Essai sur l’amaurose

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ÉCOLE IMPÉRIALE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE




ESSAI
SUR
L’AMAUROSE




THÈSE
POUR L’OBTENTION DU
DIPLÔME DE MÉDECIN-VÉTÉRINAIRE
Présentée au Jury de l’École vétérinaire de Toulouse
le 27 juillet 1867
par
Charles DELBREIL
médecin-vétérinaire
Né à Sauzet (Lot).




TOULOUSE
IMPRIMERIE DE J. PRADEL ET BLANC
6 rue des gestes 6



1867

À MES PARENTS




À MES PROFESSEURS




À MES AMIS

JURY D’EXAMEN
――
MM. BOULEY Inspecteur-général.
LAVOCAT Directeur.
LAFOSSE Professeurs.
LARROQUE
GOURDON
SERRES
Bonnaud Chefs de Service.
Mauri
Bidaud


――✾oo✾――


PROGRAMME D’EXAMEN


INSTRUCTION MINISTÉRIELLE
du 22 octobre 1866.
――


THÉORIE Épreuves
écrites
1o Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2o Dissertation sur une question complexe d’Anatomie, de Physiologie et d’Histologie.
Épreuves
orales
1o Pathologie médicale spéciale ;
2o Pathologie chirurgicale ;
3o Manuel opératoire et Maréchalerie ;
4o Thérapeutique générale, Posologie et Toxicologie ;
5o Police sanitaire et Jurisprudence ;
6o Hygiène, Zootechnie, Extérieur.
PRATIQUE Épreuves
pratiques
1o Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2o Examen clinique d’un animal malade ;
3o Examen extérieur de l’animal en vente ;
4o Analyse des sels ;
5o Pharmacie pratique ;
6o Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.

PRÉFACE.

(Oculos habent et non videbunt.)

Jusqu’à présent de grands doutes ont plané sur la maladie qui fait l’objet de ma tentative, et les obstacles à vaincre pour résoudre cette question ardue sont de telle sorte, que la plupart des savants de nos deux médecines n’ont pu leur donner en bien des points une solution satisfaisante. De cela, il ne faut pas inférer que nous sommes fatalement condamnés à être privés à tout jamais de ces importantes explications. Ce jugement, par trop austère, se trouve évidemment renversé par l’exemple des révélations croissantes de la science qui nous sont journellement signalées et dont il ne nous est pas permis de tracer les limites.

Espérons donc beaucoup de l’avenir, joint à l’esprit de dévouement et de persévérance qui animent les hommes rendus dépositaires des destinées de l’enseignement, ainsi qu’un certain nombre de dignes praticiens inspirés d’une noble et louable émulation.

En attendant cet heureux succès, il est une tâche que chacun des membres de cette grande association devrait regarder comme obligatoire : c’est de payer le tribut qu’il doit en échange des dons qu’il en a reçus et, par suite, prendre part à l’édification du précieux monument dont ses descendants auraient à jouir des avantages de la tradition, s’il n’en profite lui-même.

Tout en me rendant parfaitement compte des difficultés qui pullulent dans ce sujet, de l’embarras qu’ont éprouvé les auteurs qui ont entrepris de le décrire, puisque souvent ils ont été astreints au silence, ou à ne répondre que par des hypothèses hasardées. Ce résultat incomplet de mes devanciers plus habiles, plus éloquents, et surtout plus érudits qu’il ne m’est permis de l’être dans l’humble condition où je me trouve, devrait faire accuser mon essai de témérité. Quoique dans un état plus précaire, je n’en tenterai pas moins d’apporter le fruit de ma faible expérience que j’appuierai de documents pris aux écrits des médecins et des vétérinaires, pour participer à l’œuvre commune.

Si minimes que soient les éclaircissements que je me propose de joindre aux bases déjà établies, ils pourraient, il me semble, être de quelque utilité, si ce n’est par l’importance de leurs révélations, c’est en fournissant des données qui peuvent guider les expérimentateurs dans la voie des observations capables de confirmer les principes admis, ou d’en créer d’autres plus authentiques ou mieux conçus.

L’un des principaux buts de ce travail repose sur le rapprochement de l’amaurose des animaux de celle de l’homme et l’identité est assez manifeste. Par suite de cette grande analogie, je me crois autorisé à faire de nombreux emprunts aux faits classiques ainsi qu’aux lois posées en médecine humaine pour en faire découler, en les associant aux fruits de la vétérinaire, la possibilité de tirer de grands bénéfices des connaissances acquises et des admissions avérées.

Non-seulement ces avantages peuvent profiter pour sa thérapeutique, principale importance, mais également pour son étiologie, son diagnostic, sa nature, etc., desquels il est si important de se rendre compte pour la prescription de la médication curative ou de la prophylaxie.

Disposant de ces ressources, il nous sera permis de tracer, en suivant la méthode ordinairement employée pour les descriptions pathologiques, les notions qui peuvent faire connaître la maladie dans tous ses détails, tout en laissant subsister à regret les hypothèses auxquelles il n’est pas possible de répondre d’une façon positive dans la position actuelle de la science.

Je signalerai, en outre, un cas que j’ai observé à la clinique de l’École qui m’a paru d’une grande importance, vu que je n’en ai pas trouvé de semblable rapporté dans nos diverses publications. Il démontre la possibilité d’avoir à constater la complication du vertige essentiel par l’amaurose. Jusqu’ici, on n’en avait signalé l’apparition qu’à la suite du vertige abdominal ; du moins les annales scientifiques ne fournissent d’exemple de cette funeste conséquence que pour cette dernière variété.

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ESSAI SUR L’AMAUROSE




Définition. L’aumaurose est une maladie de l’œil consistant dans un affaiblissement ou l’abolition complète de la faculté visuelle qui ne peut s’expliquer par des lésions matérielles des parties constituantes du globe oculaire, du nerf optique ou des divisions encéphaliques qui sont en corrélation avec ce filet nerveux.

Cette affection peut frapper les différentes espèces d’animaux domestiques ; mais c’est principalement sur les solipèdes et le chien qu’on l’observe. Marrimpoey, se basant sur sa pratique, a établi qu’elle se présentait plus communément sur le cheval que sur l’âne et le mulet.

Synonymie. Indépendamment de sa dénomination usuelle (amaurose), on l’a encore désignée par le nom de goutte-sereine, c’est du reste le titre sous lequel les hippiatres l’ont généralement décrite et qui lui a été conservé dans le langage vulgaire. Dans la vieille hippologie, elle portait le nom de mydriase ; enfin on l’a aussi nommée cataracte noire.

Quand on n’a à faire qu’à une diminution de la vue, on l’appelle amblyopie, qui n’est souvent que la période initiale de l’amaurose confirmée.

Historique. Les annales vétérinaires ne renferment pas beaucoup de documents ayant trait à cette maladie, ce qui semble tenir à la difficulté que devait donner sa constatation sur les animaux à la naissance, pour ainsi dire, de notre médecine, en raison de l’absence des lésions expliquant le trouble fonctionnel et, aussi, à cause des nombreuses lacunes que présentait la science à cette époque, au sujet du système nerveux et surtout de son rôle. Voilà pourquoi son histoire est encore très obscure.

Solleysel n’a pas fait mention de la goutte-sereine dans ses écrits ; de Garsault, qui est venu quelque temps après lui, décrit dans son ouvrage, intitulé : Le Parfait maréchal, plusieurs maladies de l’œil ; mais n’en dépeint aucune ayant de l’analogie avec la paralysie de la rétine ou du nerf optique.

Cela prouve assez qu’elle devait être inconnue à cette époque. Lafosse, dans son Dictionnaire d’hippiatrique, définit bien cette maladie, en donne les principaux symptômes et admet qu’ils sont dus à la paralysie du nerf optique. Il la considère comme essentiellement incurable, ce qui porte à admettre qu’il s’en exagérait la gravité. Du reste, un grand nombre de guérisons obtenues établissent assez clairement combien cette sentence, qui condamne à une perpétuelle cécité, est par trop exclusive.

Par conséquent, ce n’est guère que dans les écrits des auteurs du commencement de ce siècle que l’on peut trouver l’exposé plus ou moins authentique et détaillé de l’amaurose des animaux.

Parmi les vétérinaires contemporains qui s’en sont le plus occupés, on doit ranger Gellé, Delafond, Renault, Gohier, Riss, Marrimpoey, MM. Bouley, Lafosse, Leblanc, etc. ; parmi les médecins, un bien grand nombre l’ont spécialement étudiée ; nous savons que certains d’entr’eux sont presque exclusivement oculistes, ce qui leur permet d’être très exercés dans ce genre d’affections, favorable condition qu’il n’est pas possible de réaliser dans notre profession.

Nature. Cette affection est due, d’après Vatel, à la paralysie de la rétine, à celle du nerf optique, ou à l’atrophie de ce nerf, et, lorsqu’elle est ainsi produite, il la considère comme idiopathique ; mais il prétend qu’elle peut dépendre d’une congestion cérébrale, d’une accumulation de sérosité dans les ventricules cérébraux, ou d’un état morbide du cerveau ou de ses enveloppes, de même que des os du crâne et surtout de ceux qui concourent à la formation de la cavité orbitaire. Dans ce dernier cas, elle serait symptomatique.

En raison de cela, cet auteur fait rentrer l’amaurose dans les asthénies du sentiment. Du reste, en vétérinaire, comme dans la médecine de l’homme, on s’accorde à reconnaître que les symptômes observés dans cette maladie, doivent être attribués à une paralysie de la sensibilité du nerf chargé de transmettre au cerveau les impressions produites par la lumière sur l’œil. Dans la classification nosologique de M. Lafosse, elle rentre dans le groupe des névroses.

Divisions. Elle offre à distinguer, en effet, une variété symptomatique et l’autre idiopathique ou essentielle ; c’est principalement de cette dernière que nous aurons à nous occuper.

On peut encore lui reconnaître une forme sthénique ou asthénique.

Selon qu’elle frappe un œil ou les deux yeux à la fois, on la dit simple ou double, unioculaire ou biloculaire, cette dernière est la plus généralement observée ; il est vrai qu’elle peut débuter par un œil et y limiter son siège pendant un certain temps, mais habituellement elle envahit l’autre.

Il est de remarque que, lorsqu’elle est uniloculaire, elle est généralement causée soit par une blessure, soit par la compression du nerf optique d’un côté, l’autre restant épargné ; ce qui aurait principalement lieu dans les cas où cette action morbifique se produirait dans l’orbite ; car, si sa cause était intra-crânienne, ou postérieure au chiasma, l’affection serait moins limitée.

Nous ne tiendrons pas compte du type intermittent sous lequel elle pourrait se présenter, comme le prouve le fait suivant, constaté par M. Higniard sur une jeune fille qui se plaignait d’un affaiblissement de la vue, commençant tous les jours à deux heures de l’après-midi et augmentant graduellement jusqu’à cinq heures, où la vision était tout-à-fait perdue. Ensuite elle se rétablissait peu à peu.

Quand la vision est entièrement abolie, l’affection est dite complète ou confirmée et, dans le cas contraire, incomplète.

Étiologie. Il est des cas où les causes sont saisissables et dont la formation de la maladie s’explique jusqu’à un certain point ; mais il en est d’autres où l’on ne peut s’en rendre compte. Ces causes doivent être divisées en directes ou déterminantes et indirectes, dans lesquelles on pourrait faire entrer les causes occasionnelles et prédisposantes.

Causes directes. Elles comprennent toutes celles dont l’action pathogénique s’exerçant directement sur l’appareil de la vision, peuvent produire des troubles fonctionnels de la rétine, du nerf optique et du cerveau, alternatifs ou simultanés.

Nous ferons entrer en première ligne dans cette catégorie, les causes traumatiques, telles que les ébranlements de l’œil à la suite de coups portés sur la tête et surtout dans la région oculaire, sans que l’on puisse constater de lésions produites. En pareil cas, il est plausible d’admettre que la rétine, après avoir été ébranlée, a pu devenir impropre à remplir ses fonctions, soit instantanément, soit à la suite de l’inflammation qu’occasionne la commotion plus ou moins violente. Parmi les faits d’observation qui prouvent l’authenticité de ces dernières influences, il est bon de prendre en considération l’exemple suivant, rapporté par Marrimpoey, où la maladie se serait développée subitement à la suite d’un fort coup de bâton qui fut asséné sur la tête d’un cheval par son conducteur, qui voulait le châtier d’une chute qu’il venait de faire. Lorsque les animaux tombent, il peut en résulter les mêmes désagréments.

Viennent ensuite les blessures de l’œil par les instruments piquants ou les projectiles, tels que : les grains de plomb ou les balles, comme cela se rencontre souvent sur les chiens de chasse et les chevaux de l’armée. Les opérations nécessitant la ponction de quelques parties de l’œil, ainsi que cela a lieu dans la cataracte, agissent dans le même sens. Ici se présente encore la question difficile de savoir si la blessure produit une lésion instantanée irrémédiable ou si celle-ci n’arrive que consécutivement à l’inflammation rétinienne. Cependant, si l’on considère qu’à la suite des opérations, les malades commencent par distinguer un peu et qu’ils perdent plus tard, par l’amaurose qui en est la conséquence, la vision qu’ils avaient en partie recouvrée, on en conclura que, du moins dans ces cas, l’affection est produite plutôt par l’inflammation traumatique que par la blessure elle-même.

Des tumeurs osseuses, comprimant le nerf optique ou la partie cérébrale affectée à la vision, pourraient également la produire. Le passage subit d’un lieu obscur dans un lieu éclairé par une lumière très intense ; l’influence sur l’œil de la lumière si éclatante des éclairs ; l’action des rayons lumineux reflétés par le sable ou la neige ; une grande fatigue des organes visuels, ce qui a lieu pour les chiens employés à l’exercice de la chasse ; l’exposition pendant un certain temps aux effets du rayonnement solaire ; un froid trop humide ; une congestion sanguine de l’œil, sont autant de causes qui, seules ou conjointes, peuvent produire cette grave maladie, susceptible d’offrir, selon la nature de ses causes, un type particulier qu’on peut appeler congestif ou sthénique.

Expérimentalement, parait-il, on peut faire développer très facilement l’amaurose. Il suffit pour cela de pratiquer une incision avec une paire de ciseaux sur le nerf optique, dans le fond de la cavité orbitaire, et le résultat est instantané.

La production de cette maladie peut être déterminée sur le cheval en introduisant un corps étranger solide entre la voûte crânienne et les lobes cérébraux. Quand la compression n’est faite que d’un côté, l’effet est généralement croisé. C’est par une action de cette nature que les moutons affectés de tournis deviennent souvent amaurotiques lorsque le cœnure se développe.

D’après les opinions émises par M. H. Bouley, dans le Nouveau Dictionnaire pratique, l’action déterminante d’un certain nombre de causes que nous venons d’énumérer et qui sont généralement adoptées, serait très douteuse. Pour mieux rendre la pensée de cet auteur sans la dénaturer, nous allons reproduire textuellement l’exposé de ses assertions :

« Quant à l’influence sur l’œil d’une vive lumière, soit solaire, soit électrique et aux effets du passage brusque de l’obscurité profonde à la clarté la plus vive, comme causes de développement de l’amaurose, nous ne connaissons aucun fait qui en témoigne ; tout ce que l’on sait jusqu’à présent, tend au contraire à prouver que ces causes admises par analogie demeurent sans efficacité sur nos animaux. Ainsi, d’après les renseignements que nous avons recueillis et d’après ceux que nous avons observés par nous-même, il n’a jamais été constaté que les animaux qui sont logés dans des caves, que les bestiaux qui habitent des étables obscures, que les lapins qui vivent dans des tonneaux presque clos, soient plus exposés à l’amaurose que les animaux qui sont soumis à de meilleures conditions hygiéniques. Suivant une communication inédite que nous a faite, en 1849, feu Dormont, alors vétérinaire à Rive-de-Gier, les chevaux qui sont utilisés en grand nombre à l’exploitation des mines de charbon dans le bassin de la Loire, ne seraient pas exposés à l’amaurose lorsqu’ils revoient la lumière, chose du reste assez exceptionnelle, car ordinairement, une fois descendus dans les puits, ils n’en ressortent plus vivants. »

Voici, entr’autres, un fait très curieux qui tend à prouver que le cheval est moins impressionnable que l’homme, au passage brusque de l’obscurité à la lumière :

« Un cheval d’un puits de Rive-de-Gier était devenu incapable de rendre des services par excès d’usure. M. Dormont le fit sortir de la mine après onze ans de séjour dans sa profondeur. Dès qu’il revit le soleil, l’animal fit entendre à plusieurs reprises des hennissements de joie. On l’abandonna à lui-même afin de constater si sa vue n’était pas affaiblie ou abolie et s’il pourrait se guider.

« L’animal n’avait perdu ni la vue, ni la mémoire, il se rendit directement à son ancienne écurie et à la place exacte qu’il occupait onze ans auparavant, comme s’il ne l’avait quittée que depuis la veille.

« Pour ce qui est de l’influence de l’insolation et de la réflexion les rayons lumineux par la neige ou les sables, rien n’indique que les animaux y soient impressionnables. Dans l’histoire que nous ont donnée nos vétérinaires d’Afrique des maladies des chevaux de ce pays, il n’est pas question de l’amaurose comme d’une maladie commune à observer, ce qui devrait être si l’insolation ou la réflexion de la lumière avait une influence marquée sur son développement.

« Mais il n’en est pas de même de l’ophthalmite ou inflammation générale du globe de l’œil ; assez souvent cette maladie, quel que soit le type qu’elle affecte, continu ou intermittent, a pour conséquence fatale l’amaurose. M. Leblanc (loc. cit.), rapporte le fait d’une jument qui lui servait de monture et qui était affectée d’une amaurose simple à la suite d’une attaque de fluxion périodique. De pareils faits ne sont pas rares. Héring et Percivall en citent. »

La pléthore, comme l’a constaté Marimpoey, peut la déterminer, surtout quand elle se produit trop rapidement. Beaucoup de sujets deviennent amaurotiques après avoir présenté les symptômes d’une congestion cérébrale passagère ou persistante ; par conséquent, la paralysie de la rétine et du nerf optique est consécutive à l’autre affection ; néanmoins, dans ce dernier cas, elle est encore sthénique.

Causes indirectes. Les états et les circonstances, admis comme causes indirectes de cette maladie, sont très variés et souvent leur mode d’action est inexplicable. On doit ranger dans cette catégorie les causes prédisposantes ; ainsi, dans l’espèce humaine, on a observé que les femmes étaient plus souvent frappées d’amaurose que les hommes, des faits très importants ont été recueillis à ce sujet. Il a été reconnu que la cessation des menstrues et la gestation avaient une influence très grande sur la production de cette maladie. Ainsi, les Annales d’oculistique reproduisent une note communiquée par M. Santesson au Journal d’Édimbourg sur un cas d’amaurose fort curieux.

Il s’agit d’une femme qui a eu huit grossesses consécutives et dans une période de dix ans. Elle fut atteinte d’amaurose complète et double pendant les cinq derniers mois de ses gestations. Après chaque délivrance, elle récupérait entièrement sa vue que chaque grossesse rendait de plus en plus faible ; et cette faiblesse durait aussi plus longtemps. On remarqua que l’amaurose suivait une marche analogue et mettait également chaque fois plus de temps à disparaître. Ainsi, dans les premières grossesses, la vue se rétablissait une semaine après l’accouchement ; tandis qu’après les dernières délivrances, il se passa un mois avant que le retour de la vision fût complet. Dans le journal de Naples (Il Filiatre Sebezio), il est rapporté un cas d’amaurose complète, développée à la suite d’une aménorrhée, produite par une frayeur violente, sur une fille de dix-sept ans, jouissant d’une parfaite constitution.

Les travaux scientifiques publiés en médecine humaine relatent plusieurs faits de ce genre. Un vétérinaire, Riss, a publié, dans le Recueil de médecine vétérinaire, deux faits observés sur des femelles domestiques, qui concordent assez bien avec ceux rapportés par les médecins. Ces observations ont été faites sur deux juments en état de gestation. Celle qu’il soigna en premier lieu était âgée de neuf ans et présentait une amaurose double ; il eut recours à un traitement révulsif qui fut sans effet. Néanmoins, comme le part devait bientôt s’opérer, il n’en entreprit pas d’autre avant la délivrance, se résignant à laisser la maladie poursuivre son cours jusqu’à cette époque, après laquelle il pourrait user d’un traitement mieux approprié.

Le lendemain de la mise-bas, le propriétaire put s’assurer que sa bête avait recouvré la vue, aussi on n’eut pas besoin de recourir à l’usage de moyens curatifs. Le praticien aux soins duquel on l’avait confiée put s’assurer, quelques jours après, que les yeux étaient redevenus sensibles à la lumière.

La seconde jument soignée par ce même vétérinaire, était âgée de sept ans et presque à terme, quand elle fut frappée d’amaurose double aussi. Riss, guidé par l’exemple précédemment cité, conseilla de ne pas faire de traitement avant la mise-bas, et le succès fut aussi complet et à peu près analogue au premier ; car, le surlendemain du jour de la délivrance, la bête avait la faculté visuelle parfaitement rétablie.

Quelques auteurs, et entre autres Demours, Sanson et Beer, en ont admis l’hérédité pour l’homme ; et ils basent leur opinion sur des exemples fournis par certaines familles dont tous les membres ont perdu la vue à un âge plus ou moins avancé.

Dans nos annales ou nos écrits classiques, on ne lit guère de cas propres à faire admettre l’hérédité pour nos espèces domestiques ; cela pourrait tenir à l’imperfection ou à l’absence presque complète de documents statistiques ou, encore, à la circonspection que doivent mettre les propriétaires dans le choix de leurs étalons. Il est très probable, et l’on doit s’en applaudir, qu’un étalon, reconnu amaurotique, ne serait pas aisément accepté pour la reproduction. Néanmoins, beaucoup de femelles, rendues aveugles par cette maladie, sont pourtant utilisées comme poulinières. Dans tous les cas, la constatation de sa transmission originelle ou d’une prédisposition à la contracter serait d’une grande importance pratique et devrait faire prendre des mesures prophylactiques appropriées.

Cependant, M. Bouley pense qu’elle peut être héréditaire, et le paragraphe suivant, emprunté à la description de l’amaurose, faite par cet auteur dans le Nouveau dictionnaire pratique, fera facilement comprendre sur quoi est fondée cette opinion. « Comme la fluxion périodique du cheval est héréditaire, ce n’est pas, pensons-nous, forcer les analogies que d’admettre que l’amaurose, qui en est une des suites possibles, participe aussi de cette redoutable propriété. »

La diminution et la suppression brusque des sécrétions, peuvent aussi participer puissamment à la production de l’amaurose. En pathologie humaine, cette assertion est adoptée unanimement ; pour la faire prévaloir en vétérinaire, on peut s’appuyer sur l’observation suivante, recueillie encore par Riss et reproduite dans le Nouveau dictionnaire pratique. Cet exemple est fourni par une jument nourrice qui parvint à s’échapper de son écurie à la rentrée d’une longue course pour aller, encore suante, s’abreuver à un ruisseau. Le lendemain, les mamelles furent tuméfiées, dures, douloureuses et presque taries ; on fit un traitement approprié et la tuméfaction des mamelles diminua sensiblement ; mais la vue s’affaiblit, sans qu’il fût possible de constater de trouble dans les parties constituantes de l’œil. Deux jours après, les mamelles étaient flasques, la sécrétion laiteuse était interrompue et la bête était frappée d’une cécité qui persista toujours.

Lorsque des sécrétions anormales sont déjà établies depuis longtemps, soit naturellement, soit artificiellement, comme des eaux aux jambes, des exutoires, etc., leur suppression subite peut amener indirectement une amaurose, ainsi que le prouvent des cas de ce genre insérés dans les ouvrages de médecine humaine.

On cite encore, comme causes indirectes de cette maladie pour l’homme, les violentes colères, les vives émotions, les pertes séminales, les abus du coït, les maladies de la moelle, les coups sur la colonne vertébrale, la présence de vers dans l’intestin, la diarrhée chronique, la colique saturnine, l’usage abusif du mercure et de ses préparations, de même que celui de la belladone, l’insuffisance ou la mauvaise qualité de la nourriture, l’alimentation habituelle avec du riz, et les lésions du nerf de la cinquième paire.

La plupart de ces causes peuvent être considérées comme efficientes dans le même genre pour nos animaux, quoique sur eux on n’ait pas signalé des faits démontrant leur action ; mais il serait à désirer que les vétérinaires qui seront appelés à soigner des sujets ainsi affectés, cherchassent à se rendre compte de l’étiologie de cette maladie (précieux indice pour la médication), qui résiste souvent aux traitements les mieux conçus, et que, par cela même, il serait d’autant plus important de prévenir.

Souvent, l’amaurose vient compliquer d’autres maladies ; notamment des affections nerveuses, décrites en vétérinaire sous le nom de vertige. Les auteurs et nos différents journaux rapportent un assez grand nombre de cas où cette complication a été trouvée, et elle parait avoir été constatée principalement dans la variété décrite sous le nom de vertige abdominal ou indigestion vertigineuse.

Quoique plus fréquente dans le vertige abdominal que dans les deux autres, comme semblent le confirmer les publications, les perturbations organiques qui règnent dans le vertige par altération du sang et surtout dans la méningo-encéphalite aiguë, ou vertige essentiel, sont de nature à faire admettre la possibilité de cette complication. D’autant plus que le fait suivant, observé à la clinique de notre École, démontre la rectitude de cette assertion.

Il consiste dans un vertige essentiel qui fut guéri par un traitement rationnel et, au moment où les symptômes de la méningo-encéphalite disparaissaient, il survint subitement une amaurose double de laquelle on triompha aussi. Voici comment cela se passa :

Il y a trois ans environ, une jument bretonne, âgée d’une vingtaine d’années, mère et nourrice, mais assez bien conservée, fut conduite dans nos hôpitaux, où je dus la soigner de concert avec un de mes condisciples.

D’après les renseignements donnés par son propriétaire, cette bête avait eu un vertige six ans auparavant, et des traces de sétons, qui paraissaient encore à l’encolure, rendirent cet aveu vraisemblable. Depuis sa guérison, elle avait toujours fait un excellent service et avait été livrée à la reproduction. Soumise à une course fatigante, elle avait présenté à la suite les symptômes de la méningo-encéphalite aiguë, pour laquelle nous la traitâmes, immédiatement après que M. Lafosse en eut porté le diagnostic et prescrit la thérapeutique. Son examen accompli, notre professeur manifesta la crainte que ces troubles fonctionnels fussent dus à l’influence de lésions anciennes de l’encéphale. Par l’application des moyens curatifs qui furent ordonnés, nous pûmes obtenir une amélioration graduelle et, au bout de six ou sept jours, elle était complètement guérie ; quand tout-à-coup elle est devenue aveugle, et on a reconnu qu’elle était frappée d’amaurose. Pour la guérir, on fit des frictions de teinture de noix vomique autour des paupières et de pommade de strychnine sur le globe oculaire ; on appliqua ensuite un séton de chaque côté de la tête, en dessous de l’apophyse zygomatique, tout en ayant soin de maintenir la suppuration à deux autres sétons qui existaient déjà à l’encolure, de même que deux grandes plaies latérales produites par des vésicatoires. Malgré cela, l’état pathologique persistant, on remplaça la teinture de noix vomique par les frictions faites sur les paupières avec l’infusion d’ail et, peu de temps après, on suppléa à ces diverses substances par la pommade de Gondret, qui fut employée en frictions sur les paupières et sur l’œil.

Deux jours après que la pommade ammoniacale précédente eut été utilisée, on signala que la vue se rétablissait à l’œil gauche, mais vaguement ; la cécité datait déjà de sept jours. Enfin la vision se rétablit petit à petit ; mais la guérison était incomplète, il faut l’avouer, lorsque le propriétaire vint la retirer pour la remettre à son service primitif.

Elle peut survenir aux solipèdes plus ou moins longtemps après leur castration, probablement par suite de l’hémorragie qui en résulte. On a considéré, il est vrai, les émorragies comme causes indirectes de l’amaurose et dans les deux médecines, il est fourni des preuves à l’appui de cette assertion. Pour mieux prouver la possibilité de production d’une amaurose par la précédente opération, nous emprunterons au Dictionnaire d’hippiatrique de Cardini, l’opinion de cet auteur qui reconnaît cette conséquence réalisable. M. Gourdon comprend cette funeste complication dans les accidents consécutifs au manuel opératoire de l’émasculation, en l’attribuant également à la perte du sang qui se produit à cause de la non-oblitération de l’artère testiculaire. Notre professeur, d’autant plus, n’établit pas cette théorie sur le raisonnement ; seul, il la base sur des exemples concluants où ce résultat funeste a eu lieu, qui sont dus à Fromage de Feugré, Gohier, Hurtrel d’Arboval, Riss et Delwart, tous d’un talent si avéré qu’il n’est pas possible de douter de la justesse de ces appréciations.

M. H. Bouley range encore dans cette même série de causes l’influence de l’âge, et il considère les animaux très vieux des espèces bovine, équine et canine, comme les plus enclins à contracter la cécité sans altérations appréciables des parties de l’œil. Les médecins, au contraire, tout en admettant qu’elle est susceptible d’apparaître à tout âge, la disent plus fréquente sur les adultes que sur les enfants et les vieillards.

L’amaurose est assez souvent compliquée d’autres maladies oculaires de même que des autres organes. Chez l’homme, elle est quelquefois symptomatique de certaines affections, telles que : l’albuminurie, ainsi que M. Landouzy l’a avancé en 1849 et que c’est à présent reconnu ; l’hémorragie cérébrale, le ramollissement du cerveau, l’intoxication saturnine, la chlorose, l’hystérie, l’épilepsie, le diabète, et, selon Demours et M. Bouchardat, les pertes séminales, la scarlatine, etc.

Cela peut aussi avoir lieu sur les animaux pour celles de ces maladies précédentes qui peuvent les attaquer et, dans ces cas, l’étiologie de la maladie de l’œil que nous envisageons, est la même que celle de ces états morbides.

Si le mode d’action des causes directes s’explique assez aisément par les lésions des organes préposés aux fonctions visuelles, il n’en est pas de même pour les causes indirectes, vu qu’il est presque impossible de saisir si c’est par une action sur le cerveau ou sur la rétine, par une congestion ou un affaiblissement, par un excès ou un défaut de vitalité que le trouble survient.

M. H. Bouley a appelé l’attention sur un cordon du grand sympathique qui aboutit à l’organe de la vision et le met en relation avec les autres appareils dont il peut rendre les impressions qu’il en reçoit, C’est par cette espèce de liaison que l’on pourrait expliquer la production de l’amaurose par les causes indirectes, et les différentes expressions de l’œil prises à la suite de quelques troubles fonctionnels.

Cette explication toute physiologique est très logique, et il est fort possible que c’est par ce jeu organique que s’accomplissent les phénomènes que je viens d’énumérer.

Quelquefois l’amaurose survient instantanément et sans aucune espèce de phénomènes précurseurs ; dans ces cas, on ne peut assigner aucune cause éloignée à la maladie ; mais il est alors probable que sa cause rapprochée a été une apoplexie de la rétine ou une apoplexie cérébrale qui peut être limitée aux couches optiques ou aux tubercules quadrijumeaux.


Prodromes. On a signalé en médecine humaine, quelques cas où l’amaurose était précédée de douleurs névralgiques circum-orbitaires ou intra-orbitaires. M. Tavignot a fait remarquer, il y a quelque temps, une forme particulière de cette affection se caractérisant ainsi et qu’il a désignée par le nom d’amaurose névralgique ; mais la relation de cause à effet établie par cet auteur, entre la névralgie et la paralysie de la rétine, ainsi que l’explication qu’il donne de ce phénomène, sont inacceptables. Ce qu’il y a de plus probable, c’est que la cause inconnue qui amène la névralgie, exerce en même temps sur la rétine et le nerf optique une certaine action qui se traduit par la suppression de leur rôle.

Cependant, il faut l’avouer, d’autres médecins ont admis ce rapprochement des névralgies et des paralysies. Ainsi Valleix, dans son Traité des névralgies ou affections douloureuses des nerfs, ouvrage couronné par l’Académie de médecine, considère comme des symptômes de névralgie les demi paralysies et l’émaciation observées dans quelques cas de névralgies très violentes.

À l’appui de cette opinion, l’auteur que je viens de nommer cite les observations de ce genre faites par Cotugno dans la névralgie sciatique, dont ce dernier s’était spécialement occupé. Voilà les seuls préludes de la manifestation de l’amaurose.

Si les auteurs vétérinaires ne sont pas aussi bien renseignés que les médecins pour ce qui est du domaine des névralgies, cela tient à la difficulté qu’il y a pour les constater, à l’absence de lésions appréciables et à ce que les sujets que nous sommes destinés à traiter ne les accusent par aucune douleur. Aussi passent-elles facilement inaperçues et par suite est-on peu fixé à leur égard.


Symptomatologie. Les symptômes fournis par l’amaurose varient, selon qu’elle est incomplète ou complète.

Incomplète. Dans l’amaurose incomplète, dite encore amblyopie, un affaiblissement de la vue, qui peut ne se produire qu’après une certaine fatigue, annonce la période initiale de l’affection. Nous lui reconnaîtrons des signes fonctionnels et des signes objectifs ou anatomiques.

Signes fonctionnels. Ils consistent toujours en des troubles visuels. Quelquefois le malade semble avoir comme des nuages devant les yeux et les objets lui paraissent confus. D’autres fois, pour les apercevoir, il a besoin de captiver son regard sur les corps dont il veut se rendre compte ; il peut arriver dans cette circonstance que la vue se brouille et devienne impossible jusqu’à ce qu’elle ait été suffisamment reposée. Elle peut donc débuter par plusieurs sortes d’aberrations visuelles.

Dans la médecine humaine, on a vu des sujets chez lesquels les premiers symptômes consistaient en une impossibilité de distinguer quelques couleurs ; pendant que les unes étaient perçues, les autres ne l’étaient pas, comme si la rétine fut devenue d’abord insensible à certaines impressions. Si l’on n’a pas rapporté des observations analogues prises sur nos animaux, sur qui elles doivent naturellement aussi bien s’accomplir que sur l’homme, il faut l’attribuer à la difficulté de leur constatation sur des êtres qui ne peuvent exprimer les sensations qu’ils ressentent par la parole, dont ils ne sont pas doués ; et peut-être aussi doit-on faire la part du manque d’expériences.

L’amaurose incomplète peut encore être précédée par la kopiopie ou asthénopie, la diplopie, la nyctalopie, l’héméralopie, la mydriase et la sémiopie. Ces divers troubles disparaissent et, à leur place, il reste un affaiblissement de la vue qui peut augmenter insensiblement, jusqu’à la formation d’une amaurose complète.

Consécutivement à cette diminution partielle de la vue, l’animal prend des attitudes différentes. Lorsque cette diminution n’a lieu qu’après un certain temps d’exercice, voici ce qui s’observe : en sortant de son habitation, l’animal exécute ses mouvements sans hésitation ; les oreilles conservent leur position ou leurs mouvements normaux ; mais, dès que la fatigue a produit son effet, les appendices de l’organe auditif sont dans une agitation continuelle, se portant tantôt en avant, tantôt en arrière, en dirigeant surtout l’ouverture du côté d’où vient le bruit, pour suppléer par l’ouïe à la vue afin de se rendre compte des lieux et de la situation où il se trouve.

Il ralentit ses allures dans quelques circonstances, tend la tête, regarde avec beaucoup d’attention les objets qui l’entourent, s’arrête parfois, comme effrayé et ne reprend sa marche que quand il parait rassuré. D’autres fois, il rue et recule, n’osant pas se rapprocher de l’objet qu’il n’a pu reconnaître : ce qui prouve combien ces animaux sont craintifs et ombrageux, grave inconvénient pour leur service.

Lorsqu’un seul œil est envahi, l’animal se sert de l’autre pour suppléer à l’inaction du premier ; à la longue, l’œil sain paraît même plus exercé et plus puissant qu’il ne le serait relativement si son congénère fonctionnait.

Signes objectifs. Les principaux symptômes objectifs sont la dilatation de la pupille, la lenteur, la diminution de ses mouvements quand on ouvre et ferme alternativement les paupières dans un endroit bien éclairé. Cependant ils présentent aussi quelques variétés. Ainsi, il est des sujets chez lesquels la pupille oscille pendant quelques instants, c’est-à-dire que tantôt elle se dilate, tantôt elle se resserre sous l’influence de la lumière. D’autres présentent à l’inspection une ouverture pupillaire se dilatant seulement avec lenteur au lieu de se resserrer comme physiologiquement.

Quelquefois, la pupille reste ordinairement serrée, quoique la dilatation soit l’état le plus habituel de cette maladie. Il peut arriver enfin, nais cela est très exceptionnel, que l’on ne trouve pas de changement dans les mouvements pupillaires ; c’est ce qui s’observe particulièrement dans quelques occasions où un seul œil étant malade, on l’explore pendant que l’autre est ouvert, ou bien quand on ouvre et ferme successivement les paupières sur les deux yeux. Pour faire convenablement l’examen de l’amaurose uni-oculaire, il faut tenir fermé l’œil sain pendant qu’on explore l’œil malade.

Un des meilleurs moyens, propres à constater dans quel état se trouve la vue, consiste à frapper avec la main sur la face de l’animal pour le prévenir, et ensuite faire encore avec la main une menace à une assez grande distance pour ne pas lui faire sentir l’air agité par ce mouvement, qui provoquerait l’agitation des paupières, et pourrait faire admettre la vue sur un animal aveugle. On juge aussi de l’intensité de la vue, d’après le degré d’impressionnabilité des sujets par les objets qui les entourent.

Quand on a à constater une kopiopie, il faut procéder à l’examen des yeux avant et après l’exercice, en usant des mêmes précautions que précédemment ; par ce moyen, on y parvient assez aisément. Dans l’amaurose incomplète, il est rare que la couleur de la pupille soit changée. Cette variété incomplète peut persister pendant longtemps ou guérir sans avoir été complète ; mais, le plus souvent, elle passe vite à ce dernier type.

Amaurose complète. L’amaurose complète ou confirmée, a ordinairement pour symptômes la perte absolue de la vision avec dilatation, immobilité et souvent coloration particulière des pupilles ; elle coïncide généralement avec un état asthénique. Quoique immobile, la pupille peut avoir éprouvé une dilatation ou un resserrement ; si cette dilatation acquiert un degré extrême, de façon à simuler une disparition complète de l’iris, elle prend alors le nom de mydriase. Les exemples suivants prouvent que cette règle n’est pas absolue. L’un d’eux est dû à Gohier, qui a observé que l’iris avait conservé une partie de sa mobilité sur un cheval de six ans, rendu aveugle depuis un mois par suite de la paralysie de la rétine. Marimpoey prétend qu’il a vu des mouvements distincts de la pupille des amaurotiques de l’espèce équine, contrairement à l’opinion généralement accréditée. Pour les provoquer, il couvrait l’œil malade pendant quelques minutes, permettant ensuite aux rayons lumineux de le frapper tout d’un coup. Il a aussi remarqué que la dilatation pupillaire n’est pas toujours sensiblement plus grande que celle d’un œil sain.

L’amaurose confirmée est très souvent précédée par l’amblyopie, et, par conséquent, elles ont alors la même étiologie. Quand elle est double, la perte de la vue est portée à un tel point, que les malades ne peuvent distinguer le jour de la nuit, et ils ont une physionomie particulière et caractéristique. Dans leur marche, ils ont l’air de tâtonner, portent la tête au vent, regardent les étoiles, ce que les Anglais indiquent par l’expression Star-gazing, les oreilles se meuvent constamment et semblent très attentives à percevoir les bruits. Les membres antérieurs se relèvent fortement, le centre de gravité est porté en arrière, ce qui indique qu’il exécute ses mouvements avec crainte, il y a de l’hésitation dans le poser des membres, et il est toujours prêt à éviter les obstacles qu’il pourrait rencontrer.

Lorsqu’ils sont attelés avec d’autres, ils paraissent plus rassurés et se laissent en quelque sorte conduire par eux, en prenant les mêmes allures autant que possible. Cela fait qu’il est plus avantageux de les utiliser ainsi.

Les chiens, rendus aveugles par cette maladie, s’aident beaucoup du nez pour se conduire et l’organe de l’odorat, qui est si développé dans l’espèce canine, peut être un puissant auxiliaire pour le diriger dans sa marche craintive.

La pupille, quoique immobile et pouvant se trouver resserrée, est le plus souvent dilatée et son ouverture présente ordinairement un contour ovalaire très régulier. D’autres fois, au contraire, ce contour est irrégulier, angulaire, offrant des déchirures dont les débris se meuvent lorsqu’on met en agitation l’humeur aqueuse par des pressions exercées sur le globe oculaire. Quand l’amaurose confirmée est déjà ancienne, on remarque quelquefois dans le fond de l’œil une teinte grisâtre ou verdâtre qui peut offrir de l’analogie avec celle du glaucome et peut aussi prendre un aspect resplendissant dont les nuances varient suivant les directions du globe, état signalé par M. Lafosse dans son ouvrage de pathologie, et auquel Beer a donné le nom d’œil de chat amaurotique.

Pourtant ces colorations variées, que nous venons d’envisager, ne sont pas exclusivement la propriété de l’affection qui nous occupe, puisqu’elles existent aussi dans d’autres conditions morbides de cet organe.

La physionomie des sujets affectés est dépourvue d’expression ; ils ont l’air étonné, hébété. Au repos, leur regard paraît fixe, les paupières se meuvent fréquemment, les yeux se tournent en divers sens et ne s’arrêtent sur aucun objet, ils sont hagards. Si les animaux ne sont pas entièrement privés de la vue, le faciès conserve un peu de son expression.

Il peut donc se présenter une amaurose complète simple ou double, une amaurose incomplète également simple ou double, enfin ces deux variétés peuvent exister simultanément sur un même animal. C’est par leurs symptômes propres qu’elles se trouvent différenciées. Il est très rare, lorsqu’un œil est affecté d’amaurose confirmée ou même incomplète, que l’autre ne s’en ressente pas.


Diagnostic. Il consiste à reconnaître la maladie et à se rendre compte, si c’est possible, de son intensité, de ses causes ainsi que de sa nature, en se basant sur les signes précédemment rapportés. En médecine humaine, on a des moyens à employer pour ce diagnostic, dont il n’est pas possible de faire usage sur nos animaux qui ne pourraient nous dépeindre les effets qu’ils en ressentiraient : conséquemment, l’épreuve serait infructueuse. Pour inspecter les yeux d’un animal, dans le but de constater s’il est ou non atteint d’amaurose, il convient de le placer sur le seuil d’un appartement un peu sombre, la tête en dehors et tournée vers le soleil.

Nous allons d’abord nous occuper de la variété incomplète qui peut, comme nous l’avons dit, être simple ou double. Dans la première, l’œil épargné est à peu près dépourvu de troubles fonctionnels ; dans l’autre, au contraire, la pupille est dilatée, ses mouvements sont plus lents et diminués. Ces particularités se remarquent dans les deux yeux quand elle est double.

Il est possible que l’on ait un œil atteint d’amaurose confirmée et l’autre d’amaurose incomplète. Chacun d’eux offrira à considérer les signes caractéristiques de l’affection dont il est le siège. Le diagnostic de la variété complète est plus facile que celui de la précédente. Quand elle est double, on n’observe aucun changement relatif dans les dimensions de l’ouverture pupillaire de chaque œil et, la plupart du temps, celle-ci ne ressent plus d’effet d’aucune lumière pour si intense qu’elle soit.

Diagnostic différentiel. Une amaurose incomplète peut être confondue avec une cataracte commençante ou avec une fausse cataracte. Elle se distingue de la première par les caractères suivants : la pupille est plus large, moins mobile et d’une couleur plus noire. Quelquefois cependant on peut rencontrer une teinte grise qui rappelle celle de la cataracte, et c’est dans les cas de ce genre qu’on a pu croire avoir à faire à une cataracte commençante, alors qu’il s’agissait d’une amaurose. Mais la teinte grise de cette dernière est plus profonde et plus sombre que celle observée dans l’opacité du cristallin à son début : et surtout elle s’accompagne d’une diminution de la vision proportionnellement plus prononcée. Les sujets qui ont la teinte grise accompagnant la cataracte commençante, peuvent distinguer encore les objets et voir à se conduire ; mais l’amaurose avec teinte grise ne permet pas d’en faire autant. Enfin, pour plus de certitude dans le diagnostic, on peut recourir à l’épreuve des images.

Ce moyen, indiqué par Purkinje et Sanson, consiste à placer, dans un milieu obscur, une lumière devant l’œil et l’on doit, en regardant de près, distinguer dans ce dernier, si ces parties ont conservé leur transparence, trois images, deux droites et placées l’une devant l’autre ; la troisième, située du côté opposé aux deux précédentes, renversée.

Si le cristallin est opaque, il n’est plus possible de voir la deuxième et la troisième, ce qui démontre l’existence de la cataracte. Par conséquent nous aurons, par cette recherche, la facilité de distinguer cette dernière maladie de l’amaurose, où tout se passe comme dans l’œil à l’état physiologique. Voici comment on peut s’expliquer la formation intra-oculaires de ces images.

La première est droite, la plus grande, la plus superficielle, la plus brillante et en raison de cela la mieux visible. Elle est due à la cornée qui, par ses couches réfringentes et convexes, fait converger en un même foyer une partie des rayons projetés par la lumière.

La seconde, droite aussi, est située plus profondément dans l’appareil cristallinien ; elle est en outre plus petite, plus diffuse et moins éclatante, ce qui fait qu’on ne la trouve pas aussi aisément. Il faut alors avoir le soin de déplacer modérément la lumière et de regarder très attentivement dans le champ de la pupille. À ce moment, on voit derrière l’image de la cornée une espèce de reflet qui a la même forme, mais qui est plus étalé, moins brillant, qui change de place en même temps et qui n’est autre chose que la seconde image. Elle est variable dans son aspect, peut être plus ou moins pâle ou plus ou moins diffuse ; voilà pourquoi quelquefois on la voit vite, d’autres fois il faut longtemps.

Plus l’ouverture pupillaire est dilatée mieux on la trouve ; aussi dans l’amaurose ou lorsqu’on a eu recours à l’emploi de la belladone qui produit cette dilatation, on la voit plus facilement. Parfois elle est très peu prononcée ou fort difficile à voir, à tel point qu’on croirait qu’elle n’existe pas.

Sanson pensait qu’elle était formée exclusivement par le feuillet antérieur de la capsule du cristallin qui, pour cela, aurait dû agir comme la cornée pour former la précédente. M. Laugier expliquerait sa formation à l’aide de la capsule et des couches qui se trouvent à la surface du cristallin, représentant une série de lames superposées, translucides et convexes. Chaque lame produirait sa petite image qui, par suite de leur superposition, se confondraient en une seule. C’est ainsi que l’on pourrait se rendre compte de son imperfection et de ses variétés ; car elle sera bien dépendante de la plus ou moins grande densité des premières couches du cristallin.

Quant à la troisième, qui est renversée, plus brillante que celle que nous venons de décrire, mais moins que la précédente de celle-ci, c’est la plus petite des trois et elle occupe le côté opposé à celui occupé par les deux autres. Par la profondeur, elle leur est intermédiaire et lorsqu’on ne l’aperçoit pas tout de suite, on doit encore changer un peu la lumière de position, généralement cela suffit pour la rendre visible ; ainsi, on la fait mouvoir dans un sens inverse aux deux premières. On admet qu’elle est produite à l’aide de la réflexion des rayons lumineux par les couches profondes du cristallin et la surface antérieure et concave du feuillet postérieur de la capsule.

La fausse cataracte se distingue assez facilement de l’amaurose en prenant en considération sa couleur blanche, sa situation dans le champ pupillaire et l’atrésie commençante de la pupille. Cependant il est bon de se garder contre leur confusion, de même que celle qui peut être commise avec l’occlusion de la pupille ou synyzézis.


Marche, durée, terminaisons. La marche de l’amaurose est presque toujours continue et lente ; sa constatation sous le type périodique ou intermittent doit être regardée comme exceptionnelle. Dans l’œil affecté, la faculté de voir s’éteint graduellement et elle finit par disparaître tout-à-fait. Quelquefois, sa marche aggravante s’atténue ou se suspend, après quoi elle peut même rétrograder et guérir. Le temps réclamé pour l’accomplissement de ces phénomènes est variable. Dans quelques cas, son apparition est très rapide, subite même ; ainsi, on a remarqué qu’elle pouvait éclater instantanément par l’effet produit par une lumière très vive ou sous l’influence d’autres maladies dont elle est alors symptomatique. La durée n’a donc rien de constant.

Par le repas, on peut retarder son aggravation et même obtenir une amélioration qui n’est pas toujours durable, il est vrai, vu que l’affection reprend son cours et souvent avec plus de violence, quand on replace l’animal dans les conditions qui l’avaient provoquée. En conséquence, par ces changements alternatifs, la transformation de l’amblyopie en amaurose confirmée peut être occasionnée.

Quant à l’amaurose symptomatique, elle peut disparaître après la cessation de la maladie qu’elle accompagne, mais très fréquemment elle persiste après sa guérison.

Lorsque l’affection siégé simultanément aux deux yeux, à un degré plus ou moins avancé, elle peut disparaître à l’un et persister ou augmenter à l’autre qui peut devenir complètement impropre à la vue. Si un seul est frappé, l’autre est, par cette seule condition, plus enclin à le devenir. Ainsi donc, les terminaisons de l’amaurose sont variables ; elle peut guérir sous quelque forme qu’elle revête ou elle peut rendre l’animal borgne ou aveugle à jamais.


Pronostic. Cette maladie est toujours très grave. Quand elle commence, on peut la guérir ou en arrêter les progrès ; mais quand elle est confirmée ou que, malgré les médications les mieux conçues, elle continue à augmenter, elle conduit infailliblement les sujets à une cécité complète et permanente. Toutefois on peut espérer beaucoup en la guérison, lorsque la maladie a un caractère congestif ou inflammatoire, quand elle est symptomatique et surtout si elle est arrivée instantanément.

Tant qu’elle est incomplète, elle présente des alternatives qui font admettre la possibilité d’en triompher. C’est surtout lorsqu’on peut soumettre les yeux au repos qu’ont lieu ces chances de succès ; mais, trop souvent, ces améliorations ne sont malheureusement que passagères.

Présentant un caractère asthénique, elle doit être fatalement considérée comme incurable, en raison du faible nombre des réussites de ce genre.


Anatomie pathologique. Souvent on ne trouve pas de lésions appréciables ; mais il n’est cependant pas rare de constater des altérations dans les organes affectés à la fonction visuelle. Leur étude a été mieux suivie en médecine humaine qu’en vétérinaire ; néanmoins, dans cette dernière, on a trouvé bon nombre de lésions identiques et occupant la rétine, le nerf optique ou le cerveau. Voici les principales lésions signalées par les médecins et que nous reproduirons sans apporter des modifications dans la manière de les envisager.

1° Du côté de la rétine, on a quelquefois constaté la décoloration de cette membrane, une teinte verte, au lieu de la teinte grise normale, un ramollissement et même une destruction plus ou moins étendue. Il est probable que si les malades succombaient plus tôt, on trouverait quelquefois dans les capillaires de cette membrane, une congestion comparable à celle du cerveau, un épanchement sanguin, une sorte d’apoplexie dans ses mailles, un épaississement, ou bien même quelques produits inflammatoires, tels que de la sérosité, du pus ; mais ces diverses lésions, que l’ensemble des symptômes autorise et même oblige à admettre, n’ont pas été, jusqu’à ce jour, vérifiées sur le cadavre. Cela tient, sans aucun doute, à ce que les autopsies sont rares, à ce que l’on ne les fait que longtemps après la disparition des désordres primitifs, et aussi à ce que les études anatomo-pathologiques sont fort difficiles sur une substance aussi délicate que l’est le tissu rétinien.

2° Du côté du nerf optique, on a souvent noté une atrophie ; mais cette lésion était-elle cause ou effet ? Il n’a pas été possible de bien le déterminer dans la plupart des cas. D’autres fois, l’un des cordons nerveux ou tous deux étaient comprimés et détruits, même par quelque tumeur intra-orbitaire, ou intra-crânienne, qui s’était développée dans ces cavités ou y était arrivée après avoir pris naissance dans les fosses nasales. On a cité des exemples de compression occasionnée par une hypertrophie de la dure-mère. La compression, au lieu d’être produite par une tumeur étrangère au nerf, peut être la conséquence d’une maladie de ce dernier, comme un névrôme ou une dilatation anévrysmale de l’artère centrale de la rétine, ainsi qu’on en a observé des exemples.

3° Du côté du cerveau, on a rencontré tantôt une congestion sanguine, tantôt un foyer apoplectique au niveau des corps genouillés ou des tubercules quadrijumeaux ; tantôt un ramollissement de ces mêmes parties, quelquefois une tumeur développée dans leur épaisseur ou dans leur voisinage.

Les vétérinaires ont non-seulement constaté certaines de ces altérations ; mais, en outre, ils en ont signalé d’autres qui, jusques-là, étaient restées ignorées, et par suite peuvent être regardées comme spéciales aux animaux[1].

Pour connaître les lésions que le nerf optique ou la rétine ont éprouvés, ne serait-il pas possible de les soumettre à une analyse chimique comparative, en prenant pour base de comparaison les résultats analytiques de ces parties à l’état sain, qui sont exposés dans le tableau suivant, dû à Lassaigne ?

Matières qui rentrent dans la composition de la rétine et du nerf
optique du cheval :
Rétine
Eau 92,90
Matière grasse saponifiable et matière grasse phosphorée, analogue à celle du cerveau. 0,85
Albumine pure 6,25
Nerf optique
Eau 70,36
Matière blanche grasse phosphorée, analogue à celle du cerveau. 4,40
Osmazone et chlorure de sodium. 0,42
Matière soluble dans l’eau bouillante et analogue à la gélatine. 2,75
Albumine 22,07
——— ———
100,00 100,00

Par conséquent, la rétine, dans sa composition, différerait des nerfs qui la forment par une grande quantité d’eau, moins de matière grasse et moins d’albumine. Ainsi, lorsque ces parties malades, soumises à l’analyse, ne donneront pas les mêmes éléments, ou les mêmes proportions, on pourra en inférer leur détérioration qui peut être produite par l’inaction de ces organes, ce qui a lieu dans l’amaurose. Il est parfaitement démontré que si les actes physiologiques d’un appareil viennent à être diminués ou suspendus, les parties qui entrent dans leur organisation ne tardent pas àéprouver une atrophie plus ou moins grande, selon que le trouble fonctionnel est plus ou moins prononcé.

Comme dans quelques circonstances on ne peut constater de lésion anatomique, doit-on en conclure, avec beaucoup d’auteurs, qu’il n’en existait aucune ? N’est-il pas plus logique d’admettre que toutes les investigations nécessaires n’ont pas été faites, et particulièrement les recherches microscopiques, ou que les explorations ont été rendues stériles par la ténuité de la rétine, l’altération cadavérique qu’elle avait éprouvée, soit même par l’impuissance des instruments mis en usage ?

Espérons pourtant que, grâce aux modifications avantageuses que les appareils grossissants ont subies et qu’ils sont susceptibles d’éprouver incessamment, autant que par les recherches constantes de nos zélés micrographes, le temps où l’on pourra puiser dans les moindres lésions du système nerveux des preuves confirmatives de l’existence de son état maladif, n’est pas loin. Tout récemment, un médecin russe est parvenu à réaliser, en faisant des études sur les nerfs, un résultat très favorable qui fait pressentir que, par des perquisitions analogues, il sera possible d’obtenir des documents d’un puissant secours pour se guider dans ce genre d’affections.


Traitement. Le traitement varie selon les différents états sous lesquels l’amaurose se présente, de même que d’après la nature de ses causes et son plus ou moins d’ancienneté. Si elle est récente et qu’elle se soit montrée subitement, on a alors beaucoup à espérer de l’emploi d’une thérapeutique rationnelle. La connaissance de son étiologie est donc d’un grand secours dans le choix des moyens curatifs. Il est reconnu que les soins hygiéniques ont une grande influence sur cette opiniâtre maladie, soit pour la prévenir, soit pour en modifier la marche ou pour la guérir.

La plupart du temps il faut diminuer l’exercice des foncions visuelles, en plaçant les sujets dans un milieu moyennement ou peu éclairé et en n’exigeant d’eux que peu ou pas de travaux, surtout s’ils sont fatigants. Il faut aussi éviter les excès de quelque nature qu’ils soient, ayant soin de ne pas oublier que, quand la rétine est soumise au repos, sa paralysie fait moins de progrès. On ne saurait apprécier l’importance de ces précautions prophylactiques, qui fréquemment produisent un meilleur effet que les médications les mieux conçues, auxquelles on attribue à tort les avantages curatifs.

Si un repos exagéré de l’œil l’avait déterminée, il serait bon d’avoir recours à l’exposition du malade à une lumière augmentant graduellement d’intensité, jusqu’à ce qu’elle eut atteint le degré du jour, en évitant toutefois l’action directe sur l’œil des rayons solaires. Agissant de la sorte, on parvient, petit à petit, à replacer l’animal dans ces conditions normales.

C’est surtout au point de vue du traitement qu’il est important de lui reconnaître, conformément à la distinction établie par certains auteurs et précédemment envisagée, un type sthénique, l’autre asthénique, car les soins diffèreront suivant que l’on sera en présence de l’une ou de l’autre forme.

Dans la première, on doit recourir aux émissions sanguines, et je crois qu’il est préférable de les répéter que d’user de trop fortes déplétions à la fois. Les points à choisir pour pratiquer ces saignées sont : la jugulaire, l’angulaire, le palais. Les médecins se sont bien trouvés de l’application des sangsues à la base des oreilles ; probablement on aurait à se louer de l’emploi de cette pratique déplétive pour nos animaux. M. Gerdi accorde une grande confiance aux ventouses scarifiées appliquées dans cette région.

En même temps, on aura recours aux purgatifs, en accordant la préférence aux minoratifs et aux drastiques ; du reste, il est important de faire entrer en considération l’état général du sujet et les conditions dans lesquelles se trouve le tube digestif, avant de formuler ce choix. À ces moyens devront être associés les révulsifs, les sétons et les vésicatoires que l’on devra autant que possible faire agir dans le voisinage des yeux. Les sétons, placés au-dessous de l’arcade zygomatique, ont une action bien plus efficace qu’en tout autre endroit ; c’est aussi dans cette région que le plus généralement on les applique, notamment à la clinique de l’école de Toulouse. À une époque, les pilules de Richter jouissaient en médecine humaine d’une grande faveur.

Pour maintenir la sécrétion des exutoires, ce à quoi on doit rigoureusement s’attacher, car de cela dépend beaucoup le succès, on doit introduire dans le trajet des sétons, des substances ayant la propriété d’accroître la suppuration, comme : le digestif animé, le mélange de basilicum et d’essence de térébenthine ou d’autres excitants ; la pommade de strychnine est d’un excellent usage pour remplir ce but.

Parmi les heureux résultats rapportés dans les écrits vétérinaires et dus aux applications de vésicatoires, nous reproduirons les observations de Delafond, qui a signalé trois cas de guérisons obtenues sur deux solipèdes et un chien par Gohier ; une autre, due à Brum, qui l’obtint sur un cheval ; M. H. Bouley mentionne une cure réalisée par Riss en prescrivant des vésicatoires et des purgatifs.

Dans le cas d’amaurose consécutive à un vertige essentiel que j’ai exposé dans cette description, la réussite appartient évidemment, en majeure partie, à la matière purulente fournie par quatre sétons appliqués à l’encolure et à la tète, fonctionnant de concert avec deux vastes plaies occupant cette même région, auxquels on avait eu recours pour combattre la méningo-encéphalite et qui avaient été conservés pour jouer le même rôle contre l’amaurose,

Cependant il serait peut-être urgent d’accorder une part de ce triomphe à la pommade de Gondret et à la pommade de strychnine, que l’on introduisait sur le globe oculaire en petite quantité, ainsi qu’à la teinture de strychnine employée en frictions sur les paupières, concurremment aux autres moyens.

D’après Delafond, les frictions vésicantes répétées de temps en temps sur les paupières comme au pourtour de l’orbite, doivent être préférées aux applications de même nature, en raison de la difficulté qu’il y a pour les maintenir en place sur cette région.

D’autres traitements ont aussi été conseillés pour agir de pair avec la saignée, les dérivatifs et les révulsifs précédemment indiqués, ce sont : les lotions d’eau fraîche sur les yeux et les frictions irritantes. En insistant d’autant plus sur ces moyens, que le comporteront l’état du sujet et les phases sous lesquelles se présentera la maladie.

Passons maintenant à la thérapeutique de la variété asthénique, forme sous laquelle elle se présente presque toujours quand elle est ancienne. C’est l’aspect le plus redoutable qu’elle puisse revêtir, rarement on s’en rend maître.

Un grand nombre d’essais ont été faits ; et, si chacun d’eux jouit d’un avantage réel, comme semblent l’indiquer les publications multipliées qui relatent leurs bons résultats, il faudrait recourir successivement à leur utilisation jusqu’à ce que l’on eût mis la main sur le plus efficace, dans l’usage duquel on devrait persister.

N’ayant aucun signe congestionnel ni inflammatoire dans le type que nous envisageons, la mauvaise santé et la constitution du malade proscriront absolument l’usage des émissions sanguines, par quel siège et quelque moyen qu’on les produise, ainsi que les divers purgatifs.

Si toutefois ces moyens avaient été utilisés au début de l’amaurose, présentant alors un caractère asthénique ou un caractère peu tranché, on devrait les supprimer graduellement et contrebalancer leur effet funeste par des soins appropriés.

Dans les deux médecines, beaucoup de praticiens ont conseillé l’emploi des exutoires sous quelque physionomie qu’elle ait ; pourtant leur utilité n’est point justifiée, puisqu’ils doivent augmenter la faiblesse du sujet et entretenir le mal, s’ils ne le rendent incurable. Probablement, ils n’ont été prescrits que par suite de l’embarras où l’on était pour trouver d’autres méthodes d’un effet curatif plus avéré, ou parce qu’on ne se rendait pas compte de la nature de l’affection.

Nous placerons en première ligne, pour diriger dans le choix à faire, une médication générale, ayant pour but de reconstituer les forces abattues de l’animal et, par conséquent, composée de toniques tels que : les préparations ferrugineuses, de gentiane, de quinquina, etc., auxquelles il sera bon de joindre un régime confortable. Dans ce traitement général, il est bon de faire entrer les excitants comme l’ellébore noir, la teinture ou l’infusion d’arnica, les extraits médicamenteux de noix vomique, en un mot, la plupart de ces excitants généraux qui ont pour but de combattre l’état adynamique.

Médication locale. C’est surtout cette dernière qui comprend des moyens nombreux et variés. On a conseillé d’exciter les fonctions de l’œil, en dirigeant sur lui des vapeurs ammoniacales l’aide d’un flacon débouché ou d’une soucoupe contenant ce liquide que l’on promène devant les yeux entrouverts, en ayant soin de ne pas les laisser trop longtemps exposés à ces dégagements, dans la crainte d’en produire l’inflammation. Pour l’éviter, il est indiqué de suspendre l’opération dès que le larmoiement apparaît. L’alcali volatil uni à l’axonge, pour former la pommade de Gondret, a donné des résultats avantageux qui justifient sa réputation. Elle a également été associée à d’autres substances, entr’autres au baume de Fioraventi.

Dans le même but, la volatilisation de l’éther a été mise à profit et par le même procédé. D’autres fois, on s’est servi d’alcool pur de teintures ou de collyres excitants pour faire instiller entre les paupières. Le collyre dont la composition suit, a joui d’une assez forte renommée :


Infusion de fleurs de sureau 1 livre.
Eau–de-vie camphrée 2 onces.
Hydrochlorate d’ammoniaque 2 gros.


Pour le préparer, on fait dissoudre le sel dans l’infusion, en ajoutant ensuite l’eau-de-vie.

L’essence d’ail a produit de bons effets ; M. Lafosse a eu l’occasion de les apprécier et, à ce sujet, il a publié un article dans le Journal des Vétérinaires du Midi de 1845.

Cette observation a été faite sur un chien épagneul qui eut, à la suite de la chasse, une conjonctivite accompagnée d’opacité de la cornée. Par des soins convenables, ces troubles disparurent ; après eux resta une amaurose qui résista au cyanure de potassium pour céder, toutefois, à l’essence d’ail et à un séton placé au cou. Ce même professeur expose dans son ouvrage de pathologie, un cas où Lafore a guéri cette maladie par le même remède.

Une substance, se rapprochant beaucoup par sa nature et sa provenance de la précédente, portant le nom de spirtus ophthalmicus skmuckéri qu’on extrait du bulbe de lis, a été prônée en médecine humaine ; M. Lafosse pense qu’elle devrait être utilisée pour nos animaux domestiques, d’autant plus, il l’indique dans les deux travaux que nous venons d’envisager.

Le camphre, qui a été usité dans plusieurs maladies oculaires, a produit la guérison d’amauroses commençantes, d’après les faits cliniques rapportés par quelques médecins. Pour s’en servir, on fait des sachets dans lesquels on le renferme, et ils sont ensuite suspendus devant les yeux.

Le docteur Muinck a remarqué que l’iodure de potassium pouvait en triompher dans un assez court délai, et il a fait une communication de son succès à la Société de médecine de Gand.

M. Higniard, qui a observé, comme nous l’avons déjà dit, cette maladie sous la forme périodique, en a triomphé par le sulfate de quinine qu’il faisait prendre à l’intérieur. M. Malgaigne a employé fructueusement la teinture de jalap en frictions sur les paupières d’un amaurotique âgé de dix-sept ans, conjointement aux pédiluves sinapisés.

Les bons effets de la vératrine dans le traitement de cette affection au début, l’ont fait préconiser par M. Terrier d’Angers. À cet égard, il dit qu’il est rare qu’après avoir fait usage pendant huit jours de cette substance, on n’ait à signaler une légère amélioration qui ouvrirait, sans doute, la marche progressive vers la guérison, et qu’en aucun cas elle ne détermine des accidents. Voici les formules des pommades prescrites par ce médecin.

N° 1. Vératrine 0, 50 grammes.
Axonge 30, 00 grammes.
Alcool q. s. p. dis. la Vér.
N° 2. Vératrine 1, 00 grammes.
Axonge 30, 00 grammes.
Alcool q. s.

N° 3 Vératrine 1 g.50 à 2 grammes
Axonge. 30, 00
Alcool q. s.


Pour fabriquer la teinture de vératrine, on fait dissoudre la même quantité de cette matière dans 30 grammes d’alcool.

M. Tavignot a contesté l’efficacité de ce remède.

La cautérisation potentielle de la conjonctive par une solution de nitrate d’argent a été indiquée par M. H. Bouley. Quelquefois on a eu recours au rayonnement du calorique d’un cautère chaud, que l’on maintenait à une assez grande distance des yeux, de façon à produire l’excitation de ce dernier, sans risquer d’en produire la cautérisation.

M. Lafosse a pu apprécier l’heureuse influence de la pommade de strychnine introduite sous les paupières, employée quelquefois concurremment aux vésicatoires, auxquels on peut ajouter un peu de cet agent médicamenteux pour les animer, et donner à l’intérieur de la noix vomique. L’emploi de ce médicament a été ordonné par Delafond : selon lui, la méthode préférable pour s’en servir, consiste à détruire l’épiderme au-dessus de l’œil et à saupoudrer ensuite le corps muqueux de la peau avec 1 ou 2 centigrammes de strychnine qu’on peut remplacer par un équivalent de 5 centigrammes de teinture de noix vomique. Pour l’homme, on a usé de cette thérapeutique avec fruit, même en inoculant la strychnine.

Le sulfate de strychnine, administré par M. Chaillous dans un cas d’amaurose double dont on ne put s’expliquer la cause ; et qui opposait une opiniâtre résistance aux traitements usuels, permit à l’animal de recouvrer la vue. Il formait avec ce sel une pommade qui servait tous les matins à frictionner sur les salières une surface dénudée, par un mélange irritant. Les médecins l’ont introduit en petite quantité dans les vaisseaux au moyen d’injections qu’ils faisaient agir en même temps que les préparations de noix vomique.

Un autre mode d’excitation produite par l’insolation a réussi sur l’homme ; en opérant dans les mêmes règles, on devrait obtenir les mêmes effets sur nos espèces domestiques, si l’on pouvait disposer d’appareils condensateurs des rayons lumineux semblables à ceux qui ont été utilisés et qui ont fourni d’heureux résultats. En ne disposant que d’une simple lentille, on produirait bien une action analogue ; mais d’une trop faible puissance pour déterminer, même en persistant dans cette influence stimulante, une amélioration sensible. Ce moyen donne plus d’espoir en été qu’en hiver, vu que dans la première saison la lumière solaire atteint son maximum d’intensité.

L’amblyopie asthénique a été combattue sur l’espèce humaine par des lunettes à verres convexes dont on diminuait graduellement le foyer, jusqu’à ce que les malades puissent distinguer les objets qui les entourent. En général, je crois que ce moyen peut être regardé comme inapplicable pour les animaux.

Moyens curatifs employés au voisinage des yeux. Dans cette région, on médicamente fréquemment avec des corps irritants ou excitants tels que : pommade stibiée, pommade ammoniacale, huile de croton tiglium, éther sulfurique ; essences de menthe, de lavande, de térébenthine, baume de Fioraventi, teintures de noix vomique et de strychnine, très usitées à l’École de Toulouse ; enfin les sétons, les irritants de différente nature, les moxas, recommandés par M. Gourdon dans son ouvrage de chirurgie, et le feu. On a conseillé l’excitation de la pituitaire par les sternutatoires.

L’usage de l’électricité, que Magendie a le premier prescrit en 1820, a été délaissé pendant une longue période ; mais quelques médecins, entr’autres M. Schleinger, Sandras et Deval, l’ont remis en vogue. Pour y recourir, on place sur les paupières l’éponge qui est maintenue à l’extrémité du conducteur de la pile, imbibée d’eau pure, l’autre conducteur est porté successivement sur le front, la tempe, l’occiput et entre les deux lèvres. Pour l’homme, on fait durer cette électrisation pendant huit ou dix minutes, tout en la répétant par intervalle de deux ou trois jours.

Si ce laps de temps suffit pour les petits animaux, il est probable qu’il serait trop court pour les grands ; aussi serait-il préférable de prolonger cette action électrique et de la faire durer, comme l’indique M. Lafosse dans sa Pathologie, de quinze à vingt minutes, à la condition encore de les renouveler comme précédemment. Du reste, nous n’avons aucune donnée pratique dans notre médecine qui puisse nous servir de guide pour l’application de l’électricité dans cette maladie. On pourrait encore essayer l’acupuncture ou la galvano-puncture.

Lorsque l’amaurose est symptomatique, il faut guérir d’abord la maladie qui l’a engendrée ou qu’elle accompagne. Ainsi, quand elle suit une hémorrhagie, le rétablissement de la vue a souvent lieu aussitôt que la déperdition est réparée. Mais quelquefois on les traite simultanément.

La suppression brusque d’une cause, déjà ancienne, qui produisait des déperditions, pouvant entraîner l’amaurose, il faut dans quelques circonstances forcément rétablir la sécrétion anormale pour remédier à la cécité.

L’observation suivante du docteur Deval en est un exemple tranché : elle fut faite sur une jeune personne devenue amaurotique après la destruction de poux dont la tête était infestée ; le rétablissement de la phthiriase devint indispensable pour le recouvrement de la vue ; en outre, le cuir chevelu fut excité avec une pommade composée de 4 grammes de tartre stibié et 18 grammes d’axonge.

Ne connaissant pas de remède essentiellement curatif de cette affection, il est bon de savoir quels sont ceux qui ont été fructueux dans les tentatives où on les a utilisés, afin de pouvoir les employer successivement ou concurremment jusqu’à ce qu’on ait obtenu un résultat favorable. Dans toutes les circonstances, en médecine, on doit toujours se placer au point de vue de la curabilité des maladies, surtout quand leur étiologie n’est pas bien évidente ; or, nous sommes jusqu’à présent forcés de ranger l’amaurose dans cette catégorie.


Jurisprudence. Dans certaines contrées, la constatation de cette préjudiciable maladie sur des solipèdes récemment vendus, entraîne leur rédhibition, pourvu qu’on agisse conformément aux prescriptions légales pour l’exercer.

Cette mesure est très sage, car les personnes qui sont sur le point d’acheter des animaux entachés de ces vices, diminuant beaucoup leur valeur, s’ils ne les rendent complètement impropres aux services auxquels on les destinait, ne sont pas capables de les reconnaître et par cela même peuvent être dupés par un de ces marchands de mauvaise foi qui ne cherchent ordinairement qu’à abuser de l’inaptitude de leurs acheteurs.

La nécessité de cette protection a été sentie par un grand nombre de vétérinaires, et lorsque le ministre de l’agriculture et du commerce, ayant reconnu l’importance d’une révision de la loi du 20 mai 1838, a consulté la Société centrale de médecine vétérinaire, ce défaut a été reconnu comme devant entraîner la rédhibition, par cette savante réunion.

Dans un paragraphe de son ouvrage de Pathologie, M. Lafosse manifeste aussi le désir, qu’en vertu de la loi, elle soit garantie.

M. Rey pense que l’on pourrait se dispenser d’inscrire l’amaurose au nombre des vices rédhibitoires, en raison de son peu de fréquence sur le cheval et la difficulté de la constater.

Cependant, il est des nations où l’acquéreur peut user de ce privilège, notamment en Espagne, en Autriche où elle a un délai de trente jours, dans le Grand-Duché de Bade, dans la Bavière, dans le Grand-Duché de Hesse, avec un délai de huit jours. Enfin, il est encore applicable, avec un délai variable selon la nation, en Prusse, en Saxe, en Russie et dans plusieurs cantons de la Suisse.

Espérons que si la loi, qui régit le commerce des animaux, vient à être refaite, l’impulsion donnée par les pays étrangers, jointe à la voix de l’équité et aux désireuses sollicitations de la plupart des vétérinaires, traceront la conduite à suivre par les législateurs.


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  1. Ainsi Gellé dit avoir rencontré à l’examen des yeux amaurotiques d’animaux morts, des altérations de la rétine consistant dans une augmentation de son épaisseur, et de son opacité. Dans une autre circonstance, il l’a trouvée complètement détachée de la choroïde et, par l’immersion dans l’eau de l’œil altéré, préalablement ouvert, la membrane rétinienne s’épanouit comme une fleur radiée et offrit une multitude de filets nerveux, partant du nerf optique, qui se réunirent en faisceau en les retirant du liquide.

    Ce même auteur a vu dans une amaurose simple le nerf optique, correspondant à l’œil affecté, atrophié jusqu’à sa réunion avec son congénère, c’est-à-dire jusqu’au chiasma.

    M. Leblanc, dans son Traité des maladies des yeux, rapporte avoir constaté sur des bœufs atteints d’amaurose, la présence de tumeurs osseuses et de carcinomes qui probablement auraient occasionné cette affection. Cet habile praticien, a signalé sur un sujet de la même espèce, pareillement affecté à l’œil gauche, un épaississement de la dure-mère et de la pie-mère cérébrales du côté droit sans que la substance du cerveau présentât de lésions constatables.

    Dans le Dictionnaire pratique de médecine vétérinaire, il est fait mention des deux faits d’observation suivants et dus, l’un à M. Héring, qui l’a publié dans son ouvrage intitulé : Spécielle Pathol. und thérapie. L’observateur dit que, dans l’amaurose des animaux domestiques, il a constaté que la rétine perdait de sa cohérence et que le nerf optique devenait plus petit, plus mince et plus consistant ; que sa substance était jaunâtre comme de la cire ; que, par la division, on en obtient des fragments ressemblant à de petites tiges de phosphore. On peut suivre les traces de cette altération, qui est susceptible d’être appréciée jusques dans les couches optiques du cerveau.

    L’autre exemple, puisé dans les écrits de William Percivall, consiste dans une ossification de la rétine, trouvée par Charles Percivall, sur un cheval qui avait la fluxion périodique. Cette ossification s’était probablement produite après que la rétine avait cessé de fonctionner, par suite d’une altération des parties constituantes de l’œil ; peut-être aussi l’amaurose, était-elle coexistante à la fluxion.

    On peut trouver, par conséquent, des ossifications qui, comprimant le cerveau ou le nerf optique, suffisent pour produire la paralysie de ces organes. Généralement, les symptômes de cette altération apparaissent à l’œil opposé au côté du cerveau qui a subi cette influence funeste.

    Enfin, on peut avoir, en même temps que les lésions de l’amaurose, celles des maladies dont elle est un symptôme.