Enquête sur l’influence des lettres scandinaves (Stéphane Mallarmé)

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XIV

Une enquête telle qu’on ne peut s’en tirer par une pirouette ou un jeté-battu : je mettrai les pieds dans le plat. Laissons toutes littératures étrangères — notre romantisme et vingt ans récents de vers paraîtraient en jeu — autres que celle Scandinave, à quoi je retiens l’allusion. Mon sens est que ce Nord influença jusqu’ici les chevelures, quelques fronts et des yeux, comme montre une salle de théâtre ; mais, il faut à ces signes extérieurs intimes une durée considérable, la génération voire plusieurs, pour se transposer au livre, objet, d’abord, fermé. Le poète puise en son individualité, secrète et antérieure, plus que dans les circonstances même exaltant celle-ci, admirables, issues du loin ou simplement de dehors.


Stéphane Mallarmé