La Beauce

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La Beauce, Texte établi par Ch. Marty-LaveauxPagnerre (p. 325-326).

trouvmes vis 3 vis de Blois, rien que la Loire entredeux. Blois est en pente camme Orleans mais plus petit et plus ramass6 ; [es toits des maisons y sont disposez en beaucoup d’endroits de telle manire qu’ils resseroblent aux dgrez d’un Amphitheatre i cela me parut trs beau et e croi que difficilement on pour ? oit trouver un aspect plus riant et plus agraable. Le Chateau est un bout de la Ville, l’autre bout Sainte Solenne ; cette Église parot fort grande, et n’est cache d’aucunes maisons ; enfin elle rpond tout-&-fait bien au logis du Prince. Chacun de ces btimens est situ sur une minence dont la pente se vient joindre vers le milieu de la Ville, de soe qu’il s’en faut peu que Blois ne fasse un croissant dont Sainte Solenne et le CMteau font les cornes. Je ne me suis pas inform des mmurs anciennes. ant present la faon de vivre y est fort polie, salt que cela ait t ainsi de tout temps, et que le climat et la beaut du pays y contribuent ; salt que le siour de Monsieur ait amen6 cette polltess ou le hombre de jolies femmes. Je m’en fis hammer quelqueunes & man ordinaire. On me voulut outre cela montrer des bossus, chose assez commune dans Blois, ce qu’on me dit ; encore plus commune dans Orleans. Je cFus que le Ciel, ami dces peuples leur envoyoit de l’esprit par cette voye-l : car on dit que bossu n’en manqua lamais ; et cependant il y a de vieilles traditions qui en donnent une autre raison. La voici telle qu’on me l’a apprise. Elle regarde aussi la constitution de la Beusse et du Lmousin.


La Beauce avait jadis des monts en abondance,
  Comme le reste de la France :
  De quoi la ville d'Orléans,
Pleine de gens heureux, délicats, fainéants,
  Qui voulaient marcher à leur aise,
  Se plaignit, et fit la mauvaise ;

Et messieurs les Orléanais
  Dirent au Sort, tout d'une voix.
  Une fois, deux fois et trois fois,
  Qu'il eût à leur ôter la peine
De monter, de descendre et remonter encor.
  Quoi ! toujours mont et jamais plaine !
  Faites-nous avoir triple haleine,
  Jambes de fer, naturel fort,
  Ou nous donner une campagne
  Qui n'ait plus ni mont ni montagne.
  Oh ! oh ! leur repartit le Sort,
Vous faites les mutins, et dans toutes les Gaules
Je ne vois que vous seuls qui des monts vous plaigniez !
  Puisqu'ils vous nuisent à vos pieds,
  Vous les aurez sur vos épaules.
  Lors la Beauce de s'aplanir,
  De s'égaler, de devenir
  Un terroir uni comme glace ;
  Et bossus de naître en la place,
  Et monts de déloger des champs.
  Tout ne put tenir sur les gens :
  Si bien que la troupe céleste,
  Ne sachant que faire du reste,
S'en allait les placer dans le terroir voisin,
Lorsque Jupiter dit : Épargnons la Touraine,
  Et le Blésois ; car ce domaine
  Doit être un jour à mon cousin[1]
  Mettons-les dans le Limousin.

  1. M. le Duc d’Orlans. (Note de l’édition de 1729.) Louis XIII, son frère, lui donna le Blésois pour apanage en 1635.