L’Art d’avoir toujours raison/Stratagème III

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Dialectique éristique ou L’Art d’avoir toujours raison (1830 ?)
(p. 25-26).
Stratagème III
La généralisation des arguments adverses

Il s’agit de prendre une proposition κατα τι, relative, et de la poser comme απλως, absolue[1] ou du moins la prendre dans un contexte complètement différent et puis la réfuter. L’exemple d’Aristote est le suivant : le Maure est noir, mais ses dents sont blanches, il est donc noir et blanc en même temps. Il s’agit d’un exemple inventé dont le sophisme ne trompera personne. Il faut donc prendre un exemple réel.

Exemple.
Lors d’une discussion concernant la philosophie, j’ai admis que mon système soutenait les Quiétistes et les louait. Peu après, la conversation dévia sur Hegel et j’ai maintenu que ses écrits étaient pour la plupart ridicules, ou du moins, qu’il y avait de nombreux passages où l’auteur écrivait des mots en laissant au lecteur le soin de deviner leur signification. Mon adversaire ne tenta pas de réfuter cette affirmation ad rem, mais se contenta de l’argumentum ad hominem en me disant que je faisais la louange des Quiétistes alors que ceux-ci avaient également écrit de nombreuses bêtises.
J’ai admis ce fait, mais pour le reprendre, j’ai dit que ce n’était pas en tant que philosophes et écrivains que je louais les Quiétistes, c’est-à-dire de leurs réalisations dans le domaine de la théorie, mais en tant qu’hommes et pour leur conduite dans le domaine pratique,

alors que dans le cas d’Hegel, nous parlions de ses théories. Ainsi ai-je paré l’attaque.

Les trois premiers stratagèmes sont apparentés : ils ont en commun le fait que l’on attaque quelque chose de différent que ce qui a été affirmé. Ce serait un ignoratio elenchi de se faire battre de telle façon. Dans tous les exemples que j’ai donnés, ce que dit l’adversaire est vrai et il se tient c’est en opposition apparente et non réelle avec la thèse. Tout ce que nous avons à faire pour parer ce genre d’attaque est de nier la validité du syllogisme, c’est-à-dire la conclusion qu’il tire, parce qu’il est en tort et nous sommes dans le vrai. Il s’agit donc d’une réfutation directe de la réfutation per negationem consequentiæ.


Il ne faut pas admettre les véritables prémisses car on peut alors deviner les conclusions. Il existe cependant deux façons de s’opposer à cette stratégie que nous verrons dans les sections 4 et 5.


  1. Sophisma a dicto secundum quid ad dictum simpliciter. C’est le second elenchus sophisticus d’Aristote, εξω τη λεξεως: – το απλως, η μη απλως, αλλα πη η που, ποτε, η προς τι λεγεσθαι, Les Réfutations Sophistiques, 5.