Histoire de l’abbaye d’Hautecombe en Savoie/Note 7

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No 7 (Page 420.)

Nous avons cru devoir donner ici quelques développements du mémoire de l’abbé de Clairvaux, dont il est question à la page 420 :

« Il est incontestable, y est-il dit, que le choix et l’institution du prieur claustral appartiennent à M. l’abbé de Clairvaux dans tous les monastères de sa filiation qui sont tenus en commande dans les Estats de Savoye aussi bien qu’ailleurs, tant par la disposition du droit commun et les règlements généraux du concile de Trente, que par les bulles spéciales des Papes et par l’usage.

« M. Marclly lesaitbien,cariira personnellement reconnu par écrit.

« Et c’est par un effet de sa propre persuasion de cette vérité, qu’il cherche artificieusement à intéresser S. A. R. dans la querelle qu’il fait mal à-propos là-dessus à M. l’abbé de Clairvaux.

« Il n’entend point établir dans l’abbaye d’Hautecombe et dans les autres de sa filiation des prieurs claustraux qui ne soient agréables à S. A. R., ni exercer ses droits autrement qu’en France.

« Il ne s’agit donc point ici d’une question d’État, mais d’une prétention inouïe d’un commendataire qui veut usurper la juridiction du supérieur régulier, contre toutes sortes de droit et de raison. »

Invoquant ensuite l’usage et la reconnaissance personnelle que l’abbé a faite de cette prérogative, l’auteur du mémoire s’écrie :

« M. Marelly ne fera point voir que, dans toute l’étendue de la domination de S. A. H. de Savoye, aucun commenditaire institue et destitue les prieurs claustraux, particulièrement dans les abbayes de l’ordre de Cisteaux et de la filiation de Clairvaux.

« Au contraire, M. l’abbé de Clairvaux prouve qu’il a institué les prieurs de Chézery suivants : dom Gabriel Moret, le 15 juin 1665 ; dom Gros, le 15 novembre 1687, et dom Lorette, le 6 septembre 1692.

« Les prieurs d’Aulps : dom Nicolas Thoury, le 26 octobre 1667 ; dom Jean Chappier, le 1er février 1669 ; dom Dominique de Villy, le 3 octobre 1677 ; dom Gros, le 6 septembre 1692.

« Et les prieurs d’Hautecombe même, desquels il s’agit : dom Lorette, le 2 mars 1687 ; dom de Villy, le 6 septembre 1692.

« Ce pouvoir de l’abbé régulier a été formellement sanctionné par un arrêt rendu par le roy de France, dans son conseil d’État, le 19 avril 1675. M. Marelly lui-même l’a approuvé par plusieurs lettres écrites au prieur d’Hautecombe. »

Réfutant ensuite ces allégations malveillantes du factum, que l’abbé de Clairvaux pourrait ainsi nommer un prieur étranger qui ne penserait qu’à piller la maison pour en enrichir une autre de France, et que les religieux originaires de Savoie seraient exclus des charges, l’auteur des Observations répond que, loin de vouloir appauvrir la Savoie, l’abbé de Clairvaux a lui-même entretenu au noviciat de Clairvaux plusieurs religieux savoisiens, et qu’il ne veut point déroger aux prérogatives des souverains de Savoie ni nommer des sujets qui ne leur soient agréables, bien que dans les induits de Nicolas V et des autres papes il ne s’agisse que des nominations à des bénéfices et non aux offices de prieurs claustraux.

Du reste, les Savoisiens sont si peu exclus des charges claustrales qu’actuellement, dans les monastères de la filiation de Clairvaux, dom Domenget, religieux d’Hautecombe, est prieur claustral de l’abbaye de Beaulieu en Bourgogne, au même titre que d’autres religieux liégeois et espagnols sont prieurs de trois abbayes en Champagne. Il y a donc réciprocité ou plutôt indifférence au point de vue des nationalités.

Ainsi, nulle raison d’exclure les religieux français des couvents de Savoie, où l’abbé de Clairvaux n’en a envoyé que pour l’avantage et le bien spirituel desdites maisons.

(Archives de Cour, Abbazie, mazzo II n° 8.)