Histoire de l’abbaye d’Hautecombe en Savoie/II-CHAPITRE XXI

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CHAPITRE XXI


Succession de plusieurs abbés. — A la longue prélature de Jean de Rochefort succède celle de Jacques de Moiria, dernier abbé régulier. — Démêlés avec les châtelains de Châteauneuf et du Bourget. — Inhumation de divers membres de la famille d’Amédée VIII. — Hnmbert, comte de Romont.

A l’abbé Étienne II, que nous avons vu figurer dans un acte de 1349, succéda, le 13 février 1353, Jean de Montclair[1]. Cette nouvelle prélature dura huit années, et, par bulle du 1er novembre 1361, Jacques était nommé au siège d’Hautecombe, qu’il occupa jusqu’à sa mort.

Hugues, moine d’Hautecombe, le remplace par bulle d’Urbain V, du 30 août 1367[2] et, dix-neuf ans plus tard, nous trouvons Jean de Rochefort exerçant, comme supérieur de l’abbaye, les droits de haut justicier et de souverain, en faisant grâce à un meurtrier du Val-de-Crenne[3].

Pendant sa prélature, une des plus longues qu’ait vues le monastère d’Hautecombe, bien qu’elle n’ait été signalée par aucun événement important, il eut souvent à s’occuper des fours et des moulins de Chambéry, et les derniers actes relatifs à cette propriété de l’abbaye, dont nous avons parlé plus haut, se passèrent sous son administration[4].

Les châtelains de Rochefort et de Châteauneuf n’avaient point tenu compte des injonctions faites par les sires de Vaud, de respecter les droits de l’abbaye sur les terres de Lavours et de Lignin[5]. La seigneurie de Vaud ayant fait retour à la branche aînée par l’acquisition qu’en fit Amédée VI, ce nouveau souverain, par lettres patentes du 8 mai 1371, et Amédée VIII, par lettres du 24 avril 1412, durent réitérer les mêmes ordres que leurs prédécesseurs et sans obtenir un meilleur résultat. Peu de mois après avoir reçu le titre de duc, Amédée renouvela et confirma au monastère les concessions des seigneurs de Vaud, et, malgré cela, deux ans plus tard, les religieux lui adressent une nouvelle plainte contre les empiétements commis par ses officiers de Châteauneuf au préjudice de l’abbaye. Le duc de Savoie veut en finir avec ces contestations interminables, et, pour mieux les connaître et rendre meilleure justice, il se rend à Hautecombe, auprès de l’abbé Jean de Rochefort. De là, il ordonne à son châtelain de Châteauneuf en Valromey, de comparaître devant lui, à Rumilly, dans trois jours, avec tous ses titres, pour faire valoir ses droits et ses prétentions contre les religieux d’Hautecombe.

Après avoir entendu les deux parties, Amédée renvoie la sentence au lendemain. Le 27 octobre, le duc de Savoie, « attendu la production faite par l’abbé d’Hautecombe, ordonne à son châtelain de Châteauneuf de ne point molester ledit abbé, sous peine de 50 livres fortes d’amende pour chaque molestie[6]. »

Une charte de 1422, relative à une cession de droits féodaux, nous intéresse spécialement par l’indication du nom d’un grand nombre, si ce n’est l’universalité des religieux formant la communauté à cette époque. Par cet acte, l’abbé d’Hautecombe revend à Humbert, bâtard de Savoie, une rente de 2 livres 01 sols de rente annuelle, représentant un capital de 30 florins 64 écus d’or, que Frauçois d’Esturni, damoiseau, lui avait cédée sur son propre aveu, six ans auparavant. L’acte est passé dans la salle capitulaire du monastère, où se sont canoniquement assemblés, au son de la cloche, l’abbé Jean de Rochefort et dix-sept autres moines, dont les noms sont cités[7] ; et, d’autre part, Humbert de Savoie, Claude de Saxel, maître d’hôtel d’Amédée VIII ; le seigneur Ravoire ; le vénérable seigneur Jean Marchand, docteur en droit, et plusieurs autres personnages de distinction[8].

Cette même année, Jean de Rochefort reçut l’ordre du chapitre général de Cîteaux d’envoyer un élève à Paris, au collège de Saint-Bernard, en conformité de la bulle de Benoît XII.

Comment ce prélat quitta-t-il le siège d’Hautecombe ? Nous ne le savons. Deux ans après, Jacques de Moiria ou Moyria était remplacé, comme abbé de Saint-Sulpice en Bugey, par Pierre Bertin, et un acte de 1425 nous apprend qu’il présidait, à cette date, aux destinées de notre monastère.

Son père était le chevalier André de Moiria, seigneur de cette localité et de Mailla, chef d’une ancienne famille du Bugey. Connu du pape Urbain V, qui l’avait envoyé en Lombardie pour y négocier différentes affaires et de Grégoire XI, par lequel il avait été institué gouverneur d’Avignon et du comtat Venaissin, il était un des personnages importants de sa province. Marié trois fois, il avait eu d’Aymonette des Échelles, sa dernière femme, trois enfants. Le second était Jacques, abbé de Saint-Sulpice, de 1402 à 1422 ou 1424, puis abbé d’Hautecombe[9].

Le 6 juin 1430, Jacques de Moiria se trouvait à Genève, dans le couvent de Saint-François, au milieu d’une réunion importante. Amédée VIII y réglait ses différends avec les officiers des principaux prélats de ses États : de Jean Bertrand, archevêque de Tarentaise ; d’Aymon de Gerbais, évêque de Maurienne ; d’Oger, évêque d’Aoste, et de Guillaume Didier, évêque de Belley. Cet accord fut conclu en présence de huit abbés de monastère, de cinq prieurs et de plusieurs autres personnages. Parmi ces noms, nous ne citerons que Jacques, abbé d’Hautecombe ; Jean, abbé de Saint-Sulpice ; Gervais, prieur de Saint-Innocent ; Jean, prieur de Lémenc ; Jean de Beaufort, chancelier de Savoie ; Humbert, bâtard de Savoie[10].

La position d’Hautecombe sur une langue de terre resserrée entre le lac du Bourget et le Mont-du-Chat, rendait difficiles les communications avec la capitale des États de Savoie, devenue alors un centre commercial assez important. Un certain nombre d’habitations, élevées peu à peu autour du monastère, en étaient ses dépendances indirectes et formaient un village d’artisans, d’industriels, de serviteurs ou de serfs. Les arrivées fréquentes des membres de la famille souveraine, suivis de leurs maisons, les convois funéraires, les visites des religieux et prélats étrangers au couvent, celles des personnages de toute classe, hauts dignitaires, érudits, simples curieux, mendiants, attirés pour des motifs divers à Hautecombe toutes ces causes créaient un mouvement extérieur important, provoquaient cette agglomération d’habitants et contribuaient à la faire vivre[11], de même que les aumônes et les commandes de travaux faites par le couvent. Les voyages et les transports entre Chambéry et Hautecombe s’opéraient de plusieurs manières : par le lac, en allant aborder à la rive orientale, au grand port de Grésine, situé en face de la grande station lacustre récemment découverte, ou en côtoyant la rive occidentale et en débarquant au Bourget ; par terre ferme, en gravissant le flanc escarpé de la montagne jusqu’à la moitié de sa hauteur, puis en parcourant un plateau ondulé qui se prolonge jusqu’au col, au-dessus du château de Bourdeau, et enfin en descendant sur le territoire féodal et monacal du Bourget.

Les hommes de l’abbaye suivaient souvent cette route. En vertu des concessions de Thomas Ier, ils pouvaient librement traverser toutes les châtellenies et terres de la monarchie, sans être soumis à aucune contribution à titre de péage ou pour autre cause, et transporter pour le couvent toute sorte de marchandises. Malgré ces privilèges, un officier de la châtellenie du Bourget, nommé François Poysact, avait exigé violemment un droit de péage pour une certaine quantité de fer transporté à Hautecombe. Obligé ensuite de le restituer, il en avait conçu une haine profonde contre le monastère et en tirait vengeance en toute occasion.

Impuissants par eux-mêmes à empêcher ces excès, les religieux s’adressent au duc de Savoie, lui exposent que ses officiers du Bourget ne respectent ni leurs hommes, ni leurs biens, ni leur juridiction ; que spécialement leurs serviteurs, qui passent dans cette châtellenie, sont, le jour et la nuit, arrêtés, rançonnés ou retenus injustement comme prisonniers, et, ajoutent-ils, tous ces excès se commettent par les officiers du Bourget, lorsque tous les autres seigneurs, bannerets et autres voisins sont pleins de vénération et de respect pour ce monastère qui a reçu tant de faveurs de la Maison de Savoie et qui lui sert de sépulture.

Amédée VIII, non moins favorable que ses ancêtres à l’abbaye d’Hautecombe, par lettres patentes données à Annecy, le 7 mai 1433, en présence de Jean de Beaufort, chancelier ; du bâtard de Savoie ; de Jean de Bariact ; de Lambert-Oddinet, président, etc., ordonne à ses baillis, juges et procureurs de Savoie et du Bugey, à ses châtelains du Bourget, de Montfalcon, d’Yenne et de Chanaz, à ses autres officiers et à leurs lieutenants, de respecter et de faire respecter les droits et immunités de l’abbaye, accordés par ses ancêtres et confirmés par lui-même, sous peine de 25 livres fortes qu’il infligera chaque fois que cet ordre sera enfreint.

Voici comment ces lettres patentes furent signifiées :

Huit jours après, le 15 mai 1433, elles furent portées au Bourget avec la supplique des religieux par Pierre Blanchard, sergent général du duc de Savoie, et par le vénérable Jean Rossel, moine d’Hautecombe, et exhibées à François de Poysact, lieutenant du châtelain, en personne. A la demande du représentant d’Hautecombe, le notaire présent donna lecture au lieutenant du châtelain de ces pièces et aussi de la bulle de Grégoire IX, confirmant et sanctionnant par la menace des censures ecclésiastiques les droits et privilèges accordés à l’abbaye par les princes de Savoie. François de Poysact promit très humblement (cum humili reverentid) de se conformer à la volonté de son souverain, et, afin de mieux la connaître, il demande au frère Jean Rossel une copie des pièces qui lui avaient été lues.

Ces formalités eurent lieu en présence de nombreux témoins, parmi lesquels on remarquait noble Antoine d’Entremont ; frère Jean Oddinet, moine clunisien du prieuré du Bourgel ; Jean Oddinet, damoiseau.

Malgré les humbles protestations du lieutenant de la châtellenie, cinq années s’étaient à peine écoulées que Louis de Savoie, lieutenant général d’Amédée VIII, réitère les mêmes ordres aux baillis et châtelains nommés plus haut, s’indigne qu’ils n’aient point respecté les privilèges de l’abbaye, qu’il a lui-même confirmés, ni exécuté les volontés de son père, et élève de 25 à 30 livres la peine qui sera infligée à ceux de ses officiers qui y contreviendront[12].

Jacques de Moiria parait avoir eu une administration assez active. L’année qui précéda cette dernière ordonnance, il s’occupa d’une question de « débriguement de fief, » situé sur le territoire d’Aix, probablement occasionnée par les possessions de l’abbaye à Saint-Simon[13]. Du temps de Guichenon, ses armoiries, qui étaient d’or à la bande d’azur, accompagnées de six billettes en orle, avec cette devise : In via virtutis, nulla est via, se voyaient en plusieurs endroits d’Hautecombe et témoignaient des constructions et réparations qu’il y avait fait opérer[14].

Pendant sa prélature et celle de son prédécesseur, Jean de Rochefort, plusieurs fois les eaux du lac furent sillonnées par la flottille ducale cinglant vers l’abbaye. Elle transporta, après les dépouilles mortelles du Comte-Rouge, celles de plusieurs membres de la descendance d’Amédée VIII.

Ce prince, né à Chambéry, le 4 septembre 1383, monté sur le trône en 1391, comte pendant vingt-cinq ans, duc pendant vingt-quatre ans, pape pendant dix ans, puis cardinal et légat du Saint-Siège pendant dix-huit mois, appelé le Salomon de son siècle, mourut à Genève, le 7 janvier 1451. Bien que, dans son testament, il eût déclaré vouloir être enseveli à Hautecombe, dans le tombeau de ses ancêtres, il le fut sur les bords d’un autre lac, dans l’église de son ermitage de Ripailles[15]. Les Bernois ayant dévasté son mausolée lors de leur invasion de 1536, ses ossements, recueillis en secret par la famille de Merlinge, furent transportés, pendant le xvie siècle, dans l’église cathédrale de Turin, puis déposés, par les soins de Charles-Albert, dans la chapelle du Saint-Suaire.

Il avait été promis, à l’âge de cinq ans, à Marie de Bourgogne, fille de Philippe le Hardi. En 1403, ayant atteint sa vingtième année, il l’épousa et en eut de nombreux enfants dont plusieurs, ainsi que leur mère, furent ensevelis à Hautecombe.

L’aîné fut Antoine, premier de ce nom. Sa naissance eut lieu à Chambéry, au mois de mai 1407, et il fut inhumé à Hautecombe, le 12 décembre suivant. Les comptes des syndics de Chambéry relatent la dépense de 16 florins et demi, petit poids, qui fut faite, à l’occasion de ce joyeux événement, pour payer les nombreux mimes et les différents corps de musique qui vinrent de plusieurs localités[16].

Quinze ans plus tard, venait reposer à ses côtés sa mère, première duchesse de Savoie. Après avoir erré de résidence en résidence, suivant les mœurs nomades de nos souverains à cette époque, et donné le jour à ses enfants à Chambéry, au Bourget, à Belley, à Thonon et probablement encore dans d’autres localités, Marie de Bourgogne mourut dans son château du Chablais, les premiers jours d’octobre 1422.

Son époux fit annoncer dans les églises de Seyssel, Rossillon, Pont-d’Ain et autres lieux où elle avait l’habitude de résider, que ceux, qui auraient quelque créance contre la duchesse devraient se présenter au jour fixé devant les délégués chargés de les acquitter ; ce qui mérite d’être remarqué, ajoute Cibrario, dans ces temps où un créancier était souvent obligé, pour être payé, d’avoir recours aux censures ecclésiastiques.

Bonne de Savoie, sixième enfant d’Amédée VIII, était née à Thonon, en septembre 1415. Fiancée, à l’âge de 10 ans (janvier 1426), à François, comte de Montfort et de Richemont, héritier de Bretagne, elle porta dès lors le titre de comtesse de Montfort, bien qu’elle ne devînt jamais l’épouse du comte de Montfort ; cet espoir d’un illustre mariage disparut par sa mort imprévue[17]. Elle rendit le dernier soupir à Ripailles, en septembre 1430. Son corps fut exposé dans ce château, le 25 de ce mois, puis acheminé vers Hautecombe. Le 26, il fut déposé dans l’église de Saint-Pierre de Genève, y resta toute la nuit au milieu des prières de douze chapelains de cette église, de six chapelains des Frères Mineurs et de six autres des Frères Jacobins. Le lendemain, le convoi se remit en marche et les funérailles eurent lieu le 28 avec la pompe accoutumée. Plusieurs évêques et abbés y prirent part[18].

La résidence de la famille souveraine s’était transférée, à cette époque, des bords du lac du Bourget sur ceux du Léman. Ripailles et Thonon apparaissent fréquemment dans les actes de naissance et de décès qui alternaient avec la joie et la douleur à la cour du nouveau duc.

Sept ans après la dernière inhumation que nous venons de rappeler, mourait à Thonon, vers la fin de 1437, une jeune princesse, Marie, petite-fille d’Amédée VIII et fille de Louis Ier, née l’année précédente. Elle fut accompagnée à Hautecombe par les maréchaux de Savoie, par sa gouvernante, sa nourrice, ses femmes de chambre, et fut inhumée le 4 décembre 1437[19].

En 1443, passait à une vie meilleure Humbert, fils naturel d’Amédée VII, seigneur de Montagny, de Corbières (Vaud), de Stavayé, de Grandcourt, de Coudressin, de Cerlier, de la Molière, chevalier de l’ordre du Collier, puis comte de Romont, ayant le titre officiel de Bâtard de Savoie. Jeune encore, il fit partie de l’armée auxiliaire, composée de Français et de Polonais, qui s’unirent aux Hongrois pour combattre les Turcs, sous le commandement du roi Sigismond, le futur empereur d’Allemagne. Fait prison nier dans la défaite de Nicopolis (1396), avec soixante-dix Savoisiens et la fleur de la noblesse française, il resta sept ans captif de Bajazet Ier malgré les nombreux efforts d’Amédée VIII pour amener sa délivrance[20]. De retour dans sa patrie, il fut souvent chargé de missions importantes de la part du comte-duc de Savoie, qui appréciait ses grandes qualités. En 1409, il est député vers Jean de Bourgogne pour régler un différend qui s’était élevé entre ce dernier et Amédée, relativement à des châteaux et seigneuries des Dombes. En 1417, il est constitué, avec l’abbé de Tournus, gardien du conclave, à Constance, pendant l’élection du futur pape Martin V. Le 2 décembre 1427, il signe dans le palais épiscopal de Turin, comme principal représentant d’Amédée VIII, l’important traité conclu avec le duc de Milan, qui unit pour toujours la ville et le comté de Verceil aux possessions de la Maison de Savoie. Pour couronner une vie noblement remplie et toute dévouée aux intérêts de la dynastie, le duc de Savoie le créa chevalier de l’ordre du Collier (1434). Neuf ans après, le 13 octobre 1443, il mourut sans avoir été marié.

Quoique habituellement les chevaliers de cette illustre corporation fussent inhumés dans la chapelle de Pierre-Châtel, où Humbert avait lui-même juré l’observance des statuts, il fut, comme prince reconnu de la famille de Savoir, déposé à Hautecombe dans une chapelle particulière, élevée par ses soins en 1421. On la décora d’une longue inscription, qui a été retrouvée dans les décombres lors de la restauration de l’abbaye, et a été encastrée dans le mur septentrional de l’église actuelle, prés de la chapelle de Saint-Félix[21].

Sur l’emplacement de cette chapelle, ruinée pendant la période révolutionnaire, une autre a été construite dans un style tout différent de celui de la basilique, en style grec. Charles Félix l’aurait ainsi ordonné pour que cette construction servît de date et de sceau à la restauration d’Hautecombe, et il la plaça sous le vocable de son patron, saint Félix.

Philippe, comte de Genève, dernier des fils d’Amédée VIII, mourut à Genève, le 3 mars 1444. Portrait de son père au physique et au moral, plein de prudence et de discernement, dit la Chronique latine de Savoie, il fut

enseveli à Hautecombe au milieu des pleurs et des gémissements des siens, le 7 du même mois[22].

Bien que ces dernières inhumations coïncident avec des prélatures postérieures à celle de Jacques de Moiria, nous en avons parlé ici pour ne plus rouvrir de si tôt les tables funéraires. Citons encore, pour le même motif, l’ensevelissement de Jacques, fils de Louis de Savoie, personnage différent de Jacques, comte de Romont. Il mourut à Genève, vers l’aube du dimanche 30 juin 1443, et fut déposé à Hautecombe le lendemain, avec l’interventien du patriarche de Grado[23].

  1. Les Manuscrits de Suarez, conservés à la Bibliothèque nationale de Paris, et qui renferment des extraits de la plupart des lettres d’institutions émanées de la chancellerie d’Avignon, nous apprennent qu’après la mort de l’abbé Étienne, Innocent VI conféra l’abbaye d’Hautecombe à Jean de Montclair par bulle des ides de février 1353, et qu’après le décès de cet abbé, il la conféra à Jacques. Il paraîtrait donc que, déjà à cette époque, la dignité d’abbé d’Hautecombe était octroyée par le Saint-Siège connue au temps de la commende, au lieu de l’être par l’abbé de Clairvaux, après l’élection par la communauté.
    D’après Jacquemoud et Cibrario, un Humbert de Seyssel aurait été abbé en 1319. Nous ne croyons pas devoir adopter cette opinion ; car, ainsi que nous l’avons dit à l’occasion de la prélature d’Humbert II (p. 152), les annales de la famille de Seyssel n’’en font point mention. En outre, nous savons qu’Étienne II était déjà sur le siége d’Hautecombe le 10 février 1349.
  2. Mss Suares, t. V, fonds latins, 8967. — Gallia Christ., t. XVI.
  3. Cette faveur est accordée à la demande écrite du comte de Savoie, qui reste annexée aux lettres de grâce, datées de la maison de la Madeleine à Lyon, le 7 mai 1386.
    Voir ces deux documents à la fin de cet ouvrage, n°° 27 et 28.
  4. Le 11 août 1414, noble Pierre Gaillard, vice-châtelain de Chambéry, au nom du comte de Savoie, et Pierre Pilliodi, moine d’Hautecombe, comme procureur de l’abbé noble Jehan de Rochefort, ascensèrent ce moulin à Perrin Héritier, sous la censé annuelle de 40 veissels de froment. (Chapperon, Chambéry au XIVe siècle, p. 288.)
    On trouve dans cet ouvrage divers détails sur les changements de fermiers de cette propriété de l’abbaye et du comte de Savoie, que nous croyons inutile de reproduire ici.
    Comme autres faits se rapportant à l’administration de cet abbé, nous ajouterons que, le 23 mars de cette même année 1414, les religieux de Saint-Innocent reconnaissent, pour garde annuelle, 3 douzaines de lavarets à fournir à la Saint-André.
    Le 1er mars 1415, Hautecombe reconnaît à son tour pour la garde de sa grange Berthod (probablement le domaine de Berchoud), 6 veisseils froment et 6 veissels avoine, à la grande mesure de Montfalcon ; pour la grange d’Hautecombe-le-Vieux, au mandement de Cessens, 4 veisseils avoine ; pour sa grange à Aix, 4 veissels avoine. (Extrait des Manuscrits de Chapperon.)
  5. Voir, plus haut, chap. xii.
  6. Archives de Cour, Abbazie, mazzo I.
  7. Il y avait à Hautecombe, en 1395, trente-huit religieux, outre l’abbé. (Biblioth. Costa.)
  8. Voir Pièces justificatives, N° 31.
  9. Guichenon, Hist. de la Bresse, IIIe partie continuée, p. 182.
  10. Voir Guichenon, Savoie, p. 169, où se trouvent plusieurs autres noms de témoins.
  11. Un vaste bâtiment était destiné aux écuries du comte de Savoie. La tradition veut qu’il ait été construit par le Comte-Vert.
  12. Donné à Chambéry, le 10 juin 1438. par le prince en personne, en présence de Jean de Beaufort, chancelier ; Jean de Bariact, maréchal de Savoie ; Pierre Marchand ; Barthélémi Chaboud, président de la Chambre des comptes ; Jean de Compeys : Guigues Gerbais et Guillaume Rigaud, maître d’hôtel. — Voir, in fine, Documents, n° 14.
  13. Le 6 juin 1437, d’après Besson, 130.
  14. Hist. de Bresse, IIIe partie, continuée, p. 182.
  15. Les Augustins lui élevèrent un somptueux tombeau de marbre blanc : une vieille bible en parchemin fut déposée sous sa tête, en guise d’oreiller.
    Son testament est daté de Ripailles, le 6 décembre 1439. Il y recommande son âme à Dieu, aux anges et aux saints, et ordonne que son corps, moins son cœur, soit transporté, avec les honneurs qui lui sont dus, dans le monastère d’Hautecombe, et déposé dans la chapelle située au-dessous de l’église et construite depuis longtemps par ses ancêtres. Son inhumation s’y fera au milieu des prières et des aumônes, et il défend qu’on l’ensevelisse ailleurs, quel que soit le lieu ou il mourra. Quant à son cœur, il veut qu’on le place devant le maître-autel de l’église du monastère de Ripailles, de l’ordre de Saint-Augustin, fondé et doté par lui. Il ordonne, en outre, que sa sépulture et ses obsèques soient dignement célébrées dans l’église du monastère d’Hautecombe dans l’année qui suivra son décès. (Guichenon, Preuves, p. 303).
  16. Mém. de l’Acad. de Savoie, IIe série, t. IV, p. 208 et 209, où le marquis Léon Costa de Beauregard, dans ses Souvenirs du règne d’Amédée VIII, Pièces justificative, a jeté un jour nouveau sur la famille de ce prince.
    Il établit qu’après Antoine Ier, dont nous venons de parler, Amédée VIII eut un second enfant, le 30 septembre 1408. appelé aussi Antoine. Il naquit au Bourget, fut baptisé dans la chapelle du château le 4 octobre suivant, par l’évêque de Grenoble, en présence de soixante bourgeois de Chambéry, tenant à la main un cierge aux armes du souverain.
    Antoine II paraît être mort au berceau.
    Le troisième enfant d’Amédée fut Marie, duchesse de Milan, née en janvier 1411.
    Le quatrième, Amédée, né à Belley le 36 mars 1412.
    Le cinquième. Louis, duc de Savoie, né en 1413 ou 1414.
    Le sixième, Bonne : le septième, Philippe, tous deux ensevelis à Hautecombe, et dont il va être parlé.
    Le huitième, Marguerite.
  17. Il paraît que sa célébration aurait déjà préoccupé le duc de Savoie, car les protocoles de Bolomier, sous la date du 19 juillet 1429, contiennent les pouvoirs originaux donnés par Amédée VIII à Amédée de Challant, Jacques Oriole, Amédée Macet, Guillaume de La Forêt et Guillaume Rigaud, pour traiter ce mariage (Souvenirs d’Amédée VIII, Mém. de l’Acad. sav., IIe série, t. IV. p. 210.)
  18. Costa, Souvenirs d’Amédée VIII ; Cibrario.
  19. Cibrario, Altac.
  20. Guichenon rapporte, entre autres démarches, que le 1er mai 1397, Amédée VIII écrit au sultan une lettre, datée du château de Meillonas, qui fut portée à sa destination par Hugonnet de Montmayeur et Pierre Floris.
  21. Cette inscription, moins les paroles se rapportant au décès d’Humbert, se lit dans la Chronica Abbatiæ Altacombæ, et termine cette Chronique. La voici :
    Hœc est capella speciabilis, magnifici et strenui militis domimi Humberti fratris bastardi illustris et excelsi principis domini nostri domini Amedei primi ducis Sabaudiæ, domini Montagnaci, de Corberia, de Grandicuria et de Cudrefino ac Condomini Staviaci et de Moleria, qui captus fuit per Turcos in prælio habita cum Turcis per serenissimum regem Sigismundum tunc regem Hungariæ, et nunc Romanorum regem, apud Nicopolim anno Domini MCCC nonagesimo septimo, qui quidem magnificus, spectabilis et strenuns miles stetit prisonnerius et captivus apud Turcos spatio septem annorum, fundavit dotavit atque construxit hanc capellam ad laudem et honorem Beatæ Mariæ, sanctique Jacobi ac Beati Mauricii et sociorum anno Domini MCCCCXXI. Obiit autem anno Domini MCCCC qua… (Le reste de cette inscription est effacé, mais il devait y avoir : quadragesimo tertio.) — Sic. Jacquemoud, Hautecombe, p. 72.
    En 1657, l’abbé de Comnène, laborieux explorateur des antiquités savoisiennes, releva sur place cette inscription, et il ajoute que dans la chapelle du comte de Romont se voyait encore sa statue, le reprétentant vêtu en guerrier. Au bas de sa cotte de mailles, se lisaient les mots Ala hac, signifiant Dieu est juste, mots répétés sur son collier de l’Ordre, au lieu du mot Fert.
    Sur le côté gauche de la même chapelle, se trouvait la croix de ses armes, et au-dessous une espèce de petit lézard jaune et noir, ouvrant la gueule et se repliant la queue autour du col. (Bibliothèque Costa. n° 2,922.)
  22. Mon. Hist. patr., t. III, p. 614. — Dessaix, Savoie historique, arbre génèal.
  23. Cibrario, Cronol. rettificata.