Fables d’Ésope (trad. Chambry, 1927)/Le Laboureur et l’Arbre

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Traduction par Émile Chambry.
FablesSociété d’édition « Les Belles Lettres » (p. 40r).
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LE LABOUREUR ET L’ARBRE


Il y avait dans le champ d’un laboureur un arbre qui ne portait pas de fruit, et qui servait uniquement de refuge aux moineaux et aux cigales bruissantes. Le laboureur, vu sa stérilité, s’en allait le couper, et déjà, la hache en main, il assénait son coup. Les cigales et les moineaux le supplièrent de ne pas abattre leur asile, mais de le leur laisser, pour qu’ils pussent y chanter et charmer le laboureur lui-même. Lui, sans s’inquiéter d’eux, asséna un second, puis un troisième coup. Mais ayant fait un creux dans l’arbre, il trouva un essaim d’abeilles et du miel. Il y goûta, et jeta sa hache, et dès lors il honora l’arbre, comme s’il était sacré, et il en prit grand soin.

Ceci prouve que par nature les hommes ont moins d’amour et de respect pour la justice que d’acharnement au gain.