La Géologie et la Minéralogie dans leurs rapports avec la théologie naturelle/Chapitre 9

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Chapitre IX.


Formations tertiaires.


Avec la série tertiaire commence un système de phénomènes nouveaux ; elle comprend des formations dans lesquelles les débris animaux et végétaux se rapprochent de plus en plus des espèces de notre époque, et dont le caractère le plus frappant consiste en une succession alternative de dépôts marins et de dépôts d’eau douce.[1] MM. Cuvier et Brongniart ont donné les premiers une histoire détaillée de la nature et des relations d’une portion très importante des couches tertiaires dans leur admirable ouvrage sur les dépôts supérieurs à la craie du bassin de Paris. Pendant un certain temps on avait supposé que c’étaient là des dépôts appartenant en propre à cette localité ; mais des recherches plus récentes ont prouvé qu’ils font partie d’un grand système général de formations recouvrant le globe tout entier, et présentant au moins quatre périodes distinctes dans leur ordre de succession, lesquelles se reconnaissent aux changemens dans la nature des restes organiques qui y sont enfouis[2].

Pendant la durée de ces périodes, des accroissemens continuels se sont opérés qui reconnaissent pour cause la présence de la vie animale devenue dès lors sur le globe un fait accompli, et nous trouvons des preuves irrécusables du grand nombre des êtres qui étaient appelés à partager le bienfait de l’existence, en même temps que nous reconnaissons leurs caractères dans cette multitude de coquilles et d’os que conservent les couches qui se sont déposées durant le cours de chacune des périodes que nous avons déjà indiquées.

M. Deshayes et M. Lyell ont récemment proposé le partage des formations marines de la série tertiaire en quatre divisions fondées sur la proportion numérique de leurs coquilles fossiles avec les espèces actuellement existantes. Ces quatre divisions sont désignées par M. Lyell sous les noms de Êocène, Miocène, Ancien Pliocène, Nouveau Pliocène, et cet auteur en a très habilement développé l’histoire dans le troisième volume de ses Principes de Géologie.

Le mot Eocène indique le commencement ou l’aurore de la création des existences animales ; les couches de cette série contiennent une proportion très-faible de coquilles que l’on puisse rapporter à des espèces vivantes. Le calcaire grossier de Paris et l’argile de Londres sont les exemples les plus connus de cette première formation tertiaire.

Le mot Miocène indique que les coquilles fossiles de cette période qui appartiennent à des espèces récentes sont en minorité. On doit rapporter à cette époque les coquilles que l’on trouve à Bordeaux, à Turin et à Vienne.

L’ensemble des formations du Nouveau et de l’Ancien Pliocène fournit des coquilles dont la plus grande partie appartient à des espèces contemporaines, ces dernières d’ailleurs étant beaucoup plus abondantes dans la plus récente de ces deux divisions. C’est à l’Ancien Pliocène qu’il faut rapporter les formations marines subapennines et le crag de l’Angleterre ; au Nouveau, les dépôts marins plus récens de la Sicile, de l’île d’Ischia et de la Toscane[3].

Avec ces quatre grandes formations marines supérieures à la craie, nous voyons alterner une série quadruple d’autres couches renfermant des coquilles dont la présence démontre que ces derniers terrains se sont formés dans l’eau douce, et en outre des ossemens de plusieurs quadrupèdes aquatiques et terrestres.

Si nous examinons maintenant ces coquilles tant des formations marines que des formations d’eau douce de la période tertiaire, sous le rapport des genres auxquels elles appartiennent, nous reconnaîtrons que, pour la plupart, ces genres se rapprochent tellement des genres établis aux dépens des coquilles actuelles, que nous pouvons en tirer cette conclusion que les animaux dont ils se composent avaient été destinés aux mêmes fonctions dans l’économie générale de la nature, et avaient par conséquent reçu les mêmes facultés que les mollusques analogues parmi les espèces vivantes. Comme l’examen de ces coquilles nous montrerait le même arrangement et la même prévoyance qui à présidé à la création des espèces actuelles, il sera plus important d’étudier ces genres éteints des classes supérieures d’animaux, qui ne paraissent avoir reçu l’existence que dans le but d’occuper provisoirement le globe pendant le temps que devait durer la formation des couches tertiaires. Notre planète n’avait plus pour hôtes ces reptiles gigantesques qui y avaient prolongé leur existence dans toute la durée de la période secondaire ; d’un autre côté, elle n’était pas encore en état de recevoir les nombreuses tribus de mammifères terrestres qui l’habitent maintenant. Une grande partie des terres qui s’étaient élevées dès lors au-dessus du niveau des mers étant encore couverte par les eaux douces, se trouvait beaucoup plus propre à la demeure des quadrupèdes fluviatiles ou habitant le bord des lacs.

Ce que nous savons de ces quadrupèdes repose uniquement sur leurs restes fossiles ; et comme ces restes ont été trouvés surtout, bien que non exclusivement, dans les formations d’eau douce de la série tertiaire, c’est sur eux que pour le moment présent nous allons principalement diriger notre attention[4].


Mammifères de la Période Êocène.


Cuvier a découvert dans la première grande formation d’eau douce de la période Éocène près de cinquante espèces éteintes de mammifères, dont le plus grand nombre appartient à l’ordre des pachydermes[5], et aux genres éteints des Palæotherium, des Anoplotherium, des Lophiodons, des Anthracotherium, des Cheropotamus, des Adapis[6].

Parmi les animaux vivans, ceux qui se rapprochent le plus de ces formes éteintes de quadrupèdes aquatiques, ce sont le genre africain des damans, et celui des tapirs qui habitent l’Amérique du sud, la presqu’île de Malaca et Sumatra.

Il serait difficile de rendre hommage à la constance et à la régularité des arrangemens systématiques suivant lesquels nous apparaissent les débris animaux du monde fossile avec plus de chaleur et d’éloquence que ne l’a fait Cuvier dans son introduction à l’histoire des ossemens découverts dans les carrières de gypse des environs de Paris. C’est là que les personnes peu familiarisées avec les méthodes modernes d’après lesquelles nous nous dirigeons dans nos recherches physiques peuvent voir de quelle nature sont les preuves dont nous appuyons nos conclusions relativement à la forme, aux caractères et aux habitudes de ces êtres éteints qui ne nous sont connus que par leurs débris fossiles. Après avoir dit comment les cabinets de Paris s’étaient peu à peu remplis d’innombrables fragmens d’animaux inconnus trouvés dans les carrières de gypse de Montmartre, Cuvier décrit la manière dont il procède à la reconstruction de leurs squelettes. Lorsqu’il se fut assuré par degrés que ces restes appartenaient à de nombreuses espèces faisant partie elles-mêmes de genres nombreux : — « Je me trouvai, dit-il, dans le cas d’un homme à qui l’on aurait donné pêle mêle les débris mutilés et incomplets de quelques centaines de squelettes appartenant à vingt sortes d’animaux : il fallait que chaque os allât retrouver celui auquel il devait tenir ; c’était presque une résurrection en petit, et je n’avais pas à ma disposition la trompette toute puissante. Mais les lois immuables prescrites aux êtres vivans y suppléèrent ; et, à la voix de l’anatomie comparée, chaque os, chaque portion d’os reprit sa place. Je n’ai point d’expressions pour peindre le plaisir que j’éprouvais en voyant, à mesure que je découvrais un caractère, toutes les conséquences plus ou moins prévues de ce caractère se développer successivement : les pieds se trouver conformes à ce qu’avaient annoncé les dents ; les dents à ce qu’annonçaient les pieds ; les os des jambes, des cuisses, tous ceux qui devaient réunir ces deux parties extrêmes, se trouver conformés comme on pouvait le juger d’avance ; en un mot, chacune de ces espèces renaître, pour ainsi dire, d’un seul de ses élémens[7]. »

En plaçant ainsi sous les yeux de ses lecteurs la marche de ses découvertes, et la restauration progressive des espèces et des genres inconnus sans autre ordre que celui où ces divers objets se sont offerts à son étude, il tire de ce désordre même la démonstration la plus puissante de l’exactitude des principes qui l’ont guidé dans toutes ses recherches. On voit les fragmens venus les derniers confirmer les conclusions auxquelles il était parvenu à l’aide de ceux qui avaient été les premiers rendus à la lumière ; et combien est peu de chose le nombre des pas rétrogrades auxquels il est contraint, comparé à celles de ses prédictions que l’on voit s’accomplir à la lettre. Des découvertes ainsi coordonnées démontrent la fixité des lois de coexistence qui ont de tout temps réglé la nature animée, et qui établissent une connexion intime entre ces genres éteints et les divers groupes de mammifères actuellement en possession de l’existence.

Nous pouvons apprécier quel nombre immense d’animaux repose dans le gypse de Montmartre d’après ce fait avancé par Cuvier qu’à peine un bloc sort-il de ces carrières qui ne renferme quelque fragment d’un squelette fossile. Des millions d’ossemens, dit il, ont été détruits avant que l’attention se soit portée sur cet objet[8].

Outre le grand nombre d’espèces et de genres de mammifères perdus qui se trouvent indiqués dans la note ci-dessus, la présence de neuf ou dix espèces d’oiseaux fossiles appartenant à la période Éocène du groupe tertiaire est un phénomène digne d’attention et presque nouveau dans l’histoire des débris organiques[9]. Ce petit nombre d’espèces nous fournit sept genres, et nous y trouvons des représentons de quatre des six grands ordres dans lesquels se divise la classe actuelle des oiseaux, savoir : des rapaces, des gallinacés, des échassiers[10] et des palmipèdes. On a rencontré même des œufs d’oiseaux aquatiques conservés dans les formations lacustres de Cournon en Auvergne[11].

Il paraît donc que le règne animal était, dès cette époque reculée, établi d’après les mêmes principes généraux dont nous pouvons de nos jours encore constater la prédominance. Non seulement les quatre classes de vertébrés existaient, et, parmi les mammifères, les ordres des pachydermes, des carnassiers, des rongeurs et des marsupiaux ; mais aussi beaucoup des genres dans lesquels se répartissent les familles actuelles étaient embrassés dans le même système d’association et de rapports qui les unit encore dans la création dont nous faisons partie. Les pachydermes et les rongeurs étaient tenus en échec par les carnassiers, de même que les gallinacés par les oiseaux de proie.

« Le règne animal a ces époques reculées était composé d’après les mêmes lois ; il comprenait les mêmes classes, les mêmes familles que de nos jours ; et, en effet, parmi les divers systèmes sur l’origine des êtres organisés, il n’en est pas de moins vraisemblable que celui qui en fait naître successivement les différens genres par des développemens ou des métamorphoses graduelles.» (Cuvier, ossemens fossiles, t. 3, p. 297.)

La prédominance numérique des pachydermes parmi les plus anciens mammifères fossiles, dans une proportion de beaucoup supérieure à celle où nous les observons dans la même classe telle qu’elle est maintenant constituée, est un fait remarquable, et sur lequel Cuvier a beaucoup insisté, vu que l’on trouve parmi ces restes d’un monde plus ancien un grand nombre de formes intermédiaires qui ne se rencontrent plus dans la distribution présente de cet ordre important. Comme les genres actuels de pachydermes sont séparés les uns des autres par des intervalles beaucoup plus étendus que ceux d’aucun autre ordre de mammifères, c’est un fait important que ces vides comblés par des genres fossiles qui après avoir fait partie d’un état primitif du globe viennent rétablir les anneaux qui semblaient manquer dans la grande chaîne continue qui réunit toutes les formes passées et présentes de la vie organique, comme des parties d’un grand système unique de création.

Les ossemens de ces animaux qui se rencontrent dans le groupe le plus ancien des dépôts tertiaires y sont accompagnés de débris de reptiles semblables à ceux qui habitent maintenant les eaux douces des contrées chaudes, tels que les crocodiles, les emydes, les trionyx (pl. 1, fig. 80, 81, 82) ; et, mêlés parmi ces débris, l’on retrouve des troncs et des feuilles de palmiers renversés (pl. 1, fig. 66, 67, 68, et pl. 56). De là nous sommes autorisés à conclure que la température de la France était beaucoup plus élevée qu’elle ne l’est maintenant durant les périodes où elle avait pour habitans ces plantes et ces reptiles, et en outre des mammifères dont les plus proches parens en organisation habitent maintenant les latitudes les plus chaudes du globe, comme le tapir, le rhinocéros et l’hippopotame.

Un autre fait digne de remarque dans l’histoire des couches tertiaires de la période Éocène, c’est l’introduction multipliée qui s’y observe sur plusieurs points de l’Europe de roches projetées par l’action des volcans ; et les changemens de niveau qui ont été produits par le travail de ces mêmes agens volcaniques peuvent en partie expliquer ce fait que les diverses localités d’un même district ont été recouvertes alternativement par l’eau douce et par l’eau salée.

Les dépôts calcaires d’eau douce de cette période sont encore d’une grande importance par rapport à l’histoire générale du calcaire, en ce qu’elles témoignent puissamment des sources où le carbonate de chaux a pris son origine[12].


Mammifères de la période miocène.


Le second système des dépôts tertiaires ou système miocène contient à la fois des genres éteints de mammifères lacustres de la première série, ou série éocène, et les formes génériques les plus anciennes qui se soient perpétuées jusqu’à nos jours. C’est M. Desnoyers qui le premier a signalé ce mélange dans les formations marines des faluns de la Touraine[13], et l’on en a rencontré depuis de nouveaux exemples en Bavière[14] et aux environs de Darmstadt[15]. Plusieurs de ces animaux offrent des caractères d’où il résulte qu’ils ont dû avoir aussi pour demeure le bord des lacs ou quelques contrées marécageuses ; l’un d’eux, le Dinotherium giganteum (tapir gigantesque de Cuvier), paraît, d’après tous les calculs, avoir eu dix-huit pieds de longueur, et avoir de beaucoup surpassé par sa taille tous les animaux terrestres que l’on a découverts jusqu’ici, sans en excepter même les plus grands éléphans fossiles. Nous reviendrons bientôt sur cet animal pour en faire le sujet d’une étude spéciale.


Mammifères des deux périodes pliocènes.


La troisième et la quatrième division des dépôts tertiaires d’eau douce ou divisions pliocènes ne contiennent aucune trace des genres lacustres perdus de la famille des palæotherium, mais elles abondent en espèces éteintes appartenant à des genres de pachydermes qui se sont perpétués jusqu’à nos jours, tels que les genres éléphant, rhinocéros, hippopotame, cheval, en compagnie du genre perdu des mastodontes. C’est là aussi que l’on commence à rencontrer d’abondantes traces de ruminans, tels que des débris de bœufs et de cerfs. Le nombre des rongeurs s’est également beaucoup accru, et les carnivores ont acquis une importance numérique proportionnée au nombre croissant des herbivores terrestres.

Les mers aussi, dans les périodes miocène et pliocène, furent habitées par des mammifères marins des genres baleine, dauphin, phoque, morse et lamantin, genres dont les espèces actuelles sont surtout établies sur les côtes et à l’embouchure des rivières de la zone torride[16]. La présence du lamantin est un argument ajouté à tous ceux que fournissaient déjà les caractères d’animaux intertropicaux que l’on a reconnu appartenir à des débris trouvés même dans les couches tertiaires les plus récentes, en faveur de cette opinion que le climat de l’Europe conservait encore une température élevée bien que décroissant graduellement sans doute, même aux époques les plus modernes des formations tertiaires.

Nous avons de nombreuses sources de renseignemens dont nous pourrons nous éclairer pour reconstruire l’histoire de la période pliocène. Ce sont d’abord les restes d’animaux terrestres qui ont été entraînés dans les embouchures de fleuves et dans les mers, et qui s’y sont conservés en même temps que les coquilles marines. C’est ainsi que les formations marines subapennines contiennent des restes d’éléphans, de rhinocéros et d’autres encore ; il en est de même du crag de Norfolk[17].

Un second ordre de témoignages nous est fourni par de semblables restes de quadrupèdes terrestres qui se trouvent mélangés à des coquilles d’eau douce, dans les couches formées durant ces mêmes époques au fond des lacs et des étangs d’eau douce. C’est ce que l’on observe au Val-d’Arno, et dans le petit dépôt lacustre de North-Cliff près de Market-Weighton, dans le Yorkshire[18].

En troisième lieu, les restes des mêmes animaux se rencontrent encore dans les cavernes et dans les fentes des roches qui faisaient partie des terres émergées, aux époques les plus récentes de la même période : tels sont les ossemens rassemblés par les hyènes dans les cavernes de Kirkdale, de Kent’s-Hole, de Lunel, etc., et ceux d’ours trouvés dans les cavernes des roches calcaires de l’Allemagne centrale et dans la grotte d’Osselles près de Besançon ; tels sont encore les ossemens des brèches osseuses qui se voient dans certaines roches calcaires des côtes septentrionales de la Méditerranée, et dans les fentes semblables du calcaire de Plymouth ainsi que dans les Mendip-Hills du comté de Sommerset. Ces débris proviennent surtout d’herbivores qui sont tombés dans les fentes, avant qu’elles eussent été en partie remplies par des détritus, à la suite de quelque violente inondation.

Enfin ces mêmes restes sont encore contenus dans certains dépôts de détritus diluviens qui sont dispersés à la surface de formations de toutes les époques.

Comme déjà, dans mes Reliquiœ diluvianœ[19], j’ai discuté les témoignages qui nous font connaître l’état de la vie animale durant l’époque immédiatement antérieure au déluge qui produisit ces détritus, je renvoie à cet ouvrage pour tout ce qui concerne la nature et les habitudes des animaux qui alors habitaient le globe. On y verra qu’à cette époque toute la surface de l’Europe était couverte par une population pressée de mammifères appartenant à divers ordres ; que le développement numérique des herbivores était maintenu dans de justes limites par l’action régulatrice des carnassiers, et que les individus de chaque espèce étaient organisés de façon à jouir de l’existence de la manière la plus étendue, et se trouvaient placés, à l’égard des autres êtres appartenant soit au règne animal, soit au règne végétal, dans les relations réciproques de jouissances ou de besoins les plus immédiatement appropriées à leur nature.

Tout homme qui s’occupe de l’anatomie comparée sait par quelle prévoyance et au moyen de quelles compensations a pu être amené ce résultat de distribuer les espèces actuelles herbivores et carnivores chacune à sa place, chacune dans ses conditions propres d’existence. Or ce n’est point pour les espèces nos contemporaines qu’a commencé cette prévoyance : les géologues démontrent qu’elle exista long-temps auparavant et qu’elle modela les formes de ces divers genres éteints dont ils découvrent les restes ensevelis dans l’écorce du globe ; et ils réclament, pour le créateur de ces types fossiles sous lesquels se manifestèrent les premiers mécanismes vitaux, les mêmes hauts attributs de sagesse et de bonté dont la démonstration devenue l’œuvre de la science rehausse et sanctifie ses travaux et ses recherches sur l’organisation du monde des êtres vivans.


  1. Pl. 4, numéros 23, 26, 27, 28.
  2. M. Webster a signalé le premier la présence des couches tertiaires dans l’île de Wight et dans la partie S. E. de l’Angleterre (Gèol. Trans. t. 2).

    On doit à M. Lyell (Princ. de gèol. t.2) une carte fort intéressante où sont figjurées les portions de la surface de l’Europe qui ont été recouvertes par les eaux depuis l’époque où commencèrent les couches tertiaires.

    M. Boué a figuré de la même manière comment, à une certaine époque, l’Europe centrale fut divisée en bassins distincts, dont chacun pendant long-temps fut un lac d’eau douce. Tous ceux de ces bassins qui demeuraient exposés à des irruptions accidentelles de la mer purent, pendant un certain temps, admettre des dépôts de restes marins ; puis l’exclusion subséquente de la mer les replaça dans les conditions de lacs d’eau douce, et leur fond dut recevoir seulement les dépouilles d’animaux habitant les eaux douces. — Synoptiche Darstellung der Erdrinde ; Hanau, 1827. — La même carte, sur une plus grande échelle, se trouve dans la seconde série des Transactions de la société linnéenne de Normandie.

    M. Conybeare a publié une semblable carte géologique en même temps qu’un admirable mémoire sur ce sujet (Ann. of Phil. 1823.)

  3. Le nombre des coquilles fossiles connues dans la période tertiaire s’élève à 5056, dont 1258 appartiennent à PEocène, 1024 au Miocène, 777 a l’Ancien et au Nouveau Pliocène. Quant à la proportion numérique entre les espèces nouvelles et les espèces éteintes, elle est
    Dans le Nouveau Pliocène, de 90 à 95,
    Dans l’Ancien Pliocène, de 54 à 50,
    Dans le Miocène, 48,
    Dans l’Eocène. 5 1/2

    espèces anciennes pour cent espèces nouvelles. — (Lyell Geology, quatrième édition, troisième volume, p. 308.)

  4. On rencontre, bien que très rarement, dans le calcaire grossier de Paris des débris de palæotheriurn ; les os de quelques autres mammifères terrestres se présentent de temps en temps dans des formations narines miocène et pliocène, comme celles de la Touraine, par exemple, et comme les [formations subapennines. Ces débris sont dus à des cadavres qui, durant ces diverses périodes, purent être entraînés dans les golfes et dans les mers.

    Jusqu’ici l’on n’a encore trouvé aucun reste de mammifère dans la formation d’argile plastique immédiatement supérieure à la craie. Le mélange, dans ce banc, de coquilles marine : avec des coquilles d’eau douce, semble indiquer qu’il s’est déposé dans une grande embouchure de fleuve. Des lits de coquille d’eau douce s’interposent parfois entre les couches du calcaire grossier marin qui vient immédiatement après l’argile plastique.

  5. L’ordre des pachydermes, ou animaux à peau épaisse, de Cuvier, comprend trois subdivisions d’herbivores, dont l’éléphant, le rhinocéros et le cheval sont les types respectifs.
  6. Voyez les planches 5 et 4.

    Palœotherium. Ce genre est intermédiaire entre le rhinocéros, le cheval et le tapir. On en a déjà découvert onze ou douze espèces, dont quelques unes ont la taille du rhinocéros ; les autres varient depuis la taille du cheval à celle du cochon. La conformation des os du nez démontre que, comme le tapir, ces animaux avaient une petite trompe charnue. Il est probable qu’ils vécurent et périrent sur les bords des lacs et des rivières qui existaient à cette époque, et au fond desquels leurs carcasses purent être entraînées à l’époque des inondations. Quelques uns même se retiraient peut-être dans les eaux pour y périr.

    Anoplotherium. Cinq espèces ont été découvertes dans le gypse des environs de Paris. La plus grande (A. commune) est de la taille d’un petit âne ; sa queue égale son corps en longueur et ressemble à celle d’une loutre. Il est probable qu’elle aidait l’animal à nager. Une autre (A. medium), par sa taille et l’élégance de ses formes, rappelait davantage les proportions légères et gracieuses de la gazelle. Une troisième était à peu près de la taille d’un lièvre.

    Les dents molaires postérieures, dans le genre anoplotherium, ressemblent à celles du rhinocéros ; leurs pieds se terminent par deux grands doigts comme chez les animaux ruminans, en même temps que la composition de leur tarse rappelle entièrement ce qui a lieu dans le chameau. Ainsi ce genre prend place, sous certains rapports, entre le rhinocéros et le cheval ; sous d’autres, entre l’hippopotame, le cochon et le chameau.

    Lophiodons. Les lophiodons forment un autre genre perdu. Les animaux dont ce genre se rapproche le plus sont les tapirs et les rhinocéros, et sous quelques rapports les hippopotames ; et il se rattache intimement aux palæotherium et aux anoplotherium. On en a reconnu quinze espèces.

    Anthracotherium. Ce genre a été ainsi nommé parce qu’on l’a découvert dans la houille tertiaire ou lignite de Cadibona, en Ligurie. Il renferme sept espèces, dont quelques unes se rapprochent du cochon par leur taille et leurs caractères. D’autres sont presque aussi grandes que l’hippopotame.

    Cheropotamus. Lechéropotame était un animal plus voisin du cochon que de tout autre genre ; quelques traits de son organisation le rapprochaient du babiroussa, et il formait un anneau entre l’anoplotherium et le pecari.

    Adapis. C’est le dernier des genres éteints de pachydermes que l’on trouve dans les carrières de gypse de Montmartre. Cet animal, par sa forme, rappelait surtout le hérisson ; mais il en avait trois fois la taille. On peut le regarder comme un lien unissant les pachydermes et les carnassiers insectivores.

  7. Ossemens fossiles, 1812, t. 5 ; introduct. p. 3 et 4.
  8. La liste suivante de vertébrés fossiles trouvés dans les carrières de plâtre des environs de Paris jette d’importantes lumières sur la nature de la population de cette première portion lacustre de la période tertiaire. (Voyez pl. 1, fig. 75-96.)
  9. Les seuls débris d’oiseaux dont on ait jusqu’ici constaté l’existence dans les couches de la série secondaire consistent dans les os d’une espèce d’échassier plus grande que le héron commun, qui ont été trouvés par M. Mantell dans la formation d’eau douce de Tilgate-Forest. Les os de Stonesfield, que l’on avait supposés provenus d’oiseaux, ont été rapportés depuis peu à des ptérodactyles. En Amérique, le professeur Hitchcock a trouvé tout récemment dans le nouveau grès rouge de la vallée de Connecticut des empreintes de pieds d’oiseaux qu’il regarde comme appartenant à sept espèces au moins, toutes faisant probablement partie de l’ordre des échassiers, douées de jambes allongées, et variant depuis la taille d’une bécasse jusqu’au double de celle de l’autruche. (Voyez pl. 26a, 26b.)
  10. Pachydermes. Palæotherium Espèces éteintes appartenant à des genres pareillement éteints.
    Anoplotherium
    Cheropotamus
    Adapis
    Carnassiers Chauve-souris Espèces éteintes appartenant à des genres encore existans.
    Chiens loup de grande taille, différent de toutes les espèces actuelles.
    renard
    Coatis (Nasua, Storr), une grande espèce. Ce genre est maintenant propre aux régions chaudes de l’Amérique.
    Raton (Procyon, Storr), de l’Amérique du nord.
    Genette (Genetta, Cuv., Viverra, Genetia Linn.), s’étend maintenant depuis l’Europe méridionale au cap de Bonne-Espérance.
    Marsupiaux. Opossum (Didelphis, Linn.), petite espèce, ayant des rapports avec l’Opossum des deux Amériques.
    Rongeurs. Marmottes (Myoxus, Gmel.), deux petites espèces.
    Ecureuil (Sciurus).
    Oiseaux. Neuf ou dix espèces que l’on peut rapporter aux genres Buzard, Hibou, Caille, Bécasse, Alouettede mer (Tonga), Courlis, Pelican.
    Reptiles. Tortues d’eau douce, Trionyx, Eniyde, Crocodile.
    Poissons. Sept espèces appartenant à des genres éteints (Agassiz).
  11. Dans la même formation éocène où se trouvent ces œufs, on rencontre des restes de deux espèces d’anoplotherium, d’un lophiodon, d’un anthracotherium, d’un hippopotame, d’un genre de ruminant, d’un chien, d’une marte, d’un lagomys, d’un rat, d’une ou de deux espèces de tortues, d’un crocodile, d’une espèce de serpent ou de lézard, et de trois ou quatre espèces d’oiseaux. Ces restes sont dispersés un à un, de la même manière que si les animaux auxquels ils ont appartenu se fussent décomposés lentement et à des intervalles distincts, de façon à ce que les fragmens de leurs corps eussent été distribués irrégulièrement sur divers points du fond d’un lac ancien. Ces ossemens sont quelquefois brisés, mais jamais roulés.
  12. Nous voyons les sources chaudes des districts volcaniques sortir de terre tellement chargées de carbonate de chaux qu’elles couvrent de larges étendues de pays d’un tuf calcaire ou travertin. Les eaux qui coulent du Lago di Tartaro, près de Rome, et les sources chaudes de San-Filippo, sur les frontières de la Toscane, offrent des exemples bien connus de ce phénomène. Ces actions qui s’accomplissent sous nos yeux nous expliquent d’une manière très plausible comment ont pu se former les vastes lits de calcaire au fond des lacs d’eau douce de la période tertiaire où nous savons qu’ils se sont déposés durant des âges d’une activité volcanique intense. Nous retrouvons encore des traces d’une action probable des eaux thermales dans ces dépôts calcaires encore plus vastes qui se sont formés au fond des mers durant les périodes précédentes du groupe secondaire et du groupe de transition.

    C’est un problème difficile que d’indiquer la source première de ces masses énormes de carbonate de chaux qui forment presque un huitième de la croûte superficielle du globe ; quelques auteurs ont avancé qu’elles avaient été sécrétées en entier par des animaux marins, et c’est évidemment en effet à une telle origine qu’il faut rapporter certaines portions des couches calcaires qui sont entièrement composées de coquilles et de polypiers pulvérisés ; mais jusqu’à ce qu’il nous soit démontré que ces animaux ont le pouvoir de former la chaux aux dépens d’autres élémens, nous devons supposer qu’ils trouvaient cette substance toute formée et tenue en dissolution dans les eaux de la mer, soit qu’ils l’y prissent directement ou par l’intermédiaire des plantes marines. Dans l’un comme dans l’autre cas, il reste à chercher la source qui avait versé dans la mer non seulement cette portion de carbonate calcaire qu’y puisèrent les animaux qui l’habitaient, mais aussi ces masses beaucoup plus puissantes de la même substance qui se précipitèrent au fond sous forme de couches calcaires.

    Nous ne pouvons supposer qu’elles soient dues, comme le sable et l’argile, aux détritus mécaniques des roches de la série granitique ; car les quantités de chaux que ces roches contiennent ne sont aucunement en proportion avec celles qui constituent les roches dérivées. La seule hypothèse qui paraisse pouvoir être hasardée à ce sujet, c’est que la chaux fut amenée lentement dans les lacs et dans les mers par des courans d’eau qui s’étaient chargés de cette substance en traversant les roches où elle était antérieurement disséminée. Bien que le carbonate de chaux ne se présente point en masses distinctes dans les roches d’origine ignée, il entre néanmoins dans la composition de la lave, du basalte et de plusieurs espèces de roches trapéennes. La chaux ainsi dispersée dans la substance même de ces roches volcaniques a pu être enlevée par des eaux tenant en dissolution l’acide carbonique, ce qui expliquerait la formation du carbonate, et par suite celle des couches actuelles elles-mêmes, cette dernière substance ayant été entraînée avec le cours des âges en quantité considérable, puis déposée au fond des lacs et des mers par une suite de précipitations. Suivant M. de la Bêche, la chaux entre pour 0, 57 dans un granite composé de deux cinquièmes de quarz, de deux cinquièmes de felspath et d’un cinquième de mica ; pour 7, 29 dans une diorite (green-stone) composée de parties égales de felspath et d’amphibole (Geological researches p. 379). — La lave compacte de la Calabre contient 10 pour 100 de carbonate de chaux, et le basalte de la Saxe 9,5. Nous pouvons de même rapporter l’origine de ces masses considérables de silice qui constituent les lits de silex corné (chert) et de silex pyromaque des formations stratifiées aux eaux de sources chaudes tenant en dissolution de la terre siliceuse et la déposant à mesure qu’elles se trouvaient soumises à des degrés moins élevés de température et de pression, de la même manière que nous voyons la silice déposée par les eaux thermales qui sortent des geysers d’Islande.

  13. Les restes de palæotherium, d’anthracotherium et de lophiodons, genres qui prédominent dans la période éocène, se trouvent mêlés à des ossemens de tapirs, de mastodontes, de rhinocéros, d’hippopotames et de cheval. Ces os sont brisés et roulés, et quelquefois couverts de flustres, et ils doivent avoir appartenu à des cadavres qui ont été entraînés dans l’embouchure d’un fleuve ou même dans la mer. (Annales des sciences naturelles, février 1828.)
  14. Le comte de Munster et M. Murchison ont découvert à Georgensgemünd, en Bavière, des os de palæotherium, d’anoplotherium et d’anthracotherium mêlés avec des os de mastodonte, de rhinocéros, d’hippopotame, de cheval, de bœuf, d’ours, de renard, etc., et avec plusieurs espèces de coquilles terrestres.

    Une description fort détaillée des restes trouvés sur ce point a été publiée par Hermann de Meyer, Francfort 1854, in-4o, avec 14 planches.

  15. Nous lisons, dans une excellente publication du professeur Kaup descript. d’oss. foss. Darmstadt, 1832, qu’à Epplesheim, près d’Altzey, douze lieues environ au sud de Mayence, les restes des animaux suivans ont été trouvés dans des couches de sable que l’on peut rapporter à la seconde période des formations tertiaires, ou période miocène : on les conserve au musée de Darmstadt.
    Nombre
    des
    espèces
    Dinotherium 2 Herbivores gigantesques de 15 à 18 pieds de long.
    Tapir 2 Plus grands que les espèces vivantes.
    Chalicotherium 2 Voisins des tapirs.
    Rhinocéros 2
    Thétracaulodon 1 Voisin du mastodonte
    Hippotherium 1 Voisin du cheval
    Sus 5 Genre cochon
    Felis 4 Grands chats dont quelques-uns égalent le lion par la taille.
    Machairodus 1 Voisin des ours. Urusus cultridens.
    Gulo 1 Genre glouton.
    Agnotherium 1 Voisin du chien, grand comme le lion.
  16. Pl. 1, fig. 97-101.
  17. J’ai vu dans le musée de Milan une portion considérable d’un squelette de rhinocéros provenant de la formation subapennine ; des huîtres se sont fixées sur plusieurs des os qui le composent, de telle sorte qu’il demeure prouvé que ce squelette a dû séjourner au fond de la nier pendant un temps considérable sans y éprouver aucun dérangement. Cuvier dit aussi qu’il existe à Turin une tête d’éléphant, sur laquelle des coquilles semblables se sont fixées en se moulant sur les ossemens eux-mêmes.
  18. Voyez Phil. Mag. 1829, vol. 6, page 225
  19. Les faits que j’ai rassemblés dans mes Reliquiœ diluvianœ (1823) démontrent que l’un des derniers grands évènemens physiques qui ont affecté la surface de notre globe a été une inondation violente qui a dévasté une grande partie de l’hémisphère septentrional, et qui a été suivie de la disparition subite d’un grand nombre des espèces de quadrupèdes terrestres qui habitaient ces régions durant la période immédiatement précédente. Je me suis aussi hasardé à désigner sous le nom de diluvium les lits superficiels de gravier, d’argile et de sable qui paraissent, avoir été produits par cette grande irruption des eaux.

    La description des faits qui ont été réunis dans ce volume, pour concourir à la démonstration dont il s’agit, a d’ailleurs été tenue tout à fait à part de cette autre question de savoir si l’inondation dont ces faits nous attestent l’existence doit être confondue avec le déluge de l’histoire. Des découvertes qui ont eu lieu depuis font voir que plusieurs des animaux que j’y ai décrits n’avaient pas traversé seulement la période géologique immédiatement contiguë à la catastrophe qui les a engloutis, mais encore une ou plusieurs de celles qui l’avaient précédée, et semblent par conséquent démontrer que le grand bouleversement dont il vient d’être question n’est autre chose que la dernière des nombreuses révolutions géologiques qui ont eu pour cause l’irruption violente des eaux, et qu’on ne doit pas le confondre avec l’inondation comparativement peu importante qui a été décrite par l’historien sacré.

    On a objecté avec justesse, contre l’opinion qui identifie ces deux grands phénomènes historique et naturel, que l’élévation et l’abaissement des eaux durant le déluge mosaïque, s’étant opérés, d’après la narration qui nous en a été faite, graduellement et dans un temps fort court, n’auraient pu produire qu’un changement peu considérable sur la contrée submergée. La prédominance numérique des espèces éteinte* parmi les animaux que l’on rencontre dans les cavités et dans les dépôts superficiels du diluvium, et ce fait que l’on n’a nulle part encore trouvé d’ossemens humains, sont des motifs puissans pour rapporter ces espèces à une période antérieure à la création de l’homme. Toutefois ce point important ne pourra être considéré comme jugé sans appel qu’après que des recherches plus étendues seront venues nous éclairer sur les terrains les plus récens des périodes pliocènes, ainsi que des formations diluviales et alluviales.