Texte validé

L’Été (Pouget)

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche


Almanach du Père Peinard 1897
Le Père Peinard (p. 19).

almanach du père peinard


L’ÉTÉ


L’ÉTÉ rapplique le 21 juin. Riche saison que celle-là ! tout le monde s’en ressent. Tous ! jusqu’aux purotins. À ceux-ci, en leur réchauffant la carcasse, le soleil rend la mistoufle moins cruelle.

Les trimardeurs s’essaiment le long des routes ; ils font le lézard à l’ombre des grands arbres et bouffent moins mal que de coutume : ils peuvent se dispenser d’aller tirer le pied de biche et, sous le ciel en chaleur, y a plan de se pagnoter dans les gerbes et d’y roupiller en douce.

Ah, ce que l’Été serait chouette à vivre, si le populo n’était pas condamné aux travaux forcés ! On le passerait, kif-kif les petits oiseaux, en de continuelles chansons et roucoulades.

Ces étouffoirs que sont les grandes villes et la hideuse lèpre des bagnes industriels auraient disparu. En place de ces agglomérations puantes on aurait des chapelets de maisons potables, panachées de verdure et serpentant au diable-au-vert.

Le travail industriel, qui, grâce aux machines bougrement perfectionnées qu’on aurait pondues, serait fait proprement et sans que les bons bougres s’esquintent le tempérament, serait quasi devenu une besogne d’hiver.

Quand viendrait la saison où, en nous faisant risette, le soleil nous invite à la flâne, on s’en irait prendre des bains d’air, en pleine campluche.

Au lieu d’aller faire les pantouflards, aux bouisbouis des bains de mer ou des stations thermales, on trouverait plus chouette d’aller donner un coup de collier aux cul-terreux, au moment des récoltes. Et, là encore, grâce aux mirifiques mécaniques, le boulot ne serait qu’une grande partie de rigolade.

Ceux qui, au lieu de se frotter le museau dans les sillons, préféreraient se laver le cuir dans la grande tasse, n’auraient pas à se gêner.

La contrainte serait de sortie ! chacun tirerait du côté où ses goûts le pousseraient.

Ceux qui aiment la mer, iraient donner un coup de collier aux pêcheurs et, ce serait pour eux autrement rupin que les trouducuteries auxquelles se soumettent aujourd’hui les types de la haute qui s’en vont moisir sur les plages à la mode.