacon a seul exprimé en termes précis, quand il a dit : « Il n’y a pas de beauté exquise qui n’offre quelque étrangeté dans ses proportions. » Mais que Shelley soit obscur, original, ou étrange, il est toujours sincère. Il ne connaît pas l’affectation. »

  3. N. P. Willis, essayiste, conteur et poète américain. Poe lui a consacré un long article dans ses Essais Critiques sur la littérature américaine. Il reproche surtout à ses compositions « une teinte marquée de mondanité et d’affectation. »
  4. Poe est revenu à plusieurs reprises sur ce morceau dans ses Notes marginales. L’éloge qu’il fait ici du poète américain Longfellow ne l’empêche pas de le juger en maint endroit avec une singulière sévérité. « H. W. Longfellow, » dit-il dans un curieux essai intitulé Autobiographie où il rapproche le caractère et le génie des écrivains de leur écriture, et a droit à la première place parmi les poètes de l’Amérique — du moins à la première place parmi ceux qui se sont mis en évidence comme poètes. Ses qualités sont toutes de l’ordre le plus élevé, tandis que ses fautes sont surtout celles de l’affectation et de l’imitation — une imitation qui touche quelquefois au larcin. »
  5. Poe critique ainsi cette strophe dans ses Marginalia :

    « Une seule plume qui tombe ne peint que bien imparfaitement la toute-puissance envahissante des ténèbres ; mais une objection plus spéciale se peut tirer de la comparaison d’une plume avec la chute d’une autre. La nuit est personnifiée par un oiseau, et les ténèbres, qui sont la plume de cet oiseau, tombent de ses ailes, comment ? comme une autre plume tombe d’un autre oiseau. Oui, c’est bien cela. La comparaison se compose de deux termes identiques — c’est-à-dire, qu’elle est nulle. Elle n’a pas plus de force qu’une proposition identique en logique. »

  6. William Cullen Bryant, l’un des poètes américains les plus admirés de Poe. « M. Bryant, » dit-il dans son essai critique sur ce poète, « excelle dans les petits poèmes moraux. En fait de versification, il n’est surpassé par personne en Amérique, sinon, peut-être, par M. Sprague… M. Bryant a du génie et un génie d’un caractère bien tranché ; s’il a été négligé par les écoles modernes, c’est qu’il a manqué des caractères uniquement extérieurs qui sont devenus le symbole de ces écoles. »
  7. Poète américain, professeur à l’Université de Maryland, mort à l’âge de vingt-six ans, 1828. En 1825, il publia à Baltimore le volume de poésies d’où celle que cite Poe est tirée. Ce volume fut accueilli en Amérique par les éloges les plus enthousiastes.
  8. Poe a consacré à l’auteur si populaire de la Chanson de la chemise un assez long article critique où il développe ce qu’il en dit ici. À côté de la Belle Inès et de la Maison hantée, il met à peu près au même niveau : L’Ode à la Mélancolie, le Rêve d’Eugène Aram, le Pont des Soupirs et une pièce qui lui semble peut-être caractériser le plus profondément le génie singulier poète fantaisiste : Miss Kilmanseg et sa Précieuse jambe. « C’est l’histoire, dit-il d’une très riche héritière excessivement gâtée par ses parents ; elle tombe un jour de cheval, et se blesse si gravement la jambe, que l’amputation, devient inévitable. Pour remplacer sa vraie jambe, elle veut à toute force une jambe d’or massif, ayant exactement les proportions de la jambe originale. L’admiration que cette jambe excite lui en fait oublier les inconvénients.

    Cette jambe excite la cupidité d’un chevalier d’industrie qui décide sa propriétaire à l’épouser, dissipe sa fortune, et finalement lui vole sa jambe d’or, lui casse la tête avec, et décampe. Cette histoire est merveilleusement bien racontée et abonde en morceaux brillants, et surtout riches en ce que nous avons appelé la Fantaisie. »

  9. Ce poème est adressé à Augusta Leigh, la sœur de Byron.
  10. Nous extrayons des Marginalia de Poe un passage qui complètera l’idée qu’il ne fait qu’indiquer ici, et où la poétique amoureuse de Byron jeune est admirablement caractérisée :

    « Les anges, » dit madame Dudevant, une femme qui sème une foule d’admirables sentiments à travers un chaos des plus déhontées et des plus attaquables fictions, « les anges ne sont pas plus purs que le cœur d’un jeune homme qui aime la vérité. » Cette hyperbole n’est pas très loin de la vérité. Ce serait la vérité même, si elle s’appliquait à l’amour fervent d’un jeune homme qui serait en même temps un poète. L’amour d’un poète est sans contredit un des sentiments humains qui réalise de plus près nos rêves de chastes voluptés célestes.

    » Dans toues les allusions de l’auteur de Childe-Harold à sa passion pour Mary Chaworth, circule un souffle de tendresse et de pureté presque spirituelle, qui contraste violemment avec la grossièreté terrestre qui pénètre et défigure ses poèmes d’amour ordinaires. Le Rêve, où se trouvent retracés ou au moins figurés les incidents de sa séparation d’avec elle au moment de son départ pour ses voyages, n’a jamais été surpassé (jamais du moins par lui-même) en ferveur, en délicatesse, en sincérité, mêlées à quelque chose d’éthéré, qui l’élève et l’ennoblit. C’est ce qui permet de douter qu’il ait jamais rien écrit d’aussi moins universellement populaire. Nous avons quelque raison de croire que son attachement pour cette Mary (nom qui semble avoir eu pour lui un enchantement particulier) fut sérieux et durable. Il y a de ce fait cent preuves évidentes disséminées dans ses poèmes et ses lettres, ainsi que dans les mémoires de ses amis et de ses contemporains. Mais le sérieux et la durée de cet amour ne vont pas du tout à l’encontre de cette opinion que cette passion (si on peut lui donner proprement ce nom) offrit un caractère éminemment romantique, vague et imaginatif. Née du moment, de ce besoin d’aimer que ressent la jeunesse, elle fut entretenue et nourrie par les eaux, les collines, les fleurs et les étoiles. Elle n’a aucun rapport direct avec la personne, le caractère ou le retour d’affection de Mary Chaworth. Toute jeune fille, pour peu qu’elle ne fût pas dénuée d’attraction, eût été aimée de lui dans les mêmes circonstances de vie commune et de libres relations, que nous représentent les gravures. Ils se voyaient sans obstacle et sans réserve. Ils jouaient ensemble comme de vrais enfants qu’ils étaient, ils lisaient ensemble les mêmes livres, chantaient les mêmes chansons, erraient ensemble la main dans la main à travers leurs propriétés contiguës. Il en résulta un amour non seulement naturel et probable, mais aussi inévitable que la destinée même.

    » Dans de telles circonstances, Mary Chaworth (qui nous est représentée comme douée d’une beauté peu commune et de quelques talents) ne pouvait manquer d’inspirer une passion de ce genre, et était tout ce qu’il fallait pour incarner l’idéal qui hantait l’imagination du poète. Il est peut-être préférable, au point de vue du pur roman de leur amour, que leurs relations aient été brisées de bonne heure, et ne se soient point renouées dans la suite. Toute la chaleur, toute la passion d’âme, la partie réelle et essentielle de roman qui marquèrent leur liaison enfantine, tout cela doit être mis entièrement sur le compte du poète. Si elle ressentit quelque chose d’analogue, ce ne fut sur elle que l’effet nécessaire et actuel du magnétisme exercé par la présence du poète. Si elle y correspondit en quelque chose, ce ne fut qu’une correspondance fatale que lui arracha le sortilège de ses paroles de feu. Loin d’elle, le barde emporta avec lui toutes les imaginations qui étaient le fondement de sa flamme — dont l’absence ne fit qu’accroître la vigueur ; tandis que son amour de la femme, moins idéal et en même temps moins réellement substantiel, ne tarda pas à s’évanouir entièrement, par la simple disparition de l’élément qui lui avait donné l’être. Il ne fut pour elle en somme, qu’un jeune homme qui, sans être laid ni méprisable, était sans fortune, légèrement excentrique et surtout boiteux. Elle fut pour lui l’Égérie de ses rêves — la Vénus Aphrodite sortant, dans sa pleine et surnaturelle beauté, de l’étincelante écume au-dessus de l’océan orageux de ses pensées. »

  11. William Motherwell (1797-1835) critique et poète écossais ; il publia en 1822 la collection de ses poésies sous ce titre : « Poems, narrative and Lyrical. » On a publié en 1851 des Poèmes posthumes. Il est aussi remarquable dans ses poèmes élégiaques et tendres que dans ses chants de guerre.