L’Encyclopédie/1re édition/HEXAPLES

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 197).
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HEXAPLES, s. f. (Hist. eccles.) bible disposée en six colonnes, qui contient le texte & les différentes versions qui en ont été faites, recueillies & publiées par Origene ; voyez Bible. Ce mot est formé d’ἕξ, six, & ἁπλόω, j’explique, je débrouille.

Eusebe (hist. eccles. lib. VI. cap. xvj.) rapporte qu’Origene étant de retour d’un voyage qu’il fit à Rome sous Caracalla, s’appliqua à l’étude de l’Hébreu, & commença à ramasser les différentes versions des livres sacrés, & à en composer des tétraples & des hexaples. Il y a cependant des auteurs qui prétendent qu’il ne commença cet ouvrage que sous Alexandre, après qu’il se fut retiré de la Palestine en 231. Voyez Tétraples.

Pour comprendre ce que c’étoit que les hexaples d’Origene, il faut savoit qu’outre la traduction des livres sacrés appellée la version des Septante, & faite sous Ptolomée Philadelphe, plus de 200 ans avant J. C. l’Ecriture avoit encore depuis été traduite en grec par d’autres interpretes. La premiere de ces versions, ou la seconde en comptant celle des septante, étoit celle d’Aquila, qui la fit vers l’an 140. La troisieme étoit celle de Symmaque, qui parut à ce que l’on croit sous Marc Aurele La quatrieme étoit celle que Théodotien donna sous Commode. La cinquieme fut trouvée à Jéricho, la septieme année de l’empire de Caracalla, 217 de J. C. La sixieme fut découverte à Nicopolis sur le cap d’Actium en Epire, vers l’an 228. Origene en trouva une septieme, qui ne comprenoit que les pseaumes.

Origene, qui avoit eu souvent à disputer avec les Juifs en Egypte & en Palestine, remarquant qu’ils s’inscrivoient en faux contre les passages de l’Ecriture qu’on leur citoit des Septante, & qu’ils en appelloient toujours à l’hébreu ; pour défendre plus aisément ces passages, & mieux confondre les Juifs, en leur faisant voir que les Septante n’étoient point contraires à l’hébreu, ou du moins pour montrer par ces différentes versions ce que signifioit l’hébreu, il entreprit de réduire toutes ces versions en un seul corps avec le texte hébreu, afin qu’on pût aisément & d’un coup d’œil confronter ces versions & le texte.

Pour cet effet, il mit en huit colonnes d’abord le texte hébreu en caracteres hébreux, puis le même texte en caracteres grecs, & ensuite les versions dont nous avons parlé. Tout cela se répondoit verset par verset, ou phrase par phrase, vis-à-vis l’une de l’autre, chacune dans sa colonne. Dans les pseaumes, il y avoit une neuvieme colonne pour la septieme version. Origene appella cet ouvrage hexaple, ἑξαπλᾶ, c’est-à-dire, sextuple, ou ouvrage à six colonnes, parce qu’il n’avoit égard qu’aux six premieres versions greques.

S. Epiphane, qui comptoit les deux colonnes du texte, a appellé cet ouvrage octaple, à cause de ses huit colonnes. Voyez Octaple.

Ce fameux ouvrage a péri il y a long-tems ; mais quelques anciens auteurs nous en ont conservé des morceaux, sur-tout S. Chrysostome sur les pseaumes, Philoponus dans son hexameron. Quelques modernes en ont aussi ramassé les fragmens, entr’autres Drusius & le P. Montfaucon.

Cependant comme cette collection d’Origene étoit si considérable que peu de personnes étoient en état de se procurer un ouvrage si cher dans un tems où l’on ne connoissoit encore que les manuscrits, Origene lui même l’abrégea ; & pour cet effet il publia la version des Septante, à laquelle il ajoûta des supplémens pris de celle de Théodotion dans les endroits où les Septante n’avoient point rendu le texte hébreu, & ces supplémens étoient designés par une astérique ou étoile. Il ajoûta de plus une marque particuliere en forme d’obélisque ou de broche aux endroits où les Septante avoient quelque chose qui n’étoit point dans l’original hébreu ; & ces notes ou signes qui étoient alors en usage chez les grammairiens, faisoient connoître du premier coup d’œil ce qui étoit de plus ou de moins dans les Septante que dans l’Hébreu, & par-là les Chrétiens pouvoient prévoir les objections des Juifs tirées de l’Ecriture ; mais dans la suite les copistes négligerent les astériques & les obélisques, ce qui fait que nous n’avons plus la version des Septante dans sa pureté. Voyez Septante & Version. Simon, hist. critiq. du vieux testam. Dupin, biblioth. des auteurs eccl. Fleury, hist. eccles. tom. II. liv. VI. n°. 11. p. 138. & suiv. (G)