Le Chant du vote

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Le Chant du vote
La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 249-250).


LE CHANT DU VOTE

1849


De Février gardons mémoire,
Ne laissons pas perdre les fruits
Conquis au jour de la victoire
Par les pavés et les fusils.
Mêlant sa blouse à l’uniforme,
Le peuple au bourgeois confondu
Acclamait : « Vive la Réforme ! »
La République a répondu :

Ô République tutélaire,
Ne remonte jamais au ciel,
Idéal incarné sur terre
Par le suffrage universel !

La République militante,
Lasse de voir le sang couler,
De sa robe a fait une tente
Où tous peuvent se rassembler.
Plus de paria, plus d’ilote,
Chacun a son droit de cité,
Et sur son bulletin de vote
Peut écrire sa volonté.

Ô République, etc.

Du jour qu’avec indépendance
Chacun peut exprimer son vœu,
En face de sa conscience,
Le scrutin est la voix de Dieu.
Plus de tyran qui nous domine
Au nom d’un caprice mouvant ;
Tous ont parlé… chacun s’incline
Comme les cèdres sous le vent.

Ô République, etc.


Plus de sujet qui ploie et tremble
Sous le poids d’un sceptre ou d’un nom ;
Dans le forum quand on s’assemble,
Chacun dit oui, chacun dit non.
Ah ! qu’une surprise nocturne
N’attente jamais au scrutin !
Montons la garde autour de l’urne,
C’est l’arche de notre destin.

Ô République, etc.

Quand la vapeur est comprimée,
Elle couve une explosion :
La plainte du pauvre enfermée
Fait lever l’insurrection.
Faibles mains, vos pieuses ligues
Ne font qu’attiser le volcan :
Gardez-vous de toucher aux digues
Qui tiennent encor l’Océan !

Ô République, etc.

S’il est vrai qu’une tourbe infâme,
Disposant du fer et du feu,
Veuille enchaîner le corps et l’âme
Du peuple, ce vrai fils de Dieu ;
Fais voir, en déjouant la ruse,
Ô République ! à ces pervers,
Ta grande face de Méduse
Au milieu des rouges éclairs !

Ô République, etc.

Pierre Dupont.