Exposition du système du monde/Livre premier

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Duprat (p. 2-93).


LIVRE PREMIER
des mouvemens apparens des corps célestes.



CHAPITRE PREMIER.


Du mouvement diurne du ciel.


Si pendant une belle nuit, et dans un lieu dont l’horizon soit à découvert, on suit avec attention, le spectacle du ciel ; on le voit varier à chaque instant. Les étoiles s’élèvent ou s’abaissent sur l’horizon ; quelques-unes commencent à paroître vers l’Orient ; d’autres disparoissent vers l’Occident ; plusieurs, telles que l’étoile polaire et les étoiles de la grande Ourse, n’atteignent jamais l’horizon. Dans ces mouvemens divers, elles ne changent point de position respective : elles décrivent des cercles d’autant plus petits, qu’elles sont plus près d’un point que l’on conçoit immobile. Ainsi, le ciel paroît tourner sur deux points fixes, nommés par cette raison, pôles du monde ; et dans ce mouvement, il emporte le système entier des astres. Le pôle élevé sur notre horizon, est le pôle boréal ou septentrional : le pôle opposé, que l’on imagine au-dessous de l’horizon, se nomme pôle austral ou méridional.

Déjà, plusieurs questions intéressantes se présentent à résoudre : que deviennent pendant le jour, les astres que nous voyons durant la nuit ? D’où viennent ceux qui commencent à paroître ? Où vont ceux qui disparoissent ? L’examen attentif des phénomènes fournit des réponses simples à ces questions. Le matin, la lumière des étoiles s’affoiblit à mesure que l’aurore augmente ; le soir, elles deviennent plus brillantes à mesure que le crépuscule diminue ; ce n’est donc point parce qu’elles cessent de luire, mais parce qu’elles sont effacées par la vive lumière des crépuscules et du soleil, que nous cessons de les appercevoir. L’heureuse invention du télescope nous a mis à portée de vérifier cette explication, en nous faisant voir les étoiles, au moment même où le soleil est le plus élevé. Celles qui sont assez près du pôle, pour ne jamais atteindre l’horizon, sont constamment visibles. Quant aux étoiles qui commencent à se montrer à l’Orient, pour disparoître à l’Occident ; il est naturel de penser qu’elles continuent de décrire sous l’horizon, le cercle qu’elles ont commencé à parcourir au-dessus, et dont l’horizon nous cache la partie inférieure. Cette vérité devient sensible, quand on s’avance vers le nord : les cercles des étoiles situées vers cette partie du monde, se dégagent de plus en plus de dessous l’horizon ; ces étoiles cessent enfin de disparoître, tandis que d’autres étoiles situées au midi, deviennent pour toujours invisibles. On observe le contraire, en s’avançant vers le midi : des étoiles qui demeuroient constamment sur l’horizon, se lèvent et se couchent alternativement, et de nouvelles étoiles, auparavant invisibles, commencent à paroître. La surface de la terre n’est donc pas ce qu’elle nous semble, un plan sur lequel le ciel s’appuie sous la forme d’une voûte surbaissée. C’est une illusion que les premiers observateurs ne tardèrent pas à rectifier par des considérations analogues aux précédentes : ils reconnurent bientôt que le ciel enveloppe de tous côtés, la terre, et que les étoiles y brillent sans cesse, en décrivant, chaque jour, leurs différens cercles. On verra dans la suite, l’astronomie souvent occupée à corriger de semblables illusions, et à démêler la réalité des objets, dans leurs trompeuses apparences.

Pour se former une idée précise du mouvement des astres ; on conçoit par le centre de la terre, et par les deux pôles du monde, une droite que l’on nomme axe du monde, et autour de laquelle tourne la sphère céleste. Le grand cercle de cette sphère, perpendiculaire à cet axe, s’appelle équateur. Les petits cercles que les étoiles décrivent parallèlement à l’équateur, en vertu de leur mouvement diurne, se nomment simplement parallèles ; le zénith d’un observateur, est le point du ciel, que sa verticale va rencontrer ; le nadir est le point directement opposé. Le grand cercle qui passe par le zénith et par les pôles, est le méridien ; il partage en deux également, l’arc décrit par les étoiles sur l’horizon, et lorsqu’elles l’atteignent, elles sont à leur plus grande ou à leur plus petite hauteur. Enfin, l’horizon est le grand cercle perpendiculaire à la verticale, ou parallèle au plan qui touche la surface de l’eau stagnante dans le lieu de l’observateur.

La hauteur du pôle tient le milieu entre la plus grande et la plus petite hauteur d’une de ces étoiles qui ne se couchent jamais, ce qui donne un moyen facile de la déterminer ; or, en s’avançant directement vers le pôle, on le voit s’élever à fort peu près proportionnellement à l’espace parcouru : la surface de la terre est donc convexe, et sa figure est peu différente d’une sphère. La courbure du globe terrestre est sensible à la surface des mers : le navigateur, en approchant des côtes, apperçoit d’abord leurs points les plus élevés, et découvre ensuite successivement, les parties inférieures que lui déroboit la convexité de la terre. C’est encore à raison de cette courbure, que le soleil à son lever, dore le sommet des montagnes avant que d’éclairer les plaines.


CHAPITRE II.


Du Soleil et de son mouvement propre.


Tous les astres participent au mouvement diurne de la sphère céleste ; mais plusieurs ont des mouvemens propres qu’il est intéressant de suivre, parce qu’ils peuvent seuls, nous conduire à la connoissance du système du monde. De même que pour mesurer l’éloignement d’un objet, on l’observe de deux positions différentes ; ainsi, pour découvrir les loix de la nature, il faut la considérer sous divers points de vue, et observer le développement de ces loix, dans les changemens du spectacle qu’elle nous présente. Sur la terre, nous faisons varier les phénomènes, par des expériences ; dans le ciel, nous déterminons avec soin, tous ceux que nous offrent les mouvemens célestes. En interrogeant ainsi la nature, et soumettant ses réponses à l’analyse ; nous pouvons, par une suite d’inductions bien ménagées, nous élever aux causes des phénomènes, c’est-à-dire, les ramener à des loix générales dont tous les phénomènes particuliers dérivent. C’est à découvrir ces loix, et à les réduire au plus petit nombre possible, que doivent tendre nos efforts ; car les causes premières et la nature intime des êtres, nous seront éternellement inconnues.

De tous les astres qui nous paroissent avoir des mouvemens particuliers, le plus remarquable est le soleil. Son mouvement propre, dirigé en sens contraire du mouvement diurne, ou d’occident en orient, se reconnoît facilement par le spectacle du ciel pendant les nuits, spectacle qui change et se renouvelle avec les saisons. Les étoiles situées sur la route du soleil, et qui se couchent un peu après lui, se perdent bientôt dans sa lumière, et reparoissent ensuite avant son lever ; le soleil s’avance donc vers elles, en sens contraire de son mouvement diurne. C’est ainsi que l’on a suivi long-temps son mouvement propre ; mais aujourd’hui, ce mouvement se détermine avec une grande précision, en observant, chaque jour, la hauteur méridienne du soleil, et l’intervalle de temps qui s’écoule entre son passage et ceux des étoiles, au méridien. On a ainsi les mouvemens propres du soleil dans le sens du méridien, et dans le sens des parallèles, et en les composant, leur résultante donne son vrai mouvement. On a trouvé de cette manière, que le soleil se meut dans un orbe qui, au commencement de 1750, étoit incliné de 26°,0796 à l’équateur, et que l’on a nommé écliptique.

C’est de la combinaison du mouvement propre du soleil, avec son mouvement diurne, que résulte la différence des saisons. On appelle équinoxes, les points d’intersection de l’écliptique avec l’équateur ; en effet, le soleil dans ces deux points, décrivant l’équateur, en vertu de son mouvement diurne, et ce cercle étant partagé en deux parties égales, par tous les horizons ; le jour est alors égal à la nuit, sur toute la terre. À mesure que le soleil, en partant de l’équinoxe du printemps, s’avance dans son orbe, ses hauteurs méridiennes sur notre horizon, croissent de plus en plus ; l’arc visible des parallèles qu’il décrit, chaque jour, augmente sans cesse, et fait croître la durée des jours, jusqu’à ce que le soleil parvienne à sa plus grande hauteur. À cette époque, le jour est le plus long de l’année, et comme, vers le maximum, les variations de la hauteur méridienne du soleil sont insensibles, le soleil, à ne considérer que cette hauteur de laquelle dépend la durée du jour, paroît stationnaire, ce qui a fait nommer solstice d’été, ce point du maximum. Le parallèle que le soleil décrit alors, est le tropique d’été. Cet astre redescend ensuite vers l’équateur qu’il traverse de nouveau dans l’équinoxe d’automne, et de-là, il parvient à son minimum de hauteur, ou au solstice d’hiver. Le parallèle décrit alors par le soleil, est le tropique d’hiver, et le jour qui lui répond, est le plus court de l’année. Parvenu à ce terme, le soleil remonte vers l’équateur, et revient à l’équinoxe du printemps, recommencer la même carrière.

Telle est la marche constante du soleil et des saisons. Le printemps est l’intervalle compris entre l’équinoxe du printemps et le solstice d’été ; l’intervalle de ce solstice à l’équinoxe d’automne, forme l’été ; l’intervalle de l’équinoxe d’automne au solstice d’hiver, forme l’automne ; enfin, l’hiver est l’intervalle du solstice d’hiver à l’équinoxe du printemps.

La présence du soleil sur l’horizon, étant la cause de la chaleur, il semble que la température devroit être la même en été qu’au printemps, et dans l’hiver qu’en automne. Mais la température n’est pas un effet instantané de la présence du soleil ; elle est le résultat de son action long-temps continuée ; elle n’atteint son maximum, dans le jour, qu’après la plus grande hauteur de cet astre sur l’horizon ; elle n’y parvient dans l’année, qu’après la plus grande hauteur solsticiale du soleil.

La différence des hauteurs du pôle dans les divers climats, produit dans les saisons, des variétés remarquables que nous allons suivre de l’équateur aux pôles. À l’équateur, les pôles sont à l’horizon qui coupe alors en deux parties égales, tous les parallèles ; le jour y est donc constamment égal à la nuit. À midi, le soleil passe au zénith, dans les équinoxes. Les hauteurs méridiennes de cet astre dans les solstices, sont les plus petites et égales au complément de l’inclinaison de l’écliptique à l’équateur. Les ombres solaires ont, dans ces deux positions du soleil, des directions opposées, ce qui n’arrive point dans nos climats où elles sont toujours, à midi, dirigées vers le nord. Il y a donc, à proprement parler, deux hivers et deux étés, chaque année, sous l’équateur. La même chose a lieu dans tous les pays où la hauteur du pôle est moindre que l’obliquité de l’écliptique. Au-delà, le soleil ne s’élevant jamais au zénith, il n’y a plus qu’un hiver et qu’un été dans l’année ; le plus long jour augmente, et le plus court diminue, à mesure que l’on avance vers le pôle ; et lorsque le zénith n’en est éloigné que d’un angle égal à l’obliquité de l’écliptique sur l’équateur, le soleil ne se couche point au solstice d’été, il ne se lève point au solstice d’hiver. Plus près du pôle encore, le temps de sa présence et celui de son absence sur l’horizon vers les solstices, surpassent plusieurs jours et même plusieurs mois ; enfin, sous le pôle, l’horizon étant l’équateur même, le soleil est toujours au-dessus, lorsqu’il est du même côté de l’équateur, que le pôle ; il est constamment au-dessous, quand il est de l’autre côté de l’équateur ; il n’y a donc qu’un jour et qu’une nuit dans l’année.

Les intervalles qui séparent les équinoxes et les solstices, ne sont pas égaux ; il s’écoule environ sept jours de plus, de l’équinoxe du printemps à celui d’automne, que de ce dernier équinoxe à celui du printemps ; le mouvement propre du soleil n’est donc pas uniforme. Des observations précises et multipliées ont fait connoître qu’il est le plus rapide, dans un point de l’orbite solaire, situé vers le solstice d’hiver, et qu’il est le plus lent, dans le point opposé de l’orbite, vers le solstice d’été. Le soleil décrit par jour, 1°,1327 degré dans le premier point, et seulement 1°, 0591 degré dans le second : ainsi, pendant le cours de l’année, son mouvement journalier varie en plus et en moins, de trois cent trente-six dix millièmes de sa valeur moyenne.

Pour avoir la loi de cette variation, et généralement celle de toutes les inégalités périodiques ; on peut considérer que les sinus et les cosinus des angles, redevenant les mêmes à chaque circonférence dont ces angles augmentent, ils sont propres à représenter ces inégalités ; en exprimant donc de cette manière, toutes les inégalités des mouvemens célestes, il n’y a de difficulté qu’à démêler ces inégalités entr’elles, et à déterminer les angles dont elles dépendent. On trouve ainsi, que la variation de la vitesse angulaire du soleil, est à fort peu-près proportionnelle au cosinus de la moyenne distance angulaire de cet astre, au point de l’orbite, où cette vîtesse est la plus grande.

Il est naturel de penser que la distance du soleil à la terre, est variable comme sa vîtesse angulaire : c’est ce que prouvent les mesures de son diamètre apparent. Il augmente et diminue en même temps et suivant la même loi, que cette vîtesse ; mais dans un rapport deux fois moindre. Lorsque la vîtesse est la plus grande, ce diamètre est de 6035’’,7 ; on ne l’observe que de 5836’’,3, lorsque cette vîtesse est la plus petite ; ainsi, sa grandeur moyenne est de 5936’’,0. Il doit être diminué de quelques secondes, pour le dépouiller de l’effet de l’irradiation qui dilate un peu, les diamètres apparens des objets.

La distance du soleil à la terre, étant réciproque à son diamètre apparent ; son accroissement suit la même loi que la diminution de ce diamètre. On nomme périgée, le point de l’orbite, où le soleil est le plus près de la terre, et apogée, le point opposé où cet astre en est le plus éloigné. C’est dans le premier de ces points, que le soleil a le plus grand diamètre apparent et la plus grande vîtesse : dans le second point, ce diamètre et cette vîtesse sont à leur minimum.

Il suffit, pour diminuer le mouvement apparent du soleil, de l’éloigner de la terre ; mais si la variation de ce mouvement ne provenoit que de cette cause, et si la vîtesse réelle du soleil dans son orbite, étoit constante, sa vîtesse apparente diminueroit dans le même rapport, que son diamètre apparent ; elle diminue dans un rapport deux fois plus grand ; il y a donc un ralentissement réel dans le mouvement du soleil, lorsqu’il s’éloigne de la terre. Par l’effet composé de ce ralentissement et de l’augmentation de la distance, le mouvement angulaire dans un jour, diminue comme le quarré de la distance augmente, en sorte que son produit par ce quarré, est à fort peu près constant. Toutes les mesures du diamètre apparent du soleil, comparées aux observations de son mouvement journalier, confirment ce résultat.

Imaginons par les centres du soleil et de la terre, une droite que nous nommerons rayon vecteur du soleil : il est facile de voir que le petit secteur, ou l’aire tracée dans un jour, par ce rayon, autour de la terre, est proportionnelle au produit du quarré de ce rayon, par le mouvement journalier apparent du soleil ; ainsi cette aire est constante, et l’aire entière tracée par le rayon vecteur, à partir d’un rayon fixe, croît comme le nombre des jours écoulés depuis l’époque où le soleil étoit sur ce rayon. De-là résulte cette loi remarquable du mouvement du soleil, savoir que les aires décrites par son rayon vecteur, sont proportionnelles aux temps.

Si, d’après les données précédentes, on marque, de jour en jour, la position et la longueur du rayon vecteur de l’orbe solaire, et que l’on fasse passer une courbe, par les extrémités de tous ces rayons ; on voit que cette courbe n’est pas exactement circulaire, mais qu’elle est un peu alongée dans le sens de la droite qui, passant par le centre de la terre, joint les points de la plus grande et de la plus petite distance du soleil. La ressemblance de cette courbe avec l’ellipse, ayant donné lieu de les comparer ; on a reconnu leur identité ; d’où l’on a conclu que l’orbe solaire est une ellipse dont le centre de la terre occupe un des foyers.

L’ellipse est une de ces courbes fameuses dans la géométrie ancienne et moderne, qui formées par la section de la surface du cône par un plan, ont été nommées sections coniques. Il est aisé de la décrire, en fixant à deux points invariables que l’on appelle foyers, les extrémités d’un fil tendu sur un plan, par une pointe qui glisse le long de ce fil. La courbe tracée par la pointe, dans ce mouvement, est une ellipse : elle est visiblement alongée dans le sens de la droite qui joint les foyers, et qui, prolongée de chaque côté, jusqu’à la courbe, forme le grand axe dont la longueur est la même que celle du fil. Le grand axe divise l’ellipse en deux parties égales et semblables ; le petit axe est la droite menée par le centre, perpendiculairement au grand axe, et prolongée de chaque côté jusqu’à la courbe ; la distance du centre à l’un des foyers, est l’excentricité de l’ellipse. Lorsque les deux foyers sont réunis au même point, l’ellipse est un cercle ; en les éloignant, elle s’alonge de plus en plus ; et si, leur distance mutuelle devenant infinie, la distance du foyer au sommet le plus voisin de la courbe, reste finie, l’ellipse devient une parabole.

L’ellipse solaire est peu différente d’un cercle ; car son excentricité est, évidemment, l’excès de la plus grande sur la moyenne distance du soleil à la terre, excès qui, comme on l’a vu, est égal à cent soixante et huit dix millièmes de cette distance. Les observations paroissent indiquer dans cette excentricité, une diminution fort lente et à peine sensible dans l’intervalle d’un siècle.

Pour avoir une juste idée du mouvement elliptique du soleil ; concevons un point mû uniformément sur une circonférence dont le centre soit celui de la terre, et dont le rayon soit égal à la distance périgée du soleil : supposons de plus que ce point et le soleil partent ensemble du périgée, et que le mouvement angulaire du point, soit égal au moyen mouvement angulaire du soleil. Tandis que le rayon vecteur du point tourne uniformément autour de la terre, le rayon vecteur du soleil se meut d’une manière inégale, en formant toujours avec la distance périgée, et les arcs d’ellipse, des secteurs proportionnels aux temps. Il devance d’abord le rayon vecteur du point, et fait avec lui, un angle qui, après avoir augmenté jusqu’à une certaine limite, diminue et redevient nul, quand le soleil est à son apogée. Alors, les deux rayons vecteurs coïncident avec le grand axe. Dans la seconde moitié de l’ellipse, le rayon vecteur du point devance celui du soleil, et forme avec lui des angles qui sont exactement les mêmes que dans la première moitié, à la même distance du périgée où il revient coïncider avec le rayon vecteur du soleil et le grand axe de l’ellipse. L’angle dont le rayon vecteur du soleil devance celui du point, est ce que l’on nomme équation du centre ; son maximum est la plus grande équation du centre qui, au commencement de 1750, étoit de 2°,1409. Le mouvement angulaire du point, autour de la terre, se conclut de la durée de la révolution du soleil dans son orbite ; en lui ajoutant l’équation du centre, on a le mouvement angulaire du soleil. La recherche de cette équation, est un problème intéressant d’analyse, qui ne peut être résolu que par approximation ; mais le peu d’excentricité de l’orbe solaire, conduit à des séries très-convergentes qu’il est facile de réduire en tables.

La position du grand axe de l’ellipse solaire, n’est pas constante. La distance angulaire du périgée, à l’équinoxe du printemps, comptée dans le sens du mouvement du soleil, étoit de 309°,5790, au commencement de 1750 ; mais il a, relativement aux étoiles, un mouvement annuel d’environ 56″,7 secondes, dirigé dans le même sens que celui du soleil.

L’orbe solaire se rapproche insensiblement de l’équateur : on peut estimer à 154″,3, la diminution séculaire de son obliquité, sur le plan de ce grand cercle.

Le mouvement elliptique du soleil, ne représente pas encore exactement les observations modernes : leur grande précision a fait appercevoir de petites inégalités dont il eût été presque impossible, par les seules observations, de reconnoître les loix. Ces inégalités sont ainsi, du ressort de cette branche de l’astronomie, qui redescend des causes aux phénomènes, et qui sera l’objet du quatrième livre.

La distance du soleil à la terre, a intéressé dans tous les temps, les observateurs : ils ont essayé de la mesurer par tous les moyens, que l’astronomie a successivement indiqués. Le plus naturel et le plus simple est celui que les géomètres emploient pour mesurer la distance des objets terrestres. Des deux extrémités d’une base connue, on observe les angles que forment avec elle, les rayons visuels de l’objet, et en retranchant leur somme, de deux angles droits, on a l’angle formé par ces rayons, au point de leur concours : cet angle est ce que l’on nomme parallaxe de l’objet dont il est facile ensuite d’avoir la distance aux extrémités de la base. En transportant cette méthode, au soleil ; il faut choisir la base la plus étendue que l’on puisse avoir sur la terre. Imaginons deux observateurs placés sous le même méridien, et observant au même instant, la hauteur méridienne du centre du soleil, et sa distance au même pôle : la différence des deux distances observées, sera l’angle sous lequel on verroit du centre du soleil, la droite qui joint les observateurs : la position des observateurs donne cette droite, en parties du rayon terrestre ; il sera donc facile de conclure de ces observations, l’angle sous lequel on verroit du centre du soleil, le demi diamètre de la terre. Cet angle est la parallaxe du soleil ; mais il est trop petit pour être déterminé avec précision, par cette méthode qui peut seulement nous faire juger que cet astre est au moins, éloigné de six mille diamètres terrestres. Nous verrons dans la suite, les découvertes astronomiques fournir des moyens beaucoup plus précis, pour avoir sa parallaxe que l’on sait maintenant être à fort peu près de 27″,2, dans la moyenne distance du soleil à la terre ; d’où il résulte que cette distance est de 23405 rayons terrestres.

La petitesse de la parallaxe du soleil, nous prouve son immense grosseur : nous sommes bien certains qu’à la même distance où cet astre est vu sous un angle de 5936″, la terre ne paroîtroit pas sous un angle de cent secondes ; ainsi, les volumes des corps sphériques étant proportionnels aux cubes de leurs diamètres, le volume du soleil est au moins, deux cent mille fois plus grand que celui de la terre. Il est environ treize cent mille fois plus considérable, si, comme les observations l’indiquent, la parallaxe solaire est de 27″,2.

On observe à la surface du soleil, des taches noires, d’une forme irrégulière, dont le nombre, la position et la grandeur sont trèsvariables. Souvent, elles sont nombreuses et fort étendues : on en a vu dont la largeur égaloit quatre ou cinq fois celle de la terre. Quelquefois, mais rarement, le soleil a paru pur et sans taches, pendant des années entières. Presque toujours, les taches solaires sont environnées de pénombres renfermées elles-mêmes dans des nuages de lumière, plus clairs que le reste du soleil, et au milieu desquels on voit les taches se former et disparoître. Tout cela indique à la surface de cette énorme masse de feu, de vives effervescences dont les volcans n’offrent qu’une très-foible image. Mais, quelle que soit la nature de ces taches, elles nous ont fait connoître un phénomène remarquable, celui de la rotation du soleil. Au travers des variations qu’elles éprouvent, on démêle des mouvemens réguliers qui sont exactement les mêmes que ceux des points correspondans de la surface du soleil, en supposant à cet astre, dans le sens de son mouvement autour de la terre, un mouvement de rotation sur un axe presque perpendiculaire à l’écliptique. On a conclu de l’observation suivie des taches, que la durée de la rotation du soleil, est d’environ vingt-cinq jours et demi ; que l’équateur solaire est incliné de huit degrés un tiers, au plan de l’écliptique ; et que les points de cet équateur, en s’élevant par leur mouvement de rotation, au-dessus de ce plan, vers le pôle boréal, le traversent dans un point qui, vu du centre du soleil, étoit à 86°,20 de l’équinoxe du printemps, au commencement de 1750.

Les taches du soleil sont presque toujours comprises dans une zône de sa surface, dont la largeur mesurée sur un méridien solaire, ne s’étend pas au-delà de trente-quatre degrés, de chaque côté de son équateur ; on en a cependant observé à quarante-quatre degrés de distance.

Bouguer a trouvé par des expériences curieuses et délicates sur l’intensité de la lumière des divers points du disque du soleil, que cette lumière est un peu plus vive au centre, que vers les bords. Cependant, la même portion du disque, transportée du centre aux bords, par la rotation du soleil, s’y présentant sous un plus petit angle, sa lumière devroit être beaucoup plus intense ; il faut donc qu’elle soit éteinte en grande partie, ce qui ne peut s’expliquer qu’en supposant le soleil environné d’une épaisse atmosphère qui, traversée obliquement par les rayons émanés des bords, les affoiblit plus que ceux du centre, qui la traversent perpendiculairement. Ainsi, l’atmosphère solaire est indiquée par ce phénomène, avec beaucoup de vraisemblance.

L’opinion la plus générale est qu’elle nous réfléchit cette foible lumière visible sur-tout vers l’équinoxe du printemps, un peu avant le lever, ou après le coucher du soleil, et à laquelle on a donné le nom de lumière zodiacale. Le fluide qui nous la renvoie, est extrêmement rare, puisque l’on apperçoit les étoiles au travers. Sa couleur est blanche, et sa figure apparente est celle d’un fuseau dont la base s’appuie sur le soleil : tel on verroit un ellipsoïde de révolution fort applati, dont le centre et le plan de l’équateur seroient les mêmes que ceux du soleil. Sa longueur paroît quelquefois, sous un angle de plus de cent degrés. Dominique Cassini qui, le premier, a décrit cette lumière en observateur, a remarqué qu’elle s’affoiblit, quand le soleil a peu de taches ; d’où il a soupçonné que ces taches et cette lumière naissent d’un même écoulement produit par la force expansive du soleil qui jette à sa surface, la matière épaisse des taches, et qui lance au loin, la matière rare et transparente de la lumière zodiacale. Mais nous ignorons encore la vraie cause de cette lumière, sur laquelle nous proposerons nos conjectures, à la fin de cet ouvrage.


CHAPITRE III.


Du temps et de sa mesure.


Le temps est, par rapport à nous, l’impression que laisse dans la mémoire, une suite d’événemens dont nous sommes certains que l’existence a été successive. Le mouvement est propre à lui servir de mesure ; car un corps ne pouvant pas être dans plusieurs lieux à-la-fois, il ne parvient d’un endroit à un autre, qu’en passant successivement par tous les lieux intermédiaires. Si l’on est assuré qu’à chaque point de la ligne qu’il décrit, il est animé de la même force ; il la décrira d’un mouvement uniforme, et les parties de cette droite pourront mesurer le temps employé à les parcourir. Quand un pendule, à la fin de chaque oscillation, se retrouve dans des circonstances parfaitement semblables, les durées de ces oscillations, sont les mêmes, et le temps peut se mesurer par leur nombre. On peut aussi employer à cette mesure, les révolutions successives de la sphère céleste, dans lesquelles tout paroît égal ; mais on est unanimement convenu de faire usage pour cet objet, du mouvement du soleil dont les retours au méridien et au même équinoxe, forment les jours et les années.

Dans la vie civile, le jour est l’intervalle de temps qui s’écoule depuis le lever jusqu’au coucher du soleil : la nuit est le temps pendant lequel le soleil reste au-dessous de l’horizon. Le jour astronomique embrasse toute la durée de sa révolution diurne ; c’est l’intervalle de temps, compris entre deux midis ou entre deux minuits consécutifs. Il surpasse la durée d’une révolution du ciel, qui forme le jour sydéral ; car si le soleil traverse le méridien au même instant qu’une étoile ; le jour suivant, il y reviendra plus tard, en vertu de son mouvement propre par lequel il s’avance d’occident en orient ; et dans l’espace d’une année, il passera une fois de moins que l’étoile, au méridien. On trouve ainsi, qu’en prenant pour unité, le jour moyen astronomique ; la durée du jour sydéral est de 0j.,997269722.

Les jours astronomiques ne sont pas égaux ; deux causes, l’inégalité du mouvement propre du soleil, et l’obliquité de l’écliptique, produisent leurs différences. L’effet de la première cause est sensible : ainsi au solstice d’été, vers lequel le mouvement du soleil est le plus lent, le jour astronomique approche davantage du jour sydéral, qu’au solstice d’hiver, où ce mouvement est le plus rapide.

Pour concevoir l’effet de la seconde cause, il faut observer que l’excès du jour astronomique sur le jour sydéral, n’est dû qu’au mouvement propre du soleil, rapporté à l’équateur. Si par les extrémités du petit arc que le soleil décrit sur l’écliptique dans un jour, et par les pôles du monde, on imagine deux grands cercles de la sphère céleste ; l’arc de l’équateur, qu’ils interceptent, est le mouvement journalier du soleil, rapporté à l’équateur, et le temps que cet arc met à traverser le méridien, est l’excès du jour astronomique sur le jour sydéral ; or il est visible que dans les équinoxes, l’arc de l’équateur est plus petit que l’arc correspondant de l’écliptique, dans le rapport du cosinus de l’obliquité de l’écliptique, au rayon ; dans les solstices, il est plus grand dans le rapport du rayon au cosinus de la même obliquité ; le jour astronomique est donc diminué dans le premier cas, et augmenté dans le second.

Pour avoir un jour moyen indépendant de ces causes ; on imagine un second soleil mû uniformément sur l’écliptique, et traversant toujours aux mêmes instans que le vrai soleil, le grand axe de l’orbe solaire, ce qui fait disparoître l’inégalité du mouvement propre du soleil. On fait ensuite disparoître l’effet de l’obliquité de l’écliptique, en imaginant un troisième soleil, passant par les équinoxes, aux mêmes instans que le second soleil, et mû sur l’équateur, de manière que les distances angulaires de ces deux soleils à l’équinoxe du printemps, soient constamment égales entr’elles. L’intervalle compris entre deux retours consécutifs de ce troisième soleil, au méridien, forme le jour moyen astronomique. Le temps moyen se mesure par le nombre de ces retours, et le temps vrai se mesure par le nombre des retours du vrai soleil, au méridien. L’arc de l’équateur, intercepté entre deux méridiens menés par les centres du vrai soleil et du troisième soleil, et réduit en temps à raison de la circonférence entière pour un jour, est ce que l’on nomme équation du temps.

En vertu de son moyen mouvement, le soleil emploie 365j.,242222 à revenir à l’équinoxe du printemps : cette durée forme l’année tropique. Les observations ont fait connoître qu’il met plus de temps à revenir aux mêmes étoiles. L’année sydérale est l’intervalle compris entre deux de ces retours consécutifs ; elle est plus grande que l’année tropique, de 0j.,014119 ; ainsi, les équinoxes ont sur l’écliptique, un mouvement rétrograde ou contraire à celui du soleil, par lequel ils décrivent, chaque année, un arc égal au mouvement moyen de cet astre, dans l’intervalle de 0j.,014119, et par conséquent, de 154’’,63.

Les besoins de la société ont fait imaginer diverses périodes, pour mesurer les parties de la durée. La nature en offre deux remarquables, dans les retours du soleil au méridien et au même équinoxe ; mais l’une et l’autre doivent être divisées dans de plus petites périodes. La division du jour en dix heures, de l’heure en cent minutes, de la minute en cent secondes, &c. est la plus simple : il est naturel de faire commencer le jour astronomique à minuit, pour comprendre dans sa durée, tout le temps de la présence du soleil sur l’horizon.

C’est à l’équinoxe du printemps, à la renaissance de la nature, qu’il convient de fixer l’origine de l’année. Les saisons la divisent en quatre parties que l’on a partagées chacune, en trois mois de trente jours. On a encore divisé chaque mois, en trois périodes de dix jours, nommées décades. De cette manière, l’année civile ne seroit composée que de 360 jours, et l’on a vu qu’elle excède 365 jours ; mais on lui ajoute les jours excédens, comme complémentaires. Quoique dans ce système de division de l’année, l’ordre de choses, relatif aux jours de la décade, soit un peu troublé par ces jours complémentaires ; la correspondance des jours de la décade, avec les jours du mois, et celle des fêtes décadaires avec les saisons, le rendent préférable à l’usage des petites périodes indépendantes des mois, telles que la semaine.

Si l’on fixoit la longueur de l’année, à 365 jours ; son commencement anticiperoit sans cesse, sur celui de l’année tropique, et les mois parcourroient, en rétrogradant, les diverses saisons, dans une période d’environ 1508 ans. Cette méthode, en usage autrefois dans l’Égypte, ôte au calendrier, l’avantage d’attacher les mois et les fêtes, aux mêmes saisons, et d’en faire des époques remarquables pour l’agriculture. On conserve cet avantage précieux aux habitans des campagnes, en considérant l’origine de l’année, comme un phénomène astronomique, que l’on fixe par le calcul, au minuit qui précède l’équinoxe vrai du printemps ; mais alors, les années cessent d’être des périodes du temps, régulières et faciles à décomposer en jours ; ce qui peut répandre de la confusion sur l’histoire et la chronologie déjà fort embarrassées par la multitude des ères, et ce qui rend l’origine de l’année, que l’on a toujours besoin de connoître d’avance, incertaine et arbitraire, lorsqu’elle approche de minuit, d’une quantité moindre que l’erreur des tables solaires. Pour obvier à ces inconvéniens, et pour conserver dans les mêmes saisons, les mois et les fêtes ; on a imaginé les intercalations. La plus simple de toutes, est l’addition d’un jour, tous les quatre ans, aux années égyptiennes ou de 365 jours. Jules-César l’introduisit dans le calendrier romain, et l’on nomma bissextiles les années ainsi augmentées, pour les distinguer des autres que l’on nomme années communes. Mais si la courte durée de la vie suffit pour écarter sensiblement l’origine des années égyptiennes, de l’équinoxe ; il ne faut qu’un petit nombre de siècles, pour opérer le même déplacement dans l’origine des années juliennes ; ce qui rend indispensable, une intercalation plus composée. Celle que les perses imaginèrent dans le onzième siècle, est remarquable par son exactitude et par sa simplicité. Elle consiste à rendre la quatrième année, bissextile, sept fois de suite, et à ne faire ce changement, la huitième fois, qu’à la cinquième année. Cela suppose la longueur de l’année, de 365 jours , plus grande de 0j.,000202, que l’année tropique déterminée par les observations ; mais il faudroit un grand nombre de siècles, pour déplacer son origine, d’une quantité sensible aux agriculteurs.

Il seroit à désirer que tous les peuples adoptassent une même ère indépendante des révolutions morales, et fondée sur les seuls phénomènes astronomiques. L’un des plus remarquables est le mouvement du grand axe de l’ellipse solaire ; on pourroit donc fixer l’origine d’une grande période ou de l’ère, à l’instant de son passage par l’équinoxe, instant dans lequel l’équinoxe vrai et l’équinoxe moyen sont réunis : on auroit ainsi l’avantage de n’employer que ce qui est relatif au soleil, dans l’origine du temps, comme dans sa mesure : mais l’époque du passage du périgée du soleil, par l’équinoxe du printemps, est trop éloignée de nous, pour être déterminée avec exactitude, et il est préférable de partir de l’année dans laquelle le grand axe étant perpendiculaire à la ligne des équinoxes, le solstice vrai coincidoit avec le solstice moyen, ce qui ne remonte qu’à l’an 1250. On prendroit pour origine de l’ère, l’instant de l’équinoxe moyen du printemps qui, dans cette année, arriva le 15 mars à 5h.,3675, temps moyen à Paris. Le méridien universel d’où l’on compteroit les longitudes terrestres, seroit celui dont le minuit répondoit au même instant, et qui est à l’orient de Paris, de 185°,30. Si après une longue suite de siècles, l’origine de l’ère devenoit incertaine ; il seroit difficile de la retrouver avec précision, par le seul mouvement de périgée du soleil, vu la lenteur et les inégalités de ce mouvement ; mais il ne restera aucune incertitude sur cette origine, et sur la position du méridien universel ; si l’on se souvient qu’au moment de l’équinoxe moyen, la longitude moyenne de la lune, en ayant égard à son équation séculaire, ou sa moyenne distance au soleil, étoit de 143°,7797. Ainsi, l’on feroit disparoître ce qu’il y a d’arbitraire dans l’origine du temps, et dans celle des longitudes terrestres : en adoptant ensuite l’intercalation et la division précédente de l’année, et celle des mois et du jour ; on auroit le calendrier le plus naturel et le plus simple qui convienne aux habitans de ce côté de l’équateur.

De la réunion de cent années, on a formé le siècle, la plus longue période employée jusqu’ici dans la mesure du temps ; car l’intervalle qui nous sépare des plus anciens événemens connus, n’en exige pas encore de plus grandes.


CHAPITRE IV.


Du mouvement de la Lune, de ses phases, et des éclipses.


Celui de tous les astres, qui nous intéresse le plus, après le soleil, est la lune dont les phases offrent une division du temps, si remarquable, qu’elle a été primitivement en usage chez tous les peuples. La lune a, comme le soleil, un mouvement propre d’occident en orient. La durée de sa révolution sydérale étoit de 27j.,32166118036, vers le milieu de ce siècle : elle n’est pas toujours la même, et la comparaison des observations modernes aux anciennes, prouve incontestablement une accélération dans le moyen mouvement de la lune. Cette accélération, encore peu sensible depuis l’éclipse la plus ancienne dont l’observation nous soit parvenue, se développera par la suite des temps. Mais ira-t-elle en croissant sans cesse, ou s’arrêtera-t-elle pour se changer en retardement ? c’est ce que les observations ne pourroient apprendre qu’après un très-grand nombre de siècles. Heureusement, la découverte de sa cause, en les devançant, nous a fait connoître qu’elle est périodique.

La lune se meut dans un orbe elliptique dont le centre de la terre occupe un des foyers. Son rayon vecteur trace autour de ce point, des aires à-peu-près proportionnelles aux temps. La moyenne distance de cet astre à la terre, étant prise pour unité ; l’excentricité de son ellipse est 0,0550368, ce qui donne la plus grande équation du centre, égale à 7°,0099. Le périgée lunaire a un mouvement direct, c’est-à-dire, dans le sens du mouvement du soleil ; la durée de sa révolution sydérale est maintenant de 3232j.,579 : elle n’est pas constante, et pendant que le mouvement de la lune s’accélère de siècle en siècle, celui de son périgée se rallentit.

Au commencement de 1750, les distances de la lune et du périgée de son orbite, à l’équinoxe moyen du printemps, étoient 209°,2082, et 32°,3168.

Les loix du mouvement elliptique, sont encore loin de représenter les observations de la lune ; elle est assujettie à un grand nombre d’autres inégalités qui ont des rapports évidens avec la position du soleil : nous allons indiquer les trois principales.

La plus considérable de toutes, et la première qui ait été reconnue, est celle que l’on nomme évection. Cette inégalité qui dans son maximum, s’élève à 1°,4902, est proportionnelle au sinus du double de la distance moyenne angulaire de la lune au soleil, moins la distance moyenne angulaire de la lune, au périgée de son orbite. Dans les oppositions et dans les conjonctions de la lune au soleil, elle se confond avec l’équation du centre, qu’elle diminue constamment, et par cette raison, les anciens observateurs qui ne déterminoient les élémens de la théorie lunaire, qu’au moyen des éclipses, et dans la vue de prédire ces phénomènes, trouvèrent l’équation du centre de la lune, plus petite que la véritable, de toute la quantité de l’évection.

On observe encore dans le mouvement lunaire, une grande inégalité qui disparoît dans les conjonctions et dans les oppositions de la lune au soleil, ainsi que dans les points où ces deux astres sont éloignés entr’eux, de cent degrés. Elle est à son maximum, et s’élève à 0°,6608, quand leur distance mutuelle est de cinquante degrés ; d’où l’on a conclu qu’elle est proportionnelle au sinus du double de la distance moyenne angulaire de la lune au soleil. Cette inégalité que l’on nomme variation, disparoissant dans les éclipses ; elle n’a pu être reconnue par l’observation de ces phénomènes.

Enfin, le mouvement de la lune s’accélère, quand celui du soleil se ralentit, et réciproquement ; d’où résulte une inégalité connue sous le nom d’équation annuelle, et dont la loi est exactement la même que celle de l’équation du centre du soleil, avec un signe contraire. Cette inégalité qui, dans son maximum, est de 0°,2064, se confond dans les éclipses, avec l’équation du centre du soleil ; et dans le calcul de l’instant de ces phénomènes, il est indifférent de considérer séparément ces deux équations, ou de supprimer l’équation annuelle de la théorie lunaire, pour en accroître l’équation du centre du soleil. C’est une des principales causes pour lesquelles les anciens astronomes donnèrent à cette dernière équation, une trop grande valeur ; comme ils en assignèrent une trop petite, à l’équation du centre de la lune, à raison de l’évection.

L’orbe lunaire est incliné de 5°,7188, au plan de l’écliptique ; ses points d’intersection avec elle, que l’on nomme nœuds, ne sont pas fixes dans le ciel ; ils ont un mouvement rétrograde ou contraire à celui du soleil, mouvement qu’il est facile de reconnoître par la suite des étoiles que la lune rencontre en traversant l’écliptique. On appelle nœud ascendant, celui dans lequel la lune s’élève au-dessus de l’écliptique, vers le pôle boréal ; et nœud descendant, celui dans lequel elle s’abaisse au-dessous, vers le pôle austral. La distance moyenne du premier de ces nœuds, à l’équinoxe du printemps, étoit de 311°,4814, au commencement de 1750, et la durée de sa révolution sydérale étoit vers cette époque, de 6793j.,465 : mais son mouvement se ralentit de siècle en siècle. Il est assujetti à plusieurs inégalités dont la plus grande est proportionnelle au sinus du double de la distance angulaire du soleil, au nœud ascendant de l’orbe lunaire, et s’élève à 1°,8105 dans son maximum. L’inclinaison de l’orbe, est pareillement variable ; sa plus grande inégalité qui s’élève à 0°,1631, est proportionnelle au cosinus du même angle dont dépend l’inégalité du mouvement des nœuds.

L’orbe lunaire, ainsi que les orbes du soleil et de tous les corps célestes, n’a pas plus de réalité, que les paraboles décrites par les projectiles, à la surface de la terre. Pour nous représenter le mouvement d’un corps dans l’espace, nous imaginons une ligne menée par toutes les positions successives de son centre ; cette ligne est son orbite dont le plan est celui qui passe par deux positions consécutives du corps, et par le point autour duquel on le conçoit en mouvement.

Au lieu d’envisager ainsi, le mouvement d’un corps ; on peut le projeter par la pensée, sur un plan fixe, et déterminer sa courbe de projection, et sa hauteur au-dessus de ce plan. Ces diverses méthodes ont des avantages qui leur sont propres, et qui les rendent préférables, suivant les circonstances.

Le diamètre apparent de la lune, change d’une manière analogue aux variations du mouvement lunaire : il est de 5438″ dans la plus grande distance de la lune à la terre, et de 6207″ dans sa plus petite distance.

Les mêmes moyens auxquels la parallaxe du soleil avoit échappé par sa petitesse, ont donné celle de la lune, égale à 10661″, dans sa distance à la terre, moyenne arithmétique entre ses distances extrêmes ; ainsi, à la même distance où la lune nous paroît sous un angle de 5823″, la terre seroit vue sous un angle de 21322″ ; leurs diamètres sont donc dans le rapport de ces nombres, ou à très-peu près, comme trois est à onze ; et le volume du globe lunaire, est quarante-neuf fois moindre que celui du globe terrestre.

Les phases de la lune sont un des phénomènes célestes les plus frappans. En se dégageant, le soir, des rayons du soleil, elle reparoît avec un foible croissant qui augmente à mesure qu’elle s’en éloigne, et qui devient un cercle entier de lumière, lorsqu’elle est en opposition avec cet astre. Quand ensuite, elle s’en rapproche ; ses phases diminuent suivant les degrés de leur précédente augmentation, jusqu’à ce qu’elle se plonge, le matin, dans les rayons solaires. Le croissant de la lune, constamment dirigé vers le soleil, indique évidemment qu’elle en emprunte sa lumière ; et la loi de la variation de ses phases dont la largeur croît à très-peu près proportionnellement au sinus verse de la distance angulaire de la lune au soleil, nous prouve qu’elle est sphérique.

Les phases se renouvelant avec les conjonctions ; leur retour dépend de l’excès du mouvement de la lune sur celui du soleil, excès que l’on nomme mouvement synodique lunaire. La durée de la révolution synodique de cet astre, ou la période de ses conjonctions moyennes est de 29j.,530588 ; elle est à l’année tropique, à très-peu près dans le rapport de 19 à 235, c’est-à-dire que dix-neuf années solaires forment environ, deux cent trente-cinq mois lunaires.

Les sysigies sont les points de l’orbite, où la lune se trouve en conjonction ou en opposition avec le soleil. Dans le premier point, la lune est nouvelle ; elle est pleine dans le second point. Les quadratures sont les points de l’orbite, où la lune est éloignée du soleil, de cent ou de trois cents degrés comptés dans le sens de son mouvement propre. Dans ces points que l’on nomme premier et second quartier de la lune, nous voyons la moitié de son hémisphère éclairé. À la rigueur, nous en appercevons un peu plus ; car lorsque l’exacte moitié se découvre à nous, la distance angulaire de la lune au soleil, est un peu moindre que cent degrés : à cet instant que l’on reconnoît parce que la ligne qui sépare l’hémisphère éclairé, de l’hémisphère obscur, paroît être une ligne droite ; le rayon mené de l’observateur, au centre de la lune, est perpendiculaire à celui qui joint les centres de la lune et du soleil. Ainsi, dans le triangle formé par les droites qui joignent ces centres et l’œil de l’observateur, l’angle à la lune est droit, et l’observation donne l’angle à l’observateur ; on peut donc déterminer la distance du soleil à la terre, en parties de celle de la terre à la lune. La difficulté de fixer avec précision, l’instant où nous voyons la moitié du disque éclairé de la lune, rend cette méthode peu rigoureuse ; on lui doit cependant les premières notions justes que l’on ait eues, du volume immense du soleil, et de sa grande distance à la terre.

L’explication des phases de la lune, conduit à celle des éclipses, objets de la frayeur des hommes, dans les temps d’ignorance, et de la curiosité des philosophes, dans tous les temps. La lune ne peut s’éclipser que par l’interposition d’un corps opaque qui lui dérobe la lumière du soleil, et il est visible que ce corps est la terre, puisque les éclipses de lune n’arrivent jamais que dans ses oppositions, ou lorsque la terre est entre cet astre et le soleil. Le globe terrestre projette derrière lui, relativement au soleil, un cône d’ombre dont l’axe est sur la droite qui joint les centres du soleil et de la terre, et qui se termine au point où les diamètres apparens de ces deux corps, sont les mêmes. Ces diamètres vus du centre de la lune en opposition et dans sa moyenne distance, sont à-peu-près de 5920’’ pour le soleil, et de 21322’’ pour la terre ; ainsi le cône d’ombre terrestre a une longueur au moins trois fois et demie plus grande que la distance de la lune à la terre ; et sa largeur, aux points où il est traversé par la lune, est environ huit tiers du diamètre lunaire. La lune seroit donc éclipsée, toutes les fois qu’elle est en opposition avec le soleil, si le plan de son orbe coïncidoit avec l’écliptique ; mais en vertu de l’inclinaison mutuelle de ces plans, la lune dans ses oppositions, est souvent élevée au-dessus, ou abaissée au-dessous du cône d’ombre terrestre, et elle n’y pénètre que lorsqu’elle est près de ses nœuds. Si tout son disque s’enfonce dans l’ombre de la terre, l’éclipse de lune est totale ; elle est partielle, si ce disque n’y pénètre qu’en partie ; et l’on conçoit que la proximité de la lune à ses nœuds, au moment de l’opposition, doit produire toutes les variétés que l’on observe dans ces éclipses.

Chaque point de la surface de la lune, avant que de s’éclipser, perd successivement la lumière des diverses parties du disque solaire qui ne disparoît totalement, qu’à l’instant de l’entrée du point dans l’ombre ; il existe donc autour du cône d’ombre terrestre, une zone éclairée par une lumière qui s’affoiblit graduellement : on lui a donné le nom de pénombre, et sa largeur est égale au diamètre apparent du soleil vu du centre de la lune.

La durée moyenne d’une révolution du soleil, par rapport au nœud de l’orbe lunaire, est de 346j.,61963 ; elle est à la durée d’une révolution synodique de la lune, à fort peu près dans le rapport de 223 à 19 ; ainsi après une période de 223 mois lunaires, le soleil et la lune se retrouvent à la même position relativement au nœud de l’orbe lunaire ; les éclipses doivent donc revenir à-peu-près dans le même ordre, ce qui donne un moyen simple de les prédire. Mais les inégalités des mouvemens du soleil et de la lune, doivent y produire des différences sensibles ; et d’ailleurs, le retour de ces deux astres à la même position par rapport au nœud, dans l’intervalle de 223 mois, n’étant pas rigoureux ; les écarts qui en résultent, changent à la longue, l’ordre des éclipses observées pendant une de ces périodes.

C’est uniquement dans les conjonctions du soleil et de la lune, quand cet astre, en s’interposant entre le soleil et la terre, intercepte la lumière du soleil ; que nous observons les éclipses solaires. Quoique la lune soit incomparablement plus petite que le soleil ; cependant, par une circonstance remarquable, elle est assez près de la terre, pour que son diamètre apparent diffère peu de celui du soleil : il arrive même, à raison des changemens de ces diamètres, qu’ils se surpassent alternativement l’un et l’autre. Imaginons les centres du soleil et de la lune, sur une même droite avec l’œil de l’observateur ; il verra le soleil éclipsé, et si le diamètre apparent de la lune surpasse celui du soleil, l’éclipse sera totale ; mais si ce diamètre est plus petit, l’observateur verra un anneau lumineux formé par la partie du soleil, qui déborde le disque de la lune, et alors l’éclipse sera annulaire. Si le centre de la lune n’est pas sur la droite qui joint l’observateur et le centre du soleil ; la lune pourra n’éclipser qu’une partie de la circonférence du disque solaire, et l’éclipse sera partielle. Ainsi, les variétés des distances du soleil et de la lune, au centre de la terre, et celles de la proximité de la lune à ses nœuds, au moment de ses conjonctions, doivent en produire de très-grandes dans les éclipses de soleil. À ces causes se joint encore l’élévation de la lune sur l’horizon, élévation qui change la grandeur de son diamètre apparent, et qui, par l’effet de la parallaxe lunaire, peut augmenter ou diminuer la distance apparente des centres du soleil et de la lune, de manière que de deux observateurs éloignés entr’eux, l’un peut voir une éclipse de soleil, qui n’a point lieu pour l’autre observateur. En cela, les éclipses de soleil diffèrent des éclipses de lune, qui sont les mêmes pour tous les lieux de la terre.

On voit souvent l’ombre d’un nuage emporté par les vents, parcourir rapidement les coteaux et les plaines, et dérober aux spectateurs qu’elle atteint, la vue du soleil, dont jouissent ceux qui sont au-delà de ses limites : c’est l’image exacte des éclipses totales du soleil. Une profonde obscurité qui dans des circonstances favorables, peut durer au-delà de cinq minutes, accompagne ces éclipses. La subite disparition du soleil, et les épaisses ténèbres qui lui succèdent, remplissent les animaux, de frayeur : les étoiles qu’effaçoit la clarté du jour, se montrent dans tout leur éclat, et le ciel paroît comme dans une nuit sombre. On apperçoit autour du disque lunaire, une couronne d’une lumière pâle, et qui, probablement, est l’atmosphère même du soleil ; car son étendue ne peut convenir à celle de la lune, et l’on s’est assuré par les éclipses du soleil et des étoiles, que cette dernière atmosphère est presqu’insensible.

L’atmosphère dont on peut concevoir la lune environnée, infléchit les rayons lumineux, vers le centre de cet astre ; et si, comme cela doit être, les couches atmosphériques sont plus rares, à mesure qu’elles s’élèvent au-dessus de sa surface, ces rayons en y pénétrant, s’infléchissent de plus en plus, et décrivent une courbe concave vers son centre. Un observateur placé sur la lune, ne cesseroit donc de voir un astre, que lorsqu’il seroit abaissé au-dessous de son horizon, d’un angle que l’on nomme réfraction horizontale. Les rayons émanés de cet astre vu à l’horizon, après avoir rasé la surface de la lune, continuent leur route, en décrivant une courbe semblable à celle par laquelle ils y sont parvenus : ainsi un second observateur placé derrière la lune, relativement à l’astre, l’appercevroit encore, en vertu de l’inflexion de ses rayons dans l’atmosphère lunaire. Le diamètre de la lune n’est point augmenté sensiblement, par la réfraction de son atmosphère ; une étoile éclipsée par cet astre, l’est donc plus tard, que si cette atmosphère n’existoit point, et par la même raison, elle cesse plutôt d’être éclipsée ; en sorte que l’influence de l’atmosphère lunaire ; est principalement sensible sur la durée des éclipses du soleil et des étoiles, par la lune. Des observations précises et multipliées ont fait à peine soupçonner cette influence ; et l’on s’est assuré qu’à la surface de la lune, la réfraction horizontale n’excède pas cinq secondes. Nous verrons dans la suite, qu’à la surface de la terre, cette réfraction est au moins, mille fois plus grande ; l’atmosphère lunaire, si elle existe, est donc d’une rareté extrême, et supérieure à celle du vide que nous formons dans nos meilleures machines pneumatiques. De-là nous devons conclure qu’aucun des animaux terrestres ne pourroit respirer et vivre sur la lune ; et que si elle est habitée, ce ne peut être que par des animaux d’une autre espèce. Les fluides peu comprimés par une atmosphère aussi rare, se réduiroient bientôt en vapeurs ; il y a donc lieu de croire que tout est solide à la surface de la lune, et cela paroît confirmé par les observations de cet astre, dans de grands télescopes qui nous le présentent comme une masse aride, sur laquelle on a cru remarquer les effets et même l’explosion des volcans.

Bouguer a trouvé par l’expérience, que la lumière de la pleine lune, est environ trois cent mille fois plus foible que celle du soleil : c’est la raison pour laquelle cette lumière rassemblée au foyer des plus grands miroirs, ne produit point d’effet sensible sur le thermomètre.

La lune ne disparoît pas entièrement dans ses éclipses ; elle est encore éclairée d’une très-foible lumière qui lui vient des rayons du soleil, infléchis par l’atmosphère terrestre : sa clarté seroit même alors plus vive que dans la pleine lune, sans la grande extinction de ces rayons dans notre atmosphère. Cette lumière doit être moindre dans les éclipses périgées, que dans les éclipses apogées ; les vapeurs et les nuages peuvent l’affoiblir au point de rendre la lune invisible dans ses éclipses, et l’histoire de l’astronomie nous offre quelques exemples, quoique très-rares, de cette disparition totale de la lune.

On distingue encore, sur-tout près des nouvelles lunes, la partie du disque lunaire, qui n’est point éclairée par le soleil. Cette foible clarté que l’on nomme lumière-cendrée, est due à la lumière que l’hémisphère éclairé de la terre réfléchit sur la lune ; et ce qui le prouve, c’est qu’elle est plus sensible vers la nouvelle lune, quand une plus grande partie de cet hémisphère, est dirigée vers cet astre. En effet, il est visible que la terre offriroit à un observateur placé sur la lune, des phases semblables à celles que la lune nous présente, mais accompagnées d’une plus forte lumière, à raison de la plus grande étendue de la surface terrestre.

Le disque lunaire offre un grand nombre de taches invariables que l’on a observées et décrites avec soin. Elles nous montrent que cet astre dirige toujours vers nous, à-peu-près, le même hémisphère ; il tourne donc sur lui-même dans un temps égal à celui de sa révolution autour de la terre ; car si l’on imagine un observateur placé au centre de la lune supposée transparente, il verra la terre et son rayon visuel se mouvoir autour de lui, et comme ce rayon traverse toujours au même point, à-peu-près, la surface lunaire, il est évident que ce point doit tourner dans le même temps et dans le même sens que la terre, autour de l’observateur.

Cependant, l’observation suivie du disque lunaire, fait appercevoir de légères variétés dans ses apparences ; on voit les taches s’approcher et s’éloigner alternativement de ses bords ; celles qui en sont très-voisines, disparoissent et reparoissent successivement, en faisant des oscillations périodiques, que l’on a désignées sous le nom de libration de la lune. Pour se former une juste idée des causes principales de ce phénomène ; il faut considérer que le disque de la lune, vu du centre de la terre, est terminé par la circonférence d’un grand cercle du globe lunaire, perpendiculaire au rayon mené de ce centre à celui de ce globe. C’est sur le plan de ce grand cercle, que se projette l’hémisphère de la lune, dirigé vers la terre, et ses apparences sont dues au mouvement de rotation de cet astre, par rapport à son rayon vecteur. Si la lune étoit sans mouvement de rotation, ce rayon traceroit à chaque révolution lunaire, la circonférence d’un grand cercle, sur sa surface dont tous les points se présenteroient successivement à nous ; mais en même temps que le rayon vecteur trace cette circonférence, le globe lunaire en tournant, ramène toujours à fort peu près, le même point de sa surface sur ce rayon, et par conséquent, le même hémisphère, vers la terre. Les inégalités du mouvement de la lune, produisent de légères variétés dans ses apparences ; car son mouvement de rotation ne participant point d’une manière sensible, à ces inégalités, il est variable relativement à son rayon vecteur qui va rencontrer ainsi, sa surface dans différens points ; le globe lunaire fait donc, par rapport à ce rayon, des oscillations correspondantes aux inégalités de son mouvement, et qui nous dérobent et nous découvrent alternativement quelques parties de sa surface.

De plus, son axe de rotation n’est pas exactement perpendiculaire au plan de l’orbite : en le supposant à-peu-près fixe durant une révolution, le rayon vecteur de la lune s’incline plus ou moins sur lui, et l’angle formé par ces deux lignes, est aigu pendant une moitié de la révolution, et obtus pendant l’autre moitié ; la terre voit donc alternativement l’un et l’autre pôle de rotation, et les parties de la surface, qui en sont voisines.

Enfin, l’observateur n’est point au centre de la terre, mais à sa surface ; c’est le rayon visuel mené de son œil, au centre de la lune, qui détermine le milieu de l’hémisphère visible, et il est clair qu’à raison de la parallaxe lunaire, ce rayon coupe la surface de la lune, dans des points sensiblement différens, suivant la hauteur de cet astre sur l’horizon.

Toutes ces causes ne produisent qu’une libration apparente dans le globe lunaire ; elles sont purement optiques, et n’affectent point son mouvement réel de rotation : ce mouvement peut être cependant assujetti à de petites inégalités ; mais elles sont trop peu sensibles pour avoir été observées.

Il n’en est pas de même des variations du plan de l’équateur lunaire. En cherchant à déterminer sa position, par les observations des taches de la lune ; Dominique Cassini a été conduit à ce résultat très-remarquable, qui renferme toute la théorie astronomique de la libration réelle de cet astre. Si par le centre de la lune, on conçoit un premier plan perpendiculaire à son axe de rotation, plan qui se confond avec celui de son équateur ; si de plus, on imagine par le même centre, un second plan parallèle à celui de l’écliptique, et un troisième plan qui soit le plan moyen de l’orbe lunaire ; ces trois plans ont constamment une commune intersection : le second plan situé entre les deux autres, forme avec le premier, un angle d’environ 1°,67, et avec le troisième, un angle de 5°,7188. Ainsi, les intersections de l’équateur lunaire, avec l’écliptique, ou ses nœuds coincident toujours avec les nœuds moyens de l’orbe lunaire, et comme eux, ils ont un mouvement rétrograde, dont la période est de 6793j.,647. Dans cet intervalle, les deux pôles de l’équateur et de l’orbe lunaire, décrivent de petits cercles parallèles à l’écliptique, en comprenant son pôle entr’eux, de manière que ces trois pôles soient constamment sur un grand cercle de la sphère céleste.

Des montagnes d’une grande hauteur, s’élèvent à la surface de la lune ; leurs ombres projetées sur les plaines, y forment des taches qui varient avec la position du soleil. On voit aux bords de la partie éclairée du disque lunaire, ces montagnes, sous la forme d’une dentelure qui s’étend au-delà de la ligne de lumière, d’une quantité dont la mesure a fait connoître que leur hauteur est, au moins, de trois mille mètres. On reconnoît encore, par la direction des ombres, que la surface de la lune est parsemée de profondes cavités semblables aux bassins de nos mers. Enfin, la surface lunaire paroît offrir des traces d’éruptions volcaniques : la formation de nouvelles taches, et des étincelles observées plusieurs fois, dans sa partie obscure, semblent même y indiquer des volcans en activité.


CHAPITRE V.


Des Planètes, et en particulier, de Mercure et de Vénus.


Au milieu de ce nombre infini de points étincelans, dont la voûte céleste est parsemée, et qui gardent entr’eux, une position à-peu-près constante ; on voit six astres se mouvoir dans des périodes réglées, en suivant des loix fort compliquées, dont la recherche est un des principaux objets de l’astronomie. Ces astres auxquels on a donné le nom de Planètes, sont : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne et Uranus. Les deux premiers ne s’écartent point du soleil, au-delà de certaines limites : les autres s’en éloignent toutes les distances angulaires possibles. Les mouvemens de tous ces corps sont compris dans une zone de la sphère céleste, que l’on a nommée Zodiaque, et dont la largeur d’environ vingt degrés, est divisée en deux parties égales, par l’écliptique.

Mercure ne s’éloigne jamais du soleil, au-delà de trente-deux degrés. Lorsqu’il commence à paroître, le soir ; on le distingue à peine, dans les rayons du crépuscule : il s’en dégage de plus en plus, les jours suivans, et après s’être éloigné d’environ vingt-cinq degrés, du soleil, il revient vers lui. Dans cet intervalle, le mouvement de Mercure rapporté aux étoiles, est direct ; mais lorsqu’en se rapprochant du soleil, sa distance à cet astre n’est plus que de vingt degrés ; il paroît stationnaire et son mouvement devient ensuite rétrograde. Mercure continue de se rapprocher du soleil, et finit par se replonger, le soir, dans ses rayons. Après y être demeuré pendant quelque temps, invisible ; on le revoit, le matin, sortant de ces rayons et s’éloignant du soleil. Son mouvement est rétrograde comme avant sa disparition ; mais la planète parvenue à vingt degrés de distance de cet astre, est de nouveau, stationnaire, et reprend un mouvement direct : elle continue de s’éloigner du soleil, jusqu’à la distance de vingt-cinq degrés ; ensuite, elle s’en rapproche, se replonge, le matin, dans les rayons de l’aurore, et reparoît bientôt, le soir, pour reproduire les mêmes phénomènes.

L’étendue des plus grandes digressions de Mercure, ou de ses plus grands écarts de chaque côté du soleil, varie depuis dix-huit jusqu’à trente-deux degrés. La durée de ses oscillations entières, ou de ses retours à la même position, relativement au soleil, varie pareillement depuis cent six jusqu’à cent trente jours ; l’arc moyen de sa rétrogradation est d’environ quinze degrés, et sa durée moyenne est de vingt-trois jours ; mais il y a de grandes différences entre ces quantités, dans les diverses rétrogradations. En général, le mouvement de Mercure est très-compliqué : il n’a pas lieu exactement sur le plan de l’écliptique ; quelquefois, la planète s’en écarte au-delà de cinq degrés.

Il a fallu, sans doute, une longue suite d’observations, pour reconnoître l’identité de ces deux astres que l’on voyoit alternativement, le matin et le soir, s’éloigner et se rapprocher du soleil : mais comme l’un ne se montroit jamais, que l’autre n’eût disparu ; on jugea enfin que c’étoit la même planète qui oscilloit de chaque côté du soleil.

Le diamètre apparent de Mercure est variable, et ses changemens ont des rapports évidens à sa position relative au soleil, et à la direction de son mouvement. Il est à son minimum, quand la planète se plonge, le matin, dans les rayons solaires, ou quand, le soir, elle s’en dégage ; il est à son maximum, quand elle se plonge, le soir, dans ces rayons, ou quand elle s’en dégage, le matin. Sa grandeur moyenne est de 21″,3.

Quelquefois, dans l’intervalle de sa disparition, le soir, à sa réapparition, le matin ; on voit la planète se projeter sur le disque du soleil, sous la forme d’une tache noire qui décrit une corde de ce disque. On la reconnoît à sa position, à son diamètre apparent, et à son mouvement rétrograde, conformes à ceux qu’elle doit avoir. Ces passages de Mercure sont de véritables éclipses annulaires du soleil, qui nous prouvent que cette planète en emprunte sa lumière. Vue dans de fortes lunettes, elle présente des phases analogues aux phases de la lune, dirigées comme elles, vers le soleil, et dont l’étendue variable suivant sa position par rapport à cet astre, et suivant la direction de son mouvement, répand une grande lumière sur la nature de son orbite.

La planète Vénus offre les mêmes phénomènes que Mercure, avec cette différence, que ses phases sont beaucoup plus sensibles, ses oscillations plus étendues, et leur durée plus considérable. Les plus grandes digressions de Vénus varient depuis cinquante jusqu’à cinquante-trois degrés ; et la durée moyenne de ses oscillations entières, est de cinq cent quatre-vingt-quatre jours. La rétrogradation commence ou finit, quand la planète, en se rapprochant, le soir, du soleil, ou en s’en éloignant, le matin, en est distante d’environ trente-deux degrés. L’arc moyen de sa rétrogradation, est de dix-huit degrés à-peu-près, et sa durée moyenne est de quarante-deux jours. Vénus ne se meut point exactement sur le plan de l’écliptique dont elle peut s’écarter de plusieurs degrés.

Comme Mercure, Vénus paroît quelquefois décrire une corde du disque du soleil. Les durées de ses passages sur cet astre, observées à de grandes distances sur la terre, sont très-sensiblement différentes ; ce qui vient de la parallaxe de Vénus, en vertu de laquelle les divers observateurs la rapportant à des points différens du disque solaire, lui voient décrire des cordes différentes de ce disque. Dans le passage qui eut lieu en 1769, la différence des durées observées à Otaïti dans la mer du sud, et à Cajanebourg dans la Laponie suédoise, surpassa quinze minutes. Ces durées pouvant être déterminées avec une grande précision ; leurs différences donnent fort exactement la parallaxe de Vénus, et par conséquent, sa distance à la terre, au moment de sa conjonction. Une loi remarquable que nous exposerons à la suite des découvertes qui l’ont fait connoître, lie cette parallaxe à celle du soleil et des planètes ; ainsi, l’observation de ces passages, est d’une grande importance dans l’astronomie. Après s’être succédés dans l’intervalle de huit ans, ils ne reviennent qu’après plus d’un siècle, pour se succéder encore dans le court intervalle de huit ans, et ainsi de suite. Les deux derniers passages sont arrivés en 1761 et 1769 ; les astronomes se sont répandus dans les pays où il étoit le plus avantageux de les observer, et c’est de l’ensemble de leurs observations, que l’on a conclu la parallaxe du soleil, de 27″,2, dans sa moyenne distance à la terre.

Les grandes variations du diamètre apparent de Vénus, nous prouvent que sa distance à la terre est très-variable ; cette distance est la plus petite au moment de ses passages sur le soleil, et le diamètre apparent est alors d’environ 177″. La grandeur moyenne de ce diamètre est de 51″,54.

Le mouvement de quelques taches observées sur cette planète, avoit fait reconnoître à Dominique Cassini, sa rotation dans l’intervalle d’un peu moins d’un jour. Schroeter, par l’observation suivie des variations de ses cornes, et par celle de quelques points lumineux vers les bords de sa partie non éclairée, a confirmé ce résultat sur lequel on avoit élevé des doutes. Il a fixé à 0j.,973, la durée de la rotation, et il a trouvé comme Cassini, que l’équateur de Vénus forme un angle considérable avec l’écliptique. Enfin, il a conclu de ses observations, l’existence de très-hautes montagnes à sa surface, et par la loi de la dégradation de sa lumière, dans le passage de sa partie obscure à sa partie éclairée, il a jugé la planète environnée d’une atmosphère étendue dont la force réfractive est peu différente de celle de l’atmosphère terrestre. L’extrême difficulté d’appercevoir ces phénomènes dans les plus forts télescopes, en rend l’observation très-délicate dans nos climats : ils méritent toute l’attention des observateurs placés au midi, sous un ciel plus favorable.

Vénus surpasse en clarté, les autres planètes et les étoiles ; elle est quelquefois si brillante, qu’on la voit en plein jour, à la vue simple. Ce phénomène qui revient assez souvent, ne manque jamais d’exciter une vive surprise ; et le vulgaire, dans sa crédule ignorance, le suppose toujours lié aux événemens contemporains, les plus remarquables.


CHAPITRE VI.


De Mars.


Les deux planètes que nous venons de considérer, semblent accompagner le soleil, comme autant de satellites, et leur moyen mouvement autour de la terre, est le même que celui de cet astre : les autres planètes s’éloignent du soleil, à toutes les distances angulaires possibles ; mais leurs mouvemens ont avec sa position, des rapports qui ne permettent pas de douter de son influence sur ces mouvemens.

Mars nous paroît se mouvoir d’occident en orient, autour de la terre ; la durée moyenne de sa révolution sydérale est de 686j.,979579. Son mouvement est fort inégal : quand on commence à revoir, le matin, cette planète, à sa sortie des rayons du soleil, ce mouvement est direct et le plus rapide ; il se rallentit peu-à-peu, et devient nul, lorsque la planète est à 152° environ, de distance, du soleil ; ensuite il se change dans un mouvement rétrograde dont la vîtesse augmente jusqu’au moment de l’opposition de Mars avec cet astre. Cette vîtesse alors parvenue à son maximum, diminue et redevient nulle, lorsque Mars, en se rapprochant du soleil, n’en est plus éloigné que de 152°. Le mouvement reprend ensuite son état direct, après avoir été rétrograde pendant soixante et treize jours, et dans cet intervalle, la planète décrit un arc de rétrogradation, d’environ dix-huit degrés. En continuant de se rapprocher du soleil, elle finit par se plonger, le soir, dans ses rayons. Ces singuliers phénomènes se renouvellent dans toutes les oppositions de Mars, avec des différences assez grandes dans l’étendue et dans la durée des rétrogradations.

Mars ne se meut point exactement sur le plan de l’écliptique ; il s’en écarte quelquefois, de plusieurs degrés. Les variations de son diamètre apparent sont fort grandes ; il est de 30’’ environ, dans son état moyen, et il augmente à mesure que la planète approche de son opposition où il s’élève à 90’’ : alors, la parallaxe de Mars devient sensible, et à-peu-près double de celle du soleil. La même loi qui existe entre les parallaxes du soleil et de Vénus, a également lieu entre celles du soleil et de Mars ; et l’observation de cette dernière parallaxe avoit déjà fait connoître d’une manière approchée, la parallaxe solaire, avant les derniers passages de Vénus sur le soleil, qui l’ont déterminée avec plus de précision.

On voit le disque de Mars, changer de forme, et devenir sensiblement ovale, suivant sa position relativement au soleil : ces phases prouvent qu’il en reçoit sa lumière. Des taches que l’on observe distinctement à sa surface, ont fait connoître qu’il se meut sur lui-même, d’occident en orient, dans une période de 1j.,02733, et sur un axe incliné de 66°,33 à l’écliptique.


CHAPITRE VII.


De Jupiter et de ses satellites.


Jupiter se meut d’occident en orient, dans une période de 4332j.,602208 : il est assujetti à des inégalités semblables à celles de Mars. Avant l’opposition de la planète au soleil, et lorsqu’elle en est à-peu-près éloignée de cent vingt-huit degrés, son mouvement devient rétrograde ; il augmente de vîtesse, jusqu’au moment de l’opposition, se rallentit ensuite, et reprend son état direct, lorsque la planète, en se rapprochant du soleil, n’en est plus distante que de cent vingt-huit degrés. La durée de ce mouvement rétrograde, est d’environ cent vingt-un jours, et l’arc de rétrogradation est de onze degrés ; mais il y a des différences sensibles dans l’étendue et dans la durée des diverses rétrogradations de Jupiter. Le mouvement de cette planète n’a pas lieu exactement dans le plan de l’écliptique ; elle s’en écarte quelquefois, de trois ou quatre degrés.

On remarque à la surface de Jupiter, plusieurs bandes obscures, sensiblement parallèles entr’elles et à l’écliptique : on y observe encore d’autres taches dont le mouvement a fait connoître la rotation de cette planète, d’occident en orient, sur un axe presque perpendiculaire au plan de l’écliptique, et dans une période de 0j.,41377. Les variations de quelques-unes de ces taches, et les différences sensibles dans les durées de la rotation conclue de leurs mouvemens, donnent lieu de croire qu’elles ne sont point adhérentes à Jupiter : elles paroissent être autant de nuages que les vents transportent avec différentes vîtesses, dans une atmosphère très-agitée.

Jupiter est, après Vénus, la plus brillante des planètes ; quelquefois même, il la surpasse en clarté. Son diamètre apparent est le plus grand qu’il est possible, dans les oppositions où il s’élève à 149’’ ; sa grandeur moyenne est de 120’’ dans le sens de l’équateur ; mais il n’est pas égal dans tous les sens. La planète est sensiblement applatie à ses pôles de rotation, et l’on a trouvé par des mesures très-précises, que son diamètre dans le sens des pôles, est à celui de son équateur, à fort peu près dans le rapport de treize à quatorze.

On observe autour de Jupiter, quatre petits astres qui l’accompagnent sans cesse. Leur configuration change à tous momens ; ils oscillent de chaque côté de la planète, et c’est par l’étendue entière des oscillations, que l’on détermine le rang de ces satellites, en nommant premier satellite, celui dont l’oscillation est la moins étendue. On les voit quelquefois passer sur le disque de Jupiter, et y projeter leur ombre qui décrit alors une corde de ce disque ; Jupiter et ses satellites sont donc des corps opaques, éclairés par le soleil. En s’interposant entre le soleil et Jupiter, les satellites forment sur cette planète, de véritables éclipses de soleil, parfaitement semblables à celles que la lune produit sur la terre.

Ce phénomène conduit à l’explication d’un autre phénomène que les satellites nous présentent : on les voit souvent disparoître, quoique loin encore, du disque de la planète ; le troisième et le quatrième reparoissent quelquefois, du même côté de ce disque. L’ombre que Jupiter projette derrière lui, relativement au soleil, peut seule expliquer ces disparitions entièrement semblables aux éclipses de lune : les circonstances qui les accompagnent, ne laissent aucun doute sur la réalité de cette cause. On voit toujours les satellites disparoître du côté du disque de Jupiter, opposé au soleil, et par conséquent, du même côté que le cône d’ombre qu’il projette ; ils s’éclipsent plus près de ce disque, quand la planète est plus voisine de son opposition ; enfin la durée de leurs éclipses répond exactement au temps qu’ils doivent employer à traverser le cône d’ombre de Jupiter. Ainsi les satellites se meuvent d’occident en orient, dans des orbes rentrans, autour de cette planète.

L’observation de leurs éclipses, est le moyen le plus exact pour déterminer leurs mouvemens. On a d’une manière très-précise, leurs moyens mouvemens sydéral et synodique, vus du centre de Jupiter ; en comparant les éclipses éloignées d’un grand intervalle, et observées près des oppositions de la planète. On trouve ainsi que le mouvement des satellites de Jupiter est presque circulaire et uniforme, puisque cette hypothèse satisfait d’une manière approchée, aux éclipses dans lesquelles nous voyons cette planète, à la même position relativement au soleil ; on peut donc déterminer à tous les instans, la position des satellites vus du centre de Jupiter.

De-là résulte une méthode simple et assez exacte, pour comparer entr’elles, les distances de Jupiter et du soleil à la terre, méthode qui manquoit aux anciens astronomes ; car la parallaxe de Jupiter étant insensible à la précision même des observations modernes, et lorsqu’il est le plus près de nous ; ils ne jugeoient de sa distance, que par la durée de sa révolution, en estimant plus éloignées, les planètes dont la révolution est plus longue.

Supposons que l’on ait observé la durée entière d’une éclipse du troisième satellite. Au milieu de l’éclipse, le satellite vu du centre de Jupiter, étoit à très-peu près, en opposition avec le soleil ; sa position sydérale, observée de ce centre, et qu’il est facile de conclure de son moyen mouvement, étoit donc alors la même que celle du centre de Jupiter vu de celui du soleil. L’observation directe, ou le mouvement connu du soleil, donne la position de la terre vue du centre de cet astre ; ainsi, en concevant un triangle formé par les droites qui joignent les centres du soleil, de la terre et de Jupiter, on aura l’angle au soleil, dans ce triangle ; l’observation donnera l’angle à la terre ; on aura donc à l’instant du milieu de l’éclipse, les distances rectilignes de Jupiter, à la terre et au soleil, en parties de la distance du soleil à la terre. On trouve par ce moyen, que Jupiter est au moins, cinq fois plus loin de nous que le soleil, quand son diamètre apparent est de 120″. Le diamètre de la terre ne paroîtroit pas sous un angle de 11″, à la même distance ; le volume de Jupiter est donc au moins, mille fois plus grand que celui de la terre.

Le diamètre apparent de ses satellites étant insensible, on ne peut pas mesurer exactement leur grosseur. On a essayé de l’apprécier, par le temps qu’ils emploient à pénétrer dans l’ombre de la planète ; mais les observations offrent à cet égard, de grandes variétés que produisent les différences dans la force des lunettes, dans la vue des observateurs, dans l’état de l’atmosphère, la hauteur des satellites sur l’horizon, leur distance apparente à Jupiter, et le changement des hémisphères qu’ils nous présentent. La comparaison de l’éclat des satellites, est indépendante des quatre premières causes qui ne font qu’altérer proportionnellement leur lumière ; elle doit donc nous éclairer sur le mouvement de rotation de ces corps. Herschel qui s’est occupé de cette recherche délicate, a observé qu’ils se surpassent alternativement en clarté, circonstance propre à nous faire juger de leur éclat respectif. Les rapports du maximumet du minimum de leur lumière, avec leurs positions mutuelles, lui ont fait connoître qu’ils tournent sur eux-mêmes, comme la lune, dans un temps égal à la durée de leur révolution autour de Jupiter ; résultat que Maraldi avoit déjà conclu pour le quatrième satellite, des retours d’une même tache observée sur son disque, dans ses passages sur la planète. Le grand éloignement des corps célestes affoiblit les phénomènes que leurs surfaces présentent, au point de les réduire à de très-légères variétés de lumière, qui échappent à la première vue, et qu’un long exercice dans ce genre d’observations rend sensibles. Mais on ne doit employer qu’avec une extrême circonspection, ce moyen de suppléer à l’imperfection de nos organes ; pour ne pas se tromper sur les causes dont ces variétés dépendent.


CHAPITRE VIII.[modifier]

De Saturne, de ses satellites et de son anneau.

La période du mouvement sydéral de Saturne autour de la terre, est de 10759j.,077213 : ce mouvement qui a lieu d’occident en orient, et à fort peu près dans le plan de l’écliptique, est assujetti à des inégalités semblables à celles des mouvemens de Jupiter et de Mars. Il devient rétrograde, ou finit de l’être, lorsque la planète, avant ou après son opposition, est distante de 121°, du soleil ; la durée de cette rétrogradation est à-peu-près de cent trente-neuf jours, et l’arc de rétrogradation est d’environ sept degrés. Au moment de l’opposition, le diamètre de Saturne est à son maximum ; sa grandeur moyenne est de 54″,4.

Saturne présente un phénomène unique dans le systême du monde. On le voit presque toujours au milieu de deux petits corps qui semblent lui adhérer, et dont la figure et la grandeur sont très-variables ; quelquefois même, ils disparoissent, et alors Saturne paroît rond comme les autres planètes. En suivant avec soin, ces singulières apparences, et en les combinant avec les positions de Saturne, relativement au soleil et à la terre ; Huyghens a reconnu qu’elles sont produites par un anneau large et mince qui environne le globe de Saturne, et qui en est séparé de toutes parts. Cet anneau incliné de 34°,8 au plan de l’écliptique, ne se présente jamais qu’obliquement à la terre, sous la forme d’une ellipse dont la largeur, lorsqu’elle est la plus grande, est à-peu-près la moitié de sa longueur : dans cette position, son petit axe déborde le disque de la planète. L’ellipse se rétrécit de plus en plus, à mesure que le rayon visuel mené de Saturne à la terre, s’abaisse sur le plan de l’anneau dont l’arc postérieur finit par se cacher derrière la planète : l’arc antérieur se confond avec elle, mais son ombre projetée sur le disque de Saturne, y forme une bande obscure que l’on observe dans de fortes lunettes, et qui prouve que Saturne et son anneau sont des corps opaques, éclairés par le soleil. Alors on ne distingue plus, que les parties de l’anneau qui s’étendent de chaque côté de Saturne ; ces parties diminuent peu à peu de largeur ; elles disparoissent enfin quand la terre, en vertu du mouvement de Saturne, est dans le plan de l’anneau dont l’épaisseur est trop mince pour être apperçue. L’anneau disparoît encore, quand le soleil, venant à rencontrer son plan, n’éclaire que son épaisseur. Il continue d’être invisible, tant que son plan se trouve entre le soleil et la terre, et il ne reparoît que lorsque le soleil et la terre se trouvent du même côté de ce plan, en vertu des mouvemens respectifs de Saturne et du soleil.

Le plan de l’anneau, rencontrant l’orbe solaire, à chaque demi-révolution de Saturne ; les phénomènes de sa disparition et de sa réapparition se renouvellent à-peu-près, tous les quinze ans, mais avec des circonstances souvent différentes : il peut y avoir dans la même année, deux apparitions et deux réapparitions, et jamais davantage.

Dans le temps où l’anneau disparoît, son épaisseur nous renvoie la lumière du soleil, mais en trop petite quantité pour être sensible. On conçoit cependant, que, pour l’appercevoir, il suffit d’augmenter la force des télescopes. C’est ce qu’Herschel a éprouvé dans la dernière disparition de l’anneau : il n’a jamais cessé de le voir, lorsqu’il avoit disparu pour les autres observateurs.

L’inclinaison de l’anneau sur l’écliptique, se mesure par la plus grande ouverture de l’ellipse qu’il nous présente : la position de ses nœuds peut se déterminer par la situation apparente de Saturne, lorsque l’anneau disparoît ou reparoît, la terre étant dans son plan. Toutes les disparitions et réapparitions, d’où résulte la même position sydérale des nœuds de l’anneau, ont lieu, parce que son plan rencontre la terre ; les autres viennent de la rencontre du même plan par le soleil ; on peut donc reconnoître par le lieu de Saturne, lorsque l’anneau reparoît ou disparoît, si ce phénomène dépend de la rencontre de son plan, par le soleil ou par la terre. Quand ce plan passe par le soleil, la position de ses nœuds donne celle de Saturne vu du centre du soleil, et alors, on peut déterminer la distance rectiligne de Saturne à la terre, comme on détermine celle de Jupiter, au moyen des éclipses de ses satellites. On trouve ainsi que Saturne est environ neuf fois et demie, plus éloigné de nous que le soleil, quand son diamètre apparent est de 54’’,4.

La largeur apparente de l’anneau, est à-peu-près égale à sa distance à la surface de Saturne ; l’une et l’autre paroissent être le tiers du diamètre de cette planète ; mais à cause de l’irradiation, la largeur réelle de l’anneau doit être plus petite. Sa surface n’est pas continue ; une bande noire qui lui est concentrique, la sépare en deux parties qui paroissent former deux anneaux distincts : plusieurs bandes noires apperçues par quelques observateurs, semblent même indiquer un plus grand nombre d’anneaux. L’observation de quelques points brillans de l’anneau, a fait connoître à Herschel, sa rotation d’occident en orient, dans une période de 0j.,437, autour d’un axe perpendiculaire à son plan, et passant par le centre de Saturne.

On a observé sept satellites, en mouvement autour de cette planète, d’occident en orient, et dans des orbes presque circulaires. Les six premiers se meuvent à fort peu près dans le plan de l’anneau ; l’orbe du septième approche davantage du plan de l’écliptique. Quand ce satellite est à l’orient de Saturne, sa lumière s’affoiblit à un tel point, qu’il devient très-difficile de l’appercevoir ; ce qui ne peut venir que des taches qui couvrent l’hémisphère qu’il nous présente : mais pour nous offrir constamment, dans la même position, ce phénomène ; il faut que ce satellite, en cela semblable à la lune et aux satellites de Jupiter, tourne sur lui-même dans un temps égal à celui de sa révolution autour de Saturne. Ainsi, l’égalité des durées de rotation et de révolution, paroît être une loi générale du mouvement des satellites.

Les diamètres de Saturne ne sont pas égaux entr’eux : celui qui est perpendiculaire au plan de l’anneau, est plus petit d’un onzième au moins, que le diamètre situé dans ce plan. Si l’on compare cet applatissement, à celui de Jupiter ; on peut en conclure avec beaucoup de vraisemblance, que Saturne tourne rapidement autour du plus petit de ses diamètres, et que l’anneau se meut dans le plan de son équateur. Herschel vient de confirmer ce résultat, par des observations directes qui lui ont fait connoître que la rotation de Saturne a lieu comme tous les mouvemens du système planétaire, d’occident en orient, et que sa durée est de 0j.,428. Herschel a de plus observé sur la surface de cette planète, cinq bandes à-peu-près parallèles à son équateur.

CHAPITRE IX.[modifier]

D’Uranus et de ses satellites.

Les cinq planètes que nous venons de considérer, ont été connues dans la plus haute antiquité. La planète Uranus avoit échappé, par sa petitesse, aux anciens observateurs. Flamsteed, à la fin du dernier siècle, Mayer et le Monnier, dans celui-ci, l’avoient déjà observée comme une petite étoile ; mais ce n’est qu’en 1781, que Herschel a reconnu son mouvement, et bientôt après, en suivant cet astre avec soin, on s’est assuré qu’il est une vraie planète. Comme Mars, Jupiter et Saturne, Uranus se meut d’occident en orient, autour de la terre ; la durée de sa révolution sydérale est de 30689j.,00 ; son mouvement qui a lieu à fort peu près dans le plan de l’écliptique, commence à être rétrograde, lorsqu’avant l’opposition, la planète est à 115° de distance, du soleil ; il finit de l’être, quand, après l’opposition, la planète, en se rapprochant du soleil, n’en est plus éloignée que de 115°. La durée de sa rétrogradation est d’environ 151 jours, et l’arc de rétrogradation est de quatre degrés. Si l’on juge de la distance d’Uranus, par la lenteur de son mouvement ; il doit être aux confins du systême planétaire. Son diamètre apparent est très-petit, et s’élève à peine à douze secondes. Herschel, au moyen d’un très-fort télescope, a reconnu six satellites en mouvement autour de cette planète, dans des orbes presque circulaires, et perpendiculaires à-peu-près, au plan de l’écliptique.

CHAPITRE X.[modifier]

Des Comètes.

Souvent on voit des astres qui, d’abord presqu’imperceptibles, augmentent de grandeur et de vîtesse, ensuite diminuent, et cessent enfin d’être visibles. Ces astres que l’on nomme comètes, paroissent presque toujours accompagnés d’une nébulosité qui, en croissant, se termine quelquefois, dans une queue d’une grande étendue, dont la matière est fort rare, puisque l’on apperçoit les étoiles au travers. L’apparition des comètes suivies de ces longues traînées de lumière, a, pendant long-temps, effrayé les hommes, toujours frappés des événemens extraordinaires dont les causes leur sont inconnues. La lumière des sciences a dissipé ces vaines terreurs que les comètes, les éclipses et beaucoup d’autres phénomènes inspiroient dans les siècles d’ignorance.

La phase observée dans la comète de 1744, dont on n’appercevoit que la moitié du disque éclairé, prouve que ces astres sont des corps opaques qui empruntent leur lumière du soleil.

Les comètes participent, comme tous les astres, au mouvement diurne du ciel, et cela joint à la petitesse de leur parallaxe, fait voir que ce ne sont point des météores engendrés dans notre atmosphère. Leurs mouvemens propres sont très-compliqués ; ils ont lieu dans tous les sens, et ils n’affectent point, comme ceux des planètes, la direction d’occident en orient, et des plans peu inclinés à l’écliptique.

CHAPITRE XI.[modifier]

Des Étoiles et de leurs mouvemens.

La parallaxe des étoiles est insensible ; vus dans les plus forts télescopes, leurs disques se réduisent à des points lumineux : en cela, ces astres diffèrent des planètes dont les télescopes augmentent la grandeur apparente. La petitesse du diamètre apparent des étoiles, est prouvée, sur-tout, par le peu de temps qu’elles mettent à disparoître dans leurs occultations par la lune, et qui n’étant pas d’une seconde, indique que ce diamètre est au-dessous de cinq secondes de degré. La vivacité de la lumière des plus brillantes étoiles, comparée à leur petitesse apparente, nous porte à croire qu’elles sont beaucoup plus éloignées de nous, que les planètes, et qu’elles n’empruntent point, comme elles, leur clarté du soleil, mais qu’elles sont lumineuses par elles-mêmes ; et comme les étoiles les plus petites sont assujéties aux mêmes mouvemens que les plus brillantes, et conservent une position constante entr’elles ; il est très-vraisemblable que tous ces astres sont de la même nature, et que ce sont autant de corps lumineux, plus ou moins gros, et placés plus ou moins loin au-delà des limites du systême solaire.

On observe des variations périodiques, dans l’intensité de la lumière de plusieurs étoiles que l’on nomme pour cela, changeantes. Quelquefois, on a vu des étoiles se montrer presque tout-à-coup, et disparoître après avoir brillé du plus vif éclat. Telle fut la fameuse étoile observée en 1572, dans la constellation de Cassiopée : en peu de temps, elle surpassa la clarté des plus belles étoiles, et de Jupiter même ; sa lumière s’affoiblit ensuite, et elle disparut entièrement, seize mois après sa découverte, sans avoir changé de place dans le ciel. Sa couleur éprouva des variations considérables : elle fut d’abord d’un blanc éclatant, ensuite d’un jaune rougeâtre, et enfin d’un blanc plombé. Quelle est la cause de ces phénomènes ? des taches très-étendues que les étoiles nous présentent périodiquement en tournant sur elles-mêmes, à-peu-près comme le dernier satellite de Saturne, et l’interposition de grands corps opaques qui circulent autour d’elles, suffisent pour expliquer les variations périodiques des étoiles changeantes. Quant aux étoiles qui se sont montrées presque subitement avec une très-vive lumière, pour disparoître ensuite ; on peut soupçonner avec vraisemblance, que de grands incendies occasionnés par des causes extraordinaires, ont eu lieu à leur surface ; et ce soupçon se confirme par le changement de leur couleur, analogue à celui que nous offrent sur la terre, les corps que nous voyons s’enflammer et s’éteindre.

Une lumière blanche, de forme irrégulière, et à laquelle on a donné le nom de voie lactée, entoure le ciel en forme de ceinture. On y découvre au moyen du télescope, un si grand nombre de petites étoiles ; qu’il est très-probable que la voie lactée n’est que la réunion de ces étoiles qui nous paroissent assez rapprochées, pour former une lumière continue. On observe encore, dans diverses parties du ciel, de petites blancheurs qui semblent être de la même nature que la voie lactée ; plusieurs d’entr’elles, vues dans le télescope, offrent également la réunion d’un grand nombre d’étoiles ; d’autres ne présentent qu’une lumière blanche et continue, peut-être, à cause de leur grande distance qui confond la lumière des étoiles dont elles sont formées. Ces blancheurs se nomment nébuleuses.

L’immobilité respective des étoiles a déterminé les astronomes à leur rapporter, comme à autant de points fixes, les mouvemens propres des autres corps célestes : mais pour cela, il étoit nécessaire de les classer, afin de les reconnoître ; et c’est dans cette vue, que l’on a partagé le ciel en divers groupes d’étoiles, nommés constellations. Il falloit encore avoir avec précision, la position des étoiles sur la sphère céleste, et voici comme on y est parvenu.

On a imaginé par les deux pôles du monde, et par le centre d’un astre quelconque, un grand cercle que l’on a nommé cercle de déclinaison, et qui coupe perpendiculairement l’équateur. L’arc de ce cercle, compris entre l’équateur et le centre de l’astre, mesure sa déclinaison qui est boréale ou australe, suivant la dénomination du pôle dont il est le plus près.

Tous les astres situés sur le même parallèle à l’équateur, ayant la même déclinaison ; il faut, pour déterminer leur position, un nouvel élément. On a choisi pour cela, l’arc de l’équateur, compris entre le cercle de déclinaison et l’équinoxe du printemps. Cet arc compté de cet équinoxe, dans le sens du mouvement propre du soleil, c’est-à-dire d’occident en orient, est ce que l’on nomme ascension droite : ainsi, la position des astres est déterminée par leur ascension droite et par leur déclinaison.

La hauteur méridienne d’un astre, comparée à la hauteur du pôle, donne sa distance à l’équateur, ou sa déclinaison. La détermination de son ascension droite, offroit plus de difficultés aux anciens astronomes, à cause de l’impossibilité où ils étoient de comparer directement les étoiles au soleil. La lune pouvant être comparée, le jour, au soleil, et la nuit, aux étoiles ; ils s’en servirent comme d’un intermédiaire, pour mesurer la différence d’ascension droite du soleil et des étoiles, en ayant égard aux mouvemens propres de la lune et du soleil, dans l’intervalle des observations. La théorie du soleil, donnant ensuite son ascension droite ; ils en conclurent celles de quelques étoiles principales auxquelles ils rapportèrent les autres. C’est par ce moyen qu’Hipparque forma le premier catalogue d’étoiles, dont nous ayons connoissance. Long-temps après, on donna plus de précision à cette méthode, en employant, au lieu de la lune, la planète Vénus que l’on peut quelquefois appercevoir en plein jour, et dont le mouvement pendant un court intervalle de temps, est plus lent et moins inégal, que le mouvement lunaire. Maintenant que l’application du pendule aux horloges, fournit une mesure du temps, très-précise ; nous pouvons déterminer directement, et avec une exactitude bien supérieure à celle des anciens astronomes, la différence d’ascension droite d’un astre et du soleil, par le temps écoulé entre leurs passages au méridien.

On peut, d’une manière semblable, rapporter la position des astres, à l’écliptique ; ce qui est principalement utile dans la théorie de la lune et des planètes. Par le centre de l’astre, on imagine un grand cercle perpendiculaire au plan de l’écliptique, et que l’on nomme cercle de latitude. L’arc de ce cercle, compris entre l’écliptique et l’astre, mesure sa latitude qui est boréale ou australe, suivant la dénomination du pôle situé du même côté de l’écliptique. L’arc de l’écliptique, compris entre le cercle de latitude et l’équinoxe du printemps, et compté de cet équinoxe, d’occident en orient, est ce que l’on nomme longitude de l’astre dont la position est ainsi déterminée par sa longitude et par sa latitude. On conçoit facilement que l’inclinaison de l’écliptique à l’équateur, étant connue ; la longitude et la latitude d’un astre, peuvent se déduire de son ascension droite et de sa déclinaison observées.

Il n’a fallu que peu d’années, pour reconnoître la variation des étoiles, en ascension droite et en déclinaison. Bientôt, on remarqua qu’en changeant de position relativement à l’équateur, elles conservoient la même latitude sur l’écliptique, et l’on en conclut que leurs variations en ascension droite et en déclinaison, ne sont dues qu’à un mouvement commun de ces astres, autour des pôles de l’écliptique. On peut encore représenter ces variations, en supposant les étoiles immobiles, et en faisant mouvoir autour de ces pôles, ceux de l’équateur. Dans ce mouvement, l’inclinaison de l’équateur à l’écliptique, reste la même, et ses nœuds ou les équinoxes rétrogradent uniformément, de 154″,63 par année. On a vu précédemment, que cette rétrogradation des équinoxes, rend l’année tropique, un peu plus courte que l’année sydérale ; ainsi, la différence des deux années sydérale et tropique, et les variations des étoiles en ascension droite et en déclinaison, dépendent de ce mouvement par lequel le pôle de l’équateur décrit annuellement, un arc de 154″,63 d’un petit cercle de la sphère céleste, parallèle à l’écliptique. C’est en cela que consiste le phénomène connu sous le nom de précession des équinoxes.

La précision dont l’astronomie moderne est principalement redevable à l’application des lunettes aux instrumens astronomiques, et à celle du pendule aux horloges, a fait appercevoir de petites inégalités périodiques, dans l’inclinaison de l’équateur à l’écliptique et dans la précession des équinoxes. Bradley qui les a découvertes, et qui les a suivies avec un soin extrême, pendant plusieurs années, est parvenu à en déterminer la loi qui peut être représentée de la manière suivante.

On conçoit le pôle de l’équateur, mû sur la circonférence d’une petite ellipse tangente à la sphère céleste, et dont le centre que l’on peut regarder comme le pôle moyen de l’équateur, décrit uniformément, chaque année, 154″,63 du parallèle à l’écliptique, sur lequel il est situé. Le grand axe de cette ellipse, toujours tangent au cercle de latitude, et dans le plan de ce grand cercle, sous-tend un angle d’environ 62″,2, et le petit axe sous-tend un angle de 46″,3. La situation du vrai pôle de l’équateur, sur cette ellipse, se détermine ainsi. On imagine sur le plan de l’ellipse, un petit cercle qui a le même centre, et dont le diamètre est égal à son grand axe ; on conçoit encore un rayon de ce cercle, mû uniformément d’un mouvement rétrograde, de manière que ce rayon coïncide avec la moitié du grand axe, la plus voisine de l’écliptique, toutes les fois que le nœud moyen ascendant de l’orbe lunaire, coïncide avec l’équinoxe du printemps ; enfin, de l’extrémité de ce rayon mobile, on abaisse une perpendiculaire sur le grand axe de l’ellipse ; le point où cette perpendiculaire coupe la circonférence de cette ellipse, est le lieu du vrai pôle de l’équateur. Ce mouvement du pôle s’appelle nutation.

Les étoiles, en vertu des mouvemens que nous venons de décrire, conservent entr’elles une position constante ; mais l’illustre observateur à qui l’on doit la découverte de la nutation, a reconnu dans tous ces astres, un mouvement général et périodique qui altère un peu leurs positions respectives. Pour se représenter ce mouvement, il faut imaginer que chaque étoile décrit annuellement une petite circonférence parallèle à l’écliptique, dont le centre est la position moyenne de l’étoile, et dont le diamètre vu de la terre, sous-tend un angle de 125″ ; et qu’elle se meut sur cette circonférence, comme le soleil dans son orbite, de manière cependant que le soleil soit constamment plus avancé qu’elle, de cent degrés. Cette circonférence, en se projetant sur la surface du ciel, paroît sous la forme d’une ellipse plus ou moins applatie, suivant la hauteur de l’étoile au-dessus de l’écliptique ; le petit axe de l’ellipse, étant au grand axe, comme le sinus de cette hauteur, est au rayon. De-là naissent toutes les variétés de ce mouvement périodique des étoiles, que l’on nomme aberration.

Indépendamment de ces mouvemens généraux, plusieurs étoiles ont des mouvemens particuliers, très-lents, mais que la suite des temps a rendu sensibles, et qui donnent lieu de croire que toutes les étoiles ont des mouvemens semblables qui se développeront dans les siècles suivans. Ils ont été jusqu’ici, principalement remarquables dans Syrius et Arcturus, deux des plus brillantes étoiles.

CHAPITRE XII.[modifier]

De la figure de la terre, de la variation de la pesanteur à sa surface, et du système décimal des poids et mesures.

Revenons du ciel, sur la terre, et voyons ce que les observations nous ont appris sur ses dimensions et sur sa figure. On a déjà vu que la terre est à très-peu près sphérique ; la pesanteur par-tout dirigée vers son centre, retient les corps à sa surface, quoique dans les lieux diamétralement opposés, ou antipodes, les uns à l’égard des autres, ils aient des positions contraires. Le ciel et les étoiles paroissent toujours au-dessus de la terre ; car l’élévation et l’abaissement ne sont relatifs qu’à la direction de la pesanteur.

Du moment où l’homme eut reconnu la sphéricité du globe qu’il habite, la curiosité dut le porter à mesurer ses dimensions ; il est donc vraisemblable que les premières tentatives sur cet objet, remontent à des temps bien antérieurs à ceux dont l’histoire nous a conservé le souvenir, et qu’elles ont été perdues dans les révolutions physiques et morales que la terre a éprouvées. Les rapports que plusieurs mesures de la plus haute antiquité, ont entr’elles et avec la longueur de la circonférence terrestre, viennent à l’appui de cette conjecture, et semblent indiquer, non-seulement, que dans des temps fort anciens, cette mesure a été exactement connue, mais qu’elle a servi de base à un système complet de mesures, dont on retrouve des vestiges en Égypte et dans l’Asie. Quoi qu’il en soit, la première mesure précise de la terre, dont nous ayons une connoissance certaine, est celle que Picard exécuta en France, vers la fin du dernier siècle, et qui, depuis, a été vérifiée plusieurs fois. Cette opération est facile à concevoir. En s’avançant vers le nord, on voit le pôle s’élever de plus en plus ; la hauteur méridienne des étoiles situées au nord, augmente, et celle des étoiles situées au midi, diminue ; quelques-unes même, deviennent invisibles. La première notion de la courbure de la terre, est due, sans doute, à l’observation de ces phénomènes qui ne pouvoient pas manquer de fixer l’attention des hommes, dans les premiers âges des sociétés, où l’on ne distinguoit les saisons et leur retour, que par le lever et le coucher des principales étoiles, comparés à ceux du soleil. L’élévation ou la dépression des étoiles fait connoître l’angle que les verticales élevées aux extrémités de l’arc parcouru sur la terre, forment au point de leur concours ; car cet angle est évidemment égal à la différence des hauteurs méridiennes d’une même étoile, moins l’angle sous lequel on verroit du centre de l’étoile, l’espace parcouru, et l’on s’est assuré que ce dernier angle est insensible. Il ne s’agit plus ensuite, que de mesurer cet espace : il seroit long et pénible d’appliquer nos mesures sur une aussi grande étendue ; il est beaucoup plus simple d’en lier, par une suite de triangles, les extrémités à celles d’une base de douze ou quinze mille mètres, et vu la précision avec laquelle on peut déterminer les angles de ces triangles, on a très-exactement sa longueur. C’est ainsi que l’on a mesuré l’arc du méridien terrestre, qui traverse la France depuis Dunkerque, et se termine à Montjoui près de Barcelone : la partie de cet arc, dont l’amplitude est la centième partie de l’angle droit, et dont le milieu répond à 51° de hauteur du pôle, est d’un million cent soixante et dix-neuf décimètres.

De toutes les figures rentrantes, la figure sphérique est la plus simple, puisqu’elle ne dépend que d’un seul élément, la grandeur de son rayon. Le penchant naturel à l’esprit humain, de supposer aux objets, la forme qu’il conçoit le plus aisément, le porta donc à donner une forme sphérique, à la terre. Mais la simplicité de la nature ne doit pas toujours se mesurer par celle de nos conceptions. Infiniment variée dans ses effets, la nature n’est simple que dans ses causes, et son économie consiste à produire un grand nombre de phénomènes souvent très-compliqués, au moyen d’un petit nombre de loix générales. La figure de la terre est un résultat de ces loix qui, modifiées par mille circonstances, peuvent l’écarter sensiblement de la sphère. De petites variations observées dans la grandeur des degrés en France, indiquoient ces écarts ; mais les erreurs inévitables des observations, laissoient des doutes sur cet intéressant phénomène, et l’Académie des sciences, dans le sein de laquelle cette grande question fut vivement agitée, jugea avec raison, que la différence des degrés terrestres, si elle étoit réelle, se manifesteroit principalement dans la comparaison des degrés mesurés à l’équateur et vers les pôles. Elle envoya des académiciens à l’équateur même, et ils y trouvèrent le degré du méridien, égal à 99552me,3, plus petit de 465me,6, que le degré correspondant à 51° de hauteur du pôle ; d’autres académiciens se transportèrent au nord, à 73°,7 environ, de hauteur du pôle, et le degré du méridien y fut observé de 100696me,0, plus grand de 1143me,7, qu’à l’équateur. Ainsi, l’accroissement des degrés des méridiens, de l’équateur aux pôles, fut incontestablement prouvé par ces mesures, et il fut reconnu que la terre n’est pas exactement sphérique.

Ces voyages fameux des académiciens français, ayant dirigé vers cet objet, l’attention des observateurs ; de nouveaux degrés des méridiens furent mesurés en Italie, en Allemagne, en Afrique et en Pensylvanie. Toutes ces mesures concourent à indiquer un accroissement dans les degrés, de l’équateur aux pôles.

L’ellipse étant, après le cercle, la plus simple des courbes rentrantes ; on regarda la terre, comme un solide formé par la révolution d’une ellipse autour de son petit axe. Son applatissement dans le sens des pôles, est une suite nécessaire de l’accroissement observé des degrés des méridiens, de l’équateur aux pôles. Les rayons de ces degrés étant dans la direction de la pesanteur, ils sont, par la loi de l’équilibre des fluides, perpendiculaires à la surface des mers dont la terre est, en grande partie, recouverte. Ils n’aboutissent pas, comme dans la sphère, au centre de l’ellipsoïde ; ils n’ont ni la même direction, ni la même grandeur que les rayons menés de ce centre à la surface, et qui la coupent obliquement, par-tout ailleurs qu’à l’équateur et aux pôles. La rencontre de deux verticales voisines, situées sous le même méridien, est le centre du petit arc terrestre qu’elles comprennent entr’elles : si cet arc étoit une droite, ces verticales seroient parallèles, ou ne se rencontreroient qu’à une distance infinie ; mais à mesure qu’on le courbe, elles se rencontrent à une distance d’autant moindre, que sa courbure devient plus grande ; ainsi, l’extrémité du petit axe étant le point où l’ellipse approche le plus de se confondre avec une ligne droite, le rayon du degré du pôle, et par conséquent, ce degré lui-même, est le plus considérable de tous. C’est le contraire, à l’extrémité du grand axe de l’ellipse, à l’équateur où la courbure étant la plus grande, le degré dans le sens du méridien, est le plus petit. En allant du second au premier de ces extrêmes, les degrés vont en augmentant ; et si l’ellipse est peu applatie, leur accroissement est à très-peu près proportionnel au quarré du sinus de la hauteur du pôle sur l’horizon.

La mesure de deux degrés, dans le sens du méridien, suffit pour déterminer les deux axes de l’ellipse génératrice, et par conséquent, la figure de la terre supposée elliptique. Si cette hypothèse est celle de la nature, on doit trouver à-peu-près le même rapport entre ces axes, en comparant, deux à deux, les degrés de France, du nord et de l’équateur ; mais leur comparaison donne, à cet égard, des différences qu’il est difficile d’attribuer aux seules erreurs des observations. On nomme applatissement ou ellipticité d’un sphéroïde elliptique, l’excès de l’axe de l’équateur sur celui du pôle, pris pour unité ; or, les degrés du nord et de France donnent pour l’ellipticité de la terre, que les degrés de France et de l’équateur, donnent égale à  ; il paroît donc que la terre est sensiblement différente d’un ellipsoïde. Il y a même lieu de croire qu’elle n’est pas un solide de révolution, et que ses deux hémisphères ne sont pas semblables de chaque côté de l’équateur. Le degré mesuré par La Caille au Cap de Bonne-Espérance à 37°,01 de hauteur du pôle austral, a été trouvé de 100050me,5 ; il surpasse celui que l’on a mesuré en Pensylvanie à 43°,56 de hauteur du pôle boréal, et dont la longueur n’est que de 99789me,1 ; il est encore plus grand que le degré mesuré en Italie, à 47°,80 de hauteur du pôle, et dont la longueur est de 99948me,7 ; il surpasse même le degré de France à 51° de hauteur du pôle ; et cependant, le degré du Cap devroit être plus petit que tous ces degrés, si la terre étoit un solide régulier de révolution, formé de deux hémisphères semblables ; tout nous porte donc à croire que cela n’est pas. Voyons quelle est alors la nature des méridiens terrestres.

Le méridien céleste, que déterminent les observations astronomiques, est formé par un plan qui passe par l’axe du monde, et par le zénith de l’observateur ; puisque ce plan coupe en parties égales, les arcs des parallèles à l’équateur, que les étoiles décrivent sur l’horizon. Tous les lieux de la terre qui ont leur zénith sur la circonférence de ce méridien, forment le méridien terrestre correspondant. Vu l’immense distance des étoiles, les verticales élevées de chacun de ces lieux, peuvent être censées parallèles au plan du méridien céleste ; on peut donc définir le méridien terrestre, une courbe formée par la jonction des pieds de toutes les verticales parallèles au plan du méridien céleste. Cette courbe est toute entière dans ce plan, lorsque la terre est un solide de révolution ; dans tout autre cas, elle s’en écarte, et généralement, elle est une de ces lignes que les géomètres ont nommées courbes à double courbure.

Le méridien terrestre n’est pas exactement la ligne que déterminent les mesures trigonométriques, dans le sens du méridien céleste. Le premier côté de la ligne mesurée, est tangent à la surface de la terre, et parallèle au plan du méridien céleste. Si l’on prolonge ce côté jusqu’à la rencontre d’une verticale infiniment voisine, et qu’ensuite on plie ce prolongement jusqu’au pied de la verticale ; on formera le second côté de la courbe, et ainsi des autres. La ligne ainsi tracée est la plus courte que l’on puisse mener sur la surface de la terre, entre deux points quelconques pris sur cette ligne ; elle n’est pas dans le plan du méridien céleste, et ne se confond avec le méridien terrestre, que dans le cas où la terre est un solide de révolution ; mais la différence entre la longueur de cette ligne et celle de l’arc correspondant du méridien terrestre, est si petite, qu’elle peut être négligée sans erreur sensible.

La figure de la terre étant fort compliquée ; il importe d’en multiplier les mesures dans tous les sens, et dans le plus grand nombre de lieux qu’il est possible. On peut toujours, à chaque point de sa surface, concevoir un ellipsoïde osculateur qui se confonde sensiblement avec elle, dans une petite étendue autour du point d’osculation. Des arcs terrestres mesurés dans le sens des méridiens, et dans des directions qui leur soient perpendiculaires, comparés aux observations des hauteurs du pôle, et des angles que les directions des extrémités de ces arcs forment avec leurs méridiens respectifs, feront connoître la nature et la position de cet ellipsoïde qui peut n’être pas un solide de révolution, et qui varie sensiblement à de grandes distances. Les opérations que Delambre et Mechain viennent d’exécuter en France, pour avoir la longueur du mètre, déterminent à très-peu près l’ellipsoïde osculateur de cette partie de la surface terrestre. Ils ont observé la hauteur du pôle, non-seulement aux deux extrémités de l’arc, mais encore à trois points intermédiaires : les observations astronomiques et trigonométriques ont été faites au moyen de cercles répétiteurs qui donnent une grande précision dans la mesure des angles. Deux bases de plus de douze mille mètres, ont été mesurées l’une près de Melun, l’autre près de Perpignan, par un procédé nouveau qui ne laisse aucune incertitude ; et, ce qui confirme la justesse de toutes les opérations, c’est que la base de Perpignan conclue de celle de Melun, par la chaîne des triangles qui les unissent, ne diffère pas d’un tiers de mètre, de sa mesure, quoique la distance qui sépare ces deux bases, surpasse neuf cent mille mètres. Voici les principaux résultats de cette grande opération :

Hauteurs du pôle observées.          Arc du méridien terrestre compris

                                                                 entre Montjoui, et

Montjoui : 45°,958281

Carcassonne : 48,016790               Carcassonne : 205621me, 3j.

Évaux : 51,309414                          Évaux : 534714me, 5j.

Panthéon à Paris : 54,274614         Panthéon : 831536me, 4j.

Dunkerque : 56,706944                  Dunkerque : 1075058me, 5j.

La comparaison de ces résultats, indique évidemment, une diminution dans les degrés terrestres du pôle à l’équateur ; mais la loi de cette diminution paroît fort irrégulière : cependant, si l’on cherche l’ellipsoïde qui approche le plus de satisfaire à ces mesures ; on trouve que pour les représenter dans cette hypothèse, il suffit d’altérer d’environ quatre secondes et demie, les hauteurs observées du pôle. L’applatissement de l’ellipsoïde est alors  ; le demi-axe de pôle, parallèle à celui de la terre est de 6344011me, et le degré correspondant au parallèle moyen est de 99983me,7. Une erreur de quatre secondes et demie, quoique très-petite, n’est pas admissible, vu la grande précision des observations ; mais on peut au moins, considérer cet ellipsoïde, comme osculateur de la surface de la terre en france, à 51° de hauteur du pôle, et supposer qu’il se confond sensiblement avec elle, dans une étendue de cinq ou six degrés autour du point d’osculation. Il donne 100716me,9 pour le degré perpendiculaire au méridien, à 56°,3144 de hauteur du pôle ; et par une opération très-exacte faite nouvellement en Angleterre, on l’a trouvé de 100700me,5. Cet accord prouve que l’action des Pyrénées et des autres montagnes qui sont au midi de la france, n’a influé que très-peu sur les hauteurs du pôle, observées à Evaux, Carcassonne et Montjoui, et que le grand applatissement de l’ellipsoïde osculateur tient à des attractions beaucoup plus étendues dont l’effet est sensible au nord comme au midi de la France, et même en Angleterre, en Italie et en Autriche ; car les degrés que l’on y a mesurés avec soin, sont à très-peu près les mêmes que sur cet ellipsoïde. Il y a donc lieu de présumer que si l’on étend jusqu’à l’île de Cabrera, l’arc mesuré depuis Dunkerque jusqu’à Montjoui ; le degré correspondant au parallèle moyen qui résultera de cette mesure, ne surpassera pas cent mille mètres. L’arc total compris entre cette île et Dunkerque, étant partagé en deux parties à-peu-près égales, par ce parallèle ; la longueur du quart de méridien, conclue de cet arc, devient indépendante de toute hypothèse sur l’applatissement de la terre ; Mechain avoit en conséquence, proposé de joindre Cabrera à Montjoui, et il avoit déjà tout préparé pour cette nouvelle mesure ; mais les événemens ne lui ont pas permis de l’achever : espérons que des circonstances favorables permettront bientôt de la reprendre.

Il paroît par les directions observées des côtés de l’arc mesuré depuis Dunkerque jusqu’à Montjoui, que l’ellipsoïde osculateur n’est pas exactement un solide de révolution ; mais on aura sur cet objet, des notions plus certaines, si, comme il est à désirer, on mesure dans la plus grande largeur de la France, une perpendiculaire à la méridienne de l’Observatoire, avec les mêmes moyens dont on vient de faire usage pour la mesure de la méridienne, et si l’on détermine avec précision, sur divers points de cette perpendiculaire, la latitude et la direction de ses côtés par rapport à leurs méridiens respectifs.

Quelle que soit la nature des méridiens terrestres ; par cela seul que leurs degrés vont en diminuant, des pôles à l’équateur ; la terre est applatie dans le sens de ses pôles, c’est-à-dire, que l’axe des pôles est moindre que le diamètre de l’équateur. Pour le faire voir, supposons que la terre soit un solide de révolution, et représentons-nous le rayon du degré du pôle boréal, et la suite de tous ces rayons depuis le pôle jusqu’à l’équateur, rayons qui, par la supposition, diminuent sans cesse. Il est visible que ces rayons forment par leurs intersections consécutives, une courbe qui, d’abord tangente à l’axe du pôle, s’en écarte en tournant vers lui, sa convexité, et en s’élevant vers le pôle, jusqu’à ce que le rayon du degré du méridien, prenne une direction perpendiculaire à la première ; alors, il est dans le plan de l’équateur. Si l’on conçoit le rayon du degré polaire, flexible, et enveloppant successivement les arcs de la courbe que nous venons de considérer ; son extrémité décrira le méridien terrestre, et sa partie interceptée entre le méridien et la courbe, sera le rayon correspondant du degré du méridien : cette courbe est ce que les géomètres nomment développée du méridien. Considérons maintenant, comme le centre de la terre, l’intersection du diamètre de l’équateur et de l’axe du pôle ; la somme des deux tangentes à la développée du méridien, menées de ce centre, la première, suivant l’axe du pôle, et la seconde, suivant le diamètre de l’équateur, sera plus grande que l’arc de la développée qu’elles comprennent entr’elles : or le rayon mené du centre de la terre, au pôle boréal, est égal au rayon du degré polaire, moins la première tangente ; le demi-diamètre de l’équateur est égal au rayon du degré du méridien de l’équateur, plus la seconde tangente ; l’excès du demi-diamètre de l’équateur sur le rayon terrestre du pôle, est donc égal à la somme de ces tangentes, moins l’excès du rayon du degré polaire, sur le rayon du degré du méridien à l’équateur ; ce dernier excès est l’arc même de la développée, arc qui est moindre que la somme des tangentes extrêmes ; donc l’excès du demi-diamètre de l’équateur, sur le rayon mené du centre de la terre, au pôle boréal, est positif. On prouvera de même, que l’excès du demi-diamètre de l’équateur, sur le rayon mené du centre de la terre, au pôle austral, est positif ; l’axe entier des pôles est donc moindre que le diamètre de l’équateur, ou, ce qui revient au même, la terre est applatie dans le sens des pôles.

En considérant chaque partie du méridien, comme un arc très-petit de sa circonférence osculatrice ; il est facile de voir que le rayon mené du centre de la terre, à l’extrémité de l’arc, la plus voisine du pôle, est plus petit que le rayon mené du même centre, à l’autre extrémité ; d’où il suit que les rayons terrestres vont en croissant, des pôles à l’équateur, si, comme toutes les observations l’indiquent, les degrés du méridien augmentent de l’équateur aux pôles.

La différence des rayons des degrés du méridien, au pôle et à l’équateur, est égale à la différence des rayons terrestres correspondans, plus à l’excès du double de la développée, sur la somme des deux tangentes extrêmes, excès qui est évidemment positif ; ainsi, les degrés des méridiens croissent de l’équateur aux pôles, dans un plus grand rapport que celui de la diminution des rayons terrestres.

Il est clair que ces démonstrations ont encore lieu, dans le cas où les deux hémisphères boréal et austral, ne seroient pas égaux et semblables, et il est facile de les étendre au cas où la terre ne seroit pas un solide de révolution ; mais il est remarquable que les observations faites dans l’hémisphère boréal, donnent la développée du méridien depuis quarante-trois jusqu’à soixante et treize degrés de hauteur du pôle, très-peu différente de celle d’un ellipsoïde dont l’applatissement est , et dont le degré moyen est de 99983me,7 ; car cet ellipsoïde satisfait à fort peu près, aux mesures faites nouvellement en France, aux degrés mesurés en Pensylvanie, en Italie, et en Laponie ; et à celui que l’on vient de mesurer en Angleterre, perpendiculairement au méridien. Il représente encore le degré du méridien mesuré en autriche à 53°,1, de hauteur du pôle, et que Liesganig a trouvé de 100114me,2. Enfin il satisfait au degré de longitude, mesuré en france à 48°,4, de hauteur du pôle, et dont Cassini et La Caille ont fixé la longueur à 73003me,5.

On a élevé des principaux lieux de la France, sur la ligne que l’on a regardée comme la méridienne de l’Observatoire de Paris, des courbes tracées de la même manière que cette ligne, avec cette différence, que le premier côté toujours tangent à la surface de la terre, au lieu d’être parallèle au plan du méridien céleste de l’Observatoire de Paris, lui est perpendiculaire. C’est par la longueur de ces courbes, et par la distance de l’Observatoire, aux points où elles rencontrent la méridienne, que les positions de ces lieux ont été déterminées. Ce travail, le plus utile que l’on ait fait en géographie, est un modèle que les nations éclairées s’empressent d’imiter.

On ne peut lier ainsi, les uns aux autres, que des objets peu éloignés entr’eux : pour fixer les positions respectives des lieux séparés par de grandes distances et par les mers, il faut recourir aux observations célestes. La connoissance de ces positions, est un des plus grands avantages que l’astronomie nous ait procurés. Pour y parvenir, on a suivi la méthode dont on avoit fait usage pour former le catalogue des étoiles, en concevant sur la surface terrestre, des cercles semblables à ceux que l’on avoit imaginés à la surface du ciel. Ainsi, l’axe de l’équateur céleste traverse la surface de la terre, dans deux points diamétralement opposés, qui ont chacun, à leur zénith, un des pôles du monde, et que l’on peut considérer comme les pôles de la terre. L’intersection du plan de l’équateur céleste avec cette surface, est une circonférence qui peut être regardée comme l’équateur terrestre ; les intersections de tous les plans des méridiens célestes, avec la même surface, sont autant de lignes courbes qui se réunissent aux pôles, et qui sont les méridiens terrestres correspondans, si la terre est un solide de révolution, ce que l’on peut supposer en géographie, sans erreur sensible. Enfin, de petites circonférences tracées de l’équateur aux pôles sur la terre, parallèlement à l’équateur, sont les parallèles terrestres, et celui d’un lieu quelconque, répond au parallèle céleste qui passe par son zénith.

La position d’un lieu sur la terre, est déterminée par sa distance à l’équateur, ou par l’arc du méridien terrestre, compris entre son parallèle et l’équateur, et par l’angle que forme son méridien, avec un premier méridien dont la position est arbitraire, et auquel on rapporte tous les autres. La distance à l’équateur, dépend de l’angle compris entre le zénith et l’équateur céleste, et cet angle est évidemment égal à la hauteur du pôle sur l’horizon ; cette hauteur est ce que l’on nomme latitude en géographie. La longitude est l’angle que le méridien d’un lieu fait avec le premier méridien ; c’est l’arc de l’équateur, compris entre les deux méridiens. Elle est orientale ou occidentale, suivant que le lieu est à l’orient ou à l’occident du premier méridien.

L’observation de la hauteur du pôle donne la latitude : la longitude se détermine au moyen d’un phénomène céleste observé à-la-fois sur les méridiens dont on cherche la position respective. L’instant du midi n’est pas le même sur ces méridiens ; si celui d’où l’on compte les longitudes, est à l’orient de celui dont on cherche la longitude, le soleil y parviendra plutôt au méridien céleste ; si, par exemple, l’angle formé par les méridiens terrestres, est le quart de la circonférence, la différence entre les instans du midi, sur ces méridiens, sera le quart du jour. Supposons donc que sur chacun d’eux, on observe un phénomène qui arrive au même instant physique pour tous les lieux de la terre, tel que le commencement ou la fin d’une éclipse de lune, ou des satellites de Jupiter ; la différence des heures que compteront les observateurs, au moment du phénomène, sera au jour entier, comme l’angle formé par les deux méridiens, est à la circonférence. Les éclipses de soleil, et les occultations des étoiles par la lune, fournissent des moyens plus exacts, pour avoir les longitudes, par la précision avec laquelle on peut observer le commencement et la fin de ces phénomènes ; ils n’arrivent pas, à la vérité, au même instant physique, pour tous les lieux de la terre ; mais les élémens du mouvement lunaire sont suffisamment connus, pour tenir exactement compte de cette différence.

Il n’est pas nécessaire, pour déterminer la longitude d’un lieu, que le phénomène céleste observé, le soit en même temps sous le premier méridien ; il suffit qu’on l’observe sous un méridien dont la position avec le premier méridien, soit connue. C’est ainsi qu’en liant les méridiens, les uns aux autres ; on est parvenu à déterminer la position des points les plus éloignés sur la terre.

Déjà, les longitudes et les latitudes d’un grand nombre de lieux, ont été déterminées par des observations astronomiques ; de grandes erreurs sur la situation et l’étendue des pays anciennement connus, ont été corrigées ; on a fixé la position des nouvelles contrées que l’intérêt du commerce et l’amour des sciences, ont fait découvrir ; mais quoique les voyages entrepris dans ces derniers temps, aient considérablement accru nos connoissances géographiques, il reste beaucoup à découvrir encore. L’intérieur de l’Afrique renferme des pays immenses entièrement inconnus ; nous n’avons que des relations incertaines et souvent contradictoires, sur beaucoup d’autres à l’égard desquels la géographie livrée, jusqu’ici, au hasard des conjectures, attend de nouvelles lumières, de l’astronomie, pour fixer irrévocablement, leur position.

C’est principalement au navigateur, lorsqu’au milieu des mers, il n’a pour guide, que les astres et sa boussole ; qu’il importe de connoître sa position, celle des lieux où il doit aborder, et des écueils qui se rencontrent sur sa route. Il peut aisément connoître sa latitude, par l’observation des astres ; mais le ciel, en vertu de son mouvement diurne, se présentant dans un jour, à-peu-près de la même manière, à tous les points de son parallèle ; il est difficile au navigateur, de fixer le point auquel il répond. Pour suppléer aux observations célestes, il mesure sa vîtesse et la direction de son mouvement ; il en conclut sa marche dans le sens des parallèles, et en la comparant avec ses latitudes observées, il détermine sa longitude relativement au lieu de son départ. L’inexactitude de cette méthode, l’expose à des erreurs qui peuvent lui devenir funestes, quand il s’abandonne aux vents, pendant la nuit, près des côtes ou des bancs dont il se croit encore éloigné par son estime. C’est pour le mettre à l’abri de ces dangers, qu’aussi-tôt que les progrès des arts et de l’astronomie ont pu faire espérer des méthodes pour avoir les longitudes à la mer ; les nations commerçantes se sont empressées de diriger par de puissans encouragemens, les vues des savans et des artistes, sur cet important objet. Leurs vœux ont été remplis par l’invention des montres marines, et par l’exactitude à laquelle on a porté les tables et les observations du mouvement lunaire ; deux moyens bons en eux-mêmes, et qui deviennent encore meilleurs, en se prêtant un mutuel appui.

Une montre bien réglée dans un port dont la position est connue, et qui, transportée sur un vaisseau, conserveroit la même marche, indiqueroit, à chaque instant, l’heure que l’on compte dans ce port. En la comparant à celle que l’on observe à la mer ; le rapport de la différence de ces heures, au jour entier, seroit, comme on l’a vu, celui de la différence des longitudes correspondantes, à la circonférence. Mais il étoit difficile d’avoir de pareilles montres ; les mouvemens irréguliers du vaisseau, les variations de la température, et les frottemens inévitables et très-sensibles dans des machines aussi délicates, étoient autant d’obstacles qui s’opposoient à leur exactitude. On est heureusement parvenu à les vaincre, et à exécuter des montres qui, pendant plusieurs mois, conservent une marche à très-peu près uniforme, et qui, par-là, donnent le moyen le plus simple d’avoir les longitudes à la mer ; et comme ce moyen est d’autant plus précis, que le temps pendant lequel on emploie ces montres, sans vérifier leur marche, est plus court ; elles sont très-utiles pour déterminer la position respective des lieux fort voisins ; elles ont même, à cet égard, quelqu’avantage sur les observations astronomiques dont la précision n’est point augmentée par le peu d’éloignement des observateurs.

Les éclipses des satellites de Jupiter, qui se renouvellent fréquemment, offriroient au navigateur, un moyen facile de connoître sa longitude, s’il pouvoit les observer à la mer ; mais les tentatives que l’on a faites pour vaincre les difficultés qu’opposent à ce genre d’observations, les mouvemens du vaisseau, ont été jusqu’à présent infructueuses. La navigation et la géographie ont cependant retiré de grands avantages, de ces éclipses, et sur-tout de celles du premier satellite, dont on peut observer avec précision, le commencement ou la fin. Le navigateur les emploie avec succès dans ses relâches : il a besoin, à la vérité, de connoître l’heure à laquelle la même éclipse qu’il observe, seroit vue sous un méridien connu ; puisque la différence des heures que l’on compte sur les méridiens, au moment de l’observation, est ce qui détermine la différence de leurs longitudes : mais les tables du premier satellite de Jupiter, considérablement perfectionnées de nos jours, donnent les instans de ses éclipses, avec une précision presqu’égale à celle des observations mêmes.

L’extrême difficulté d’observer sur mer, ces éclipses, a forcé de recourir aux autres phénomènes célestes, parmi lesquels le mouvement de la lune est le seul que l’on puisse faire servir à la détermination des longitudes terrestres. La position de la lune, telle qu’on l’observeroit du centre de la terre, peut aisément se conclure de la mesure de ses distances angulaires au soleil ou aux étoiles ; les tables de son mouvement donnent ensuite l’heure que l’on compte sur le premier méridien, lorsque l’on y observe la même position ; et le navigateur, en la comparant à l’heure qu’il compte sur le vaisseau, au moment de son observation, détermine sa longitude, par la différence de ces heures.

Pour apprécier l’exactitude de cette méthode ; on doit considérer qu’en vertu de l’erreur de l’observation, le lieu de la lune, déterminé par l’observateur, ne répond pas exactement à l’heure désignée par son horloge ; et qu’en vertu de l’erreur des tables, ce même lieu ne se rapporte pas à l’heure correspondante qu’elles indiquent sur le premier méridien ; la différence de ces heures n’est donc pas celle que donneroient une observation et des tables rigoureuses. Supposons que l’erreur commise sur cette différence, soit d’une minute ; dans cet intervalle, quarante minutes de l’équateur, passent au méridien ; c’est l’erreur correspondante sur la longitude du vaisseau, et qui, à l’équateur, est d’environ quarante mille mètres ; mais elle est moindre sur les parallèles : d’ailleurs, elle peut être diminuée par des observations multipliées des distances de la lune au soleil et aux étoiles, et répétées pendant plusieurs jours, pour compenser et détruire les unes par les autres, les erreurs de l’observation et des tables.

Il est visible que les erreurs sur la longitude, correspondantes à celles des tables et de l’observation, sont d’autant moindres, que le mouvement de l’astre est plus rapide ; ainsi, les observations de la lune périgée, sont, à cet égard, préférables à celles de la lune apogée. Si l’on employoit le mouvement du soleil, treize fois environ, plus lent que celui de la lune ; les erreurs sur la longitude seroient treize fois plus grandes ; d’où il suit que de tous les astres, la lune est le seul dont le mouvement soit assez prompt pour servir à la détermination des longitudes à la mer : on voit donc combien il étoit utile d’en perfectionner les tables.

Un phénomène très-remarquable, dont nous devons la connoissance aux voyages astronomiques, est la variation de la pesanteur à la surface de la terre. Cette force singulière anime dans le même lieu, tous les corps, proportionnellement à leurs masses, et tend à leur imprimer, dans le même temps, des vîtesses égales. Il est impossible au moyen d’une balance, de reconnoître ses variations ; puisqu’elles affectent également le corps que l’on pèse, et le poids auquel on le compare ; mais les observations du pendule sont propres à les faire découvrir ; car il est clair que ses oscillations doivent être plus lentes dans les lieux où la pesanteur est moindre. Cet instrument dont l’application aux horloges, a été l’une des principales causes des progrès de l’astronomie moderne, et de la géographie, consiste dans un corps suspendu à l’extrémité d’un fil ou d’une verge mobile autour d’un point fixe placé à l’autre extrémité. On écarte un peu l’instrument, de sa situation verticale ; en l’abandonnant ensuite à l’action de la pesanteur, il fait de petites oscillations qui sont à très-peu près de la même durée, malgré la différence des arcs décrits. Cette durée dépend de la grandeur et de la figure du corps suspendu, de la masse et de la longueur de la verge ; mais les géomètres ont trouvé des règles générales pour déterminer par l’observation des oscillations d’un pendule composé, de figure quelconque, la longueur d’un pendule dont les oscillations auroient une durée connue, et dans lequel la masse de la verge seroit supposée nulle relativement à celle du corps considéré comme un point infiniment dense. C’est à ce pendule idéal, nommé pendule simple, que l’on a rapporté toutes les expériences du pendule, faites dans les divers lieux de la terre.

Richer envoyé en 1672 à Cayenne, par l’Académie des Sciences, pour y faire des observations astronomiques, trouva que son horloge réglée à Paris, sur le temps moyen, retardoit, chaque jour, à Cayenne, d’une quantité sensible. Cette intéressante observation donna la première preuve directe de la diminution de la pesanteur, à l’équateur ; elle a été répétée avec beaucoup de soin, dans un grand nombre de lieux, en tenant compte de la résistance et de la température de l’air. Il résulte de toutes les mesures observées du pendule à secondes, qu’il augmente de l’équateur aux pôles, ainsi que les degrés des méridiens, et que son accroissement qui, sous le pôle, même, est égal à cinq cent soixante et sept cent millièmes de la pesanteur à l’équateur, est proportionnel au quarré du sinus de la latitude.

Borda, par une expérience très-exacte, a trouvé récemment, que la longueur du pendule à secondes, à l’Observatoire de Paris, et réduite au vide, est de 0me,741887 ; d’où il suit que sa longueur, en France, sur le parallèle de 50°, est égale à 0me,741606, et qu’ainsi le pendule simple de la longueur du mètre, feroit 86116,5 oscillations dans un jour. Ces résultats qui sont très-exacts, et la mesure du degré du méridien, correspondant au même parallèle, serviront à retrouver nos mesures, si par la suite des temps, elles viennent à s’altérer.

On a remarqué encore, au moyen du pendule, une petite diminution dans la pesanteur, au sommet des hautes montagnes. Bouguer a fait sur cet objet, un grand nombre d’expériences, au Pérou ; il a trouvé que la pesanteur à l’équateur, et au niveau de la mer, étant exprimée par l’unité ; elle est 0,999249 à Quito élevé de 2857me au-dessus de ce niveau, et 0,998816 sur le sommet du Pichincha, à 4744me de hauteur. Cette diminution de la pesanteur, à des hauteurs toujours très-petites relativement au rayon terrestre, donne lieu de soupçonner que cette force diminue considérablement, à de grandes distances du centre de la terre.

Je dois, à l’occasion des observations du pendule, appeler l’attention des physiciens, sur les deux objets suivans : l’un est la petite résistance que les corps en changeant de température, m’ont paru opposer à leur changement de volume, à-peu-près comme l’eau résiste à sa conversion en glace, et peut se maintenir à la température de plusieurs degrés au-dessous de zéro. Il suffit alors de l’agiter pour la rendre solide : de même, dans les nombreuses expériences sur la dilatation des corps, que j’ai faites avec Lavoisier, nous avons eu besoin, quelquefois, de leur donner une légère secousse, pour leur faire prendre l’état qui convenoit à leur température. Le second objet est relatif aux pendules invariables dont on se sert pour déterminer les différences de la pesanteur dans les divers lieux de la terre. Si la verge du pendule est d’acier, il est à craindre que l’effet du magnétisme terrestre ne se complique avec celui de la pesanteur ; et comme il s’agit d’apprécier de très-petites quantités, dans ces expériences ; il importe de s’assurer que cet effet est insensible.

Les observations du pendule à secondes, en fournissant une longueur invariable et facile à retrouver dans tous les temps, ont fait naître l’idée de l’employer comme mesure universelle. On ne peut voir le nombre prodigieux de mesures en usage, non-seulement chez les différens peuples, mais dans la même nation ; leurs divisions bizarres et incommodes pour les calculs ; la difficulté de les connoître et de les comparer ; enfin, l’embarras et les fraudes qui en résultent dans le commerce ; sans regarder comme l’un des plus grands services que les sciences et les gouvernemens puissent rendre à l’humanité, l’adoption d’un systême de mesures, dont les divisions uniformes se prêtent le plus facilement au calcul, et qui dérive de la manière la moins arbitraire, d’une mesure fondamentale indiquée par la nature elle-même. Un peuple qui se donneroit un semblable systême de mesures, réuniroit à l’avantage d’en recueillir les premiers fruits, celui de voir son exemple suivi par les autres peuples dont il deviendroit ainsi le bienfaiteur ; car l’empire lent, mais irrésistible de la raison, l’emporte à la longue, sur les jalousies nationales et sur tous les obstacles qui s’opposent au bien d’une utilité généralement sentie. Tels furent les motifs qui déterminèrent l’assemblée constituante, à charger de cet important objet, l’Académie des Sciences. Le nouveau systême des poids et mesures est le résultat du travail de ses commissaires secondés par le zèle et les lumières de plusieurs membres de la représentation nationale.

L’identité du calcul décimal et de celui des nombres entiers, ne laisse aucun doute sur les avantages de la division de toutes les espèces de mesures, en parties décimales ; il suffit, pour s’en convaincre, de comparer la difficulté des multiplications et des divisions complexes, avec la facilité des mêmes opérations sur les nombres entiers, facilité qui devient plus grande encore, au moyen des logarithmes dont on peut rendre, par des instrumens simples et peu coûteux, l’usage extrêmement populaire. On ne balança donc point à adopter la division décimale, et pour mettre de l’uniformité dans le système entier des mesures, on résolut de les dériver toutes, d’une même mesure linéaire, et de ses divisions décimales. La question fut ainsi réduite au choix de cette mesure universelle à laquelle on donna le nom de mètre.

La longueur du pendule, et celle du méridien, sont les deux moyens principaux qu’offre la nature, pour fixer l’unité des mesures linéaires. Indépendans l’un et l’autre, des révolutions morales, ils ne peuvent éprouver d’altération sensible, que par de très-grands changemens dans la constitution physique de la terre. Le premier moyen, d’un usage facile, a l’inconvénient de faire dépendre la mesure de la distance, de deux élémens qui lui sont hétérogènes, la pesanteur et le temps dont la division est d’ailleurs, arbitraire. On se détermina donc pour le second moyen qui paroît avoir été employé dans la plus haute antiquité ; tant il est naturel à l’homme, de rapporter les mesures itinéraires, aux dimensions même du globe qu’il habite, en sorte qu’en se transportant sur ce globe, il connoisse par la seule dénomination de l’espace parcouru, le rapport de cet espace, au circuit entier de la terre. On trouve encore à cela, l’avantage de faire correspondre les mesures nautiques avec les mesures célestes. Souvent le navigateur a besoin de déterminer l’un par l’autre, le chemin qu’il a décrit, et l’arc céleste compris entre les zénith du lieu de son départ et de celui où il est arrivé ; il est donc intéressant que l’une de ces mesures soit l’expression de l’autre, à la différence près de leurs unités. Mais pour cela, l’unité fondamentale des mesures linéaires, doit être une partie aliquote du méridien terrestre, qui corresponde à l’une des divisions de la circonférence ; ainsi, le choix du mètre fut réduit à celui de l’unité des angles.

L’angle droit est la limite des inclinaisons d’une ligne sur un plan, et de la hauteur des objets sur l’horizon : d’ailleurs, c’est dans le premier quart de la circonférence, que se forment les sinus, et généralement toutes les lignes que la trigonométrie emploie, et dont les rapports avec le rayon, ont été réduits en tables ; il étoit donc naturel de prendre l’angle droit, pour l’unité des angles, et le quart de la circonférence, pour l’unité de leur mesure. On le divisa en parties décimales, et pour avoir des mesures correspondantes sur la terre, on divisa dans les mêmes parties, le quart du méridien terrestre, ce qui a été fait dans des temps fort anciens ; car la mesure de la terre citée par Aristote, et dont l’origine est inconnue, donne cent mille stades au quart du méridien. Il ne s’agissoit plus que d’avoir exactement sa longueur. Ici, se présentoient plusieurs questions que l’ignorance où nous sommes, de la vraie figure de la terre, ne nous permet pas de résoudre. La terre est-elle un sphéroïde de révolution ? Ses deux hémisphères sont-ils égaux et semblables de chaque côté de l’équateur ? Quel est le rapport d’un arc du méridien, mesuré à une latitude donnée, au méridien entier ? Dans les hypothèses les plus naturelles sur la constitution du sphéroïde terrestre, la différence des méridiens est insensible, et le degré décimal coupé dans son milieu, par le parallèle moyen entre le pôle boréal et l’équateur, est la centième partie du quart du méridien. L’erreur de ces hypothèses, si elle existe, ne peut influer que sur les distances géographiques où elle n’est d’aucune importance ; on pouvoit donc conclure la grandeur du quart du méridien, de celle de l’arc qui traverse la France, depuis Dunkerque jusqu’aux Pyrénées, et qui fut mesuré en 1740 par les académiciens français. Mais une nouvelle mesure d’un arc plus grand, faite avec des moyens plus précis, devant inspirer en faveur du nouveau système des poids et mesures, un intérêt propre à le répandre ; on résolut de mesurer l’arc du méridien terrestre, compris entre Dunkerque et Barcelone. Les opérations que Delambre et Mechain viennent de faire, ont donné cet arc dont l’amplitude est de 10°,748663, égal à cinquante-cinq millions cent cinquante-huit mille quatre cent soixante et douze centièmes de la toise de fer qui a servi à l’équateur, prise à la température de 16°. Le milieu de l’arc étant d’un degré et un tiers, plus au nord que le parallèle moyen ; on ne peut pas déterminer par cette mesure, le quart du méridien, sans adopter une hypothèse sur l’ellipticité de la terre : celle qui résulte de l’arc mesuré en France, comparé à celui du Pérou, a paru mériter la préférence, par la grandeur et l’éloignement de ces deux arcs, et par les soins et la réputation des observateurs. On a trouvé ainsi le quart du méridien égal à 5130740 toises. On a pris la dix millionième partie de cette longueur, pour le mètre, ou l’unité des mesures linéaires : la décimale au-dessus eût été trop grande ; la décimale au-dessous, trop petite ; et le mètre dont la longueur est de 0toi.,513074, remplace avec avantage, la toise et l’aune, deux de nos mesures les plus usuelles.

Pour conserver la longueur du mètre, la convention nationale a décrété qu’un étalon exécuté d’après les expériences et les observations des commissaires chargés de sa détermination, seroit déposé près du corps législatif. Cet étalon que l’institut national vient de lui offrir, ne peut représenter le mètre, qu’à un degré déterminé, de température : on a choisi celui de la glace fondante, comme le plus fixe et le plus indépendant des modifications de l’atmosphère. Pour retrouver le mètre, dans tous les temps, sans être obligé de recourir à la mesure du grand arc qui l’a donné ; il importoit de fixer d’une manière très-précise, son rapport à la longueur du pendule à secondes ; et c’est dans cette vue, que Borda a déterminé de nouveau cette longueur, à l’Observatoire de Paris.

Toutes les mesures dérivent du mètre, de la manière la plus simple ; les mesures linéaires en sont des multiples et des sous-multiples décimaux.

L’unité des mesures superficielles pour le terrein, est un quarré dont le côté est de dix mètres : elle se nomme are.

On a nommé stère, une mesure égale au mètre cube, et destinée particulièrement, au bois de chauffage. L’unité des mesures de capacité, est le cube de la dixième partie du mètre : on lui a donné le nom de litre.

L’unité de poids, que l’on a nommée gramme, est le poids absolu du cube de la centième partie du mètre, en eau distillée et considérée dans son maximum de densité. Par une singularité remarquable, ce maximum ne répond point au degré de congélation, mais au-dessus, vers quatre degrés du thermomètre. En se refroidissant au-dessous de cette température, l’eau commence à se dilater de nouveau, et se prépare ainsi à l’accroissement de volume, qu’elle reçoit dans son passage de l’état fluide à l’état solide. On a préféré l’eau, comme étant l’une des substances les plus homogènes, et celle que l’on peut amener le plus facilement, à l’état de pureté. Lefèvre-Gineau a déterminé le gramme, par une longue suite d’expériences délicates sur la pesanteur spécifique d’un cylindre creux de cuivre, dont il a mesuré le volume, avec un soin extrême : il en résulte que la livre supposée la vingt-cinquième partie de la pile de cinquante marcs, que l’on conserve à la monnoie de Paris, est au gramme, dans le rapport de 489,5058 à l’unité.

Toutes les mesures étant comparées sans cesse, à la livre monnoie, il étoit sur-tout important de la diviser en parties décimales. On lui a donné le nom de franc d’argent ; sa dixième partie s’appelle décime, et sa centième partie, centime.

Pour faciliter le calcul de l’or et de l’argent fin, contenu dans les pièces de monnoie ; on a fixé l’alliage, au dixième de leur poids, et l’on a égalé celui du franc, à cinq grammes. Ainsi, les pièces de monnoie sont des multiples exacts de l’unité de poids, ce qui est utile au commerce.

Enfin, l’uniformité du système entier des poids et mesures, a paru exiger que le jour fût divisé en dix heures, l’heure en cent minutes, la minute en cent secondes, &c. Cette division qui va devenir nécessaire aux astronomes, est moins avantageuse dans la vie civile où l’on a peu d’occasions d’employer le temps, comme multiplicateur ou comme diviseur. La difficulté de l’adapter aux horloges et aux montres, et nos rapports commerciaux en horlogerie avec les étrangers, ont fait suspendre indéfiniment son usage. On peut croire cependant qu’à la longue, la division décimale du jour, remplacera sa division actuelle qui contraste trop avec les divisions des autres mesures, pour n’être pas abandonnée.

Tel est le nouveau système des poids et mesures, que les savans ont offert à la convention nationale, qui s’est empressée de le sanctionner. Ce système fondé sur la mesure des méridiens terrestres, convient également à tous les peuples : il n’a de rapport avec la France, que par l’arc du méridien qui la traverse ; mais la position de cet arc coupé par le parallèle moyen, et dont les extrémités aboutissent aux deux mers, est si avantageuse ; que les savans de toutes les nations, réunis pour fixer la mesure universelle, n’eussent point fait un autre choix. Pour multiplier les avantages de ce système, et pour le rendre utile au monde entier ; le gouvernement français a invité les puissances étrangères, à prendre part à un objet d’un intérêt aussi général. Plusieurs ont envoyé à Paris, des savans distingués qui réunis aux commissaires de l’institut national, ont déterminé par la discussion des observations et des expériences, les unités fondamentales de poids et de longueur ; en sorte que la fixation de ces unités, doit être regardée comme un ouvrage commun aux savans qui y ont concouru, et aux peuples qu’ils ont représentés. Il est donc permis d’espérer qu’un jour, ce système qui réduit toutes les mesures et leurs calculs, à l’échelle et aux opérations les plus simples de l’arithmétique décimale, sera aussi généralement adopté, que le système de numération dont il est le complément, et qui, sans doute, eut à surmonter les mêmes obstacles que les préjugés et les habitudes opposent à l’introduction des nouvelles mesures.



CHAPITRE XIII.[modifier]

Du flux et du reflux de la mer.

Quoique la terre et les fluides qui la recouvrent, aient dû prendre depuis long-temps, l’état qui convient à l’équilibre des forces qui les animent ; cependant, la figure de la mer change à chaque instant du jour, par des oscillations régulières et périodiques, connues sous le nom de flux et de reflux de la mer. C’est une chose vraiment étonnante, que de voir dans un temps calme et par un ciel serein, la vive agitation de cette grande masse fluide dont les flots viennent se briser avec impétuosité contre les rivages. Ce spectacle invite à la réflexion, et fait naître le desir d’en pénétrer la cause : mais pour ne pas s’égarer dans de vaines hypothèses ; il faut, avant tout, connoître les loix de ce phénomène, et le suivre dans tous ses détails.

Au commencement de ce siècle, et sur l’invitation de l’Académie des Sciences, on fit dans nos ports, un grand nombre d’observations du flux et du reflux de la mer : elles furent continuées, chaque jour, à Brest, pendant six années consécutives, et elles forment par leur nombre, et par la grandeur et la régularité des marées dans ce port, le recueil le plus complet et le plus utile que nous ayons en ce genre. Mille causes accidentelles pouvant altérer la marche de la nature, dans ces phénomènes ; il est nécessaire de considérer à-la-fois un grand nombre d’observations ; afin que les effets des causes passagères, venant à se compenser mutuellement, les résultats moyens ne laissent appercevoir que les effets réguliers ou constans. Il faut encore, par une combinaison avantageuse des observations, faire ressortir les phénomènes que l’on veut déterminer, et les séparer des autres, pour les mieux connoître. C’est en discutant ainsi les observations, que je suis parvenu aux résultats suivans qui ne laissent aucun doute.

La mer s’élève et s’abaisse deux fois, dans chaque intervalle de temps, compris entre deux retours consécutifs de la lune, au méridien supérieur. L’intervalle moyen de ces retours est de 1j.,035050 ; ainsi, l’intervalle moyen entre deux pleines mers consécutives est de 0j.,517525 jour, en sorte qu’il y a des jours solaires dans lesquels on n’observe qu’une seule marée. Le moment de la basse mer, divise à-peu-près également cet intervalle : la mer emploie cependant à Brest, neuf ou dix minutes de moins, à monter qu’à descendre. Comme dans toutes les grandeurs susceptibles d’un maximum ou d’un minimum, l’accroissement et la diminution de la marée vers ces limites, sont proportionnels aux quarrés des temps écoulés depuis la haute ou la basse mer.

La hauteur de la pleine mer, n’est pas constamment la même ; elle varie, chaque jour, et ses variations ont un rapport évident avec les phases de la lune ; elle est la plus grande vers le temps des pleines et des nouvelles lunes ; ensuite elle diminue, et devient la plus petite, vers les quadratures. À Brest, la plus haute marée n’a point lieu le jour même de la sysigie, mais un jour et demi après ; en sorte que si la sysigie arrive au moment d’une pleine mer, la troisième marée qui la suit, est la plus grande. Pareillement, si la quadrature arrive au moment de la pleine mer, la troisième marée qui la suit, est la plus petite. Ce phénomène s’observe à-peu-près également dans tous les ports de France, quoique les heures des marées y soient fort différentes.

Plus la mer s’élève, lorsqu’elle est pleine, plus elle descend dans la basse mer suivante. Nous nommerons marée totale, la demi-somme des hauteurs de deux pleines mers consécutives, au-dessus du niveau de la basse mer intermédiaire. La valeur moyenne de cette marée totale à Brest, dans son maximum vers les sysigies, est de 5me,888 ; elle est de 2me,789 dans son minimum vers les quadratures.

La distance de la lune à la terre, influe d’une manière très-sensible, sur la grandeur des marées totales. Tout étant égal d’ailleurs, elles augmentent et diminuent avec le diamètre et la parallaxe lunaires, mais dans un plus grand rapport. Si ce diamètre croît d’un dix-huitième, la marée totale croît d’un huitième vers les sysigies, et d’environ un quart vers les quadratures ; et comme cette marée est à-peu-près deux fois plus grande dans le premier, que dans le second cas ; son accroissement dans ces deux cas, est le même. La plus grande variation du diamètre de la lune, soit au-dessus, soit au-dessous de sa valeur moyenne, étant un quinzième environ de cette valeur ; la variation correspondante de la marée totale dans les sysigies, est , de sa grandeur moyenne, ou d’environ 0me,883 ; ainsi, l’effet entier du changement de la distance de la lune à la terre, est de 1me,766 sur les marées totales.

Les variations de la distance du soleil à la terre influent pareillement, mais d’une manière beaucoup moins sensible, sur les marées. Tout étant égal d’ailleurs ; en hiver, temps où le soleil est le plus près de nous, les marées sysigies sont plus grandes, et les marées quadratures sont plus petites qu’en été, où le soleil est le plus loin de la terre.

Les déclinaisons du soleil et de la lune ont une influence remarquable sur les marées ; elles diminuent les marées totales des sysigies, et ces marées, à Brest, sont d’environ huit dixièmes de mètre, plus petites dans les solstices, que dans les équinoxes ; les marées totales des quadratures sont aussi plus petites de la même quantité, dans les équinoxes, que dans les solstices.

C’est principalement vers les maxima et les minima des marées totales, qu’il est intéressant de connoître la loi de leur variation. On vient de voir que l’instant de leur maximum à Brest, suit d’un jour et demi, la sysigie ; la diminution des marées totales qui en sont voisines, est proportionnelle au quarré du temps écoulé depuis cet instant, jusqu’à celui de la basse mer intermédiaire à laquelle la marée totale se rapporte : elle est de 0me,1064, lorsque ce temps est d’un jour lunaire.

Près de l’instant du minimum qui suit d’un jour et demi la quadrature, l’accroissement des marées totales est proportionnel au quarré du temps écoulé depuis cet instant ; il est à fort peu près double de la diminution des marées totales vers leur maximum.

Les déclinaisons du soleil et de la lune influent très-sensiblement sur ces variations ; la diminution des marées vers les sysigies des solstices, n’est qu’environ trois cinquièmes de la diminution correspondante vers les sysigies des équinoxes ; l’accroissement des marées vers les quadratures, est deux fois plus grand dans les équinoxes, que dans les solstices.

On observe encore entre les marées du matin et du soir, de petites différences qui dépendent des déclinaisons du soleil et de la lune, et qui disparoissent lorsque ces astres sont dans l’équateur. Pour les reconnoître, il faut comparer les marées du premier et du second jour après la sysigie ou la quadrature ; parce que les marées, alors très-voisines du maximum ou du minimum, varient très-peu d’un jour à l’autre, et laissent facilement appercevoir la différence des deux marées d’un même jour. On trouve ainsi qu’à Brest, dans les sysigies des solstices d’été, les marées du matin du premier et du second jour après la sysigie, sont plus petites que celles du soir, de 0me,183 ; elles sont au contraire, plus grandes de la même quantité, dans les sysigies des solstices d’hiver. Pareillement, dans les quadratures de l’équinoxe d’automne, les marées du matin du premier et du second jour après la quadrature, surpassent celles du soir, de 0me,138 : elles sont plus petites de la même quantité, dans les quadratures de l’équinoxe du printemps.

Tels sont, en général, les phénomènes que les hauteurs des marées présentent dans nos ports : leurs intervalles offrent d’autres phénomènes que nous allons développer.

Quand la pleine mer a lieu à Brest, au moment de la sysigie ; elle suit l’instant de minuit ou celui du midi vrai, de 0j.,14822, suivant qu’elle arrive le matin ou le soir. Cet intervalle qui est très-différent dans les ports même fort voisins, est ce que l’on nomme établissement du port ; parce que c’est de-là dont on part, pour déterminer les heures des marées, relatives aux phases de la lune, comme je l’expliquerai en parlant de la cause des marées. La pleine mer qui a lieu à Brest, au moment de la quadrature, suit l’instant de minuit ou celui du midi vrai, de 0j.,35464.

La marée sysigie avance ou retarde de 264″, pour chaque heure dont elle précède ou suit la sysigie ; la marée quadrature avance ou retarde de 416″, pour chaque heure dont elle précède ou suit la quadrature.

Les heures des marées sysigies ou quadratures, varient avec les distances du soleil et de la lune à la terre, et principalement avec les distances de la lune. Dans les sysigies, chaque minute d’accroissement ou de diminution dans le demi-diamètre apparent de la lune, fait avancer ou retarder l’heure de la pleine mer, de 354″. Ce phénomène a également lieu dans les quadratures ; mais il y est trois fois moindre.

Les déclinaisons du soleil et de la lune influent pareillement sur les heures des marées sysigies et quadratures. Dans les sysigies des solstices, l’heure de la pleine mer avance d’environ deux minutes ; elle retarde de la même quantité, dans les sysigies des équinoxes. Au contraire, dans les quadratures des équinoxes, l’heure de la marée avance d’environ huit minutes, et elle retarde de la même quantité, dans les quadratures des solstices.

On a vu que le retard des marées, d’un jour à l’autre, est de 0,03505, dans son état moyen ; en sorte que si la marée arrive à 0j.,1, après le minuit vrai, elle arrivera le lendemain matin, à 0j.,13505. Mais ce retard varie avec les phases de la lune ; il est le plus petit qu’il est possible, vers les sysigies, quand les marées totales sont à leur maximum, et alors il n’est que de 0j.,02705. Lorsque les marées sont à leur minimum, ou vers les quadratures ; il est le plus grand possible, et s’élève à 0j.,05207 ; ainsi la différence des heures des marées correspondantes aux momens de la sysigie et de la quadrature, et qui, par ce qui précède, est de 0j.,20642, augmente pour les marées qui suivent de la même manière ces deux phases, et devient égal à-peu-près à un quart de jour, relativement au maximum et au minimum des marées.

Les variations des distances du soleil et de la lune à la terre, et principalement celles de la lune, influent sur les retards des marées, d’un jour à l’autre. Chaque minute d’accroissement ou de diminution dans le demi-diamètre apparent de la lune, augmente ou diminue ce retard, de 258″, vers les sysigies. Ce phénomène a également lieu vers les quadratures ; mais il y est trois fois moindre.

Le retard journalier des marées varie encore par la déclinaison des deux astres. Dans les sysigies des solstices, il est d’environ 155″, plus grand que dans son état moyen ; il est plus petit de la même quantité, dans les sysigies des équinoxes : au contraire, dans les quadratures des équinoxes, il surpasse sa grandeur moyenne, de 543″ ; il en est surpassé de la même quantité, dans les quadratures des solstices.

Ainsi les inégalités des hauteurs et des intervalles des marées ont des périodes très-différentes, les unes d’un demi-jour et d’un jour, d’autres d’un demi-mois, d’un mois, d’une demi-année et d’une année ; d’autres enfin sont les mêmes que celles des révolutions des nœuds et du périgée de l’orbe lunaire dont la position influe sur les marées, par l’effet des déclinaisons de la lune, et de ses distances à la terre.

La grandeur, et généralement tous les phénomènes des marées, m’ont paru les mêmes dans les nouvelles comme dans les pleines lunes.

Ces phénomènes ont également lieu dans tous les ports et sur tous les rivages de la mer ; mais les circonstances locales, sans rien changer aux loix des marées, ont une grande influence sur leur grandeur et sur l’heure de l’établissement du port.



CHAPITRE XIV.[modifier]

De l’Atmosphère terrestre et des Réfractions astronomiques.

Un fluide élastique, rare et transparent, enveloppe la terre, et s’élève à une grande hauteur : il pèse comme tous les corps, et son poids fait équilibre à celui du mercure dans le baromètre. À la température de la glace fondante, et à la hauteur moyenne du baromètre au niveau des mers, hauteur qui est à fort peu près de soixante et seize centimètres ; le poids de l’air est à celui d’un pareil volume de mercure, dans le rapport de l’unité, à 10283 ; ainsi, à cette température, pour faire baisser le baromètre, d’un centimètre, quand sa hauteur en renferme soixante et seize, il suffit de s’élever de 102me,83 ; et si la densité de l’atmosphère étoit par-tout la même, sa hauteur seroit de 7815 mètres. Mais l’air est à très-peu près compressible en raison des poids dont il est chargé ; d’où il suit qu’à température égale, sa densité est proportionnelle à la hauteur du baromètre ; ses couches inférieures sont donc plus denses que les couches supérieures dont le poids les comprime ; elles deviennent de plus en plus rares, à mesure que l’on s’élève dans l’atmosphère ; et si leur température étoit la même, un calcul fort simple nous montre que leur hauteur croissant en progression arithmétique, leur densité diminueroit en progression géométrique. Le froid qui règne dans les régions élevées de l’atmosphère, augmente la densité des couches supérieures ; car l’air, comme tous les corps, se resserre par le froid et se dilate par la chaleur, et l’on a observé que vers la température de la glace fondante, l’accroissement d’un degré dans sa température, augmente d’environ un 250eme, son volume.

On a tiré un parti avantageux, de ces données, pour mesurer la hauteur des montagnes, au moyen du baromètre. Si dans tous les temps et dans toute son étendue, la chaleur de l’atmosphère étoit égale à celle de la glace fondante ; il en résulte qu’en multipliant par 17972me,1, le logarithme tabulaire du rapport des hauteurs du baromètre, observées à deux stations quelconques, on auroit la hauteur d’une de ces stations au-dessus de l’autre ; mais cette hauteur exige une correction relative à l’erreur de l’hypothèse d’une chaleur uniforme et d’une température égale à zéro. Il est visible que si la température moyenne de la couche d’air comprise entre les deux stations, est plus grande que zéro, sa densité devient plus petite, et il faut s’élever davantage, pour faire baisser de la même quantité, le baromètre ; on doit donc augmenter le multiplicateur 17972me,1, d’autant de fois sa 250eme partie, qu’il y a de degrés dans cette température moyenne ; ce qui revient à observer les degrés du thermomètre aux deux stations, et à multiplier leur somme par 35me,944, pour ajouter le produit à 17972me,1. On doit encore appliquer une légère correction aux hauteurs du baromètre, à raison de la différence de température des deux stations. La densité du mercure n’y est pas la même ; or sa dilatation relative à un accroissement d’un degré dans sa température, est un 5412eme de son volume ; il faut donc augmenter la hauteur du baromètre, dans la station la plus froide, de sa 5412eme partie, prise autant de fois qu’il y a de degrés de différence dans la température des deux stations. Au moyen de cette règle, on aura d’une manière fort approchée, la différence de leurs hauteurs, si elles s’éloignent peu d’une même verticale.

L’air est invisible en petites masses ; mais les rayons de lumière, réfléchis par toutes les couches de l’atmosphère, produisent une impression sensible ; ils le font voir avec une couleur bleue qui répand une teinte de même couleur, sur tous les objets apperçus dans le lointain, et qui forme l’azur céleste. Cette voûte bleue à laquelle les astres nous semblent attachés, est donc fort près de nous ; elle n’est que l’atmosphère terrestre au-delà de laquelle ces corps sont placés à d’immenses distances. Les rayons solaires que ses molécules nous renvoient en abondance, avant le lever et après le coucher du soleil, forment l’aurore et le crépuscule qui s’étendant à plus de vingt degrés de distance de cet astre, nous prouvent que les molécules extrêmes de l’atmosphère sont élevées au moins, de soixante mille mètres.

Si l’œil pouvoit distinguer et rapporter à leur vraie place, les points de la surface extérieure de l’atmosphère, nous verrions le ciel comme une calotte sphérique, formée par la portion de cette surface, que retrancheroit un plan tangent à la terre ; et comme la hauteur de l’atmosphère est fort petite relativement au rayon terrestre, le ciel nous paroîtroit sous la forme d’une voûte surbaissée. Mais quoique nous ne puissions pas distinguer les limites de l’atmosphère ; cependant, les rayons qu’elle nous renvoie, venant d’une plus grande profondeur à l’horizon qu’au zénith ; nous devons la juger plus étendue dans le premier sens. À cette cause, se joint encore l’interposition des objets à l’horizon, qui contribue à augmenter la distance apparente de la partie du ciel, que nous rapportons au-delà ; le ciel doit donc nous paroître fort surbaissé, tel que la calotte d’une sphère. Un astre élevé d’environ vingt-six degrés, semble diviser en deux parties égales, la longueur de la courbe que forme depuis l’horizon jusqu’au zénith, la section de la surface du ciel, par un plan vertical ; d’où il suit que le rayon horizontal de la voûte céleste apparente, est à son rayon vertical, à-peu-près comme trois et un quart est à l’unité ; mais ce rapport varie avec les causes de cette illusion. La grandeur apparente du soleil et de la lune, étant proportionnelle à l’angle sous lequel on les apperçoit, et à la distance apparente du point du ciel auquel on les rapporte ; ils nous paroissent plus grands à l’horizon qu’au zénith, quoiqu’ils y soient vus sous un plus petit angle.

Les rayons de lumière ne se meuvent pas en ligne droite dans l’atmosphère ; ils s’infléchissent continuellement vers la terre. L’observateur qui n’apperçoit les objets, que dans la direction de la tangente à la courbe qu’ils décrivent, les voit plus élevés qu’ils ne le sont réellement, et les astres paroissent sur l’horizon, alors même qu’ils sont abaissés au-dessous : ainsi l’atmosphère, en infléchissant les rayons du soleil, nous fait jouir plus long-temps de sa présence, et augmente la durée des jours que prolongent encore l’aurore et le crépuscule. Il importoit extrêmement aux astronomes, de déterminer les loix et la quantité de la réfraction, pour avoir la vraie position des astres ; mais avant que de présenter le résultat de leurs recherches sur cet objet, je vais exposer en peu de mots, les principales propriétés de la lumière.

En passant d’un milieu transparent dans un autre, un rayon lumineux s’approche ou s’éloigne de la perpendiculaire à la surface qui les sépare. La loi de sa réfraction est telle que les sinus des deux angles que forment ses directions avec cette perpendiculaire, l’une avant, et l’autre après son entrée dans le nouveau milieu, sont en raison constante, quels que soient ces angles. Mais la lumière en se réfractant, présente un phénomène remarquable qui nous a fait connoître sa nature. Un rayon de lumière blanche, reçu dans une chambre obscure, après son passage à travers un prisme, forme une image oblongue diversement colorée ; ce rayon est un faisceau d’un nombre infini de rayons de différentes couleurs, que le prisme sépare en vertu de leur diverse réfrangibilité. Le rayon le plus réfrangible est le violet, ensuite l’indigo, le bleu, le vert, le jaune, l’orangé et le rouge ; mais quoique nous ne désignions que sept rayons, la continuité de l’image prouve qu’il en existe une infinité qui s’en rapprochent par des nuances insensibles de réfrangibilité et de couleur. Tous ces rayons rassemblés au moyen d’une lentille, font reparoître la couleur blanche qui n’est ainsi que le mélange de toutes les couleurs simples ou homogènes, dans des proportions déterminées.

Lorsqu’un rayon d’une couleur homogène est bien séparé des autres ; il ne change ni de réfrangibilité ni de couleur, quelles que soient les réflexions et les réfractions qu’il subit : sa couleur n’est donc point due aux modifications que reçoit la lumière dans les milieux qu’elle traverse ; mais elle tient à sa nature. Cependant, la similitude de couleur ne prouve point la similitude de lumière : en mêlant ensemble plusieurs rayons différemment colorés de l’image solaire décomposée par le prisme, on peut former une couleur parfaitement semblable à l’une des couleurs simples de cette image ; ainsi, le mélange du rouge et du jaune homogènes produit un orangé semblable, en apparence, à l’orangé homogène ; mais la réfraction des rayons du mélange, à travers un nouveau prisme, les sépare, et fait reparoître les couleurs composantes, tandis que les rayons de l’orangé homogène restent inaltérables.

Les rayons de lumière se réfléchissent à la rencontre d’un miroir, en formant avec la perpendiculaire à sa surface, des angles de réflexion égaux aux angles d’incidence.

Les réfractions et les réflexions que les rayons du soleil subissent dans les gouttes de pluie, donnent naissance à l’arc-en-ciel dont l’explication fondée sur un calcul rigoureux qui satisfait exactement à tous les détails de ce curieux phénomène, est un des plus beaux résultats de la physique.

La plupart des corps décomposent la lumière qu’ils reçoivent ; ils en absorbent une partie, et réfléchissent l’autre sous toutes les directions : ils paroissent bleus, rouges, verds, &c. suivant la couleur des rayons qu’ils renvoient en plus grande abondance. Ainsi, la lumière blanche du soleil, en se répandant sur toute la nature, se décompose, et réfléchit à nos yeux, une infinie variété de couleurs.

Après cette courte digression sur la lumière, je reviens aux réfractions astronomiques. Des expériences très-précises ont appris qu’à la même température, la force réfractive de l’air augmente ou diminue comme sa densité. Mais, à densités égales, cette force varie-t-elle avec la température ? Quelle est, sur les réfractions, l’influence de l’état hygrométrique de l’air, et de la proportion dans laquelle les deux gas azot et oxigène, sont combinés dans l’atmosphère ? C’est ce que l’on ignore, et ce qui, vu l’importance de l’objet, mérite d’être éclairci.

Jusqu’à présent, on a supposé que la force réfractive de l’atmosphère ne dépend que de la densité de ses couches, en sorte que, pour déterminer la route de la lumière qui la traverse, il suffit de connoître la loi de leur température ; mais cette loi nous est inconnue, et d’ailleurs, elle varie à chaque instant. La température de l’atmosphère étant supposée par-tout la même, et égale à celle de la glace fondante ; la densité de ses couches diminue en progression géométrique, et la réfraction est de 74’ à l’horizon : elle ne seroit que de 56’, si la densité des couches de l’atmosphère diminuoit en progression arithmétique, et devenoit nulle à sa surface. La réfraction horizontale que l’on observe d’environ 64’ , est moyenne entre ces limites ; la loi de diminution de densité des couches, tient donc à-peu-près le milieu entre les progressions géométrique et arithmétique, ce qui est conforme aux observations du baromètre et du thermomètre. En général, on peut concilier toutes ces observations et celles des réfractions astronomiques, au moyen d’hypothèses fort vraisemblables sur la diminution de la chaleur en s’élevant dans l’atmosphère, sans recourir, comme quelques physiciens l’ont fait, à un fluide particulier qui, mêlé à l’air atmosphérique, réfracte la lumière.

Lorsque la hauteur apparente des astres excède douze degrés ; la réfraction ne dépend sensiblement que de l’état du baromètre et du thermomètre dans le lieu de l’observateur, et elle est à très-peu près proportionnelle à la tangente de la distance apparente de l’astre, au zénith, diminuée de quatre fois la réfraction. On a trouvé par divers moyens, qu’à la température de la glace fondante, et quand la hauteur du baromètre est de soixante et seize centimètres, le coëfficient qui multiplié par cette tangente, donne la réfraction astronomique, est de 185″,9 ; mais il varie comme la densité de l’air dans le lieu de l’observation. Cette densité varie d’un 250eme, pour un degré du thermomètre ; il faut donc diminuer ou augmenter ce coëfficient, d’autant de fois sa 250eme partie, que le thermomètre de l’observateur indique de degrés au-dessus ou au-dessous de zéro. La densité de l’air, à température égale, étant proportionnelle à la hauteur du baromètre ; il faut encore faire varier ce coëfficient ainsi corrigé, dans le rapport de la hauteur observée du baromètre, à soixante et seize centimètres. Au moyen de ces données, on pourra construire une table de réfractions, depuis douze degrés de hauteur apparente, jusqu’au zénith, intervalle dans lequel se font presque toutes les observations astronomiques. Cette table aura l’avantage d’être indépendante de toute hypothèse sur la constitution de l’atmosphère, et elle pourra servir au sommet des plus hautes montagnes, comme au niveau des mers.

L’atmosphère affoiblit la lumière des astres, sur-tout à l’horizon où leurs rayons la traversent dans une plus grande étendue. Il suit des expériences de Bouguer, que le baromètre étant à soixante et seize centimètres de hauteur, si l’on prend pour unité, l’intensité de la lumière d’un astre à son entrée dans l’atmosphère ; son intensité, lorsqu’elle parvient à l’observateur, et quand l’astre est au zénith, est réduite à 0,8123. La hauteur de l’atmosphère réduite dans toute son étendue, à la densité de l’air correspondante à zéro de température et à la pression d’une colonne de 0me,76 de mercure, seroit de 7815me ; or il est naturel de penser que l’extinction d’un rayon de lumière qui la traverse, est la même que dans cette hypothèse, puisqu’il rencontre le même nombre de molécules aériennes ; ainsi, une couche d’air de la densité précédente, et de 7815me d’épaisseur, réduit à 0, 8123, la force de la lumière.

Il est facile d’en conclure l’extinction de la lumière, dans une couche d’air de même densité et d’une épaisseur quelconque ; car il est visible que si l’intensité de la lumière est réduite au quart, en traversant une épaisseur donnée, une égale épaisseur réduira ce quart, au seizième de sa valeur primitive ; d’où l’on voit que les épaisseurs croissant en progression arithmétique, l’intensité de la lumière diminue en progression géométrique ; ses logarithmes suivent donc la raison des épaisseurs : ainsi, pour avoir le logarithme tabulaire de l’intensité de la lumière, lorsqu’elle a traversé une couche d’air d’une épaisseur quelconque, il faut multiplier — 0,0902835, logarithme de 0,8123, par le rapport de cette épaisseur, à 7815me ; et si la densité de l’air est plus grande ou plus petite que la précédente, il faut augmenter ou diminuer ce logarithme, dans le même rapport.

Pour déterminer l’affoiblissement de la lumière des astres, relatif à leur hauteur apparente ; on peut imaginer le rayon lumineux mû dans un canal par-tout de la même largeur, et réduire l’air renfermé dans ce canal, à la densité précédente. La longueur de la colonne d’air ainsi réduite, déterminera l’extinction de la lumière de l’astre que l’on considère ; or on peut supposer depuis le zénith jusqu’à douze degrés environ de hauteur apparente, les couches de l’atmosphère, sensiblement planes et parallèles, et la route de la lumière, rectiligne ; alors, la largeur de chaque couche dans la direction du rayon lumineux, est à son épaisseur dans le sens vertical, comme la sécante de la distance apparente de l’astre au zénith, est au rayon. En multipliant donc cette sécante par — 0,0902835, et par le rapport de la hauteur du baromètre, à 0me,76 ; on aura le logarithme de l’intensité de la lumière de l’astre. Cette règle fort simple donnera l’extinction de la lumière des astres, au sommet des montagnes et au niveau des mers ; ce qui peut être utile, soit pour corriger les observations des éclipses des satellites de Jupiter, soit pour évaluer l’intensité de la lumière solaire au foyer des verres ardens. Nous devons cependant observer que les vapeurs répandues dans l’air, influent considérablement sur l’extinction de la lumière des astres : la sérénité du ciel dans les climats méridionaux y rend, en général, leur lumière plus vive ; et si l’on transportoit nos grands télescopes, sur les hautes montagnes du Pérou, il n’est pas douteux que l’on découvriroit plusieurs phénomènes célestes, qu’une atmosphère plus épaisse et moins transparente rend invisibles dans nos climats.

L’intensité de la lumière, à de très-petites hauteurs, dépend, ainsi que la réfraction, de la constitution de l’atmosphère. Si sa température étoit par-tout la même, les logarithmes de l’intensité de la lumière, seroient proportionnels aux réfractions astronomiques divisées par les cosinus des hauteurs apparentes, et alors, cette intensité à l’horizon, seroit réduite à la quatre millième partie de sa valeur primitive : c’est pour cela que le soleil dont on peut difficilement soutenir l’éclat à midi, se voit sans peine à l’horizon.

Il est naturel de penser que chaque molécule de la surface du soleil, envoie dans tous les sens, la même quantité de lumière. Deux portions égales et très-petites de cette surface, vues de la terre, l’une au centre du disque, et l’autre vers ses bords, paroissent occuper des espaces différens, et qui sont entr’eux, comme le rayon est au cosinus de l’arc du grand cercle de la surface solaire, qui sépare ces deux parties ; ainsi, l’intensité de leur lumière est dans un rapport inverse. Cependant, Bouguer a trouvé par l’expérience, que la lumière du soleil est plus vive au centre que vers les bords : en comparant celle du centre, à la lumière d’un point éloigné des bords, du quart de son demi-diamètre ; les intensités de ces deux lumières lui ont paru être dans le rapport de 48 à 35. Cette différence indique autour du soleil, une atmosphère épaisse qui affoiblit sa lumière. Si l’on compare à l’expérience de Bouguer, les résultats précédens ; on trouve que l’intensité de la lumière d’un astre vu de la surface du soleil, au zénith, est réduite à 0,24065, et que le soleil dépouillé de son atmosphère, nous paroîtroit douze fois et un tiers, plus lumineux.

Une couche d’air horizontale, à la température de zéro degrés et à la pression d’une colonne de mercure de 0me,76, devroit avoir 53548me d’épaisseur, pour affoiblir la lumière au même degré que l’atmosphère du soleil : ce seroit donc la hauteur de cette atmosphère réduite à la densité de cette couche aérienne, si, à densités égales, sa transparence étoit la même que celle de l’air ; mais c’est ce que l’on ignore. Au reste, ces résultats sont subordonnés à l’exactitude de l’expérience de Bouguer, qui mérite d’être répétée avec soin, dans les divers aspects du disque solaire.

Les vibrations de l’air produisent les sons qui, suivant la promptitude ou la lenteur des vibrations, sont aigus ou graves ; mais quelle que soit leur nature, la vîtesse de leur propagation est la même, et le son fort ou foible, grave ou aigu, parcourt 291me,4, par seconde.

Les vents, depuis le zéphyr jusqu’aux plus impétueux ouragans, sont produits par l’air qui se déplace avec plus ou moins de vîtesse. Dans les plus violentes tempêtes, cette vîtesse est d’environ trente mètres par seconde ; elle n’en est que le tiers à-peu-près, dans les vents ordinaires. Sans doute, la cause qui soulève régulièrement les eaux de la mer, et qui paroît résider dans le soleil et dans la lune, trouble pareillement l’équilibre de l’atmosphère qu’elle doit pénétrer pour agir sur l’océan ; mais les vents périodiques qui en résultent, sont trop foibles, pour avoir été observés au milieu des agitations que l’atmosphère éprouve par un grand nombre d’autres causes.

C’est dans le sein de l’atmosphère, que se forment les nuages, les orages, les aurores boréales, et tous les météores. L’air dissout l’eau, et cette propriété dissolvante varie avec sa densité et avec sa chaleur ; ainsi, l’eau se dissout et se précipite alternativement de l’atmosphère, en vertu de toutes les causes qui font varier la température et la densité de l’air. L’eau de la mer, en se dissolvant dans l’atmosphère, abandonne le sel qu’elle contient ; elle retombe sous la forme de rosée, de neige, de grêle ou de pluie, dont une partie recueillie par les montagnes et par les lieux élevés, s’infiltre dans les terres d’où elle s’échappe, pour former les sources et les fleuves qui la rendent à la mer.

L’électricité ne s’ouvre que difficilement un passage à travers l’atmosphère ; ses diverses couches sont habituellement électrisées, et paroissent l’être d’autant plus, qu’elles sont plus hautes ; les nuages formés dans les couches supérieures sont donc plus électrisés que les couches inférieures dans lesquelles ils s’abaissent. Mais quoi qu’il en soit de cette cause de l’électricité des nuages, il est maintenant avéré que la foudre est une explosion électrique entre les nuages et la terre.

L’air n’est point une substance homogène ; l’expérience a fait connoître qu’il est composé de trois parties de gas azot, et d’une partie de gas oxigène, gas éminemment respirable, dans lequel les corps répandent en brûlant, une vive lumière, et qui seul, paroît nécessaire à leur combustion, et à la respiration des animaux, que l’on sait être une combustion lente, principale source de la chaleur animale.

D’autres fluides aériformes se mêlent à l’atmosphère, et s’y élèvent à raison de leur légéreté spécifique. Le plus léger de ces fluides est celui que l’on nomme gas hydrogène ; il est quinze ou seize fois plus rare dans son état de pureté, que l’air atmosphérique. Combiné avec le gas oxigène, dans le rapport d’un à six à-peu-près, il forme l’eau qui, loin d’être un élément, comme on l’a cru pendant longtemps, peut être composée et décomposée à volonté. La décomposition des corps dans les marais et dans les eaux stagnantes, développe une grande quantité de gas hydrogène qui se porte aux confins de l’atmosphère, où étant enflammé par l’électricité naturelle, il produit ces étoiles tombantes, ces globes de feu et ces traînées de lumière, que l’on observe dans les grandes chaleurs, et qui vus quelquefois au même instant, à de très-grandes distances, indiquent que leur hauteur est au moins, de cent mille mètres. Contenu dans une enveloppe légère, le gas hydrogène s’élève avec les corps qui y sont attachés, jusqu’à ce qu’il rencontre une couche de l’atmosphère, assez rare pour y rester en équilibre. Par ce moyen dont on doit l’heureuse expérience aux savans français, l’homme a étendu son domaine et sa puissance ; il peut s’élancer dans les airs, traverser les nuages, et interroger la nature, dans les hautes régions de l’atmosphère, auparavant inaccessibles.

L’atmosphère transmet librement la lumière du soleil, et difficilement la chaleur ; elle accroît donc la température à la surface de la terre, et peut-être, sans la résistance qu’elle oppose à la dissipation de la chaleur solaire, on éprouveroit un froid excessif à l’équateur même.

C’est à la chaleur, qu’est dû l’état aériforme de l’atmosphère ; c’est à la pression de l’atmosphère et à la chaleur, qu’est due la fluidité de l’océan. Pour établir ces vérités, présentons en peu de mots, l’une des principales découvertes que l’on a faites en dernier lieu, sur la chaleur.

Quelle que soit sa nature, la chaleur dilate les corps ; elle les réduit de solides en fluides, et de fluides en vapeurs. Ces changemens d’état sont marqués par de singuliers phénomènes que nous allons suivre sur la glace. Considérons un volume de neige ou de glace pilée, dans un vase ouvert, et soumis à l’action d’une grande chaleur : si la température de la glace est au-dessous de celle de la glace fondante, elle augmentera jusqu’à zéro de température ; parvenue à ce degré, la glace se fondra successivement par de nouvelles additions de chaleur ; mais si l’on a soin de l’agiter jusqu’à ce qu’elle soit fondue, l’eau produite restera toujours à la température de zéro ; la chaleur communiquée par le vase, ne sera point sensible sur le thermomètre que l’on y plonge ; elle sera toute entière employée à rendre la glace fluide. Ensuite, la chaleur ajoutée élèvera la température de l’eau, et le thermomètre, jusqu’au moment de l’ébullition. Alors, le thermomètre redeviendra stationnaire, et la chaleur communiquée par le vase, sera toute employée à réduire l’eau en vapeurs qui seront à la même température que l’eau bouillante. L’eau produite par la fonte de la glace, et les vapeurs dans lesquelles se réduit l’eau bouillante, absorbent donc au moment de leur formation, une grande quantité de chaleur qui reparoît dans le retour des vapeurs aqueuses à l’état d’eau, et de l’eau à l’état de glace ; car les vapeurs, en se condensant sur un corps froid, lui communiquent beaucoup plus de chaleur qu’il n’en recevroit d’un poids égal d’eau bouillante ; et d’ailleurs, on sait que l’eau pouvant se conserver fluide, quoique sa température soit de plusieurs degrés au-dessous de zéro, elle se transforme alors en glaçons, pour peu qu’on l’agite, et le thermomètre que l’on y plonge, monte à zéro, par la chaleur que ce changement développe.

Sans la pression de l’atmosphère, la glace fondue se réduiroit en vapeurs ; mais cette pression contient la force répulsive que la chaleur communique aux molécules fluides, et maintient la glace fondue, sous forme d’eau, jusqu’à ce que la chaleur soit assez grande pour que sa force répulsive l’emporte sur la pression de l’atmosphère. À cet instant, l’eau entre en ébullition et se réduit en vapeurs ; le degré de température de l’eau bouillante, varie donc avec la pression de l’atmosphère : il est moindre au sommet des montagnes, qu’au niveau des mers ; et dans un récipient dans lequel on peut raréfier et condenser l’air à volonté, on peut accroître ou diminuer à volonté, la chaleur de l’eau bouillante. Ainsi, la chaleur rend la mer fluide, et la pression de l’atmosphère l’empêche de se réduire en vapeurs.

Tous les corps que nous pouvons faire passer de l’état solide à l’état fluide, offrent de semblables phénomènes ; mais la température à laquelle leur fusion commence, est très-différente pour chacun d’eux. Le mercure, par exemple, devient solide vers quarante degrés au-dessous de zéro, comme on s’en est assuré par l’expérience : il commence à se fondre à ce degré de température ; il entre en ébullition, à la température de 376° et à la pression d’une colonne de mercure de 0me,76 ; en sorte qu’à cette pression de l’atmosphère, l’intervalle de la température comprise entre la fusion et l’ébullition, intervalle qui, pour l’eau, est de cent degrés, s’élève à 416°, pour le mercure.

Il existe des corps qui ne peuvent pas devenir fluides, par les plus grandes chaleurs que nous pouvons exciter. Il en est d’autres que le plus grand froid qu’ils éprouvent sur la terre, ne peut pas réduire à l’état solide : tels sont les fluides qui forment notre atmosphère, et qui, malgré la pression et le froid auxquels on les a soumis, se sont jusqu’ici maintenus dans l’état de vapeurs. Mais leur analogie avec les fluides aériformes dans lesquels nous réduisons par la chaleur, un grand nombre de substances, et leur condensation par la pression et par le froid, ne permettent pas de douter que ces fluides atmosphériques sont des corps extrêmement volatils, qu’un grand froid réduiroit à l’état solide : il suffiroit, pour leur faire prendre cet état, d’éloigner la terre du soleil, comme il suffiroit de l’en rapprocher, pour faire entrer l’eau et plusieurs autres corps, dans notre atmosphère. Ces grandes vicissitudes ont lieu sur les comètes, et principalement sur celles qui approchent très-près du soleil, dans leur périhélie. Les nébulosités qui les environnent, et les longues queues qu’elles traînent après elles, sont le résultat de la vaporisation des fluides, à leur surface : le refroidissement qui en est la suite, doit tempérer l’excessive chaleur due à leur proximité du soleil ; et la condensation des mêmes fluides, quand elles s’en éloignent, répare, en partie, la diminution de chaleur que cet éloignement doit produire ; en sorte que le double effet de la vaporisation et de la condensation des fluides, rapproche considérablement les limites de la plus grande chaleur et du plus grand froid que les comètes éprouvent à chacune de leurs révolutions.