La Chimie physique et ses applications/1

La bibliothèque libre.
Traduction par A. Corvisy.
Librairie scientifique A. Hermann (p. 13-22).

PREMIÈRE LEÇON


LA CHIMIE PHYSIQUE ET LA CHIMIE

Je commencerai par vous exposer le plan que je vais suivre dans ces leçons. J’ai divisé le sujet en quatre parties, dont chacune se rapporte à la chimie physique, mais où cette science est considérée à des points de vue différents. Le but est de vous en montrer les rapports avec diverses branches de nos connaissances, ainsi que son influence sur les diverses sciences pures ou appliquées.

Je considérerai d’abord la chimie physique dans ses applications à la chimie, et, en second lieu, ses relations avec la chimie appliquée ou technologique ; ensuite je consacrerai deux leçons aux relations de la chimie physique et de la physiologie, car ce qui caractérise le développement de la physiologie pendant ces dernières années, c’est l’emploi qu’elle fait des méthodes physicochimiques ; enfin je montrerai par quelques exemples comment la chimie physique peut essayer d’attaquer certains problèmes de la géologie. Deux leçons seront consacrées à chacune de ces quatre sections.

Commençant par les relations de la chimie physique et de la chimie, je vais d’abord vous délimiter brièvement le sens que nous donnons aujourd’hui à l’expression chimie physique. Si nous prenons cette expression dans son sens le plus général, il s’agit évidemment de l’application aux problèmes chimiques des moyens, des méthodes et des instruments de la physique.

Ainsi comprise, on peut dire que Lavoisier, qui a fait de la chimie une science, a également fondé la chimie physique, puisque, pour établir et vérifier les lois fondamentales de la chimie, il a employé la balance, qui est évidemment un appareil de physique. Plus tard, lorsque Bunsen, dans ses recherches universellement connues, détermina à l’aide du spectroscope la composition du soleil et des étoiles, on aurait pu dire qu’il faisait de la chimie physique, puisque le spectroscope est un appareil de physique. Il est de règle que les plus grands progrès dans notre domaine sont liés à l’introduction des méthodes physiques d’observation et de mesure. Cependant on parle beaucoup, et avec raison, d’un nouveau développement de cette chimie physique pendant les quinze dernières années, et je dois vous expliquer pourquoi cette dernière phase de son évolution doit être considérée comme étant d’une importance capitale.

Ce qui a été fait, par exemple, par Bunsen avec le spectroscope, ce qui l’a été plus tard par Berthelot et Thomsen par l’introduction du calorimètre dans le laboratoire de chimie, a été certainement de la plus haute importance, mais tout cela se bornait à l’étude d’un phénomène particulier, l’émission de lumière ou l’échange de chaleur. Ce que la chimie physique de cette dernière période fait, ou a la prétention de faire, ne consiste pas dans l’emploi d’un nouvel appareil ou d’une nouvelle méthode ; son développement récent est plutôt caractérisé par l’établissement de principes généraux qui fécondent le domaine entier de la science et seront en grande partie le point de départ des développements futurs de la chimie. J’aimerais à vous exposer un de ses principes dans son application, comme on montre une expérience de cours ; mais ce procédé en quelque sorte matériel serait en opposition avec le caractère de l’évolution récente, car celle-ci n’a pas apporté des appareils nouveaux ni des méthodes nouvelles, mais des principes qui ne sont malheureusement pas de l’espèce la plus simple.

Je me rappelle que, lorsque j’étais étudiant, je n’ai jamais saisi bien exactement le sens de la loi d’Avogadro et que je n’ai pu en apercevoir nettement la portée que lorsque dans mon enseignement, j’ai eu à l’expliquer et à l’appliquer. Et cependant les principes dont j’ai à vous parler sont, par leur caractère abstrait, bien plus éloignés de l’ordre d’idées usuel que la loi d’Avogadro. Si je vous les présentais ici dans leur base et leur origine, il est probable que celui pour lequel ils sont nouveaux perdrait son temps, parce que l’occasion lui manquerait d’en faire lui-même l’application pour s’en former une notion exacte ; quant à ceux qui les connaissent, ils seraient encore plus à plaindre, car ils n’apprendraient rien de neuf.

C’est pourquoi j’ai jugé utile de ne pas essayer de pénétrer au fond de ces principes et de vous les présenter comme choses données et admises. Ce que je pourrai faire ensuite, c’est de les appliquer pour trouver la réponse à certaines questions et vous donner de cette façon quelque chose de nouveau.

Il s’agit essentiellement de deux principes fondamentaux, sur lesquels repose la chimie physique actuelle : l’extension de la loi d’Avogadro et les lois de la Thermodynamique.

L’extension de la loi d’Avogadro découle facilement de la loi primitive par les considérations suivantes :

Prenons un volume donné (fig. 1a) d’un gaz quelconque, par exemple d’oxygène (O²) ; on sait que ce gaz, probablement par le choc de ses molécules contre les parois, exerce une pression qui peut être mesurée par un manomètre ; cette pression dépend de la température ; mais, pour fixer Figure 1
Fig. 1 aFig. 1 b
les idées, supposons celle-ci, qui est donnée par le thermomètre, constante et égale à 20°. La loi d’Avogadro exprime que si dans un volume égal (fig. 1b) on introduit une quantité d’un autre gaz, par exemple d’anhydride carbonique (CO²), telle qu’à la température de 20° elle exerce la même pression, les deux volumes contiendront le même nombre de molécules, 1 000 par exemple, bien que le nombre absolu nous soit inconnu ; c’est simplement l’égalité dans les deux cas que nous avons à admettre.

L’extension de la loi d’Avogadro est relative aux solutions. Celles-ci peuvent exercer une pression comparable à celle des gaz ; la tension d’un gaz résulte de ce qu’un tel corps tend à se répandre dans l’espace vide et exerce ainsi une pression sur la paroi imperméable qui empêche cette expansion. De même, dans une solution, la substance dissoute tend à se diffuser dans le dissolvant pur lorsque ce dernier est en contact avec la solution, par exemple lorsqu’on l’a versé avec précaution de manière qu’il forme une couche au-dessus, s’il est le plus léger, ou au-dessous, s’il est le plus dense. Une paroi qui empêcherait cette diffusion, qui serait imperméable à la substance dissoute, mais permettrait le contact de la solution et du dissolvant, qui, par conséquent, laisserait passer ce dernier, devra éprouver une certaine pression, laquelle n’est, évidemment, que la pression osmotique dont nous avons parlé dans l’introduction. Maintenant l’extension de la loi d’Avogadro consiste en ceci que, pour un corps donné, la pression osmotique est la même que la tension de ce corps à l’état gazeux, la température et la concentration restant les mêmes ; la concentration désignant dans les deux cas la quantité de la substance contenue dans l’unité de volume.

De là résulte immédiatement cette conséquence, que, si à la même température deux solutions de corps différents contiennent sous le même volume le même nombre de molécules, elles devront exercer la même pression osmotique, qui est égale à la tension gazeuse du même corps sous le même volume. En outre, si l’on connaît le poids moléculaire, il est facile de calculer cette pression osmotique.

Pour notre but, il est inutile de poursuivre l’étude de cette loi au moyen de grandeurs numériques. Ajoutons toutefois, que la loi d’Avogadro et son extension, extension très vaste puisqu’elle embrasse tous les corps solubles avec leurs dissolvants, sont limitées dans l’application, en ce sens que ce sont des lois limites. La loi primitive et la loi généralisée ne sont d’une rigueur absolue que pour une raréfaction ou une dilution infiniment grandes et par suite dans des conditions pratiquement irréalisables. Cependant pour les dilutions correspondant à la pression atmosphérique, pour les gaz à cette pression ou pour les solutions de concentration analogue (concentrations voisines de 1/10 de la normalité) les écarts de la loi et de l’expérience sont négligeables dans la majorité des applications.

On voit, par cet exemple, la portée du premier principe qui a contribué au développement récent de la chimie physique, et qui est souvent désigné sous le nom de Théorie des solutions. Le second principe consiste dans l’application de la thermodynamique aux questions chimiques, principalement de la loi de la conservation du travail ou de l’énergie et de la loi de Carnot-Clausius. Ce que j’ai dit au commencement au sujet de la loi d’Avogadro, que la plupart n’arrivent à s’en faire une idée exacte et précise qu’après l’avoir eux-mêmes appliquée à des problèmes rencontrés dans leurs recherches personnelles, est peut-être encore plus vrai pour le principe dont j’ai maintenant à vous parler.

Pour ce qui concerne la conservation de l’énergie, la question est assez claire : aucune énergie ne se crée ni ne se détruit ; l’énergie peut éprouver des changements dans ses formes, mais non dans sa quantité ; les formes de l’énergie auxquelles nous avons affaire dans l’étude des problèmes de la chimie sont au nombre de trois principales : le travail mécanique, la chaleur et l’énergie électrique.

Il nous suffit de savoir que, lorsque du travail mécanique se transforme en chaleur, 425 kilogrammètres fournissent une grande calorie, et quand l’énergie électrique se transforme en chaleur, l’énergie d’un équivalent-gramme, pour une tension d’un volt, produit 23 grandes calories[1].

Le principe de Carnot-Clausius est moins facile à saisir ; j’avoue que je ne l’ai moi-même bien compris que lorsque, dans le cours de mes recherches, j’ai eu à l’appliquer et à le soumettre à des vérifications numériques. On ne peut l’énoncer en quelques mots comme on fait pour la loi d’Avogadro ; on l’a d’ailleurs exprimé sous tant de formes diverses que, même après avoir acquis une certaine expérience, il n’est pas toujours commode de s’y retrouver. Comme il y a sans doute parmi vous de jeunes disciples de la science qui en sont encore au premier pas dans le domaine de l’application aux problèmes chimiques, je leur donnerai un conseil au sujet de la forme qu’il leur convient de donner à ce principe. On peut l’appliquer par la réalisation de ce qu’on appelle un cycle réversible, ou bien par l’introduction de conceptions physiques abstraites et de fonctions mathématiques, telles que l’entropie, etc., comme le font la plupart des physiciens, Gibbs, Planck, Duhem. Pour le chimiste, je suis convaincu que l’emploi d’un cycle réversible est préférable ; la difficulté réside maintenant dans la notion du « cycle réversible ».

Faisons remarquer brièvement que le mot « cycle » désigne une série de modifications à la fin desquelles le système qui les subit est ramené à son état primitif, comme, par exemple, lorsqu’on vaporise de la glace, qu’on liquéfie la vapeur et qu’ensuite on congèle le liquide. Ces modifications sont dites réversibles lorsqu’elles ont lieu dans des conditions telles qu’elles puissent se faire dans deux sens opposés ; par exemple, dans un milieu où la température est 0°, on peut réaliser la congélation de l’eau aussi bien que le phénomène inverse, la fusion de la glace, tandis qu’au-dessus et au-dessous de 0°, c’est seulement l’une ou l’autre de ces deux transformations qui est possible.

Voici maintenant l’expression du principe de Carnot-Clausius : Dans un cycle réversible, prenons pour chacune des transformations partielles le quotient de la chaleur (Q) fournie au système par la température absolue (T) correspondante, la somme algébrique de ces quotients est nulle :

Q/T = 0.

Une application très simple et qui souvent nous permet d’obtenir d’importants résultats dans l’étude des problèmes chimiques, c’est la considération de cycles réversibles parcourus à température constante ; alors l’équation se simplifie et devient

Q = 0 ;

ce qui exprime que la somme algébrique des chaleurs fournies au système est nulle ; alors aucune chaleur n’est transformée en une autre forme de l’énergie, en travail mécanique ; la somme des travaux (A) effectués dans le parcours du cycle est également nulle, et

A = 0.

Appliquant cette équation au cycle précédemment considéré, glace-eau-vapeur, nous en tirons immédiatement cette importante conclusion qu’à 0° les tensions maxima de l’eau et de la glace sont égales. Nous obtenons des résultats semblables dans la considération de phénomènes de nature plutôt chimique, dans la transformation réversible du soufre orthorhombique en soufre clinorhombique à 96°, dans celle de la cyamélide en acide cyanurique à 150° ; dans ces conditions, la tension maxima de la vapeur des deux formes de soufre est la même, et les tensions de dissociation de la cyamélide et de l’acide cyanurique, dans leur transformation en acide cyanique gazeux, sont égales. Un point important à remarquer c’est que, dans l’application du principe de Carnot-Clausius, la nature complexe du phénomène ne crée aucune difficulté ; la composition chimique des corps entre si peu en considération que la structure atomique et moléculaire n’intervient en aucune façon ; ainsi, dans l’exemple cité, la seule chose nécessaire, c’est que l’acide cyanurique, la cyamélide et l’acide cyanique aient la même composition centésimale, sans quoi le cycle serait irréalisable.

Au sujet des deux principes fondamentaux, lois d’Avogadro et de Carnot-Clausius, je me bornerai au peu que je viens de vous dire, et j’ai maintenant à vous montrer ce qu’en fourni l’application. Mais auparavant je dois rendre hommage à ces savants, d’ailleurs assez peu nombreux qui, malgré les conditions de travail souvent peu favorables où ils se trouvaient ont, pendant ces quinze dernières années, fait faire de si grands progrès à la chimie physique. En première ligne je citerai Ostwald qui, par son immense activité didactique, ses étonnants travaux de littérature scientifique et son rare talent d’organisation, a peut-être plus fait que beaucoup d’autres pour répandre la chimie physique, tandis qu’Arrhenius, par l’introduction de la théorie de la dissociation électrolytique et surtout Nernst par l’application de cette théorie, ont ouvert à la chimie physique le champ vaste et inespéré des phénomènes électriques.

C’est dans l’application de la chimie physique à la chimie générale que l’on pouvait espérer les plus grands succès, et l’espoir n’a pas été déçu. Cette partie embrasse l’étude de tous les éléments, à l’exclusion du carbone réservé à la chimie organique ; mais ce qui facilite l’application des nouveaux principes à la chimie minérale, principes évidemment applicables aussi à la chimie organique, c’est surtout le caractère moins complexe des composés inorganiques. Souvent les éléments minéraux, par exemple, le chlore et le potassium, ne forment qu’une combinaison, ici le chlorure de potassium ; mais quand on a affaire au carbone il n’en est plus de même ; l’union de cet élément avec l’hydrogène fournit une série de combinaisons dont on ne connaît pas la limite : CH4, C2H4, C2H2, etc.

Si nous examinons ce qui a été réalisé dans le domaine de la chimie minérale, nous trouvons des progrès de trois sortes principales. En premier lieu, la chimie physique a introduit dans l’étude des questions chimiques une méthode de travail nouvelle et féconde ; elle nous a donné un principe qui permet de prévoir dans quel sens et jusqu’où peut aller une réaction ; enfin la chimie physique nous donne une notion plus approfondie des solutions des électrolytes, c’est-à-dire des bases, des acides et des sels.

J’espère avoir l’occasion de vous faire toucher l’importance de chacune de ces conquêtes par un exemple déterminé ; aujourd’hui, pour exposer la nouvelle méthode utilisée dans les questions de chimie inorganique, je vous en décrirai l’application à l’étude de la carnallite, minéral d’une grande importance technique ; c’est un sel double formé de chlorure de magnésium, de chlorure de potassium et d’eau. Cette étude, je l’ai faite en collaboration avec Meyerhoffer, mais c’est surtout Bakhuis-Roozeboom qui a fait connaître cette méthode que j’ai à vous expliquer. Consultez les ouvrages qui datent de quelques années : au sujet de la carnallite, vous verrez la formule MgCl2.KCl.6 H2O ; vous y apprendrez que ce composé est incolore et cristallin, qu’il se dissout facilement dans l’eau avec séparation de chlorure de potassium ; outre quelques autres données incohérentes que vous y trouverez, c’est tout ce que vous en saurez.

La nouvelle méthode nous donne des notions autrement complètes. Elle repose essentiellement sur une connaissance meilleure des relations d’équilibre dans les phénomènes chimiques complexes, sur l’influence qu’exercent la température, la pression et les proportions relatives des corps en présence. Par exemple, dans les réactions chimiques complexes, nous avons appris à connaître ce que l’on nomme la température de transformation, qui présente la plus grande analogie avec la simple température de fusion de la physique, de sorte qu’au dessus ou au dessous d’une telle température, la transformation, qui peut-être d’une nature chimique très compliquée sera totale dans un sens ou dans l’autre. Nous avons appris la règle des phases qui nous servira de guide, dans les conditions d’équilibre les plus diverses. Enfin, par un emploi plus large des méthodes graphiques nous avons facilité et parfois rendu possible l’examen des changements chimiques produits sous l’influence de la température et de la pression. La carnallite va nous servir d’exemple pour montrer comment, parmi un nombre minimum d’observations, on peut obtenir une vue complète de la manière d’être et de se comporter d’un corps. Nous poserons ainsi la question : la carnallite est une combinaison de chlorure de magnésium, de chlorure de potassium et d’eau ; qu’arrive-t-il lorsqu’on met ces corps en présence en proportions variables et à diverses températures, si l’on empêche l’évaporation de l’eau, ce qui correspond aux conditions expérimentales habituelles ?

Nous allons partir d’un phénomène remarquable de transformation que présente la carnallite lorsqu’on lui ajoute de l’eau et qu’on refroidit. Si cette addition d’eau n’est pas trop considérable, une partie de la carnallite est dissoute, du chlorure de potassium se sépare et un excès correspondant de chlorure de magnésium reste dans la dissolution. Par refroidissement les proportions des corps en solution changent, à cause de la variation de solubilité. À −21° survient un phénomène de solidification, tout à fait comparable à la congélation d’un liquide : un thermomètre plongé dans le mélange continue à marquer −21°, malgré le refroidissement extérieur ; si l’on chauffe, la température ne s’élève pas non plus, mais on observe une fusion notable de la masse plus ou moins solide. Si l’on examine le phénomène de plus près, on trouve qu’à cette température, la carnallite se scinde avec absorption d’eau et par refroidissement selon l’équation :

MgCl2.KCl.6 H2O + 6 H2O = MgCl2.12 H2O + KCl ;

à −21° il y a équilibre entre ces deux états comme à 0° entre l’eau et la glace ; au-dessus et au-dessous de −21°, il n’y a qu’un seul des deux états qui soit stable, ce que nous exprimons par le symbole :

MgCl2.KCl.6 H2O + 6 H2O MgCl2.12 H2O + KCl.
−21°

Toutefois notre notion du phénomène est incomplète, car l’eau en contact avec la carnallite et les deux autres corps a dissous de ces substances, et si l’on exprime en molécules la composition de cette solution, on obtient :

H2O.0,066 MgCl2.0,005 KCl,

de sorte que l’équation exacte a la forme :

0,208 (MgCl2.KCl.6 H2O) + 6 [H2O.0,066 MgCl2.0,005 KCl] = 0,064 (MgCl2.12 H2O) + 0,238 KCl.

Lorsqu’on opère sur ces proportions, au-dessous de −21°, la solidification est totale ; au-dessus, il n’y a que du chlorure de potassium et la solution.

Puisque nous avons pris ce phénomène de transformation comme point de départ, je vais vous montrer que la solution dont je viens de vous indiquer la composition peut être l’origine de trois séries de solutions saturées, que l’on obtient en modifiant les rapports quantitatifs. Prenons d’abord un peu plus d’eau ; après le refroidissement, on a une solution qui est saturée en MgCl2.12 H2O et en KCl, et qui a pour chaque température une composition déterminée. Je n’indiquerai cette composition que pour le point où un nouveau phénomène de transformation vient rendre la température constante à −34°, il y a formation de glace et tout devient solide pour une composition

H2O.0,043 MgCl2.0,003 KCl,

Examinons maintenant ce qui se passe aux températures plus élevées : il y a deux cas limites possibles, selon qu’à côté de la carnallite existe un excès de MgCl2.12 H2O ou de KCl. Dans le premier cas, nous trouvons à −17° le point de fusion de MgCl2.12 H2O, et dans le second, à 168°, celui de la carnallite.

Le temps ne me permet pas d’entrer dans plus de détails, mais on voit par ce qui précède que les conditions de la formation et de l’existence de la carnallite sont limitées de part et d’autre aux températures de −21° et 168° ; dans cet intervalle, les solutions peuvent avoir une teneur maximum en chlorure de magnésium ou en chlorure de potassium, jusqu’à la saturation ; il y a ainsi un domaine de possibilité d’existence de la carnallite dont nous allons donner une représentation graphique.

Pour cela, il nous faut prendre trois axes : l’un (OX) pour la température ; les deux autres pour les quantités de MgCl2 (OY) et de KCl (OZ) contenues dans la solution saturée ; de la composition de cette solution dépend la nature du corps solide qui peut s’en séparer. Notre température de transformation et la composition correspondante de la solution sont données par le point E ; les trois courbes de solubilité qui partent de ce point sont ED avec un point de congélation de la solution en D, EF avec un point de fusion de MgCl2.KCl.12 H2O en F, et KM avec un point de fusion de la carnallite en M. Le champ entier de la carnallite est limité par EFGHTKM ; l’intérieur représente toutes les conditions dans lesquelles l’obtention de ce corps est possible au moyen de ses composants ; à l’extérieur correspondent toutes les possibilités de décomposition partielle ou totale.

La fig. 2 est encore complétée par l’addition de quelques données simples qui ont la signification suivante :

Dans le plan XOZ se trouve la courbe de solubilité du chlorure de potassium Figure 2
Fig. 2
dans l’eau pure (CP) ; la solubilité de ce corps dans l’eau saturée de chlorure de magnésium étant figurée par DEM, le champ du chlorure de potassium est limité vers la gauche par PCDEM. De la même façon, le champ du chlorure de magnésium, compliqué par la possibilité de plusieurs hydrates, est limité vers la gauche par BF1FED. Le champ correspondant à la glace limite l’ensemble à gauche et réunit trois points cryohydratiques B, C, D ainsi que le point A de congélation de l’eau pure.


  1. On sait que dans l’électrolyse la charge de l’équivalent-gramme est 96 500 coulombs, ce qui, pour une tension d’un volt, fait une énergie de 96 500 joules ; comme pour obtenir une petite calorie, il faut 4,18 joules, on voit que la chaleur correspondant à 1 équivalent-gramme est 96 500/4,1823 000 petites calories ou 23 grandes calories (T).