Émaux et Camées/La Rose-thé

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Émaux et CaméesLemerrePoésies, vol. III (p. 92-93).


LA ROSE-THÉ


La plus délicate des roses
Est, à coup sûr, la rose-thé.
Son bouton aux feuilles mi-closes
De carmin à peine est teinté.

On dirait une rose blanche
Qu’aurait fait rougir de pudeur,
En la lutinant sur la branche,
Un papillon trop plein d’ardeur.

Son tissu rose et diaphane
De la chair a le velouté ;
Auprès, tout incarnat se fane
Ou prend de la vulgarité.

Comme un teint aristocratique
Noircit les fronts bruns de soleil,
De ses sœurs elle rend rustique
Le coloris chaud et vermeil.


Mais si votre main qui s’en joue,
À quelque bal, pour son parfum,
La rapproche de votre joue,
Son frais éclat devient commun.

Il n’est pas de rose assez tendre
Sur la palette du Printemps,
Madame, pour oser prétendre
Lutter contre vos dix-sept ans.

La peau vaut mieux que le pétale,
Et le sang pur d’un noble cœur
Qui sur la jeunesse s’étale
De tous les roses est vainqueur !