L’Encyclopédie/1re édition/VENTOUSE

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Ventouse, (Méd. thérap.) cucurbitta, cucurbitula, espece de coupe ou de vase dont on a trouvé anciennement que la figure approche de celle d’une courge, & qu’on emploie en médecine comme un épispastique ou remede vésicatoire des plus efficaces. Voyez Vésicatoire.

Les ventouses peuvent être de plusieurs matieres, comme de plusieurs formes, en ne prenant celles-ci que pour autant de modes de la premiere ; il y en avoit autrefois d’argent, de cuivre, de verre, de corne, &c. Ces derniers s’appelloient cornicula ; mais on n’emploie guere plus aujourd’hui que celles de cuivre, celles d’argent ayant même été rejettées du tems d’Oribase, par le défaut de se trop échauffer, quia vehementer igniuntur, rejicimus (Voyez Oribase, med. collect. lib. VII. chap. xvj.), & les autres n’étant pas propres à résister à la violence du feu ; celles de verre pourroient néanmoins être encore employées dans le cas où il seroit important de fixer la quantité de sang qu’on veut extraire par ce remede. Quant à la forme, il y en a qui sont plus ou moins rondes, plus ou moins larges ou hautes, dont la pointe est plus ou moins aiguë, ou plus ou moins obtuse, &c. Les ventouses des Egyptiens ressemblent presque à de petits cors ou cornets. Voyez la figure & la description dans Prosper Alpin, de med. egypt. lib. II. c. xiij. A l’égard de la maniere d’appliquer les ventouses, voyez Ventouse, (Chirurgie.)

L’effet des ventouses est 1°. en rompant l’équilibre entre les organes, d’occasionner une augmentation de ton ou de vie dans la partie qui y attire les humeurs, & la constitue tumeur : ce qui se rapporte assez aux phénomènes de l’inflammation, 2°. d’attirer méchaniquement au-dehors par une espece de suction les humeurs déja ramassées par le premier effet.

On divise communément les ventouses en seches, inanes & en scarifiées, &c. L’une & l’autre espece ont été employées de tout tems en médecine, & dans presque toutes les maladies. Nous ne saurions mieux constater l’antiquité & l’efficacité de ce remede que par un passage d’Hérodicus qui vivoit avant Hippocrate, & qu’Oribase nous a conservé dans ses collections méd. liv. VII. chap. xvij. Cucurbitula materiam quæ in capite est, evacuare potest, itemque dolorem solvere, inflammationem minuere, inflationes discutere, appetitum revocare, imbecillem exolutumque stomachum roborare, animi defectiones amovere, quæ in profundo sunt ad superficiem traducere, fluxiones siccare, sanguinis eruptiones cohibere, menstruas purgationes provocare, facultates corruptionis effectrices attrahere, rigores sedare, circuitus solvere, à propensione in somnum excitare, somnum conciliare, gravitates levare, atque hæc quidem quæque his similia præstare cucurbitularum usus potest. A ce magnifique éloge des propriétés des ventouses on peut ajouter qu’Hippocrate & les autres anciens en parlent d’après leurs expériences comme les remedes les plus propres à détourner le sang d’une partie sur une autre, & en général à produire des révulsions & évacuations très-utiles. On sait avec quel succès ce pere de la médecine s’en servoit, en les appliquant sur les mamelles, pour arrêter les hémorrhagies de l’uterus. Les méthodiques ont rempli de ces remedes leur regle ciclique ou leur traitement par diatritos ; ils les comptoient parmi leurs principaux métasyncritiques ou recorporatifs ; en conséquence ils en appliquoient dans certaines maladies, comme la phrénesie, non-seulement sur la tête & sur toutes les parties voisines, mais encore sur les fesses, sur le bas-ventre, sur le dos & sur les hypocondres. Aretée est encore un des médecins qui se soit le plus servi de ces remedes, & avec le plus de méthode, sur-tout dans les maladies aiguës. Dans la pleurésie, par exemple, il veut qu’on emploie les ventouses ; mais après le septieme jour & non avant, ce qui est remarquable ; « car, dit-il, les maladies qui exigent l’application des ventouses avant le septieme jour, n’ont pas une marche tranquille ». Non enim placidi morbi sunt quicumque ante septimum cucurbitam requirunt. Les méthodiques ne les appliquoient non plus qu’après le cinq ou le septieme. Notre auteur demande ensuite que la ventouse soit faite d’argille, qu’elle soit légere, & d’une grandeur & forme à pouvoir couvrir tout l’espace qu’occupe la douleur ; il veut qu’on excite beaucoup de flamme dans la ventouse, pour qu’elle soit bien chaude avant l’extinction du feu. Le feu éteint, il faut scarifier & tirer autant de sang que les forces du malade pourront le permettre, on répandra sur les endroits scarifiés du sel avec du nitre, qui à la vérité sont des substances piquantes, mais salutaires. Si le malade est vigoureux & d’un bon tempérament, il convient d’employer le sel, non pas immédiatement sur la plaie, mais de le répandre sur du linge arrosé d’huile qu’on étendra ensuite sur l’endroit scarifié. Le second jour il est à-propos d’appliquer une seconde ventouse au même endroit, celle-ci ayant un avantage réel sur la premiere, en ce qu’elle ne tire pas du corps le sang ou l’aliment, alimentum, mais simplement de la sanie, & que par cette raison elle ménage plus les forces. Voyez morb. acut. lib. I. cap. x. de curat. pleurit.

Quelques autres nations éloignées, outre les peuples orientaux, sont encore en possession des ventouses. Chez les Hottentots, « pour les coliques & les maux d’estomac, leur remede ordinaire est l’application des ventouses. Ils se servent d’une corne de bœuf dont les bords sont unis. Le malade se couche à-terre sur le dos, pour s’abandonner au médecin qui commence par appliquer sa bouche sur le siege du mal, & par sucer la peau ; ensuite il y met la corne, & l’y laisse jusqu’à ce que la partie qu’elle couvre, devienne insensible ; il la retire alors pour faire deux incisions de la longueur d’un pouce ; & la remettant au même lieu, il l’y laisse encore jusqu’à ce qu’elle tombe remplie de sang : ce qui ne manque point d’arriver dans l’espace de deux heures. » Voyez hist. génér. des voyages, tom. XVIII. liv. XIV.

Les ventouses sont encore très-bonnes pour attirer au-dehors le venin des morsures des animaux. Dans la plûpart des maladies soporeuses elles sont recommandées par des auteurs tant anciens que modernes. Rhasès se vante d’avoir guéri le roi Hamet, fils de Hali, qui étoit tombé en apoplexie, en lui faisant appliquer une ventouse au col. Voyez dans Forestus pag. 523. Elles ont quelquefois réussi dans les apoplexies avec paralysie, appliquées à la fesse du côté opposé à la partie affectée. Les ventouses sont encore bonnes entre les deux épaules & au-dessous de l’ombelic dans le cholera morbus ; mais il faut avoir l’attention de les changer de tems-en-tems, crainte qu’elles ne causent de la douleur, & n’excitent des vessies sur la peau, ainsi que l’a noté Aretée, & après lui plusieurs modernes. Voyez de Hêers, obs. med.

Les ventouses ont beaucoup perdu de leur ancienne célébrité ; il est pourtant d’habiles médecins de nos jours qui les emploient avec succès. Cet article est de M. Fouquet, docteur en médecine de la faculté de Montpellier.

Ventouse, s. f. (Hydr.) est un tuyau de plomb élevé & branché à un arbre un pié ou deux plus haut que le niveau du réservoir, afin que la ventouse ne dépense pas tant d’eau, quand les vents en sortant de la conduite la jettent en-haut. De cette maniere il n’y a que les vents qui sortent ; les ventouses sont les seuls moyens de soulager les longues conduites, & d’empêcher les tuyaux de crever.

On soude encore une ventouse sur le tuyau descendant d’un réservoir ; alors les vents y rejettent l’eau par le bout recourbé du tuyau.

Les ventouses renversées ne sont plus d’usage ; ce sont de petites soupapes renversées & soudées sur le bout d’un tuyau, de sorte que les vents les faisoient hausser & baisser, & elles perdoient beaucoup d’eau, on ne les employoit que pour éviter d’élever des tuyaux au niveau du réservoir. (K)

Ventouse, s. f. (Méchan. des cheminées.) c’est le nom qu’on donne à une espece de soupirail pratiqué sous la tablette ou aux deux angles de l’âtre d’une cheminée, pour chasser la fumée. Ce soupirail est un trou fait en trapèse, pratiqué au milieu de l’âtre, qu’on ferme avec une porte de tole, qui s’ouvre en-dehors au moyen de deux especes de gonds dans lesquels elle tourne. L’air de dehors vient de cette trape, comme il entre dans ces cellules, & forme en sortant un soufflet qui donne sur les charbons, & qui les allume quelque peu embrasés qu’ils soient. Ce soupirail doit donc allumer aisément & promptement le feu, & empêcher par-là la fumée. C’est aussi-là tout son usage. Ce soupirail appellé soufflet, parce qu’il en fait l’office, est de l’invention de M. Perrault. (D. J.)

Ventouse d’aisance, (Archit.) bout de tuyau de plomb ou de poterie, qui communique à une chaussée d’aisance, & qui sort au-dessus du comble pour donner de l’air frais & nouveau au cabinet d’aisance, & en diminuer par-là la mauvaise odeur ; c’est une fort bonne invention. (D. J.)

Ventouse, s. f. (Verrerie.) ce mot se dit dans les fours à verre, de chacune des six ouvertures ou ouvreaux où sont placés les pots à fondre ou à cueillir. (D. J.)