L’Encyclopédie/1re édition/MASTICATION

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MASTICATION, s. f. (Physiolog.) la mastication ou l’action par laquelle on mâche, est une atténuation des alimens dans la bouche qui se fait & par le broyement des dents & par le détrempement de la salive. Le principal objet de cette opération sont les alimens solides qui doivent être atténués, afin que l’augmentation de leurs surfaces donne plus de prise aux forces digérantes. Ce qu’on mâche plus pour le plaisir que pour se nourrir, comme par exemple les aromates, n’est que le second objet de la mastication.

Pour atténuer les alimens solides & les diviser en-plusieurs particules, il faut les mordre. Voyez Mordre.

L’action de mordre consiste à écarter la mâchoire inférieure, & à la presser ensuite fortement contre la mâchoire supérieure, afin que les alimens solides puissent être coupés par les huit dents incisives des deux mâchoires entre lesquels ils sont pris.

Les alimens mordus & divisés sont réservés entre les surfaces larges & pierreuses des dents molaires pour y recevoir l’action du broyement. Ce resserrement se fait 1° par la contraction principalement du muscle buccinateur, qui applique les joues aux dents molaires & à leur siege externe, par l’action de l’orbiculaire des levres dont l’usage est de rider, retrécir, fermer la bouche ; par l’action du zigomatique qui tirant les levres obliquement en-haut, presse fortement la partie supérieure de la joue voisine du buccinateur contre les gencives des dents molaires supérieures & contre ces dents mêmes ; par l’action du releveur commun des levres qui les tirant en-haut, les applique ainsi qu’une partie des joues aux dents & aux gencives qui sont en cet endroit ; par l’action des deux releveurs propres de la levre supérieure qui agissant ensemble, resserrent ladite levre contre les gencives & contre les dents antérieures supérieures, quand la bouche est fermée par son sphincter ; par l’action de l’abaisseur & du releveur propre des deux levres ; enfin par l’action du peaucier qui meut & ride les tégumens, & qui applique les joues & les muscles placés sous lui aux mâchoires & aux dents molaires.

Si ces muscles agissent tous ensemble, les joues & les levres sont tellement appliquées contre les gencives & les dents, qu’il ne tombe aucune partie de ce qu’on mange & de ce qu’on boit entre les joues, entre la surface extérieure des dents & des parties antérieures des gencives, au lieu que les alimens sont poussés en divers lieux, lorsque ces muscles n’agissent que tour-à-tour.

Les alimens sont donc alors resserrés ou comprimés au même endroit par la langue, qui est un muscle d’une extrème volubilité en tout sens, & qui se meut avec une facilité prodigieuse vers tous les points du dedans de la bouche. C’est par le moyen de ces muscles qu’elle détermine les alimens solides entre les molaires, & ce qu’on mange & ce qu’on boit vers le gosier.

Pour peu que l’on fasse attention au mouvement successif des muscles moteurs de la mâchoire, à leur façon d’ouvrir & de comprimer en-devant latéralement & en arriere, on sera convaincu sans peine que les muscles des joues, des levres, de la langue peuvent broyer les alimens dans l’écartement qui se trouve entre les dents, & dans celui que laissent les dents qu’on a perdues. Par tous ces mouvemens, les alimens sont brisés, atténués, mêlés, délayés, lubrifiés, & deviennent fluides par le mélange de la salive, de la liqueur de la bouche, & de la mucosité du palais & du gosier.

Les alimens étant donc atténués par le mouvement de la mastication, la salive qui s’exprime par cette même action se mêle exactement avec eux, & contribue à les assimiler à la nature du corps dont ils doivent être la nourriture. Voyez Chyle. (D. J.)