Ferrure du bœuf

La bibliothèque libre.
Imprimerie Jean Pradel et Blanc, 6 Rue des Gestes (p. --51).

ÉCOLE IMPÉRIALE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE




FERRURE DU BŒUF



THÈSE

PRÉSENTÉE À L’ÉCOLE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE

POUR L’OBTENTION DU

DIPLÔME DE MÉDECIN-VÉTÉRINAIRE

le 1er Août 1867

PAR

M. PIERRE DELBEUF

MÉDECIN-VÉTÉRINAIRE

Né à Foissac (Aveyron).




TOULOUSE

IMPRIMERIE DE J. PRADEL ET BLANC

6 RUE DES GESTES 6


1867


JURY D’EXAMEN
――
MM. BOULEY. Inspecteur-général
LAVOCAT Directeur.
LAFOSSE Professeurs.
LARROQUE
GOURDON
SERRES
Bonnaud Chefs de Service.
Mauri


――✾oo✾――

PROGRAMME D’EXAMEN



Instruction ministérielle
du 22 octobre 1866.

――

THÉORIE. Épreuves
écrites.
1o Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2o Dissertation sur une question complexe d’Anatomie et de Physiologie.
Épreuves
orales.
1o Pathologie médicale spéciale ;
2o Pathologie chirurgicale ;
3o Manuel opératoire et Maréchalerie ;
4o Thérapeutique générale, Posologie et Toxicologie ;
5o Police sanitaire et Jurisprudence ;
6o Hygiène, Zootechnie, Extérieur.
PRATIQUE. Épreuves
pratiques.
1o Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2o Examen clinique d’un animal malade ;
3o Examen extérieur de l’animal en vente ;
4o Analyses des sels ;
5o Pharmacie pratique ;
6o Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.

À LA MÉMOIRE DE MON PÈRE

souvenir éternel.





À MA MÈRE

tendresse filiale.





À MES SŒURS, À MON BEAU-FRÈRE

Témoignage d’affection.





À MES PARENTS

Gage de mon sincère attachement.





À MES MAITRES

DE L’ÉCOLE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE.





À MES AMIS


AVANT-PROPOS.


Dans le travail qui suit, consacré à l’étude de la ferrure du bœuf, nous allons essayer de démontrer d’abord : l’utilité qu’offre cette ferrure appliquée d’une manière rationnelle aux animaux de cette espèce destinés aux travaux de l’agriculture ; à ceux élevés exclusivement pour la boucherie, et enfin, aux vaches laitières. Ensuite, nous passerons succinctement sur la manière de préparer et d’appliquer les fers, nous réservant d’insister davantage sur les divers moyens de contention employés pour maintenir l’animal pendant l’opération. Nous étudierons successivement chaque mode d’assujétion ; nous les comparerons entre eux, et nous ferons surtout ressortir leurs avantages et leurs inconvénients. Enfin, nous terminerons en indiquant le mode de contention qui nous semble réunir les meilleures conditions propres à éviter des accidents graves.

De tous les nombreux ouvrages de médecine vétérinaire ou d’agriculture que nous avons consultés, aucun ne s’occupe de cette partie d’une manière spéciale, cette pratique étant en quelque sorte considérée par les vétérinaires et par les hippiatres comme très secondaire. Cependant, parmi les principaux auteurs de ces ouvrages, nous devons citer : MM. Girard, Traité du pied des animaux domestiques ; Gourdon, Traité de chirurgie vétérinaire ; Magne, Traité d’hygiène appliquée ; Rey, Traité de maréchalerie ; Lafosse, De quelques maladies des organes génito-urinaires du boeuf, journaux vétérinaires de 1849 ; H. Bouley, Dictionnaire pratique de Médecine et de chirurgie vétérinaire ; Hamont, Note sur le bœuf, journaux vétérinaires de 1844 ; Bixio, Maison rustique, etc. C’est dans les idées que nous ont fourni ces différents auteurs, complétées par nos propres observations, que nous avons puisé les éléments de ce travail qui trouvera son opportunité dans l’absence d’autre ouvrage spécial.





FERRURE DU BŒUF





Historique. Peu d’auteurs se sont spécialement voués à l’étude du perfectionnement et de l’éducation du bœuf, et, à plus forte raison, a-t-on laissé de côté le moyen de prévenir l’usure de ses onglons.

M. Hamont[1] dit « que la ferrure des bœufs est toute moderne, qu’elle s’est introduite dans la pratique par imitation de celle des chevaux qui elle-même n’est pas très ancienne ; en effet, aucun ouvrage grec, romain sur l’agriculture, l’équitation ou l’art militaire, n’en rapporte aucun trait. »

Le docteur Bixio[2] dit que « l’écuyer Bourgelat, en fondant l’École vétérinaire, n’eut en vue que de dérober à un empirisme barbare la médecine du cheval, et peut-être son attention fût-elle restée exclusive sur cette espèce, si de graves épizooties n’étaient survenues sur les bêtes à cornes. Les auteurs qui l’ont précédé ou qui l’ont suivi ont presque tous fait comme lui. Si au lieu d’un écuyer c’eût été un agriculteur, il eut étendu son enseignement sur tous les animaux et surtout sur le bœuf, un des animaux le plus utile au point de vue de l’agriculture. »

Tout ce qu’on a écrit sur cet animal est épars dans des journaux, dans des ouvrages d’agriculture, dit Bixio ; mais les auteurs tels que, Olivier de Serres, Rozières, Tessier, etc., qui s’en sont occupés, ont négligé la ferrure. Le peu de traités spéciaux, comme le Parfait Bouvier de Boutrolle, le Manuel Bouvier de Robinet, le Traité de pathologie bovine de Rodet, de Lafore, de Gellé, etc., s’occupent seulement des maladies, de l’élevage, etc., mais sans parler de la ferrure. L’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre ne sont pas plus riches que nous à ce point de vue. Les médecins Ramazini, Sauvages, Vicq-d’Azir, n’ont décrit que certains cas pathologiques. Absorbés par l’étude spéciale de quelques maladies du bœuf, ils ont dû négliger celle de sa ferrure.

But. Utilité. Le but de la ferrure sur l’espèce bovine reconnu par divers auteurs, est de préserver l’usure de la corne qui constitue ses onglons. Dans certains cas, comme le dit M. Rey[3], elle peut concourir à la guérison de quelques maladies du pied, mais elle sert rarement à remédier aux défauts de l’aplomb.

L’usure est parfois si grande, qu’on a vu des bœufs, en troupeaux, par suite des marches forcées, avoir les chairs des pieds à nu, meurtries et déchirées quelquefois jusqu’aux os. Cela se produit d’autant plus vite, que la corne de la sole est peu épaisse et que ces animaux marchent avec lenteur. C’est surtout avant les chemins de fer, que ces inconvénients de la marche se montraient souvent (M. H. Bouley, Dictionnaire pratique de médecine et de chirurgie). On pourrait encore le voir sur les troupeaux de ces animaux, obligés de marcher pour approvisionner les armées en campagne.

Cette ferrure est indispensable, comme le fait remarquer M. Magne[4], pour les animaux de cette espèce qui passent souvent sur des chemins de traverse plus ou moins rocailleux, sur des routes, comme on le voit dans le midi de la France ; elle l’est au moins pour les onglons externes des quatre pieds si ce n’est pour tous. Sans elle, la corne s’use, s’amincit, devient flexible, tendre, le pied douloureux arrivé à ce point, ces animaux ne peuvent servir à un travail exigeant quelque force. Il faut alors, outre les accidents qui peuvent survenir, les nourrir à l’écurie, ce qui entraîne une double dépense.

Mathieu de Dombasle, d’après M. Magne, approuve la ferrure des ruminants : « Mes bœufs, dit-il, sont toujours ferrés des quatre pieds, et j’ai fait établir chez moi un travail pour cet usage. Avant que j’eusse pris ce parti, il y avait constamment un ou deux boiteux à l’écurie et souvent pour huit, quinze jours. La ferrure est indispensable pour les bœufs dont on veut tirer un service constant. Lorsqu’on néglige ce moyen, continue M. de Dombasle, je conçois que le service de ces animaux puisse réellement coûter plus cher que celui des chevaux ; car alors on peut calculer, en terme moyen, qu’on perd au moins le quinzième du travail de chaque bête. »

Bon nombre de propriétaires du Midi éloignés du maréchal, ont fait construire, comme de Dombasle, un travail dans leur propriété où l’on va ferrer leurs animaux.

M. Hamont (loc. cit.), dit encore : « En Égypte, les bœufs ne sont pas ferrés, et eux seuls, cependant, font tous les travaux de la terre. » Et Grognier, d’après le même auteur, rapporte que : « dans le Lyonnais, le Charolais, parmi les bœufs employés aux charrois, les uns sont ferrés des deux onglons, d’autres des quatre, et beaucoup enfin ne sont pas ferrés ; ces derniers, dit Grognier, ne m’ont pas paru plus souvent affectés de maladies du pied. »

Nous sommes loin de mettre en doute les observations de ces deux auteurs, mais quoiqu’ils aient vu certains animaux travailler sans fers, nous pensons qu’il ne pourrait pas en être ainsi pour ceux qui travaillent dans les conditions que nous avons indiquées. Probablement que leurs observations ont été faites sur des animaux qui faisaient un petit travail, et encore sur un terrain mou et non rocailleux.

Cette ferrure n’est pas aussi généralement employée, comme le fait observer M. Rey, que la ferrure du cheval. Depuis quelque temps, cependant, cette pratique a pris beaucoup d’extension. Il est bien encore des localités où l’on ne ferre que l’onglon externe des deux pieds antérieurs, tandis que dans d’autres les quatre externes sont ferrés ; mais quand ces animaux travaillent sur des routes, au service du halage, etc., on les fait ferrer de tous les onglons. Nous ferons remarquer, avec M. Magne, que la ferrure de l’onglon externe est suffisante pour les animaux qui ne font pas de pénibles travaux, parce qu’ils appuient alors exclusivement sur celui-là.

En général, dit M. Rey, on apporte peu de soins à la ferrure des bœufs ; nous pensons que c’est un tort, le propriétaire y trouve ses avantages, soit qu’il s’agisse de bœufs de travail, d’engrais et même de vaches laitières, car cette ferrure est bien moins coûteuse que celle du cheval.

Nous ne doutons pas que certaines races, telles que : la race Bretonne, celle d’Aubrac, du Morvan, des Cévennes, de Tarbes, etc., aient une corne très bonne qui puisse résister à l’usure, surtout quand on les emploie aux travaux des champs ; mais nous pensons aussi, que si elles étaient obligées de faire sur des routes publiques, des charrois de bois de construction, de houille ou de toute autre marchandise, comme le font les bœufs des Landes, de l’Aveyron, etc., elles ne résisteraient pas longtemps à ce travail sans être ferrées.

Jusqu’ici nous n’avons parlé que des animaux élevés dans la partie méridionale de la France, c’est-à-dire des bœufs que l’on élève pour les travaux des champs et qu’on ne livre à la boucherie qu’à l’âge de six, sept, huit et dix ans.

Voyons maintenant si la ferrure peut également être utile aux animaux que l’on élève exclusivement pour la boucherie et aux vaches laitières. À cela nous devons répondre affirmativement ; en effet, par cet usage on conserve la régularité des aplombs, on raccourcit leurs onglons qui, sans cette précaution, se développeraient d’une manière extraordinaire jusqu’à se chevaucher. On rend l’appui plus facile et on diminue la souffrance que l’animal éprouve aux pieds, soit en allant tous les jours aux pâturages, quand ils sont un peu éloignés, soit pendant la station à l’étable. On prévient ainsi encore les clous de rue produisant souvent des boiteries graves, qui, de même que la douleur provenant d’une trop forte usure de la corne, peuvent amener l’amaigrissement des bêtes d’engrais.

Il est encore possible que pour les vaches laitières, la souffrance occasionnée par la difficulté de l’appui, influe sur la production du lait, soit par la quantité, soit par la qualité.

Il est vrai, sans doute, qu’on peut raccourcir les onglons à ceux de ces animaux qui les ont trop développés, et cela sans les ferrer ; mais comme ils ne sont pas toujours assez dociles pour se prêter à cette opération sans être fixés au travail, on peut alors, pour une somme très minime, maintenir leurs formes et leur adapter un fer. Mais si l’on peut se passer de la ferrure de ceux-là en raccourcissant leurs onglons, il n’en est pas de même pour ceux qui ont la corne trop usée et qui souffrent par le seul poids de leur corps sur la mince couche de corne de la sole qui protége incomplètement les tissus vivants.

Différence entre le pied du bœuf et celui du cheval au point de vue de la ferrure. Le pied des quadrupèdes ruminants est divisé, dans le sens de sa longueur, en deux parties à peu près égales. Chacune de ces parties constitue un doigt terminé par une boite cornée et qu’on nomme onglon. Par leur réunion, ces deux onglons représentent assez la forme du sabot du cheval. En effet, considérés dans leur ensemble, ils ont la même conformation que le sabot des solipèdes. Il faut cependant observer l’absence de certaines parties, telles que la fourchette, les fibro-cartilages latéraux ; mais aussi il y existe un ligament nommé ligament transversal ou interdigité qui sert à maintenir les deux onglons rapprochés, tout en leur permettant l’écartement nécessaire à la marche, ce qui ne peut se voir sur le sabot unique du cheval (M. Rey).

Un coussinet plantaire se trouve placé sous chacun de ces onglons il est moins dense que celui du cheval et forme la base ou partie molle du talon. Il s’avance sous la sole tout en s’amincissant, et se trouve accolé aux parties environnantes par un tissu filamenteux dense et fort (Girard, Traité du pied).

Chaque onglon offre à considérer une partie antérieure ou pince ; une postérieure ou talon ; entre ces deux parties on peut trouver les mamelles et les quartiers comme dans le cheval. Il présente deux bords : un externe convexe formant la moitié de la grande circonférence inférieure du pied, l’autre interne presque droit, plus court, qui est en rapport avec celui du côté opposé ; enfin, une sole formant un peu de voûte et par suite une très légère concavité à sa face inférieure, laquelle va en augmentant du bord externe à l’interne, mais s’arrêtant avant d’arriver à la paroi constituée par ce dernier bord. Cette concavité représente le vide qui existe de chaque côté de la fourchette des solipèdes.

Les pieds antérieurs sont en général plus développés que les postérieurs ; ils sont plus larges, et dans tous l’onglon interne est plus grand que l’externe. Tout y est plus développé, les os y sont plus compactes ; la muraille, le bourrelet plus prédominant ; de là, l’utilité de ferrer plutôt l’onglon externe que l’interne, quand on ne doit en ferrer qu’un seul.

De son élasticité. D’après M. H. Bouley, l’élasticité du pied des animaux bisulques résulte de sa division en deux onglons. M. Rey (loc. cit.), fait observer que l’élasticité dans le pied du bœuf n’est pas distribuée d’une manière favorable à la rapidité des allures comme dans le cheval. Chez les didactyles, l’obstacle à la vitesse est la division profonde des doigts, vu l’irrégularité qu’éprouve l’animal dans l’appui de son pied sur un terrain accidenté.

L’élasticité des onglons est bien moindre que dans le sabot du cheval, malgré la présence du coussinet plantaire, et les mouvements de dilatation et de resserrement y sont peu sensibles, en raison du peu d’existence de concavité dans cette région. Mais aussi il est à remarquer que ces mouvements n’ont pas besoin d’être si grands, par suite de l’écartement qu’effectuent les deux onglons pendant leur appui, écartement permis par le ligament transverse, lequel les rapproche immédiatement après au moment du levé. Ensuite, ces animaux n’ont pas besoin d’une aussi grande élasticité dans leurs pieds que le cheval, animal de course par excellence ; tandis qu’eux, animaux à allures lourdes, ne sont employés qu’aux travaux lents de l’agriculture. Plus tard ils sont livrés à la boucherie et quelquefois même élevés exclusivement pour elle.

La différence que nous avons vu exister entre les pieds des didactyles et des solipèdes nous indique assez que la ferrure doit aussi différer. En effet, on ne peut mettre un fer unique pour les deux onglons, car il empêcherait leur écartement de s’effectuer, lequel est indispensable pour faciliter l’élasticité et la marche. Aussi, comme nous le verrons plus tard en décrivant la ferrure, met-on un fer sous chaque onglon.

PRATIQUE DE LA FERRURE. INSTRUMENTS.


Pour pratiquer la ferrure du bœuf, il faut d’abord forger les fers, les étamper et les ajuster. Pour cela, il faut un atelier avec sa forge et les instruments nécessaires à la préparation du fer.

C’est le même atelier que celui qui sert pour la ferrure des chevaux ; c’est à la même forge et avec tout ce qui en dépend qu’on fabrique ces fers. On se sert des mêmes marteaux, ciseaux, poinçons, tenailles, etc. Cependant beaucoup de maréchaux, et nous serions de ce nombre, préfèrent, au ferretier, le marteau à main et à panne, dit traverse. L’étampe doit être un peu plus grosse que celle du cheval, par suite de la moindre épaisseur du fer, ce qui fait qu’elle ne peut s’enfoncer aussi profondément, et cependant les étampures doivent être assez évasées pour bien loger la tête du clou. Le combustible employé est la houille grasse. Le fer est le même que celui qui sert à forger les fers des solipèdes ; on doit choisir celui qu’on nomme fer fort, fer doux, fer ductile, etc. ; il se laisse plus facilement travailler. Il est divisé en barres qu’on appelle fer mi-plat, fer maréchal. D’autres fois, les barres sont moitié moins épaisses, mais plus larges du double ; elles sont fendues par leur milieu suivant leur longueur et servent à forger les petits fers. On se sert très rarement du vieux fer.

Les barres sont divisées en lopins d’une grandeur telle que chacun puisse servir à faire deux fers de bœufs ; quelquefois, elles sont seulement partagées en deux par leur milieu.

Chaleur du fer. Le rouge cerise n’est pas le degré de chaleur qui convient, car le fer est plus ou moins pailleux et ne se soude pas. La chaude à blanc suffit dans la plupart des cas ; par exception, il faut arriver près de son degré de fusion (chaleur suante), afin de souder les différentes parties qui le composent. On reconnaît assez facilement ce degré à la couleur blanche du fer et à une matière qui coule à sa surface et qui se vitrifie par le refroidissement (c’est un mélange d’oxyde de fer et de parties terreuses). Au-delà de ce degré, le fer est brûlé, il devient cassant et on ne peut l’étamper ni rabattre l’onglet sans qu’il se rompe. La pratique vient beaucoup en aide ; d’ailleurs, lorsque la flamme est blanche et présente des étincelles brillantes, c’est un signe que le degré suffisant de chaleur va arriver.

Action de forger. Un homme seul forgerait avec plus de facilité un fer de bœuf qu’un fer de cheval, mais il en forgerait une quantité moins grande et prendrait beaucoup plus de peine que d’avoir un aide à sa disposition. Nous allons décrire l’opération telle que nous l’avons vue pratiquer, d’abord celle au moyen de laquelle on obtient un fer avec un pinçon seulement sans onglet, nous verrons après la manière employée pour obtenir ce dernier.

Les lopins étant prêts, on en met deux au feu en même temps, de manière que l’un soit plutôt chaud que l’autre.

Le premier, que nous appellerons A, ayant atteint le degré de chaleur voulu, on commence à forger. L’ouvrier prend alors ce lopin avec les tenailles, une fois qu’il l’a débarrassé de la crasse et des battitures qui le recouvrent, il le place sur l’enclume. À ce moment, il fait frapper par l’aide sur le plat du lopin pour l’élargir avec la bouche du marteau à frapper devant ; en même temps lui, muni de la traverse, frappe d’abord dans le même sens pour souder le lopin, puis de champ sur un angle seulement, en tournant la main des tenailles de gauche à droite, comme pour forger un fer de cheval. Avant chaque coup qu’il va donner, il avance le lopin de manière à ce qu’il dépasse autant que l’arête de l’enclume opposée à lui. Il donne plusieurs coups sur ce même angle avec la bouche de sa traverse, jusqu’à ce qu’il soit arrondi et qu’il présente à peu près la forme de l’onglon du bœuf.

Cette forme obtenue, le forgeur frappe avec la panne de sa traverse sur le milieu du fer et horizontalement suivant sa direction longitudinale. Pour cela, il porte le bras qui tient la traverse vers celui du lopin, jusqu’à ce qu’il soit parallèle à la direction de ce dernier ; il le tient à une hauteur telle que la panne tombe horizontalement sur le fer pour éviter les creux que pourraient faire ses angles. De cette manière, aidé par son frappeur, il allonge et élargit le fer insensiblement. La forme du fer étant à peu près donnée, la largeur étant obtenue, le forgeur et le frappeur polissent le fer. On doit ménager un peu plus d’épaisseur au bord externe qui doit recevoir les étampures. Tout cela exécuté, on remet le lopin au feu par le bout opposé qui n’a pas encore été forgé.

Le deuxième lopin, que nous nommerons B, mis au feu en même temps que le lopin A, étant chaud, on forge un fer suivant le même procédé et on le remet au feu par le bout opposé. Le lopin A, au feu depuis un moment, est, après cette opération, vite chaud du bout opposé ; on forge un deuxième fer avec ce premier lopin, seulement ici on doit arrondir l’angle opposé en diagonale à celui déjà rond du premier forgé. Agissant ainsi, l’angle externe du talon est un peu plus long et peut davantage protéger le pied dans cette partie. Il ne reste plus qu’à séparer avec la tranche les deux fers ainsi ébauchés. Leurs talons sont mis sur le feu, et pendant qu’ils se chauffent, on procède de la même manière avec le lopin B pour en obtenir un deuxième fer ; séparé du premier, ils sont tous les deux mis sur le feu comme les deux ci-dessus ; ceux-ci étant chauds on étire et on polit leur talon. On continue ainsi l’opération en ayant soin de chauffer de nouveaux lopins, pendant qu’on termine les talons des deux fers ébauchés du lopin B.

Nous devons ici faire remarquer que lorsqu’on emploie des barres de fer assez longues et non divisées, comme précédemment, en lopins, on peut, au début, les tenir avec la main sans crainte de se brider. Mais après chaque opération on est obligé de séparer le fer ébauché de la barre ; cette séparation se fait au moyen de la tranche. On doit tenir cette dernière un peu obliquement à la direction transversale de la barre ; de cette manière on obtient un fer dont l’angle externe est un peu plus long que l’interne. La barre présente la même obliquité que le talon du fer, son angle le plus allongé constitue la pince du fer suivant, tandis que l’autre, par suite de sa moindre longueur, est plus facilement arrondi. La barre est de nouveau mise au feu par le même bout ; on prend la deuxième et on continue l’opération. Chaque fois qu’un fer ébauché est séparé de la barre, il est mis sur le feu par son talon. On termine ce dernier avant de passer de la seconde à la première barre ou de celle-ci à l’autre.

S’il s’agit de forger un fer pourvu d’une languette ou onglet, il faut un peu plus de temps et la manière de le forger diffère peu. Quand on arrondit le fer, il suffit d’étirer à la pince un petit prolongement qui plus tard constituera la languette. Lorsqu’on le croit assez long, on le refoule de manière à lui faire former un angle droit avec le bord interne du fer.

Mais quelquefois, au lieu de ménager la languette à la pince, on la fait à la partie postérieure du tiers antérieur, bord interne du fer. Alors du côté de ce dernier bord on laisse, en forgeant, tout le tiers antérieur du fer plus large que le talon d’environ 1 centimètre et demi. Immédiatement après que le fer est poli, on détache avec la tranche cet excédent de largeur dans ses deux tiers antérieurs environ ; on l’écarte du corps du fer vers la pince, tandis qu’il tient par son tiers postérieur. Cette partie étant à angle droit avec le bord interne, constitue la languette. Cette dernière est terminée au moment où l’on veut étamper le fer ou l’ajuster.

Les fers ainsi ébauchés dans une chaude ne sont guère qu’à moitié faits ; il faut encore les étamper, puis lever le pinçon, relever la languette. Ces deux dernières choses se font en même temps qu’on les ajuste.

Étampures. Pour étamper les fers on en met de huit à douze à chauffer ensemble, et, le feu étant bien dirigé, tous acquièrent le même degré de chaleur en même temps. Quand ils sont chauds on en prend un, lequel est posé sur l’enclume et étampé. En général, la première étampure qu’on fait est celle de la pince : on continue à faire les autres en allant vers le talon. Elles doivent être au nombre de quatre à six et assez rapprochées l’une de l’autre ; on laisse environ entre elles une distance égale à celle d’une étampure. Rarement on met sept étampures. Le tiers ou le quart postérieur du fer ne doit pas en porter.

On étampe ainsi successivement tous ceux qui sont dans le feu, et avec le plus de vitesse possible pour que les derniers n’aient pas le temps de se refroidir. Ils sont percés immédiatement ; mais il n’y a pas d’inconvénient à attendre, parce que leur peu d’épaisseur permet de les percer à froid.

Description du fer. Le fer du bœuf consiste en une plaque en métal ayant évidemment la forme de la face inférieure de l’onglon à laquelle il doit être adapté. Il offre à considérer : la pince, la mamelle, le quartier et le talon.

La pince est la partie la plus antérieure de la plaque, c’est elle qui quelquefois porte la languette. La mamelle vient immédiatement après ; elle est située entre la pince et le quartier. Le quartier correspond à la partie la plus large du fer, c’est-à-dire vers les dernières étampures. Le talon est la partie la plus postérieure de la plaque et présente deux angles, l’un externe et l’autre interne. L’externe est plus prolongé en arrière que l’interne, par suite de l’obliquité que présente le talon.

Les faces, au nombre de deux, sont : la supérieure sur laquelle doit reposer le contour externe ou la paroi de la face inférieure de l’onglon ; l’autre inférieure portant les étampures et destinée à se poser sur le sol.

Les bords ou rives sont : l’externe convexe partant de la pince et allant au talon en suivant le contour extérieur de l’onglon ; l’interne droit ou légèrement concave va de la pince au talon ; il porte vers son milieu le pinçon et quelquefois vers son tiers antérieur la languette. Enfin, on pourrait ajouter un troisième bord situé au talon, lequel relierait les deux angles externe et interne postérieurs du fer.

Les extrémités, au nombre de deux : l’antérieure comprenant la pince ; la postérieure ou le talon large et constituant, ainsi que nous venons de le dire, le troisième bord.

L’épaisseur est la distance de la face supérieure à l’inférieure ; la largeur s’étend d’une rive à l’autre et constitue la couverture ou plaque.

Les étampures, de forme pyramidale, sont des ouvertures situées à la face inférieure et destinées à loger la plus grande partie de la tête du clou. Elles sont disséminées dans les deux tiers ou les trois quarts antérieurs de la longueur totale du fer, aussi bien pour ceux de devant que pour ceux de derrière.

La contre-perçure est une ouverture située au sommet de chaque étampure du côté de la face supérieure et destinée à livrer passage à la lame du clou.

Le fer est dit étampé à gras, quand l’étamper s’éloigne d’une distance assez prononcée de la rive externe ; dans le cas contraire, il est dit à maigre. Généralement on étampe plus à maigre qu’à gras ; dans ce dernier cas, le fer dépasse en dehors un peu plus que la paroi de l’onglon. Cette partie qui dépasse forme une petite saillie sur tout le pourtour du pied et constitue la garniture. Cette garniture doit être très petite dans la ferrure du bœuf. Le fer destiné à l’onglon interne doit être étampé un peu plus à maigre que celui employé à l’onglon externe.

Les fers présentent en outre quelques appendices, tels que, pinçon, languette, crampons, que nous décrirons en parlant des différentes sortes de fer.

La différence entre les fers de devant et ceux de derrière n’est pas bien grande. Elle résulte surtout de la forme des onglons. Le fer de devant doit être un peu plus large et parfois même un peu plus court que celui de derrière, mais aussi ce dernier est un peu plus long ; de plus l’angle externe du talon peut être sans inconvénient un peu plus long que l’interne, afin de mieux protéger l’onglon à sa partie postérieure. Il n’en est pas de même du fer de devant, car si l’animal travaille dans des terres labourées, il peut accrocher avec son pied postérieur ce même angle externe et détruire la solidité du fer, parfois même l’arracher. Les fers de devant devront donc être moins longs et l’angle externe plus court qu’à ceux de derrière.

Quant à la différence existant entre le fer de l’onglon externe et celui de l’onglon interne, elle consiste en ce que le fer de l’onglon externe présente un peu plus d’épaisseur, moins de largeur et les étampures peuvent être un peu plus à gras.

Proportions du fer. Les proportions du fer du bœuf, dit M. Rey (ouvrage déjà cité), ont été établies par Bourgelat. Il a pris pour terme de comparaison la largeur du bord postérieur. D’après lui, « la longueur totale du fer, de son extrémité antérieure à la postérieure, est de deux fois sa largeur à cette même rive. Cette largeur simple est la même à la seconde étampure en talon, mesurée de la rive externe à la rive interne. C’est vers les talons que se trouve la partie la plus large de cette plaque. » Gohier, d’après ce que rapporte M. Rey, lui donne plus de longueur. « D’après cet auteur, elle doit être de deux fois et demi sa largeur, prise au même point de comparaison. »

Il ne peut y avoir rien de bien absolu, car les onglons varient de longueur, ainsi que de largeur, non-seulement suivant les races, mais encore suivant les animaux. En général on peut dire que ceux de derrière sont plus longs que ceux de devant.

Différentes sortes de fers employés. Pour le cheval, les variétés de fers qu’on emploie sont nombreuses ; il est bien loin d’en être ainsi pour le bœuf. En effet, pour ce dernier il n’y a à proprement parler qu’une seule sorte de fers, qui peut différer non quant à sa forme générale, mais par les appendices qu’il présente.

Nous avons vu les différents procédés qu’il y avait à suivre pour les forger. Par le premier (que l’on forge avec des lopins ou avec la barre), on obtient un fer ayant la forme générale décrite, mais qui ne présente pour tout appendice qu’un seul pinçon vers le milieu de la rive interne (nous verrons le moyen de l’obtenir en parlant de l’ajusture). Ce pinçon, relevé vers la face supérieure avec laquelle il doit former un angle droit, est peu élevé, mais d’une assez grande longueur pour s’opposer à l’interposition des graviers entre le fer et la corne.

Par le second procédé, on a des fers comme les précédents, le pinçon existe, mais pourvus, à la pince, d’un appendice qui n’est autre chose que la languette. Elle doit être relevée vers la face supérieure du fer et former avec elle un angle droit. Cette languette doit avoir une longueur qui lui permette d’embrasser une partie de l’onglon. Son épaisseur ne doit pas nuire à sa souplesse pour qu’elle puisse se rabattre à froid, mais cependant elle doit être assez grande pour lui donner la force de rester en place une fois rabattue.

Les fers qu’on obtient par le troisième procédé se rapprochent beaucoup du deuxième. Comme eux, ils sont pourvus d’une languette, mais située vers la partie postérieure du tiers antérieur. Ils n’ont pas de pinçon.

Comme appendice ou peut encore citer des crampons, espèces de replis saillants situés à la face inférieure. Ils sont rarement employés, mais ils peuvent être nécessaires, par exemple, pour les animaux qui travaillent l’hiver sur un terrain glissant, sur la glace, le verglas. Le crampon se lève soit à la partie antérieure, soit à la partie postérieure du fer ; le plus souvent c’est au talon, à l’angle externe ou à l’interne, ou bien encore aux deux en même temps. Enfin, dans certains cas, le bord postérieur du talon est recourbé en bas et forme un crampon unique.

Ajusture. Avant de fixer le fer sous l’onglon, il faut lui donner l’ajusture nécessaire pour qu’il puisse bien s’y adapter. Elle consiste à relever la rive externe pour donner à la face supérieure une incurvation qui soit en rapport avec la disposition de la sole, afin d’en éviter la compression.

Pour cela, on chauffe en même temps de huit à douze fers et on lève ensuite sur chacun d’eux le pinçon, excepté pour ceux obtenus par le troisième procédé qui n’en ont pas. Ce pinçon se lève en appuyant le fer, soit sur la bigorne, soit sur une arête de l’enclume. On se sert de la traverse, du ferretier ou d’un autre marteau à bouche étroite qu’on nomme mailloche. Le pinçon étant levé, on lui donne une direction verticale par rapport à la face supérieure. La languette doit être relevée dans la même direction. En même temps on relève aussi un peu toute la rive interne du fer. Ensuite la face inférieure étant posée sur l’enclume, on relève le bord externe et le talon. Le fer ainsi ajusté présente une concavité sur sa face supérieure, laquelle doit faciliter son application. La partie du bord externe qui est pourvue d’étampures doit être à peu près horizontale.

Instruments de ferrure. Les instruments employés pour ferrer le bœuf sont les mêmes que ceux qui servent pour le cheval. Ils comprennent le brochoir, le boutoir, les tricoises, le rogne-pied, la râpe et le repoussoir ; ces deux derniers sont moins employés que chez le cheval.

Dans certains ateliers de maréchalerie où l’on a à ferrer, dans quelques heures, de nombreux troupeaux de bœufs qui sont dirigés vers les grands centres de population et destinés à la boucherie, on se sert pour couper la corne d’un instrument particulier, espèce de cisaille qui ressemble jusqu’à un certain point aux morilles en fer des maréchaux. Il se compose de deux branches réunies entre elles par une charnière, et qui se meuvent l’une sur l’autre à la manière d’un compas. Immédiatement en arrière de la charnière, ces deux branches sont tranchantes, aiguisées en couteau et destinées à couper la corne. Après les lames, tout le tiers postérieur de la branche est arrondi et constitue le manche. Les lames sont un peu pliées sur plat et leur courbe représente la forme du pied paré et prêt à recevoir le fer.

Tenant un manche dans chaque main, on écarte ces dernières et l’instrument s’ouvre ; alors, avec les tranchants, on embrasse toute la partie de corne qu’on a jugé nécessaire de couper et on l’enlève d’un seul coup. Il y a économie de temps en employant cet instrument, lorsque surtout on a à ferrer des onglons très longs, mais il est difficile de bien le manier. L’ouvrier qui sait à peine s’en servir n’enlève pas assez de corne du premier coup et il est obligé d’y revenir. Mais un autre inconvénient plus grand encore peut résulter de cet instrument ; c’est qu’au lieu d’enlever la quantité de corne nécessaire, il va beaucoup trop loin et il attaque le tissu podophylleux. Une grande hémorrhagie se déclare, il peut en résulter une blessure très grave.

M. Rey dit qu’on doit se servir d’un rogne-pied ou d’un emporte-pièce pour éviter de trop violentes secousses. Il représente même dans son ouvrage un instrument imaginé à cet effet par M. Cochet, chef d’atelier de forge à l’école de Lyon.

Clous. Les clous doivent être moins forts que ceux du cheval. La tête doit être petite pour qu’elle soit bien enchâssée dans l’étampure, afin de prévenir la cassure du clou au collet. La lame doit être mince, fine, par suite du peu d’épaisseur de la paroi de l’onglon, et présenter assez de rigidité et de souplesse pour bien s’implanter ; les variétés sont peu nombreuses, il y en a de petits, de moyens et de grands. Leur affilure se fait à la manière ordinaire.

Action de ferrer. L’action de ferrer consiste à adapter des fers d’une manière fixe aux onglons des grands ruminants. Le bœuf est un animal qui se prête moins facilement à l’exécution de cette pratique que le cheval ; aussi est-on obligé de l’assujétir avant de procéder à cette opération. Il y a deux moyens qui servent à contenir ces animaux : le premier sans travail, le second avec travail.

1o Contention sans travail. C’est probablement le procédé primitif et le premier qu’on ait employé, par imitation de ceux qu’on employait pour le cheval. Avec lui, on peut ferrer ces animaux à leur place dans l’écurie ou quand ceux-ci sont attachés au joug et fixés solidement, soit à un poteau ou à un arbre, soit à la charrette. Dans quelques cas, rares il est vrai, on peut les ferrer au milieu des champs pendant qu’ils sont attelés à la charrue. D’autrefois, comme le dit M. Gourdon[5], ou peut les fixer à deux piliers implantés solidement dans le sol. Dans tous ces cas, il faut être muni d’une plate-longe ordinaire ou d’une corde assez forte ayant une longueur de 6 à 7 mètres ; en outre, de deux autres moins fortes et d’une longueur de 2 à 3 mètres tout au plus. Les cordes comme la plate-longe sont pourvues d’une anse à l’une de leurs extrémités. Quatre aides ou trois au moins sont indispensables.

Dans le premier cas, quand on ferre l’animal à sa place dans l’écurie, on écarte ses voisins de droite et de gauche, afin de ne pas être gêné ; on raccourcit la chaîne qui fixe l’animal de manière à lui enlever le plus possible sa liberté. En même temps on rapproche, le plus qu’on peut, sa tête du râtelier, contre lequel on la maintient avec une des deux petites cordes dont nous avons parlé. Cette corde ne doit pas être fixée définitivement, mais enroulée quatre ou cinq fois autour d’un bâton du râtelier et confiée à un homme qui tire dessus ; c’est une précaution en cas d’accident.

S’il s’agit de ferrer un membre antérieur, on se sert de la seconde petite corde avec laquelle on fait un nœud coulant qui embrasse le pâturon ; puis, le canon fléchi sur l’avant-bras, on entoure les deux en faisant deux ou trois tours comme avec le trousse-pied. Le bout de la corde doit ensuite passer en arrière du genou et en avant des tours de corde entre l’avant-bras et le canon, pour empêcher ces mêmes tours de glisser en avant. Ce même bout de corde qui, étant passé de dehors en dedans, monte le long du coude et arrive sur le garrot, est ensuite confié à un aide placé du côté opposé. Le teneur de pieds prend alors sa place et maintient le pied à la hauteur voulue. Ce dernier étant ferré, on suit absolument le même procédé pour le pied opposé.

Pour un pied de derrière on prend la plate-longe ou la longue corde qu’on fixe à l’une des cornes au moyen d’un nœud coulant ; pour le pied gauche, on la fixe à la corne gauche, de là, on va entourer la droite, d’où on la fait partir pour servir à lever le pied. De la corne droite, la corde passe sur le garrot de droite à gauche, d’avant en arrière et elle arrive du côté gauche du corps de l’animal ; là, on la fait passer entre les deux membres postérieurs. Une fois tirée en arrière, on la dirige en avant et à gauche, en entourant le pâturon gauche. Le bout est ensuite passé de dehors en dedans, de bas en haut, sous la partie de corde qui va du pâturon au garrot et il revient en dehors ; alors il est tiré en arrière et tenu par deux hommes. Le teneur de pieds tire sur la partie de corde qui va du garrot au pâturon, de manière à plier le jarret et porter le pied un peu en avant. À ce moment les deux aides tirent pour porter le pied en arrière. Alors le teneur de pieds se met en position pour tenir ce dernier. Les deux aides tirent pendant tout le temps que dure l’opération. Même procédé pour le pied postérieur droit ; seulement la corde fixée à la corne droite, doit partir de la gauche pour servir à lever le pied. Enfin, pour les pieds de derrière on pourrait employer simplement une des deux petites cordes, qu’on ferait servir de garrot, pour serrer le tendon du jarret et la jambe à sa partie inférieure ; la douleur produite par ce lien circulaire, est quelquefois une dérivation assez forte pour que l’animal donne son pied et se laisse facilement ferrer.

Si l’animal remue trop, il vaut mieux le mettre au joug, car une fois joint avec son pareil, il a moins de liberté, puis celui qu’on ne ferre pas le maintient toujours un peu. Le joug est alors fixé au râtelier, et la corde qui sert à lever les pieds de derrière peut partir indifféremment du joug ou de la corne. Si on la fixe au joug, c’est de la partie centrale qu’elle doit partir. Tout le reste s’exécute comme il a été dit. Nous devons remarquer que, dans ce dernier cas, on est un peu gêné pour ferrer les pieds situés du côté interne de la paire, bien que l’on ait soin de faire écarter les animaux l’un de l’autre, surtout par l’animal qu’on ne ferre pas ; mais cette difficulté n’est pas tellement grande qu’on ne puisse la surmonter.

Au lieu de ferrer ces animaux dans l’écurie, on peut les sortir et les fixer à un poteau ou à un arbre. Toutes les manœuvres s’exécutent comme nous l’avons dit. On attache le joug au poteau par sa partie centrale, soit par la face antérieure, soit par la postérieure. Quand on n’a ni poteau ni arbre à sa disposition, ce qui est assez rare, on les fixe à la charrette maintenue elle-même immobile. Les bœufs peuvent être attelés comme pour traîner ou bien avoir leur tête placée vers la base du timon, et le derrière, par conséquent, vers l’extrémité antérieure. Pour lever les pieds, on suit le même procédé que lorsque les animaux sont fixés au poteau. Lorsqu’ils sont attachés comme pour traîner, on a l’avantage de pouvoir fixer les pieds postérieurs au corps de la charrette ; mais on est aussi plus gêné pour ferrer les pieds intérieurs. On peut encore fixer la tête elle-même, d’un animal seul, à une roue et tirer sur la queue pour appliquer son corps contre la roue ; on attache ensuite le membre postérieur à la charrette ou à la roue ; si l’animal menace de tomber, on le soutient avec une barre passée obliquement sous son corps et appuyée contre les jantes inférieures de la roue.

Quand on veut les ferrer au champ, on les fixe à la charrue. Alors, en traçant le sillon, on enfonce le soc de la charrue à une profondeur telle que les animaux ne puissent traîner cette dernière. Il faut des animaux dociles, n’avoir que quelques fers à relever ou à placer et seulement aux pieds antérieurs.

Il y a encore un autre moyen de contention employé dans certaines localités qui tient, pour ainsi dire, le milieu entre ceux que nous avons cités et le procédé avec travail. Il consiste à lever et à fixer les pieds postérieurs des animaux à une barre transversale, solidement adaptée à deux piliers implantés dans le sol et à une distance convenable l’un de l’autre. Cette traverse doit être à une hauteur à peu près égale à celle des jarrets de l’animal. En avant, on peut placer un poteau ou un arbre, qu’on a choisi exprès, et auquel on attache la tête de l’animal ou le joug, s’il est accouplé. Pour ferrer les pieds antérieurs, on agit comme si les animaux étaient attachés à un poteau. Mais pour les postérieurs, le membre est soulevé jusqu’à ce qu’il repose sur la barre transversale ; le canon appuyé sur cette dernière y est fixé rapidement avec la corde et dans des tours croisés en x. On peut se servir de cet appareil pour pratiquer des opérations sur ces pieds (M. Gourdon).

Enfin nous citerons, comme particularité, un moyen que nous avons vu employer par des bouviers auvergnats, qui consiste, comme pour les chevaux, à lever et à tenir, sans liens, les pieds de ces animaux, qu’ils soient antérieurs ou postérieurs. On comprend facilement que ce procédé ne peut être employé que pour les animaux très dociles et habitués à donner leurs pieds.

2o Contention avec travail. Il est probable qu’aussitôt que la ferrure du bœuf eut pris plus d’extension, on chercha, pour assujétir cet animal, à employer les diverses machines, nommées travails, qui servaient à maintenir les chevaux. Ces travails ont, depuis leur invention, qui date de Collumèle et de Vegèce, subi plusieurs modifications, mais que nous ne décrirons pas ; nous renverrons pour cela à l’excellent ouvrage de M. Gourdon, déjà cité. Deux seulement sont employés : le premier ayant la forme générale de celui fait pour le cheval ; le second construit spécialement pour l’espèce bovine.

Le premier de ces travails, qu’on trouve dans un grand nombre de localités, présente la forme générale de celui du cheval et se rapproche plus ou moins de celui qui a été perfectionné par Desaybats. La description et le dessin en sont donnés par M. Gourdon. Nous devons faire remarquer qu’un joug doit être adjoint à ce travail spécialement construit pour le cheval, afin de fixer et maintenir la tête du bœuf. Il doit être placé entre les deux poteaux antérieurs, lesquels présentent chacun une mortaise pour le recevoir et dans lesquelles il glisse. Deux sangles, une antérieure et une postérieure, fixées aux treuils, soutiennent le corps de l’animal. Quatre anneaux scellés au sol servent à fixer les membres. Beaucoup ne présentent postérieurement qu’une barre transversale et sans tringle ; c’est sur elle seule qu’on fixe le canon en l’entourant de plusieurs tours de corde croisés en x. D’autres fois cette barre est percée d’un trou dans son milieu dans lequel on met une main en fer à charnière, sur laquelle repose et est fixé le canon ou le pâturon de l’animal. Cette main en fer, placée dans un trou du support antérieur, peut servir à maintenir les pieds de devant.

Enfin, quelquefois en arrière des poteaux verticaux postérieurs, il n’y a ni barres horizontales ni barre transversale ; alors, pour supporter les pieds postérieurs, on se sert d’une tige en fer, d’une largeur de 6 à 8 centimètres sur une épaisseur de 2 à 2 centimètres et demi avec une longueur d’environ 2 mètres. Elle se place de champ à la hauteur convenable dans une mortaise que présente l’un des deux poteaux verticaux postérieurs. L’extrémité de cette tige qui entre dans la mortaise, est pourvue de plusieurs trous et dépasse le poteau en avant ; au moyen d’une cheville en fer introduite dans un de ces trous en avant du poteau, l’autre en arrière, ou bien avec une seule cheville qui passe à travers du poteau, on fixe cette tige. Ces trous permettent de l’avancer ou de la reculer. Sa moitié la plus postérieure est pliée sur plat de dehors en dedans (de l’extérieur vers l’intérieur), avec une courbure qui permet à son extrémité postérieure d’arriver vers le point qui correspond à la ligne qui passerait par le milieu de l’espace compris entre les deux poteaux postérieurs ; là, cette extrémité est pourvue d’une main en fer rembourrée où se fixent les pieds. Dans tous ces cas, quand la corde ou la courroie a fini de fixer le pied, son bout libre est attaché à un anneau placé à cet effet au poteau vertical voisin. Ce moyen dispense d’aide et le maréchal seul peut pratiquer la ferrure.

La deuxième machine employée n’est autre chose que le travail spécial aux bêtes à cornes, décrit et figuré par Bourgelat, ensuite par M. Gourdon. Très répandu partout, ce travail est presque toujours construit d’après le même système. La tête du bœuf se fixe au poteau situé en avant ; son corps est maintenu entre quatre branches concaves intérieurement représentant exactement sa forme. Les pieds antérieurs sont soutenus par le support qui se trouve de chaque côté. Ce support peut être uni et scellé au corps des deux branches antérieures, ou au poteau qui tient la tête, ou bien encore, consister en un simple pilier implanté dans le sol. Ces mêmes pieds peuvent encore, à défaut de support, être fixés à un anneau implanté dans la branche antérieure du travail à la hauteur du genou. Les pieds postérieurs se fixent à un poteau placé en arrière du travail et implanté dans le sol à une distance convenable. Au lieu d’un seul poteau il vaut mieux qu’il y en ait deux, éloignés l’un de l’autre d’un mètre environ et placés l’un devant l’autre dans le sens de la longueur du travail. Sur ces deux poteaux, repose horizontalement une pièce de bois percée de plusieurs trous destinés à recevoir la main de fer qui doit supporter les pieds. On a ainsi l’avantage de pouvoir à volonté avancer ou reculer cette main. Nous n’avons jamais entendu dire, ni lu sur aucun ouvrage, qu’on abattît le bœuf pour le ferrer.

Avantages et inconvénients de ces divers modes de
contention.


Tous ces divers moyens de contention présentent des avantages et des inconvénients que nous allons essayer de décrire.

I. Avantages. 1o Contention sans travail. Le premier avantage que nous ayons à signaler est celui de ferrer les animaux à l’écurie avec les moyens indiqués. D’abord, pas de déplacement pour les animaux, pas de temps perdu pour les conduire chez le maréchal, puis économie pour ce dernier, en ce sens qu’il n’a pas besoin de faire construire un travail (une plate-longe et deux cordes suffisent ; ce qu’on trouve chez presque tous les propriétaires). Nous avons vu qu’en fixant l’animal seul on avait plus de facilité pour ferrer les pieds placés du côté interne, que d’unir la paire au joug ; mais aussi, quand on les met au joug, on a l’avantage d’enlever beaucoup de liberté à l’animal, car il est fixé plus solidement. Enfin, on est encore plus favorisé, au point de vue de la facilité, lorsqu’on les fixe dehors à un poteau que si on les attache à la charrette où le timon gêne. Dans ces derniers cas, on n’est pas dans le fumier ni sur le pavé de l’écurie ; en outre on ne voit pas la fracture des cornes sur les bâtons du râtelier. La ferrure à la charrue, étant dans les champs, est avantageuse dans quelques cas pour le propriétaire et pour le maréchal. La manière de procéder des bouviers auvergnats serait avantageuse, très expéditive, en ce sens qu’on n’a besoin ni de cordes ni de travail, si on trouvait des animaux assez dociles pour s’y prêter ; ce qui est rare.

L’avantage de tous ces procédés sur les travails, est que les animaux ne sont pas blessés par ces machines, ni exposés aux accidents qu’on voit se produire si fréquemment quand ils y sont fixés. Le propriétaire ne se dérange pas ; on ne perd pas de temps pour mettre les animaux dans le travail, il suffit d’attacher et de lever les pieds au moyen d’une corde.

2o Contention avec travail. Le travail a par lui-même un grand avantage sur les autres procédés, c’est d’abord de fixer les animaux d’une manière très solide, puis d’être plus expéditif pour pratiquer la ferrure. En effet, en raison des conditions dans lesquelles les animaux y sont placés, on n’a presque rien à craindre pour soi, ni pour les aides et on peut agir avec beaucoup plus de sûreté. Avec le travail Desaybats surtout, où les animaux sont soutenus par les sangles, on peut ferrer deux pieds à la fois, un membre antérieur gauche et le droit postérieur par exemple, s’il y a deux maréchaux, et cela sans aide, les pieds se trouvant fixés solidement. Enfin, il y a un très grand avantage pour celui qui ferre et pour l’aide, c’est de n’être que très rarement atteint ou blessé par l’animal, pendant qu’il cherche à se défendre. On prend beaucoup moins de peine ; il faut moins de force, au lieu de quatre ou trois aides, un seul suffit et à la rigueur on peut s’en dispenser. Cependant avec le travail spécial aux bêtes à cornes, un aide est presque indispensable, surtout pour les pieds antérieurs quand ils sont fixés à l’anneau des branches ; car il faut les porter en dehors, tandis qu’on pousse le genou en dedans pour favoriser celui qui ferre. Enfin le travail Desaybats a encore un autre avantage sur ce dernier, c’est de pouvoir ferrer deux pieds à la fois et d’être apte à recevoir et à maintenir des animaux de taille différente.

II. Inconvénients. Les inconvénients des moyens de contention sont nombreux ; nous allons décrire les principaux.

1o Contention sans travail. Si nous avons trouvé des avantages à ferrer les animaux à l’écurie au moyen de cordes, nous voyons aussi qu’ils ne sont pas exempts d’inconvénients. D’abord si l’animal vient à tomber et qu’on ne lâche pas assez vite la corde qui le fixe au râtelier, il peut se fracturer, entre les barreaux, une ou les deux cornes ; il en est de même de la colonne vertébrale si sa tête reste fixée au râtelier pendant la chute sur le sol.

Dans sa chute, il peut entraîner les aides et les blesser plus ou moins grièvement. Très souvent aussi on voit des enchevêtrures survenir par suite des excoriations que produit la corde sur le pâturon. Si, pendant que ces plaies existent, il faut de nouveau ferrer l’animal, on aggrave le mal, l’animal est plus difficile à ferrer, méchant même par suite de la douleur qu’il éprouve dans cette région. En restant dans l’écurie, on est dans le fumier, il peut avoir été sorti à cet effet ; mais alors les animaux sont sur un pavé glissant, même après y avoir mis une couche de paille fraîche. Le maréchal peut laisser tomber des clous, des pointes, etc., qui, lorsque les animaux sont déferrés, peuvent se les enfoncer dans leurs onglons.

Pour ferrer le bipède antérieur, le teneur de pieds peut être renversé sur la crèche par le genou de l’animal et se blesser. Les mêmes inconvénients peuvent arriver lorsque la paire de bœufs est fixée au joug et attachée au râtelier ; cependant le bœuf qu’on ferre, un peu maintenu par son compagnon, est beaucoup plus fixe, du reste la présence de ce dernier le rend plus docile.

Si les animaux mis au joug sont fixés à un arbre, à un poteau, il peut survenir les mêmes inconvénients ; seulement ici, on voit plus rarement la fracture des cornes. De plus, les animaux glissent moins souvent. Si on fixe les bœufs à la charrette, l’aide et le maréchal sont gênés par le timon pour ferrer les pieds du côté interne. Outre cette gêne, ils peuvent, de même que les animaux, se blesser à ce timon. Enfin, quand on les ferre aux champs, s’ils viennent à reculer, la charrue n’est plus solide, ils n’y sont presque plus attachés ; si à ce moment les animaux s’emportent, le soc qui ne marche alors que par sauts et par bonds, blesse la partie inférieure des membres et les pieds postérieurs ; en partant, ils peuvent renverser la charrue et l’aide et lui passer sur le corps. La manière dont procèdent les bouviers auvergnats ne peut avoir de grands inconvénients ; il peut seulement, dans quelques cas, en résulter pour l’aide quelques coups de pieds, surtout quand les animaux se défendent.

Si au moyen de tous ces procédés, il y a avantage pour le propriétaire, il n’en est pas de même pour le maréchal. Ce dernier perd beaucoup de temps pour se rendre chez le propriétaire. Aujourd’hui aussi, ce mode n’est mis en pratique que très rarement et dans des cas exceptionnels.

2o Contention avec travail. C’est surtout au point de vue des inconvénients qui peuvent survenir sur les animaux fixés dans ces machines, que nous avons écrit ces quelques lignes. M. Rey dit bien que « l’emploi du travail peut donner lieu à de grands accidents, et qu’on ne saurait jamais prendre trop de précaution pour les éviter ; » mais il n’en signale aucun. Nous décrirons d’abord les inconvénients qui peuvent résulter en se servant du travail Desaybats. Presque tous proviennent du trop de temps que met le maréchal à ferrer l’animal. En effet, très souvent il est tout seul et s’il n’agit très vite, quand il a les huit onglons du même animal à ferrer, il met de une à deux heures. Pendant ce temps les animaux se fatiguent beaucoup, surtout s’ils sont de forte taille, lourds, comme les bœufs de race de Salers. Quelquefois on a de la difficulté pour mettre leurs pieds, soit sur la barre transversale de derrière, soit sur le support de devant. Un homme seul n’y parvient que difficilement, s’il n’a un aide ; le bouvier qui s’y trouve préfère très souvent regarder que de s’occuper. Cette difficulté est encore augmentée quand l’animal se laisse aller de tout son poids sur les sangles, ce qui est assez commun. Alors, pour faciliter la levée des pieds, le maréchal soulève fortement le bœuf sur les sangles, au moyen du treuil, jusqu’à ce qu’il ne touche plus à terre ou qu’il y touche très peu. L’inconvénient ne serait pas grand si, le pied fixé, l’animal était de nouveau baissé pour qu’il pût se soutenir sur les membres qu’on ne ferre pas. Mais soit par ignorance de cause, soit par paresse, etc., il est laissé ainsi enlevé jusqu’à ce qu’il soit entièrement ferré ; de telle sorte que le pauvre animal reste une ou deux heures suspendu par les deux sangles. Il faut ensuite considérer qu’au bout de quelque temps, la sangle de derrière ne reste pas tendue et large ; en effet, pendant qu’elle supporte le bœuf, elle est située entre deux plans inclinés, et par suite dans un angle aigu. Alors ses bords se rebroussent et la sangle finit par ressembler et agir comme une simple corde.

Le premier accident que nous ayons constaté, il y a environ deux ans, était sur un bœuf qui fut conduit, après son repas, chez le maréchal pour être ferré. Fixé comme d’habitude, ferré même assez rapidement, il se débattit pendant tout le temps que dura l’opération. Nous ignorons s’il avait été trop soulevé sur les sangles (ce qui est présumable) ; mais toujours est-il qu’une fois rendu à l’écurie, on reconnut bientôt qu’il était malade ; il resta ballonné, ne rumina pas de toute la journée et refusa de manger. Destiné à être livré à la boucherie (on soupçonnait une lésion interne), à l’autopsie, on trouva une rupture de la partie supérieure et postérieure gauche du rumen. L’ouverture présentait environ une longueur d’un décimètre et demi. Ne pourrait-il pas se faire que, dans un cas semblable, si la panse ne se déchirait pas, il y eût rupture du diaphragme ? L’animal fixé au travail et soulevé par les sangles est dans une position telle, que ses intestins sont fortement portés en avant et pressent sur cet organe.

La maladie la plus grave qui, selon nous, puisse résulter de l’emploi du travail, est l’inflammation du fourreau.

M. Lafosse, qui nomme cet état pathologique : Inflammation aiguë, adhésive de la muqueuse du fourreau, invoque, avec raison, cette cause. « En effet, dit-il, l’animal mis au travail, pour subir la ferrure, a son fourreau qui éprouve des frottements réitérés sur la sangle postérieure ; surtout lorsqu’il y est peu habitué ou bien indocile. Cette inflammation se produit d’autant plus facilement que la sangle est peu souple et plus rétrécie. » Or, nous avons vu qu’elle est le plus souvent rétrécie, lorsqu’il y a quelque temps qu’elle sert. Cette cause n’a pas dû être signalée par d’autres auteurs, car la maladie qu’elle détermine, quelquefois, n’a été décrite que par M. Lafosse[6].

Nous avons eu l’occasion de voir deux cas d’inflammation adhésive du fourreau pendant nos vacances dernières. Nous n’avons pu leur attribuer, comme véritable cause, que le trop long séjour de ces animaux dans le travail, leur laisser-aller sur les sangles et les frottements que le fourreau a pu exercer sur celle de derrière. C’était sur deux animaux appartenant à deux propriétaires différents et même de communes assez éloignées.

Le premier de ces deux animaux qui nous fut présenté, (vingt jours environ avant le second), s’offrit à notre vue avec un engorgement considérable de tout le fourreau, s’étendant depuis l’ombilic jusqu’aux testicules. Le propriétaire, effrayé de cet engorgement, et surtout des coliques qui survinrent par suite de la difficulté qu’éprouvait l’animal pour uriner, le crut atteint d’une affection calculeuse. Nous avouerons que nous-même, de prime-abord, nous fûmes indécis sur la nature de la maladie et nous serions heureux que notre ignorance pût, dans un cas semblable, guider la diagnose du jeune praticien. C’était la première fois que nous l’observions, nous n’avions pas encore lu, sur le journal cité, la description complète qu’en a donné M. Lafosse.

L’exploration rectale nous avait montré la plénitude et la non rupture de la vessie ; par aucune manipulation nous n’avions pu sentir la présence d’un calcul dans le canal de l’urèthre. Il est vrai que, par suite de la grande inflammation, il nous avait été impossible de trouver la verge, depuis la région testiculaire jusqu’à sa partie antérieure. Alors, après nous être rendu compte de cette situation, nous conclûmes que nous n’avions vu sur aucun ouvrage, ni nulle part, ni entendu professer que l’affection calculeuse pût déterminer un engorgement du fourreau. Avant de décider si nous opérerions, pour empêcher la rupture de la vessie, nous questionnâmes de nouveau le bouvier, dont la réponse nous mit un peu sur la voie de la vraie maladie. La veille, l’animal avait subi la ferrure après son repas, et pendant tout le temps il s’était livré à des mouvements désordonnés. Ce renseignement nous fit fortement présumer que nous avions à faire à une inflammation du fourreau et non à une affection calculeuse. Notre but n’est pas de décrire la maladie, il nous suffit d’avoir cité une cause très grave qui, plus souvent qu’on ne le pense, peut la déterminer. D’ailleurs, nous n’oserions en faire la description après celle, si remarquable et si détaillée, faite par notre savant professeur M. Lafosse, dans le journal vétérinaire. Nous ferons seulement observer que, malgré tous les soins que nous y apportâmes, nous ne pûmes empêcher l’infiltration de l’urine dans le tissu cellulaire et même la chute par gangrène d’une partie de ce tissu. Nous sommes portés à croire que ce qui empêcha la rupture de la vessie, ce furent les quelques incisions que nous pratiquâmes dans l’engorgement. L’urine s’écoula pendant une quinzaine de jours par les ouvertures artificielles au bout desquels elle suivit sa voie naturelle ; dans un mois et demi la guérison fut complète.

Pour le deuxième animal, en voyant l’engorgement, les renseignements nous étant fournis et après nous être assuré qu’il n’existait pas de maladie calculeuse, nous n’eûmes presque plus de doute pour diagnostiquer une inflammation du fourreau, d’autant plus que le premier bœuf subissait encore le traitement. La cause ne pouvait être que les frottements du fourreau sur la sangle du travail où il avait été mis la veille pour subir la ferrure. Plus heureux que la première fois, l’épanchement urinaire n’eut pas lieu ; l’urine s’écoula toujours par l’ouverture naturelle, comme un petit filet seulement, pendant les trois ou quatre jours que dura la fièvre. Ce filet grossit tous les jours de plus en plus, et au bout d’une quinzaine la guérison fut obtenue.

Nous ne croyons pas que cette cause puisse favoriser le développement d’une tumeur charbonneuse dans cette même région. Cependant, après les deux cas ci-dessus observés, nous eûmes l’occasion de voir, dans notre localité même, une tumeur de nature charbonneuse dans la région du fourreau. La veille, l’animal avait été mis au travail. De prime abord nous pensions nous trouver en présence de la maladie dont nous venons de parler, mais sa marche ne nous laissa pas longtemps dans le doute.

L’animal suspendu dans le travail, comme nous l’avons dit, ne peut pas uriner par suite de la pression qu’exerce la sangle postérieure sur la région du fourreau ; dans les divers mouvements auxquels il se livre, ne pourrait-il pas y avoir rupture de la vessie, lorsqu’elle est dans un état de plénitude ? Nous le croyons.

Ne pourrait-il pas se faire que cette même cause déterminât une mammite chez la vache, lorsqu’elle est mise au travail pour subir la ferrure ? Nous le pensons.

On a quelquefois vu la rupture du fléchisseur du métatarse (fémoro-tibio-pré-métatarsien ou jambier antérieur), sur le cheval mis au travail, pendant que son pied postérieur était fixé sur la barre transversale. C’est surtout lorsque cette dernière est un peu trop haute et l’animal se laissant aller sur les sangles, que ce muscle, siège d’un fort tiraillement, est rompu. Le bœuf peut, à notre avis, subir la même rupture.

La sangle antérieure détermine quelquefois des excoriations sur la poitrine, et la postérieure en avant la rotule, sur le pli du grasset qui l’unit à l’abdomen.

L’emploi du travail spécial à l’espèce bovine n’est pas exempt d’inconvénients ; on n’en voit que trop souvent se produire. Si l’animal introduit au travail vient à se tourner de côté, lorsqu’il commence à être attaché au poteau par ses cornes, tandis qu’on n’a pas encore relevé les branches montantes, il peut glisser et tomber à la renverse. Dans cette chute, il peut se rompre la colonne vertébrale. Nous ne l’avons jamais vu ; mais qu’il nous soit permis de rappeler ici un souvenir de famille ; mon père m’a raconté avoir été témoin d’un de ces faits. Ce que nous avons assez souvent observé, c’est la fracture d’une et même des deux cornes. Quand on ne prend pas la précaution de mettre un coussin entre le front et le poteau, les animaux s’excorient, se blessent le front et de quelque temps on ne peut les mettre au joug. La corde qui s’enroule autour du poteau et des cornes, blesse souvent ces dernières à leur base et rend les animaux difficiles à approcher. Un bourrelet prévient tout cela.

En général les travails sont destinés à recevoir des animaux différant par la taille ; si ces animaux sont trop grands, si on n’a pas la précaution de mettre des bourrelets, ils se blessent, s’excorient aux coudes, aux côtes, aux hanches, etc., et ces plaies, sous l’influence des insectes, restent longtemps sans se cicatriser. Il en est de même de ceux qui sont trop petits ; ils ballottent dans ce travail trop grand pour les recevoir. Les membres antérieurs sont exposés à se blesser à leur face postérieur, contre la partie inférieure des deux branches antérieures du travail ; tandis que c’est à la face antérieure que se blessent les postérieurs contre les branches postérieures.

Les animaux peuvent même passer l’un ou les deux membres postérieurs au-dessus de la partie droite qui supporte les branches postérieures du travail et se les fracturer. Enfin, nous pouvons signaler, comme inconvénient, la difficulté qu’a le maréchal pour ferrer l’onglon interne des deux membres antérieurs. Ensuite on ne peut guère ferrer deux pieds à la fois parce que l’animal, n’étant pas soutenu par des sangles, serait obligé de se maintenir sur un bipède diagonal. Cet appui serait suffisant, mais il faut considérer que l’animal se laisse aller plus ou moins, et qu’il est alors obligé de se supporter sur le bois. En général ce dernier n’est pas rembourré, il peut en résulter des inconvénients aussi graves qu’avec l’emploi de l’autre travail. En effet, la partie postérieure et inférieure de l’abdomen, la partie inférieure de la poitrine, reposent sur du bois, corps beaucoup plus dur que ne le sont les sangles.


Règles de la ferrure. L’animal introduit et fixé au travail, il n’est pas tout-à-fait inutile de suivre une certaine méthode pour l’adaptation des fers à ses onglons. On peut commencer indistinctement par l’un ou l’autre pied. En général, les maréchaux commencent par ferrer le pied gauche, soit antérieur, soit postérieur. Quand ils procèdent au gauche postérieur, certains passent ensuite au droit postérieur, de là, au gauche antérieur pour terminer au droit antérieur ; tandis que d’autres vont du gauche postérieur au gauche antérieur et ils terminent par le droit postérieur. Tout cela est peu important. Le pied étant fixé sur le support, que ce soit celui de devant, que ce soit celui de derrière, un aide tient le bout du lacs qui a servi à attacher ce pied ; ou bien il est définitivement attaché à l’anneau que nous avons cité. Pour un pied de derrière, il peut être fixé par une tringle, comme on le fait par le procédé Desaybats. Cela fait, on est prêt à ferrer le pied.


Enlever le vieux fer. — Parer le pied. La première chose à faire si le bœuf porte un fer à son pied, c’est de l’enlever. Pour cela, les rivets étant détachés au moyen du rogne-pied et du brochoir, on saisit l’angle interne du talon du fer avec les tricoises et par un mouvement de bascule les clous les plus postérieurs sont déplacés. On les sort un à un ; s’il est nécessaire, on y revient avec les tricoises. D’un seul coup, ces dernières peuvent enlever le fer et les clous, la corne n’étant pas aussi fragile que chez le cheval ; cependant, il vaut mieux agir comme nous l’avons dit. Lorsque la corne des pieds est de mauvaise nature, aussitôt les rivets détachés, on fait sortir la tête de chaque clou hors de son étampure avec le rogne pied et le brochoir. C’est une très bonne précaution qu’on devrait toujours suivre. Il ne faut pas laisser de lames de clous dans la corne contre lesquelles le boutoir peut s’ébrécher.

Le fer enlevé, ou bien le bœuf n’en portant pas, on est prêt à parer le pied. Les bœufs qui travaillent constamment et qui sont très souvent ferrés, n’ont pas beaucoup de corne à abattre. On doit parer le pied d’une manière horizontale, n’enlever que l’excédant de la corne et en laisser toujours assez pour protéger les tissus sous-solaires. La paroi doit dépasser de quelque peu le niveau de la sole. On doit parer en obliquité du côté du talon. En décrivant la cisaille, propre à raccourcir les onglons très longs, nous avons indiqué comment on en faisait usage ; on termine, s’il le faut, par quelques coups de boutoir.


Ferrure à chaud. Dans l’espèce chevaline, la ferrure la plus employée est la ferrure à chaud ; il n’en est pas de même pour l’espèce bovine. En effet, il ne devient utile de ramollir la corne avec le fer chaud, que dans un cas tout exceptionnel. Ensuite, ce qui permet de ferrer à froid, c’est le peu d’épaisseur des fers du bœuf, car pour mieux les faire porter, on peut les retoucher à froid.


Fixation du fer. Que l’on replace les vieux fers ou que l’on en mette de neufs, on suit le même procédé pour les fixer. Seulement, si c’est un fer vieux, il a été choisi et va bien au pied ; dans quelques cas, son ajusture peut s’être dérangée, il suffit de la refaire. S’ils sont neufs, on a dû les préparer avant de mettre l’animal au travail. Un bon maréchal doit toujours en avoir un grand nombre de prêts pour choisir ceux qui iront bien à l’animal. Le fer étant choisi et s’adaptant bien à l’onglon, on broche les clous à la manière ordinaire. Il ne faut pas prendre trop d’épaisseur, ni brocher trop haut, comme le fait remarquer M. H. Bouley, vu la mince couche de corne constituant la paroi et la tendance qu’ont les clous à se rapprocher du vif par suite de la dureté de la couche corticale, qui devient un obstacle à leur sortie au-dehors. M. Rey dit de brocher à 10 ou 13 millimètres au-dessus du bord inférieur de la paroi. D’après lui encore, certains maréchaux, par suite de la dureté de la corne, tracent le passage du clou avec une alène ; nous pensons qu’on peut se dispenser de cette action préliminaire. Les clous brochés, on coupe les pointes et on rive. Cela exécuté on fait, à petits coups de brochoir en s’aidant d’une branche des tricoises sur laquelle on frappe, coller le pinçon du milieu du fer contre la paroi interne de l’onglon. Si le fer est pourvu de languette, on la rabat sur l’onglon au moyen du brochoir. Quelquefois cependant quelques petits coups du brochoir sont utiles sur le talon du fer pour le faire mieux porter.

C’est exactement le même procédé qu’on suit pour placer un fer à l’onglon interne. Seulement, il ne faut pas qu’il dépasse la paroi, dans la crainte que l’animal se coupe. Très souvent, pour obvier à cet inconvénient, on donne un coup de lime sur toute l’arête inférieure du bord externe du fer et surtout vers l’angle externe, car c’est lui, le plus souvent, qui blesse l’autre membre. Enfin, on laisse les rivets plus courts, on les grave mieux dans la corne et on donne même un coup de râpe dans la même intention. Outre cet usage, la râpe est peu employée pour cette ferrure. Si l’on est deux pour ferrer, c’est le même procédé ; on ferre deux pieds en diagonale chaque fois ; quand on a terminé, on détache les quatre pieds, on baisse le treuil, on ôte les sangles et le bœuf est sorti du travail.

Que l’on se serve de l’un ou de l’autre travail pour fixer l’animal, la ferrure ne varie pas ; il en est de même quand on ferre sans travail.

Cette ferrure ne présente jamais la solidité de celle du cheval. Nous pensons, cependant, que les fers qui ont une languette sont plus solides que les autres. Cet appendice, comme le dit M. Magne, concourt, avec le pinçon, à la solidité de la ferrure ; en effet, il se trouve sur le bord interne et remplace là les clous qu’on ne peut y brocher. L’hersage, dans les terres labourées, tend à faire détacher les fers, car les animaux en marchant accrochent avec les postérieurs le talon des fers de devant. Nous avons vu plusieurs fois des animaux ayant subi une très bonne ferrure le matin, être le soir déferrés des deux pieds antérieurs, après avoir hersé une partie de la journée sur des terres travaillées. Cela étonne quelquefois les propriétaires, mais on peut y remédier en mettant des fers un peu courts aux pieds de devant.


Ferrure anormale. Le nombre de fers pathologiques employés dans l’espèce bovine est bien restreint, si on le compare à celui du cheval. Le seul qui soit, pour ainsi dire, employé est le fer à pince prolongée signalé par M. Rey et dont Rainard a donné la description dans ses leçons. Ce fer, imaginé pour les bœufs huchés, est formé d’une seule pièce qui sert pour les deux onglons en même temps ; il porte une rangée d’étampures à chaque rive externe. Cette plaque présente dans son milieu une échancrure correspondant à la fente du pied, où l’on soude des pinçons ou des prolongements qu’on rabat sur la paroi. Il peut être employé pour empêcher les onglons de s’écarter et favoriser la cicatrisation des plaies de la région interdigitée. Mais, comme nous l’a dit M. Gourdon dans ces leçons, une fois la guérison obtenue, il faut revenir le plus tôt possible à la ferrure ordinaire. En effet, M. Magne[7] fait remarquer que, lorsqu’on emploie ce fer, non dans un cas de maladie du pied, les deux onglons restent assujettis, immobiles, la marche est mal assurée et l’animal est sujet aux glissades.

Enfin, quelquefois on relève au talon ou à la pince du fer un crampon peu élevé, soit pour changer l’appui du pied dans certaines maladies, soit pour empêcher les animaux de glisser. Dans ce dernier cas, c’est surtout en hiver qu’on doit les employer. On a voulu imiter, dit M. Rey (loc. cit.), les divers fers à bosse, à patin, à charnière, etc., du cheval, mais inutilement. Il en est de même du fer à dessolure par suite de l’impossibilité de mettre des clous à la paroi de la face interne de l’onglon. On pourrait, dit-il « enlever avec la tranche une partie du fer ordinaire dans son milieu, mais les éclisses y sont toujours difficiles à placer et à maintenir. » Nous pensons, comme lui, que le plus souvent c’est le fer ordinaire qui doit servir dans tous les traitements des maladies du pied ; car, s’il le faut, il est préférable d’enlever le fer toutes les fois qu’on veut renouveler le pansement.

Inconvénients de la ferrure. Contrairement à la ferrure du cheval, celle du bœuf n’a pas l’inconvénient de nuire à l’élasticité du pied (M. Rey). Les mouvements de dilatation et de resserrement existant surtout vers les phalanges, la ferrure ne peut aucunement influencer sur cette région. La nutrition du pied ne peut guère être atteinte, car la ferrure laisse les deux onglons libres et ne les empêche pas de se mouvoir séparément. En outre, on voit rarement des animaux aux talons bas, serrés, aux pieds encastelés comme sur les solipèdes, défectuosités auxquelles la ferrure devient très souvent un inconvénient (M. Magne).


Accidents produits par suite de l’application du fer. Les mêmes accidents qu’on voit sur les chevaux peuvent s’observer sur les bœufs, tels que : les piqûres, enclouures, retraites, pied comprimé, serré, etc. ; la suppuration entraîne même fréquemment le décollement du sabot (M. Bey, loc. cit.) En frappant trop fort sur la languette et sur le pinçon pour les rabattre, on peut endolorir le pied. Mais comme on ferre le plus souvent à froid, les brûlures de la sole sont très rares. Nous ferons remarquer un accident qui se produit assez souvent à la suite de la chute du fer ; ainsi, quand le fer n’est pas très solide et en partie détaché, vers le talon surtout, il se déplace, se porte en dehors du pied au moment où ce dernier a quitté le sol et qu’il n’appuie que de la pince. Alors, le pinçon se trouve sous la sole et quand le pied revient à l’appui, par suite du poids du corps de l’animal, ce pinçon pénètre dans la corne jusqu’au vif (tissu podophilleux). La blessure qu’il occasionne est assez grave et très à redouter.

Nous ne saurions terminer sans citer un procédé de ferrure tout récent : nous voulons parler de la ferrure Charlier appliquée au bœuf. Il est beaucoup de personnes qui ont entendu parler de la ferrure périplantaire du cheval, inventée surtout dans le but de favoriser la dilatation du sabot et de remédier ainsi aux nombreux inconvénients du fer ordinaire. Dans le principe, cette ferrure n’a été utilisée que pour le cheval, car la division du pied chez le bœuf permet les mouvements de dilatation, malgré la présence du fer. Cependant, comme toutes les choses avantageuses tendent à se répandre, M. Charlier, développant son principe, voulut essayer de l’employer sur le bœuf ; mais il ne put faire ses expériences à Paris, vu l’absence de ces animaux à ferrer. Ce fut M. Soyez, maréchal à Vilier (Maine-et-Loire), qui fut appelé à la mettre le premier en pratique. D’après lui, elle paraît plus favorable au bœuf qu’on ne l’avait cru tout d’abord, soit en l’empêchant de glisser sur les routes, soit en raffermissant la sole par suite de son contact avec le sol, soit enfin, en ce que le fer dure davantage par suite de sa plus grande épaisseur tout en restant léger. M. Soyez laissait au fer, toujours construit d’après le même système que celui du cheval, un petit prolongement pour remplacer la languette ; mais M. Charlier, auquel il donna connaissance de ces essais, l’a supprimé craignant la compression du sabot en l’appliquant. Il est remplacé par un autre petit prolongement faisant suite au fer à sa partie antérieure et se recourbant comme la muraille lorsqu’elle contourne l’onglon pour former la face interne. C’est une pratique née d’hier et ne l’ayant jamais vu appliquer, nous ne chercherons pas à l’apprécier ; c’est au temps à en décider. (M. Gourdon, Journal des Vétérinaires du Midi, année 1867, p. 219.)

CONCLUSION.


Nous conclurons donc que la ferrure de l’espèce bovine est indispensable pour ceux de ces animaux qui travaillent ; qu’il faut au moins ferrer un onglon de chaque pied et même les deux pour ceux qui sont obligés de marcher, soit sur des routes, soit sur des chemins de traverse, etc. Que, si elle est indispensable pour ceux qui travaillent, elle peut rendre de grands services à ceux que l’on engraisse, après un certain temps de travail et qui, déjà, sont habitués à la ferrure, soit en maintenant leurs applombs réguliers, soit en les préservant des clous de rue, des engravées, etc., etc. Il en est de même pour les vaches laitières qui nourrissent et travaillent en même temps.

Pour ferrer ces animaux, il faut les contenir ; or, de tous les modes de contention que nous avons vus, celui qui est préférable est le procédé par travail. En effet, les hommes ne sont presque jamais en danger, les animaux seuls sont exposés aux accidents. Mais on peut les prévenir en prenant les précautions nécessaires et en y apportant quelque modification.

D’abord, en première ligne, ne jamais mettre un animal au travail pour subir la ferrure, quand il vient de prendre son repas ; il faut qu’il soit à jeun depuis le plus longtemps possible. Quant au choix du travail, nous donnerons la préférence à celui de Desaybats, parce qu’il est apte à recevoir des animaux de taille plus différente et parce qu’on peut ferrer deux pieds à la fois, ce qui facilite l’opération et diminue la souffrance que l’animal peut éprouver au travail. Ne pas trop enlever l’animal sur les sangles, pour qu’il puisse s’appuyer sur le sol avec les pieds qu’on ne ferre pas ; fixer ces derniers aux anneaux du sol ; que la barre transversale ne soit pas trop haute pour éviter la rupture du jambier antérieur.

Pour les modifications, il faudrait se servir, selon nous, au lieu de deux sangles, d’une soupente analogue à celle des anciens maréchaux dont parlent Garsault, Lafosse, Bourgelat et que M. Gourdon a décrite dans son ouvrage déjà cité. Elle se composerait de trois sangles, une antérieure, une moyenne et une postérieure, réunies par quatre traverses, deux de chaque côté ; les deux inférieures séparées l’une de l’autre d’une étendue égale à la largeur propre de chacune d’elles, et les deux supérieures également écartées des inférieures de la même largeur. L’espace compris entre les deux inférieures permettrait aux bœufs d’uriner pendant leur suspension au travail, ce qu’ils font assez souvent, et laisserait un libre intervalle aux mamelles des vaches, dans le cas où elles se trouveraient en avant de la sangle postérieure. La largeur de ces traverses devrait être de trois quarts ou des deux tiers de celle des sangles. Ces dernières et les traverses pourraient indistinctement être en cordes tressées ou en cuir. On adapterait ces traverses d’une manière fixe aux deux sangles antérieure et postérieure, et au moyen de boucles et courroies seulement à la sangle du milieu, afin de pouvoir à volonté écarter ou rapprocher les deux sangles antérieure et postérieure de celle du milieu quand il s’agirait d’un animal grand et long ou petit et court. La soupente ainsi construite, supporterait l’animal sur une
plus vaste étendue de son corps et n’agirait pas à la manière d’une corde, comme la sangle postérieure le fait dans le procédé généralement employé.

Quoique nous ayons donné la préférence au travail Desaybats, nous ne doutons pas que celui spécial aux bêtes à cornes, puisse être employé avec utilité. Mais pour s’en servir, nous pensons qu’il est aussi indispensable de quelques précautions. Comme avec l’autre, il ne faut pas y mettre l’animal après son repas ; ferrer le plus vite possible pour ne pas laisser trop longtemps séjourner l’animal dans le travail. Mettre un bourrelet entre la tête de l’animal et le poteau. Entourer la base des cornes d’un coussinet approprié. Ne pas fixer dans ce travail des animaux trop différents sous le rapport de la taille, parce que les uns y seraient gênés et les autres trop à l’aise. Afin que cette précaution fût bien exécutée, il faudrait avoir deux travails de grandeur différente et appropriés, l’un aux grands animaux et l’autre aux petits. Enfin, lorsque la tête de l’animal commence à être fixée au poteau, il faut relever les branches pour empêcher l’animal de se jeter de côté, et ne pas les baisser trop tôt, quand on veut le sortir du travail.




  1. Journal vétérinaire de Belgique, année 1844, p. 68.
  2. Maison rustique du XIXe siècle, p. 366.
  3. Traité de maréchalerie, art. Ferrure du bœuf, p. 487.
  4. Traité d’hygiène appliquée, t. II, p. 236.
  5. Traité de Chirurgie vétérinaire, t. i., p. 99.
  6. Journal des Vétérinaires du Midi, année 1849, p. 9.
  7. Loc. cit.