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L’Automne (Pouget)

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Almanach du Père Peinard 1897
Le Père Peinard (p. 7).

almanach du père peinard


L’AUTOMNE


L’AUTOMNE commence le 22 septembre 1896 : il ouvre la porte à l’année du calendrier révolutionnaire.

Chouette saison pour fêter l’année nouvelle !

Le blé est engrangé et voici que le vin nouveau giscle des pressoirs et mijote dans les cuves. Il est encore douceâtre et se laisse licher sans faire mal aux cheveux : pour se ramoner et se récurer les boyaux, y a rien de tel que le vin nouveau — c’est la meilleure des purges !

On trinque… « À la tienne, Étienne ! » Et l’on s’en fourre une ventrée, et l’on espère en de meilleurs jours.

Ce qui ne serait pas du luxe pour le populo, fichtre non ! Car si le picolo giscle des pressoirs, avec l’automne, la lance pisse du ciel dur et ferme.

Or, c’est une triste saison pour les pauvres bougres qui n’ont ni feu ni lieu. Patauger dans la fange noire des villes ou barbotter dans la boue gluante des campluches, — ça n’a rien de réjouissant ! Surtout que, trop souvent, le défaut de piole s’accompagne du manque de croustille. Alors, les pauvres déchards sont lavés de l’extérieur et nettoyés de l’intérieur, — ils font ballon !

Et tandis que les mistoufliers refilent la comète et que les trimardeurs vagabondent, n’ayant, les uns et les autres, d’autre perspective que de coucher dans les granges, les asiles de nuit et les prisons, les jean-foutre de la haute la mènent joyeuse.

Pour les pansus, l’automne ramène la saison des fêtes : gueuletons, théâtres, bals… Ils vont s’en payer jusque-là !

Pendant ce temps, les paysans leur préparent de quoi nocer l’an prochain : ils font les semailles ! Pas à pas, ils vont dans les champs détrempés, et, à grande volée, ils éparpillent le bon grain.

Et, pas bien loin, la petite bergère garde vaches ou moutons — toujours pour engraisser les richards ! Elle, non plus, n’est pas heureuse : elle grelotte, mal enveloppée dans sa mante qui ne la garantit guère de la pluie.

Quand donc enverrons-nous paître le troupeau des richards ?