La Lanterne magique/92

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Petites Études : La Lanterne magique
G. Charpentier, éditeur (p. 141-142).
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Huitième douzaine


XCII. — GENS DU MIDI

Enseveli dans les flots soyeux de sa barbe et de sa chevelure noires, le tout petit Marins Cabardos est assis devant une table où il vient de dévorer un cassoulet tout entier, et un pot de confit d’oie, et une jatte de fruits et des confitures d’épines-vinettes, le tout arrosé de vins généreux et de muscats dorés. Il a mangé seul, servi par trois magnifiques géantes, qui ressemblent à des statues de villes, Aminte et Laure aux tresses noires, et Hersilie, rouge comme un coucher de soleil. Hersilie lui verse lentement l’eau-de-vie dans son café, et cependant Aminte presse de ses lèvres la longue pipe turque, sur laquelle Laure pose un charbon, et elles la tendront au jeune sultan, dès qu’elle sera bien allumée.

Entre Cabardos père, marchand d’huiles à Cintegabelle, et Joséphin Gabarou, toilier, il a été convenu que Marius Cabardos épouserait une des demoiselles Gabarou, et Marius a été envoyé à Toulouse chez le vieux Joséphin, pour faire son choix. Par un bizarre caprice de l’amour, les trois géantes sont tout de suite devenues folles du sombre nain, et c’est pourquoi elles le servent en esclaves fidèles.

Mais Joséphin Gabarou est entré. D’un geste, il renvoie ces superbes amantes, et resté seul avec Marius :

— « Voyons, cher petit, lui dit-il, je pense que maintenant tu as assez étudié mes filles. Et donc, laquelle préfères-tu ? Je te la donne.

— Té ! grogne sourdement Marius, en faisant une moue féroce, et en expectorant un flot de fumée, qui entre dans sa barbe, et en ressort en filets bleus. Vos filles ? Eh bien ! je vais vous dire. Je me flanque autant de l’une comme de l’autre ? »