La Géologie et la Minéralogie dans leurs rapports avec la théologie naturelle/Chapitre 5

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CHAPITRE V.


Roches volcaniques, Basalte et Trap.


Dans l’état d’équilibre où notre planète est arrivée sur les points de sa surface que nous habitons, nous sommes portés à regarder les fondemens de la terre comme un type de durée et de stabilité ; mais tout autres sont les idées des hommes appelés à vivre dans le voisinage des foyers d’éruptions volcaniques. Le sol leur refuse un point d’appui ; et, dans toute la durée des crises volcaniques, il oscille et vibre sous leurs pieds, renversant les cités, se déchirant en d’affreux abîmes, transformant le fond des mers en terres fermes, et les terres fermes en mers[1].

Les habitans de ces régions nous comprendraient donc s’ils nous entendaient parler de la croûte du globe comme d’une pellicule qui flotte à la surface d’un noyau composé d’élémens en fusion ; ils ont vu ces mêmes élémens fluidifiés s’élancer au dehors en des torrens de lave liquide ; ils ont senti le sol sous leurs pieds ballotté pour ainsi dire, et roulant sur les lames d’une mer souterraine ; ils ont vu les montagnes s’élever, et les vallées se creuser, dans la durée d’un instant, et ils peuvent mieux apprécier par le témoignage même de leurs sens la valeur des expressions dont se servent les géologues, lorsqu’ils veulent décrire les tremblemens et les convulsions qui ébranlèrent notre planète dans le temps que les couches de son écorce passèrent du fond des mers où elles ont pris leur origine à l’état de plaines ou de montagnes où nous les voyons maintenant assises.

Les courans de matières terreuses qui sont rejetées à l’état de fusion par les volcans en activité s’étendent tout autour de leurs cratères en couches de laves de diverses natures. Or plusieurs de ces couches ressemblent tellement aux lits de basalte et à certaines roches trapéennes qui se rencontrent à de grandes distances de toute bouche volcanique actuelle, qu’il devient très-probable que ces dernières aussi ont été rejetées du sein de la terre. En outre, les roches adjacentes aux cratères volcaniques se montrent traversées par des déchirures et des fissures qu’à des époques plus récentes ont remplies des injections de laves qui y forment ces murs transversaux connus sous le nom de dykes. Ce n’est pas seulement dans les districts occupés par le basalte et les roches trapéennes que de semblables dykes se rencontrent, ce n’est pas seulement dans le voisinage de quelque volcan moderne ; mais aussi dans des couches appartenant à toutes les formations, depuis les formations primitives les plus anciennes jusqu’aux couches tertiaires les plus récentes[2]. Et comme les caractères minéraux de ces dykes présentent d’insensibles gradations, depuis l’état de lave compacte, en passant par toutes les variétés en nombre infini de diorite (greenstone), de serpentine et de porphyre jusqu’au granite lui-même, nous les rapporterons tous à une commune origine ignée.

Le point de départ des matériaux de ces roches projetées au dehors est à de grandes profondeurs au-dessous du granite ; mais on ne sait pas encore d’une manière certaine si la cause immédiate de ces éruptions se trouve dans l’accès de l’eau sur des masses isolées de bases métalloïdes terreuses ou alcalines, ou si la lave tire directement son origine de cette grande masse d’élémens incandescens qui existe probablement à la profondeur d’une centaine de milles environ au-dessous de la surface terrestre[3].

Notre coupe fait voir combien les effets des forces volcaniques maintenant en action sont dans des rapports étroits avec les phénomènes des formations basaltiques, et avec les plus anciennes éruptions de diorite, de porphyre, de syenite et de granite. L’introduction de matériaux cristallins non stratifiés dans le sein des roches de tout âge et de toute formation sous forme de dykes, ou de lits irréguliers, introduction qui s’est toujours faite de bas en haut, et en partant de profondeurs qui nous sont inconnues, et l’accumulation fréquente de ces mêmes matériaux en de vastes masses qui recouvrent la surface des roches stratifiées, sont des phénomènes qui se montrent sur toute la surface du globe.

Ici encore, et malgré la violence et le désordre qui semblent au premier coup d’œil caractériser toutes ces opérations, nous n’en voyons pas moins se révéler à nous l’intelligence qui a présidé à leur accomplissement et la sagesse du plan qu’elle a suivi ; et ces preuves sont dans l’uniformité même de lois qui régissent la matière et le mouvement, et qui ont réglé les forces chimiques et mécaniques dont l’action a produit à toutes les époques tous ces puissans effets. Pour peu que nous envisagions leurs résultats en masse dans ce phénomène du soulèvement de la terre ferme au dessus des océans, nous conclurons que les forces volcaniques tiennent une place de la plus haute importance parmi les causes secondaires qui ont modifié l’état passé et présent du globe. Il n’est pas de mouvement isolé qui n’ait contribué pour sa part au but final, en amenant, par une suite de changemens et de convulsions, les matériaux incandescens d’une planète, primitivement inhabitable, à l’état d’équilibre et de repos le plus en harmonie avec les besoins et les jouissances de l’homme dont elle devait être l’habitation, et de toute cette multitude de créatures vivantes qui se partagent avec lui sa surface actuelle[4].




  1. Voyez la géologie de Lyett, vol. I, passim.
  2. Voyez pl. 1, coupe f 1 — f 8, h 1 — h 2, i 4 — i 5.
  3. Voyez Arago, Cordier et Fourrier, sur la chaleur interne du globe.
  4. Voyez, pour les effets des forces volcaniques, les détails plus étendus que nous donnons dans l’explication de la planche I.