Le Corset de toilette

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Mme  & M. 
Librairie Médicale et Scientifique. (p. 3-63).
Cher Monsieur,

Vous me demandez de vouloir bien présenter à vos lectrices votre opuscule sur le corset de toilette ; croyez-vous la chose vraiment nécessaire ? Ne pensez-vous pas, comme moi, que le titre seul suffise à attirer l’attention des dames et qu’elles liront jusqu’au bout votre thèse avec intérêt ? J’en suis absolument convaincu. Mais, puisque vous le désirez, je dirai quelques mots du travail que vous m’avez présenté et que je publie dans mon journal.

A ma connaissance, il n’est pas d’objet de toilette qui ait été aussi universellement critiqué que le corset, et s’il me fallait donner ici rien que le titre des principales publications qui ont été faites sur ce sujet, cela vous obligerait à doubler le nombre de vos pages. Aussi m’en garderai-je bien ; d’autant qu’elles peuvent toutes se résumer en quelques mots : « Le corset est un instrument de torture, dangereux pour la santé, et qui devrait être absolument banni. »

Eh bien ! malgré ces critiques violentes, les femmes n’ont point abandonné cet usage et elles continueront à porter le corset, quoiqu’on fasse, pour une raison toute simple, que vous avez fort bien indiquée : c’est que le corset est un objet de toilette indispensable. Une femme sans corset n’est jamais bien habillée, et cette raison pourrait suffire à elle seule ; mais il en est une autre, fort importante, qui explique le mot « indispensable » que j’ai écrit plus haut. C’est que sans ce support, la femme ne peut attacher ses dessous sans s’exposer à une gêne et à des souffrances considérables que vous avez bien signalées. Dès lors, ne pouvant supprimer le corset, n’est-il pas possible d’en faire disparaître les défauts, ou tout au moins de les atténuer pour une grande part ? Après avoir lu votre intéressant travail, la chose me paraît certaine.

Dans ces dernières années, le corset a subi une modification importante, due, je le sais, aux réalisations expérimentales que vous avez obtenues en orthopédie et que vous avez fait passer, pour ainsi dire, dans la pratique générale.

Le corset actuel, à coupe droite, supprime en partie la compression sur l’estomac. C’est un progrès, et un grand ; mais, comme vous, je pense que ce progrès est insuffisant, parce qu’il comporte encore un inconvénient sérieux : la compression, le refoulement des organes abdominaux, dont nous commençons à constater les conséquences graves sous forme d’abaissement utérin et de troubles vésicaux. À plus forte raison ce reproche s’adresse-t-il aux corsets de coupe vicieuse qui exagèrent ces mauvaises dispositions. Avec ces derniers, le résultat est encore plus certain, et à courte échéance.

En somme, on a fait au corset trois grands reproches : il déforme le thorax, comprime l’estomac et gêne la respiration.

Le second reproche n’existe pour ainsi dire plus avec un certain nombre de corsets actuels ; mais il reste encore à faire disparaître le premier et le troisième. Je suis persuadé que votre nouveau corset de toilette, de coupe vraiment anatomique, et si souple qu’il permet la respiration profonde, réussira à donner le résultat désirable et nécessaire.

Avec lui, en effet, le thorax est vraiment libre, l’estomac et le ventre ne sont plus comprimés et bridés comme ils l’étaient anciennement. La femme enfin pourra agir par des flexions faciles, se baisser, ramasser un objet sur le sol sans que l’extrémité inférieure de son corset l’arrête douloureusement par une pression insupportable.

Voilà, cher Monsieur, ce que je pense du corset en général et de votre corset physiologique de toilette en particulier.

Il ne me reste qu’à émettre un vœu ; c’est que les femmes comprennent la nécessité absolue du corset fait sur mesures et suivant les données que vous avez établies.

Croyez cher Monsieur, à mes sentiments très distingués.

Dr Ad. OLIVIER,
Chef du service des maladies des femmes,
à la Policlinique de Paris,
Rédacteur en chef
de l’
Arsenal Médico-Chirurgical.


Corset coniforme. Époque Louis XV

Le
Corset de Toilette
dans ses rapports
avec l’Esthétique
et la
Physiologie


« Comme la tunique de Nessus,
« le corset mal fait, le corset de confection,
« désorganise les plus robustes. »
F.-L.


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES :


Malgré tous les méfaits dont le chargent ses contempteurs, illustres parfois et souvent autorisés, malgré l’ostracisme dont on a tenté de le frapper, on peut affirmer sans paradoxe que le corset, « le corps de baleine », constitue, en dépit de toutes les protestations, de toutes les critiques, l’une des pièces les plus essentielles, sinon la plus importante, de la toilette féminine.

On en a beaucoup médit, et très justement, à toutes les époques, non seulement au point de vue esthétique, mais encore, surtout et toujours au point de vue physiologique.

Que faut-il penser et surtout déduire des objections si sérieuses formulées en ce cas par les médecins, les hygiénistes et, oserons-nous dire, par les gens de bon sens ? Pour fixer notre jugement, nous relèverons scrupuleusement les observations utiles présentées en foule sur ce sujet. Il y a là, en effet, une série d’importantes questions qui restent à élucider minutieusement, pratiquement, pour les vulgariser ensuite au profit du grand public féminin.

Ce dernier, sans bien connaître ni ses défauts, ni ses qualités, a si généralement adopté le corset[1], il y tient à tel point, qu’il ne reste plus raisonnablement aujourd’hui qu’à le prémunir contre les erreurs, les abus, les dangers d’un usage définitivement entré dans les mœurs après bien des fortunes diverses.

Faut-il déplorer ce que certains sont bien prêts de qualifier de sot engouement, de coquetterie coupable, de faiblesse dangereuse ? Si l’on veut bien nous suivre jusqu’au bout de ce court opuscule, on sera vite persuadé du contraire.

Avec la diversité des toilettes, des ajustements de parures dont la coupe et les formes artistiques s’harmonisent et s’idéalisent chaque jour, avec le sens de la correction, de la distinction, de la dignité même de la tenue, qui guide chez les femmes de goût délicat, supérieur, les rectifications souvent nécessaires à imposer aux exagérations, aux écarts de la mode[2], on s’explique aisément le rôle considérable que tient le corset baleiné au point de vue esthétique, quelques reproches justifiés qu’on lui ait adressés jusqu’ici.

En pratique, le corset répond à une impérieuse nécessité : l’attachement, la suspension des dessous, indispensables à un juste, à un sérieux idéal de la grâce correcte dans les divers arrangements du corsage, dans l’ordre d’un habillement soigné. Il faut convenir toutefois que tel qu’on le retrouve à peu près partout encore, tel qu’on le confectionne et l’ajuste, le corset de toilette soulève toujours de trop légitimes objections, de trop justes critiques, et pour ses nombreuses imperfections plastiques et en raison des dangers physiologiques qu’il recèle.

Guidées par des conseils autorisés puisés dans la science, soucieuses du développement normal et de la tenue rationnelle de leurs jeunes filles, ainsi que de leur santé propre et de la distinction de leur tournure, il est temps que les femmes, les mères de famille, songent à y regarder de très près avant de livrer leur taille et leurs organes aux étreintes incommodes, déformatrices et toujours dangereuses des corsets constricteurs. On a dit en son temps et l’on répète quotidiennement, en s’appuyant sur les plus graves motifs, tout le mal que produisent les corsets de confection sur l’organisme féminin.

Coupés et construits sur des proportions, des formes arbitraires et souvent ridicules par surcroît, il est de fait que ces corsets, tout en habillant très mal, ne peuvent que provoquer des troubles fâcheux, de graves désordres même dans l’économie. Des praticiens expérimentés ont vigoureusement tracé le tableau des méfaits de cette enveloppe trop rigide, hermétique, désastreuse de forme, sorte de squamata anti-physiologique, anti-orthopédique, dont l’action prolongée a pu déterminer des altérations et des affections organiques.

C’est que le corset fabriqué par masses sur une coupe conventionnelle, impersonnelle, anti-anatomique, mérite bien en vérité tous les reproches qu’on lui adresse. C’est une confession qu’il faut faire si l’on veut réagir rationnellement, non contre le principe du corset, ce qui serait excessif et bien inutile, mais contre sa construction défectueuse et ses vicieuses applications. Il serait superflu, puéril, de condamner le corset. Tout ce qu’on a dit ou tenté dans ce sens a misérablement échoué. Comment s’expliquer autrement d’ailleurs qu’après tant de critiques valables, d’objurgations sévères, de satires cuisantes, le corset ait tenu bon envers et contre tous et se soit généralisé même ? Pourquoi enfin, en dépit de toutes ses imperfections, reste-t-il plus que jamais l’ajustement essentiel, primordial, dont toute femme scrupuleuse de sa tenue ne voudrait, ne pourrait se dispenser ? C’est cela qu’il faut s’expliquer.

Il est évident que le corset baleiné constitue dans les modes contemporaines le support indispensable, la structure principale, le substratum, pourrait-on dire, de tous les ajustements de la toilette régulière, même de la plus modeste, dont il relève et harmonise la simplicité.

Pour bien comprendre la résistance féminine, à tant d’objections fondées, il ne faut pas oublier que les premiers rudiments de ce vêtement se confondent avec l’histoire même du costume féminin. Les femmes de l’antiquité, dont la plastique sculpturale à peine voilée inspirait les Praxitèle et les Phidias, se servaient déjà de bandes de corps, ajustées au buste, comme d’une sorte de corselet rudimentaire ? Lorsqu’elles enroulaient cette ceinture autour des hanches et du thorax pour accuser la taille et soutenir les seins, ne recherchaient-elles-pas déjà l’ajustement de parure qui leur tînt lieu de corset ? N’est-ce pas à cette époque que remonte les premiers essais du busc ?[3] C’est sous l’azur resplendissant de l’Attique que les premières ceintures de corps (stethodesmion) furent adoptées par les dames grecques. Il faut convenir qu’elles répondaient déjà à une nécessité pratique. Elles soutenaient la poitrine, le ventre, ramenaient la tunique aux contours harmonieux de la taille et servaient encore à attacher, à soutenir la traîne du péplum. Dans l’un de ses poèmes, Homère, le chantre de l’Hellade, en a paré Junon au moment où elle va charmer le maître de l’Olympe. Pour aller au théâtre, au cirque, les patriciennes de Rome se servaient également d’une ceinture de corps à peu près semblable (castala)[4], très évidemment employée à usage de corselet et probablement imitée de la ceinture grecque. On voit le double rôle que tenait déjà cette pièce d’habillement, dont l’usage primitif remonte aux temps fabuleux.

Or, à ces époques lointaines, les atours, les cotillons et les chiffons soyeux des dessous modernes, tous suspendus aux corsets actuels, n’étaient même pas soupçonnés. Et cependant, bien que nue sous sa tunique et à peine recouverte du manteau flottant dont elle s’enveloppait, la femme cherchait déjà le support ajusté, la pièce de corps qui devait donner satisfaction à la fois à ses commodités, à son sens esthétique et à son besoin de parure. Aujourd’hui, si légers que soient les nombreux accessoires qui constituent la toilette juponnière et sous-juponnière, il serait véritablement impossible à une femme douée de quelque goût, ayant le moindre sens de la correction, de porter suspendu aux hanches désarmées, par des bandelettes, des cordons ou des lacets, tout ce qui s’attache, se groupe ou se superpose au corset, depuis les jarretelles jusqu’aux multiples ceintures des jupes et pantalons. Et cependant que n’a-t-on point proposé pour remplacer le corset, depuis la vague brassière jusqu’aux bretelles, accessoires dont n’avait point fait fi la grande Mademoiselle au temps de la Fronde, sans pour cela réussir à faire renoncer la femme à son corset.

C’est en vain qu’on a proféré les accusations les plus formelles, prodigué les conseils les plus justifiés, employé les procédés les plus insidieux. Tout a été inutile. On s’est heurté à un véritable parti pris ? Pourquoi ? Ne vaut-il pas mieux s’en rendre compte précisément que de mener un combat perpétuel, inutile ? Avouons ici tout d’abord que la question esthétique prédomine au point de vue féminin. De fait, peut-on rien évoquer de plus laid ni subir de plus insupportable contact, vous répondront toutes les dames avec qui vous traiterez de la question, que ces rubans, ces cordons, ces lacets de jupes, de cottes ou de pantalons, s’insérant au-dessus des crêtes iliaques, des hanches non protégées par le corset et traçant leur douloureuse pression en stigmates profonds et blessants ?…

Or, c’est bien ainsi que se pose la question pratique. Que deviendraient les toilettes actuelles, si ravissantes quand elles n’exagèrent rien ? Il est à peine besoin de faire ressortir jusqu’à quel point toute grâce, toute distinction disparaîtraient de la tenue féminine par ce retour aux coutumes rustiques, archaïques. Tant qu’on ne reprendra pas le costume antique, la tunique et le péplum, qu’on ne retrouvera plus désormais qu’au théâtre, tant que l’on portera des vêtements ajustés, géométriquement coupés dans de fins tissus ; tant que la femme sera tenue de se vêtir chaudement sous nos climats variables, le premier besoin de sa toilette sera le corset. Il ne reste qu’à en prendre son parti et à disposer les choses en conséquence, intelligemment.

Toute la question tient désormais dans les rectifications anatomo-plastiques à imposer à la coupe, à la confection, à l’application du « corps de baleine ».

C’est alors, qu’à côté de la critique, on pourra placer l’éloge du corset rationnel, conçu, confectionné et ajusté individuellement sur des données anatomo-physiologiques vérifiées. Mais il ne faut plus perdre de vue que le corset qu’on achète ou commande au hasard, fût-ce dans l’un de ces grands bazars où le public féminin est le plus communément ébloui et trompé, reste forcément condamnable. Pourquoi ? Parce que tous ces corsets, nous le répétons à dessein, sont coupés, confectionnés par séries, par masses, sur des mesures, des formes et des proportions arbitraires, que les rectifications rendent automatiquement plus fausses encore. Dès lors, comment pourraient-ils s’appliquer sur le torse autrement que par des pressions et des contacts imprécis,antiphysiologiques,très capables de déformer le squelette thoracique, d’entraver le mécanisme respiratoire ; très capables encore de déplacer, de léser gravement les organes internes, dont ils altèrent le fonctionnement régulier ?

C’est ce que nous vérifierons d’ailleurs dans la suite.

Et sait-on bien que ces coupes et ces formes, arrêtées par des confectionneurs par trop dénués d’instruction technique, sont ajustées sur des mannequins types inanimés ou vivants, mais toujours passifs et professionnellement déformés (1)[5]. Cette méthode défectueuse, irraisonnée, a donné naissance à toutes ces créations nouvelles, à tous ces genres sensationnels, à toutes ces productions paradoxales, parfois créatrices de difformités, que la mode spéculatrice cherche à mettre en vedette. Le plus désastreux, c’est que ces confectionneurs, qui ne possèdent point les connaissances essentielles à leur art, seront ensuite servilement copiés par l’armée des corsetiers et corsetières,, plus incapables encore d’une critique fondée sur des prescriptions scientifiques qu’ils ignorent.

Fatalement, toutes ces conceptions imaginatives n’auront d’autre règle que les fantaisies et les caprices de la mode, cette mode qui, à côté de tant de jolies superfluités, a engendré tant de formes baroques, excentriques, blessantes, aussi peu plastiques que peu hygiéniques et contre lesquelles nous entendrons dans un instant s’élever les protestations les plus véhémentes.

Il est cependant très possible aujourd’hui de confectionner, de réaliser le corset idéal ; mais on ne le pourra faire que sur des mesures et des repères précisément anatomiques, au moyen d’une coupe raisonnée, strictement individuelle et toujours rectifiable en cours d’essayage.

Pour produire le corset qui assurera à la femme élégante la commodité d’habillement, la grâce normale de la stature, le jeu libre des organes abdomino-thoraciques et l’intégrité du mécanisme respiratoire, il faudrait au moins connaître minutieusement la situation, le jeu, le fonctionnement de tous ces organes et ne rien ignorer des phénomènes de ce mécanisme pneumo-costal que les corsets les plus réputés entravent fatalement. C’est une garantie que le public féminin intelligent devrait au moins s’assurer.

Pour l’édification de nos lectrices, nous reviendrons en détail sur ce point des plus importants.

Cependant, avant d’entrer dans le vif de notre sujet, peut-être serait-il intéressant, à ce point de vue même, de faire un court et précis historique des étapes successives parcourues par cette pièce de toilette, tant décriée ou tant vantée, mais dont personne ne conteste plus aujourd’hui l’importance.

Au cours de nos recherches, nous aurons la preuve tangible d’une vérité qu’on a négligé jusqu’ici de mettre en relief. C’est que depuis les temps les plus reculés, à travers d’innombrables et malheureux essais, la femme recherche avec une inlassable persévérance la pièce de toilette qu’elle n’a pas encore trouvée absolument dans le corset moderne.

La chronique y trouvera sans doute plus d’un détail curieux, piquant, plus d’une anecdote amusante. Nous y puiserons, nous, par surcroît, les enseignements de plus d’une expérience instructive. En tout cas, ne fût-ce que pour marquer les essais désastreux auxquels certaines femmes se sont soumises par exagération de coquetterie, ne fût-ce que pour souligner les tortures imposées par le délire de la mode et pour enregistrer, à titre de document, les spirituelles, illustres ou véhémentes protestations inspirées par l’usage du corset à travers les siècles, cet examen rétrospectif aura sa très grande utilité. Enfin, il justifiera, éclairera, nous l’espérons, la thèse que nous développons au cours de ce travail.

HISTORIQUE



Sans procéder ici à un trop long historique et sans viser le moins du monde à l’érudition, qu’il nous suffise de rappeler que le goût de la parure, fort développé chez les femmes de l’antiquité, avait poussé ces dernières à inventer des ceintures de corps, faites de lin ou parfois de tissus plus précieux. Déjà les dames d’Athènes et les patriciennes de Rome se serraient fort dans les circulaires de leurs bandes mammères[6]. Deux siècles avant l’ère chrétienne, Térence, le poète satirique, exerce sa verve contre le travers des jeunes filles de son temps, qui se sanglaient la taille dans les circulaires de leurs bandes de corps. Galien, l’un des précurseurs de la Médecine, traite à son tour des dangers que recèle l’abus des bandelettes dont les femmes étranglaient leur taille. À l’époque Mérovingienne et sous Charlemagne, le « corps de baleine » absolument inconnu, était suppléé chez les femmes de condition par une sorte de corsage juste au corps (cotte hardie), collant jusqu’à l’indiscrétion. L’auteur d’une thèse intéressante[7], qui n’est qu’une violente diatribe contre le corset, nous affirme que les propres filles de Charlemagne ne craignaient point de se montrer ainsi sanglées à la poitrine, à la taille et au ventre, jusqu’à reproduire les plus petits détails de leur plastique.

Pendant toute la durée du moyen âge, la châtelaine est vêtue de sa « cotte hardie », recouverte de son « bliaud » drapé en plis lourds et retombants. Cette « cotte hardie » se moulait étroitement sur la poitrine et les hanches, à la façon des jerseys modernes. Elle faisait office de corsage, mais en trahissant trop visiblement une plastique que la maternité rendait souvent défectueuse au gré de la coquetterie féminine. Elle fut longtemps le vêtement des femmes françaises et devint même plus tard commune aux deux sexes.


Châtelaine féodale vêtue de sa « Cotte-hardie »

Sous Charles le Chauve, quelques dames y ajoutèrent une ceinture qui ceignait le ventre et les hanches en faisant saillir ces dernières.

Sous le règne de saint Louis, « qui rendait la justice vêtu d’une cotte de camelot et d’un surcot de tirelaine »[8], les robes à corsage sont généralement adoptées ; les femmes portent par dessus une « soubreveste » serrée, descendant un peu au-dessous des hanches.

Au XIVe siècle, sous Charles V, la cotte ou robe de dessous, qui ne se montrait auparavant que par des ouvertures maladroitement ménagées, accuse maintenant, grâce aux larges dégagements du
(1) Bliaud formant corsage fermé sur la « cotte-hardie » par une ceinture
(2) XIe siècle. Bque de l’Arsenal à Paris
pardessus, les formes harmonieuses du buste et des flancs. Le « surcot », retenu sur les épaules par deux bandes étroites, est devenu une sorte d’ample jupe traînante qui drape majestueusement la partie inférieure du corps[9].

Certains documents permettent de croire que les corsages
XIe siècle. La cotte de dessous accuse les formes gracieuses du buste, grâce au « surcot » largement ouvert sur les côtés.
soutenus, précurseurs du « corps de baleine » sous sa forme primitive, apparaissent à ce moment par une création nouvelle. C’est le corset extérieur, espèce de mantille qui retombe devant et derrière, sans masquer aucune des belles lignes du corsage. Cette nouvelle pièce du vêtement était retenue sur le milieu de la poitrine par un busc d’acier enfermé dans une riche passementerie. Ce vêtement, mi-corsage, mi-corset, était ordinairement fait de fourrure en hiver et d’étoffe de soie en été)[10]. Au XVe siècle certaines femmes portaient le « Bandier ». C’était une sorte de forte et large ceinture formant corsage et qui tenait lieu de corset.
Fin du XIVe siècle
Corset extérieur, soutenu et lacé devant
À l’époque de Jeanne d’Arc, la sublime pastoure lorraine, qui échangea son corsage de bure pour l’héroïque corselet d’acier, les femmes de qualité portaient une sorte de corsage cuirasse fait d’hermine ou de vair, très probablement issu de celui qui était en usage sous Charles V. Elles l’appelaient un « corps », un « corselet ». Il collait au buste et était entaillé sous les bras d’ouvertures que les moralistes farouches de l’époque, nous dit un auteur, qualifiaient « de bouches d’enfer » ! À la fin du xve siècle apparaît la basquine, sorte de corset fait de toile grossière munie d’un busc en bois ou en fer. Ces basquines étaient parfois soutenues par du fil de laiton. On les confectionnait même avec du cuir.

Pendant la Renaissance, les femmes portaient un vêtement appelé « corsetus », sorte de camisole ajustée à la taille, mais non encore pourvue de baleines. C’est vers ce temps que les Vénitiennes, par un caprice bizarre, imaginèrent le « busto » au moyen duquel elles s’ingéniaient à paraître plus majestueuses. Fait de coutil soutenu de baleines, ce « busto » n’avait pas encore pour but d’amincir la taille, mais de l’allonger démesurément jusqu’aux hanches, de telle sorte que les jambes, encore surexhaussées par des chaussures à hauts patins de bois, élevassent la taille en augmentant la stature.

D’Italie la mode passa en France. Le « busto » raidi et façonné, devient la « vasquine ». On raconte que pour l’entrevue du camp du Drap d’Or, les grandes dames serrèrent à tel point leur taille et se chargèrent d’une telle quantité de parures que plusieurs ne purent le soir se relever de leur siège et qu’on dut les dévêtir en hâte pour les faire revenir à elles.

Au XVIe siècle, Catherine de Médicis importe en France la mode des collerettes en dentelles de Venise, aussi encombrantes que d’un merveilleux

Renaissance. Modes de la Cour. Corsages et cornets « busto » soutenus de lamelles de bois et de baleines.
travail, et introduit à la cour l’usage définitif du corset à busc.

Ce dernier comprimait horriblement le ventre, la taille et la poitrine. On le garnissait de bois, d’ivoire, de plaques de fer. Mais comme la mode exagère tout, jusqu’à l’odieux, jusqu’au ridicule, apparaissent à ce moment les fameux corsets de fer dont nous avons retrouvé quelques types bien curieux au Musée Carnavalet, au Musée de Cluny, et dans les collections archéologiques de M. le Socq d’Estournelles et du Docteur Hamonic. Ces corsets, sortes de cuirasses métalliques, qui avaient la prétention de tourner le corps aux formes stupidement assignées par les fantaisies des couturiers d’alors, constituaient de véritables engins de torture. C’est en vain
Corset de fer du XVIe siècle.
qu’Ambroise Paré se répand en vives objurgations pour en interdire l’usage « aux misérables jeunes dames espoitrinées. » « Par trop serrer et comprimer les vertèbres du dos, disait l’illustre protagoniste de la chirurgie française dans le naïf idiome de l’époque, « on les jette hors de leur place, qui fait que les filles sont bossues et grandement émaciées par faute d’aliments, ce que l’on voit souvent. »

Pour exemple il nous cite le cas d’une jeune femme qui mourut le soir de ses noces pour s’être imposée un corset de cette espèce pendant tout le cours de la cérémonie.

Imagine-t-on en effet, rien de plus absurde que ce moule rigide qui enferme étroitement les côtes,
Corset de fer du XVIe siècle
de la taille aux aisselles, dans une sorte de gangue métallique. « Des bandes de métal sont adaptées sur les côtes vivantes pour les tourner à la forme et les seins comprimés sous deux sphères rigides. » Deux charnières latérales et une fermeture à cliquet opposé servent à ouvrir et à refermer latéralement ces deux valves de fer qui enferment, compriment et étouffent ces malheureuses victimes de la coquetterie. « Pour faire un corps bien espagnolé, » dit Montaigne, faisant allusion à ces corsets compliqués du vertugadin, dont nous parlerons dans un instant, « Quelle géhenne ne souffrent-elles point, guindées et sanglées avec de grosses coches sur les côtes jusqu’à la chair vive ! Oui, quelquefois à en mourir ! »

Au moins la malheureuse pourra-t-elle se mouvoir librement ? Non pas ! ajoute plaisamment un auteur : « La fraise gaudronnée, la collerette soutenue de fil d’archal la tiennent engonsée. Par surcroît, le vertugadin bardé d’acier l’empêchera de marcher librement. Ce dernier, en effet, enferme ses

XVIe siècle. Costume de cour. Corset de fer et « Busto »
jambes dans une sorte de cage à poulets, produisant des hanches postiches, carrées, énormes, sur lesquelles il lui reste la liberté de reposer ses bras raidis dans ses manches à crevés. Elle a l’air de sortir d’un tambour ou, si vous préférez, avec sa tête émergeant d’une collerette aussi vaste qu’évasée, elle offre assez bien l’aspect d’un oranger en caisse. » Nous n’aurons point la cruauté d’insister sur cette peinture. C’est sous Marie de Médicis que les robes étroites de la ceinture, appliquées sur les corsets de fer, commencèrent à bouffer autour des hanches par de gros bourrelets qui s’augmentèrent encore sous le nom de « vertugadins », corruption du mot vertu-gardien, nous dit P. Lacroix[11].

Cependant les dames s’ingénient à orner leur corset.

L’armature est recouverte de velours, de damas. Le buse, laissé apparent, est en fer damasquiné en ivoire, en écaille gravée. Les arabesques s’y enchevêtrent avec les devises gracieuses ou galantes[12].

Au martyrologe du corset de cette époque, il faut inscrire le nom de la duchesse de Mercœur, étouffée par son « corps de baleine ». Le procès-verbal de décès rédigé en vers, disait ceci :

« Les côtes du thorax au dedans retirées
« Retenaient les poumons un petit trop serrés ».

Ces corsets firent fureur cependant. Les hommes eux-mêmes les employèrent. Ces derniers y ajoutèrent en outre un plastron rebondi, « estoffé « comme un bât de mulet à coffre ». Il avait la forme d’une bosse allongée, semblable à celle du Polichinelle et portait le nom de « panseron ». Cette mode extravagante fut adoptée avec un tel entraînement, un tel snobisme, dirions-nous aujourd’hui, que l’usage dut en être réglementé, en Italie, par une loi somptuaire.

Sous les Valois-Médicis, les costumes de cour et des gens de qualité constituent les types saillants des modes et des corsets importés d’Italie. La taille en aiguille était alors la suprême élégance.

XVIe siècle. Costume de Cour, taille en aiguille. Corset de fer et « Panseron. »

Sous Henri IV, on ajouta des sangles pour augmenter le serrage de la taille. Cet ajustement fut si pernicieux que le roi dicta plusieurs arrêts pour en interdire l’usage. En 1619, le Parlement d’Aix voulut réagir aussi et promulgua un édit contre l’emploi du corset.

Sous Louis XIII et sous la Fronde, on tente de réagir. On rejette les « corps de baleines » et l’on abandonne les « basquines ». Pour leurs folles et hardies chevauchées, les nobles
Commencement du XVIIe siècle Dame noble. Corset de fer et « Vertugadin. »
dames de la Fronde avaient du moins besoin de respirer librement. Le corset fut alors suppléé par une simple paire de bretelles croisées sous la robe, « à la commodité », avec lesquelles nous apparaissent, un peu masculines peut-être, les turbulentes princesses de la première moitié du XVIIe siècle. C’est probablement le maintien majestueux, compassé, empesé jusqu’à la raideur, imposé
Époque Louis XIII et de la Fronde. Le corset est remplacé par des bretelles.
par la vie de cour, sous Louis XIV, qui ramène le supplice, bien qu’atténué comparativement à la période antérieure. Le corset prit alors le nom de juste-au-corps[13]. Dès lors, le corset sera propagé par les habitudes mondaines. Sous le règne des Bourbons, le corset ne se modifiera que lentement, sans progresser, et d’après les changements successifs survenus dans la forme des costumes créés par la haute mode. La Fontaine a raillé l’usage
Époque Louis XIV. Dame de la Cour. Corset coniforme réduisant et allongeant la taille. Le Vertugadin voit diminuer sa monstrueuse ampleur.
de cet ajustement en des vers qui attestent quel rôle prépondérant il tenait alors dans l’habillement et la parure des femmes. De la cour, le corset baleiné a pénétré chez les bourgeoises et jusque chez les villageoises :


« C’est la coquette
« Du village voisin
« Qui m’offre une conquête
« En corset de satin ».


nous dit plaisamment l’émule d’Ésope ; mais, plus sévère, il entend condamner cette prétention dans le quatrain suivant 

« Enfin ! la gourgandine est un riche corset
« Entr’ouvert par devant à l’aide d’un lacet,
« Et comme il rend la taille et moins belle et moins fine
« On a cru lui devoir le nom de gourgandine ».


Époque Louis XIV. Commencement du corset coniforme soutenu d’un très grand nombre de baleines.

C’est en vain que notre fabuliste a trempé son trait dans le ridicule. L’usage du corset s’étendra jusqu’aux femmes du peuple.

Au début du XVIIIe siècle, toutes les dames voulaient avoir des corsets et toutes tenaient à ce
Fin du XVIIe et commencement du XVIIIe siècle. Corset des villageoises.
qu’ils fussent garnis de vraies baleines. On en fit une telle dépense que les pêcheurs Norvégiens et Hollandais ne parvenaient plus à fournir le marché. Les grands cétacés, trop pourchassés, émigraient vers les zones arctiques.

« Paris faillit manquer de baleines ! Émouvant problème, nous dit spirituellement un auteur, que les États Généraux des Pays-Bas étudièrent gravement et qu’ils résolurent en juin 1722, en contractant un emprunt de 600.000 florins pour soutenir la Campagne formée dans l’Ost-Frise pour la pêche de la baleine[14]. Couturiers et tailleurs respirèrent. Le corset était sauvé ! Et l’on put disposer d’une telle quantité de baleines qu’on en introduisit jusqu’à 104 dans le même corset !

On conçoit ce que devait être la rigidité de telles carapaces.

Sous Louis XV et Louis XVI, nobles, bourgeoises et roturières porteront le corset et se serreront à l’envi pour obtenir une taille plus fine, plus allongée, que l’ampleur des paniers mettra plus en relief encore.

Pour avoir une idée exacte de ce que le corset était à cette époque, il faut examiner ce qu’il donne à la toilette et à la tournure dans les ravissantes peintures de Nattier représentant les filles de Louis XV, et surtout dans le magnifique portrait en pied de Marie-Antoinette.

Époque Louis XV. Corset coniforme soutenu par une multitude de baleines.
Le corset est devenu nettement coniforme. C’est un véritable cornet compressif, fort peu gracieux. Il sanglait la taille, immobilisait et déformait les côtes inférieures en relevant les seins jusqu’aux clavicules. Il s’enfonçait, rigide, dans les plissures des festons qui ornaient les paniers à tournures. Il ne fallait rien moins que la majesté d’allures, la beauté altière et délicate d’une reine pour idéaliser de tels atours. Mais si cette mode prospéra, ce ne fut pas au gré de l’empereur Joseph d’Autriche. Effrayé des atteintes que le corset portait à la santé publique, il s’efforça d’en dégoûter les femmes honnêtes en ordonnant que « les reprises de justice » en porteraient comme une marque d’infamie. Au grand étonnement de l’Empereur, cette prescription n’eût qu’un effet tout relatif. On comprend sa déception. Les femmes continuèrent à se serrer à tel point que des estampes du temps représentent soubrettes et valets suant et soufflant à lacer, à l’aide d’un treuil, s’il vous plaît ! le corset de leur maîtresse. Les vapeurs, si fréquentes et
Époque Louis XVI
Elégante de la fin du XVIIIe siècle.
si fameuses chez les femmes de l’ancienne société aristocratique, étaient tout simplement provoquées par l’abus de ces compressions circulaires.

La toute frêle et toute gracieuse princesse de Lamballe était sujette à des évanouissements mystérieux qui ne pouvaient être soulagés que lorsqu’on tranchait rapidement son lacet. Ne haussons pas trop les épaules : À notre époque, des femmes fixent encore le lacet de leur corset à un point résistant, et tirent comme la cavale sur le trait. Nous avons vu certaines jeunes femmes réduire leur taille de 20 cent. et passer de 70 cent. sur le nu à 50 cent. par-dessus le corset.

Moralistes, satiriques, auteurs comiques, raillent à qui mieux mieux cette sotte fureur, hélas ! bien inutilement.

Modes de la fin du XVIIe siècle
Corsets baleinés et paniers à tournures.

Mais, dirons-nous encore, pourquoi tant d’objurgations véhémentes, tant de traits acérés, resteront-ils sans effet ? Parce que, nous le répétons, le corset a toujours constitué le support indispensable à l’attachement des dessous et à la correction d’une toilette soignée ; parce qu’il répond encore, par surcroît, à certaines nécessités réparatrices de la maternité et de l’allaitement. Cela est si vrai, qu’un corsetier facétieux du XVIIIe siècle osa risquer à tous les yeux une enseigne audacieuse, ironique, dont nos pères, friands de brocards, s’amusèrent sans scrupule. Au-dessous d’une peinture élémentaire représentant un corset coniforme, « à la mode du jour », on pouvait lire cette annonce, reproduite par les Gazettes :

« Il contient les superbes
« Soutient les faibles
« Et ramène les égarés ».

Passons vite. Nous savons que le ridicule ne tue pas en matière de mode.

C’est peut-être à la philosophie déclamatoire et paradoxale de J. J. Rousseau, qui prêcha le retour à la nature et remit en honneur l’élevage maternel, qu’on doit en partie l’abandon momentané de ces appareils de mutilation. Préconisé à cette époque par le Docteur Tronchin, l’allaitement maternel devint une élégance. On ne portera plus ni corset ni baleines, et les corsages à « l’enfant » qu’on entr’ouvre aisément pour « tronchiner » vont se généraliser.

Sous la Révolution, le corset subit une éclipse, poursuivi par ceux qui l’accusent bêtement d’être « un insigne de richesse et de faste insolent »[15]. On s’habille à l’antique. Les robes à la Grecque, à la Romaine, s’imposent aux élégantes. On ne verra plus que péplums et tuniques. La « fasciæ mamillares », était seule appelée à soutenir « les appas grenadiers », alors à la mode. Mme Tallien se flattait de n’avoir pas même connu le contact de ce léger soutien. Une femme mettait alors dans son corsage son mouchoir, sa bourse, sa correspondance, tout ce qui lui était utile ou précieux. L’opulence de la poitrine en était augmentée.

Sous le Directoire et sous l’Empire, un simple corselet brassière qui place la taille sous les seins, au diamètre le plus grand du thorax, devient la loi régnante. La robe pend en une longue traîne aux plis rares et collants qui se plaquent sur le galbe, comme le fourreau sur le parapluie. On a une idée de cet habillement peu esthétique en revoyant les portraits de Mme de Staël, de l’Impératrice Joséphine et de la jolie Mme Récamier. Mais, à ce moment même, une réaction s’esquisse. La mode tend à revenir à l’ancien corset. Cela ne fut pas sans provoquer les protestations de Napoléon lui-même. En quelques phrases brèves, impérieuses, l’empereur donne issue à sa mauvaise humeur: « Ce vêtement, disait-il à Corvisart,
Révolution et Empire
Brassière soutenant les seins. Robe à l’antique avec ceinture mammaire.
est d’une coquetterie de mauvais goût. Il meurtrit les femmes et maltraite leur progéniture. Il n’annonce que des goûts frivoles et me fait pressentir une décadence prochaine ». Ce qui n’empêcha point l’impératrice Marie-Louise de dissimuler son embonpoint naissant sous la compression de l’un de ces corsets si militairement exécutés.

Cuvier traduisit aussi sa désapprobation. Se promenant un jour dans les serres du Muséum avec une jeune femme de sa parenté, il s’arrête soudain devant une fleur rare aux nuances délicates ; puis, sous les yeux de son interlocutrice étonnée, il pratique une ligature sur la tige. À quelque temps de là, l’illustre savant présente de nouveau la plante exotique, courbée, languissante, presque fanée à la jeune femme qu’il voulait instruire. « Voyez, reprit-il, cette fleur est votre image. Comme vous, elle s’étiole sous une cruelle étreinte ». Enfin, tranchant le lien constricteur, il eut un regard paternel pour la jeune femme, confuse et rougissante. Nous n’oserions affirmer cependant qu’elle desserra son corset.

Quoique pensassent les puissants du jour et les médecins de l’époque, le corset se généralisa de nouveau. Louis XVIII en pleine réorganisation politique et administrative, trouve encore le temps de manifester contre cet usage. Redevenu comte de Provence pour un moment, il dit galamment à Mme du Cayla : « Vous seriez certes la plus jolie femme de mon royaume si, méprisant une mode absurde, vous enleviez cet affreux corset qui enlaidit la nature ». Un peu précieusement peut-être,

Modes de la Restauration
« Taille en Pot de fleur »
Mondaine vêtue de son corset baleiné.
Charles X, à son tour fit à une dame de la cour la mercuriale suivante : « Autrefois, en France, Madame, il n’était pas rare de ren contrer des Diane, des Vénus et des Niobé ; aujourd’hui, on n’y rencontre plus que des guêpes ». D’ailleurs, qui l’eût cru ! Le roi des Ordonnances et Béranger se trouvèrent d’accord, pour une fois, sur ce sujet. Le chansonnier populaire rimait alors ces vers :
« Moi je crois que son corset
« Lui rend la taille moins fine ».
Sous Louis-Philippe, nouvelle modification aux formes du corset baleiné. Mais cette époque, qui
Mode de 1835 à 1845. À cette époque, le Corset baleiné raccourcit affreusement la taille.
fut au point de vue du style et de l’habillement la période la moins heureuse, n’avait su donner à cette pièce de toilette que la coupe la plus antiphysiologique, la forme et les proportions les plus ridicules. Seins projetés vers le cou, étranglement circulaire de la taille, constriction de la région épigastrique et des hypocondres, protubérance hypogastrique affreuse, exagération angulaire des saillies iliaques, tel est le tableau grotesque auquel nous n’osons ajouter, par surcroît, la reproduction de ces chapeaux immenses, dits « cabriolets » que nous retrouvons dans les gravures et portraits du temps. Pour faire paraître la taille plus mince encore, on avait usé d’un subterfuge. Il consistait à munir le corsage de manches « à gigot » et d’une berthe énorme, retombante, qui élargissait démesurément les épaules. Sous ce costume, le buste des élégantes avait un tel aspect qu’on le désignait ironiquement sous le nom de « taille en pot de fleur ».
2me Empire. — Corset à grand serrage et crinoline
Taille à prendre entre ses doigts.

C’est vers cette époque que Bouvier, le célèbre médecin orthopédiste, tente une réaction contre cette mode absurde et fulmine, en termes que nous citons plus loin, contre ce corset, carapace aussi destructive de la plastique que nuisible aux organes de celles qui le portent.

Sous le second Empire enfin, on corrige et on modifie encore la coupe du corset qui mutile la taille, affreusement serrée, déformée au niveau des dernières côtes. On est revenu au corset coniforme. Pour être plus léger et moins mal fait qu’au XVIIIe siècle, il ne sangle et ne déforme pas moins le thorax et la taille, dont toute la phénoménale et disproportionnelle beauté consiste, comme sous la Restauration, à être prise entre dix doigts. Musset, le charmant écrivain, l’élégant et neurasthénique poète d’Éros, a protesté à sa manière contre cet abus :

« Elle fait, sous son flanc qui ploie,
« Craquer son corset de satin ».

Cette nouvelle tentative constitue une rentrée dans le cercle vicieux de la mode irraisonnée, que « le corps de baleine », le corset de toilette n’a pu franchir jusque-là. Il inspire alors à Théophile Gauthier cette boutade bien topique : « Le corset est un instrument de torture inconnu en Orient ».

Rien de plus anti-physiologique que ce corset planté et enchâssé au milieu de ces vastes crinolines, réminiscence du vertugadin, dont les ballonnements et les ondulations grotesques ne se dégonflèrent que sous la pointe acérée du crayon des caricaturistes.

Quelques années étaient à peine passées sur les événements de l’année terrible que le corset cuirasse fait son apparition. Il ne valait pas mieux que ceux qui l’avaient précédé.

Pour le disqualifier, rappelons que la compression qu’il exerçait et la rigidité qu’il imposait au thorax donnèrent lieu, il y a quelques années, à un incident pénible qui mit en émoi toute l’assistance d’un mariage élégant.

Pâle sous sa blanche toilette, la mariée, à bout de forces, s’évanouit au pied de l’hôtel. Est-ce l’émotion ? interroge anxieusement le marié !.... A-t-on forcé son consentement ?.... Non, soupire la pauvrette, haletante et rassurante à la fois : « C’est mon corset qui m’étouffe !!.... »

LE CORSET
au point de vue anatomo-physiologique


« Le corset a le droit de se mouler sur les formes naturelles du corps ; il n’a pas celui de les soumettre à sa propre forme. Malheureusement, c’est ce qu’il réalise en général. » [16]


Nous avons traversé depuis lors une période de transition où la mode et l’hygiène ont essayé de se mettre d’accord. Sous le feu de la critique, on a fait effort pour restaurer élégamment sinon physiologiquement cette pièce de toilette, dont tous les types antérieurs peuvent être réformés au nom de la santé publique et d’une esthétique normale. A-t-on cependant trouvé le modèle idéal ? Il serait téméraire de l’affirmer. Si le cachet de la coupe se prête mieux à l’élégance géométrique de la toilette, il n’en va pas de même pour la liberté accordée au thorax et aux organes splanchniques de la femme. Cela tient à ce que les professionnels du corset ne connaissent que peu ou point les termes de l’équation qu’ils ont à résoudre. Pour eux, l’X Anatomo-physiologique reste encore irréductible.

Dès lors, s’ils ignorent les organes abdomino-thoraciques et la situation que ces derniers occupent précisément, comment arriveraient-ils à une réalisation physiologique ? Comment se garderaient-ils encore de l’écueil où tous échouent, s’ils ne possèdent pas une connaissance complète du squelette thoracique et de la mécanique respiratoire ? Pour atteindre un résultat depuis si longtemps cherché, encore faudrait-il savoir trouver et repérer sur la plastique féminine la situation de chacun des organes à soutenir ou à ménager. En prenant les mesures, en coupant les pièces d’un corset, en l’ajustant, encore faudrait-il avoir nettement présente à l’esprit la topographie des organes contenus dans les deux cavités splanchniques, dont cette pièce de toilette enferme, comprime et meurtrit trop souvent les parois.

Or, à ce point de vue, les essayeuses, les confectionneurs, sont-ils en possession d’une instruction technique appropriée, suffisante ? Alors qu’ils appliquent sur nature, leur a-t-on enseigné remplacement et le jeu physiologique des viscères que le « corps de baleine » peut déplacer, léser ? Connaissent-ils l’assemblage, la fonction et le mode d’articulation des pièces du squelette thoracique? Sont-ils en situation de prévoir les effets désastreux que peut produire une striction prolongée au niveau des hypocondres et de l’hypogastre ?

Le jour où le corset de toilette sera mis au point par des professionnels spéciaux, en possession des connaissances indispensables, où la généralité des médecins ne dédaignera pas trop de s’occuper de la question et de guider la clientèle, on constatera avec surprise tout ce que cette pièce d’habillement peut produire de favorable au triple point de vue physiologique, orthopédique et esthétique.

Que les adversaires du « corps de baleine » nous permettent de produire nos preuves. À la rigueur, nous pourrions appuyer simplement nos affirmations sur les ordonnances quotidiennes qui nous viennent des praticiens les plus qualifiés, ordonnances où ces derniers spécifient certaines dispositions particulières aux corsets qu’ils prescrivent. Nous préférons amener nos lectrices jusqu’aux déductions raisonnées. Nous pourrions trouver encore dans Bouvier, cité précédemment, et dans nombre d’auteurs, la pleine confirmation d’une confiance qui reste fondée sur de multiples expériences. Mais nous ferons la part plus belle à nos contradicteurs. Et pour qu’on ne nous accuse point d’obéir à un système ou de rien dissimuler, nous mettrons tout d’abord au premier plan la dure critique que fait, du corset mal construit, ce célèbre médecin orthopédiste : « Nul doute, écrit-il, que des accidents nombreux ne puissent être la suite de l’emploi mal dirigé des corsets, lorsqu’ils présentent quelque vice de construction, lorsqu’ils sont serrés outre mesure ou que les parties rigides qu’ils contiennent exercent des pressions exagérées, stigmates, excoriations, gêne de la circulation, compression du plexus-brachial, froissement des seins, difficulté de certains mouvements, atrophie des muscles, abaissement et rapprochement des côtes inférieures qui s’impriment dans le foie, refoulement du diaphragme, compression des poumons et des autres viscères ; — d’où dispositions à l’hémoptysie, aux palpitations, syncopes, lésion des fonctions digestives, réduction du volume de l’estomac, paresse de l’intestin, abaissement de l’utérus, etc., etc. » Et nous faisons grâce ici à nos lectrices de tout ce que cet auteur ajoute en ce qui concerne la gestation.

Et cependant, ce maître, suivi depuis par les hygiénistes et les chirurgiens orthopédistes, constate et décrit l’utilité du corset. Si bien, qu’il en préconise, qu’il en ordonne l’emploi en orthopédie, c’est-à-dire chez ceux dont l’organisme défectueux exige les plus sérieux ménagements, les plus rigoureuses précautions hygiéniques. Notons que ce chef d’école était parfaitement situé pour émettre une opinion valable, surtout après son impitoyable critique, puisqu’il a pratiqué et enseigné l’orthopédie vertébro-thoracique pendant de longues années. Or, nous insistons sur ce point, il fut l’un des plus actifs protagonistes du corset bien fait. En cela, il semble même avoir tracé la voie aux spécialistes contemporains, qui l’emploient comme un soutien efficace du tronc et comme un agent favorable du développement thoracique des adolescentes. Mais Bouvier fait plus : il le conseille aux dames « pour soutenir leurs organes, assurer l’aisance et la correction de leur tenue ».

Poursuivons cette analyse. Et en plaçant sous les yeux du public féminin le tableau fidèle des critiques motivées, formulées par les adversaires qualifiés du corset mal fait, on comprendra nettement que nous ne cherchons point à effrayer inutilement nos lectrices pour les abandonner ensuite perplexes et sans solution. Notre but est tout autre. Pour l’instant, nous voulons simplement éveiller leur méfiance, guider leur esprit d’observation, et, par là, les mettre en garde contre certaines défectuosités, certains abus. Nous tenons surtout à reviser clairement la critique d’une question dont la solution reste encore obscure, parce qu’elle a été traitée avec trop de parti pris.

Cependant, si nous rapportons et les critiques et les conseils réfléchis des savants qui se sont occupés de la question, si nous les commentons ensuite, on constatera que c’est pour en tirer de meilleures applications techniques, pour en constituer la base d’une réforme qui s’impose à une confection trop indigente, trop rudimentaire, physiologiquement. Enfin, si nous exposons en pleine lumière les réserves, les précautions indispensables que l’hygiène et la thérapeutique prescrivent en cette matière, c’est pour que le grand public féminin saisisse plus vivement combien la conception, l’application du corset de toilette restent choses difficiles, délicates, scientifiques même. D’ailleurs, nous verrons que la réaction en faveur du corset rationnel — dont l’usage a été formellement interdit par certaines universités à leurs élèves — se manifeste un peu partout aujourd’hui. Notre protestation personnelle, déjà ancienne, a eu quelque écho. L’opinion que nous avons recueillie chez nombre d’hygiénistes et de praticiens français s’est répercutée jusqu’en Allemagne, où une célébrité médicale, le Dr Moeller, déclare : « Que l’abolition du corset est chose absurde et anti-hygiénique, parce que le corset bien compris peut avoir un rôle important, qui est de soutenir les épaules et la poitrine, tout en assurant aux poumons un jeu plus libre ».

Bien qu’insuffisante, cette définition était bonne à recueillir ; elle contient implicitement une partie de ce que nous établirons par la suite. En fait, le problème présentait trois difficultés principales, dominantes, à résoudre : 1° maintenir à leur niveau fonctionnel, dans leur situation normale et sans constriction, tous les organes abdominaux ; 2° soutenir symétriquement le rachis, le squelette thoracique, les seins, tout en libérant les poumons ; 3° enfin, assurer ou restituer à la stature féminine l’aisance des flexions, la grâce, la distinction d’allure que la femme moderne s’efforce d’atteindre sans toujours y réussir. Or, à ce point de vue particulier, l’opinion du regretté Dr Proust, de l’Académie de Médecine, mérite d’être citée textuellement. L’avis de cet éminent praticien a une saveur toute particulière, un caractère éducateur dont nous ne voulons point priver nos lectrices :

« Toute compression excessive, dit cet auteur, en gênant la circulation capillaire, produit, sur toutes les parties du corps où elle s’exerce, des congestions dangereuses et des déformations souvent incurables. Il ne faut pas que le corset porte jusqu’à l’exagération la finesse de la taille. Il y a une perversion de goût et, disons-le, un coupable attentat contre soi-même dans cette application de certaines femmes à réduire à un étranglement ridicule et choquant la partie moyenne du corps. La femme mince est loin d’être la femme svelte. Le corset trop serré, trop raidi par les lames de baleine, détruit l’ondulation des lignes, rend la marche saccadée, plaque le visage de rougeurs malsaines et contrarie surtout le jeu libre des organes respiratoires ».

On ne saurait mieux dire. Et cependant, M. le Dr Proust ne condamne point le corset. Bien au contraire, car il ajoute comme un juste correctif, comme une indication pratique, la réserve suivante : « Loin de nous cependant la pensée de faire au corset un procès trop sévère. Il est indispensable pour assurer le développement régulier des formes, pour maintenir les femmes et les adolescentes dans l’habitude de se tenir droites et de ne point s’abandonner à une liberté d’allures très nuisible à la beauté ».

Dès lors, appuyé sur l’avis des Docteurs Bouvier et Proust, ces deux magistrales autorités, peut-être pourrait-on borner ici la démonstration et conclure. Nous pensons au contraire que la vérité tout entière doit être connue de nos lectrices.

« Le vrai, le vrai seul ! » s’est écrié, dans un élan de sincérité philosophique, un écrivain distingué mais sceptique. Qu’on nous permette de reprendre cette forte parole pour l’adapter aux proportions de notre cadre. Qu’on nous laisse appliquer cette méthode rigoureuse à un sujet traité communément de façon trop légère. Le madrigal, la flatterie spéculatrice, si souvent exploités à cette occasion par ceux qui vivent de la mode, n’auront point ici leur place. Pour avoir prétentieusement tourné quelques précieuses fadeurs à l’adresse de la clientèle mondaine, lui aura-t-on rendu meilleur service ? Point. Nous ne tenterons pas d’égarer une fois de plus la finesse instinctive des femmes. Nous entendons faire œuvre plus sérieuse, plus utile, au profit d’une clientèle très mal informée d’un sujet qui l’intéresse directement.

En ce sens, et pour modifier une négligence, une indifférence dangereuses, il nous paraît urgent de combler certaines lacunes descriptives et de présenter franchement une série d’observations professionnelles dont l’importance n’échappera à personne.

Que nos lectrices consentent donc à entendre ce qu’on leur a trop dissimulé jusqu’ici. Qu’elles acceptent des indications qu’elles pourraient suivre en tout état de cause. Il est nécessaire que la femme s’affranchisse définitivement d’une ignorance qu’elle paie trop cher ensuite. Courageusement, méthodiquement, entrons donc dans le vif de notre sujet. Au cours de notre examen, si nous devons toujours avoir présents à l’esprit les graves défectuosités, les méfaits bien connus et hautement critiqués du corset de toilette, nous devrons encore dénoncer — et c’est le point le plus délicat de notre tâche — les innombrables tares vertébrales et thoraciques observées dans la clientèle mondaine, chez un très grand nombre de personnes qu’on supposait douées au moins d’une plastique normale.

Écartant alors les subtilités de langage et les illusions dangereuses, nous confesserons que nos applications quotidiennes révèlent trop souvent de véritables déformations vertébro-thoraciques chez des femmes qui ont tout le temps de s’occuper d’elles-mêmes, de se soigner, et qui, observatrices superficielles, se croyaient absolument indemnes, bien faites même[17].

Or, ces constatations si fréquentes, si frappantes, devaient nous amener à fondre, à combiner les éléments techniques, complexes, puisés au cours de notre pratique professionnelle, et cela, pour en constituer la méthode génératrice d’une confection anatomo-physiologique du corset de toilette. Il était d’autant plus urgent d’aviser, que les dames restent à la merci d’habilleuses dont l’ignorance, l’obligeance ou le calcul s’ingénient à cacher la désagréable vérité.

Tout d’abord, le public féminin devait être averti, sérieusement renseigné. Puis, loin des procédés et des formes condamnables, on devait chercher, trouver un type rationnel adaptable à toutes les dispositions anatomo-plastiques féminines. Ces dispositions devaient restituer enfin au squelette et aux muscles du tronc, ainsi qu’aux organes internes, la plus large somme de liberté alliée à une hygiénique contention. À ce point de vue, de beaucoup le plus important, il fallait procéder expérimentalement. Appuyé sur une sérieuse topographie anatomique et sur une observation méthodique, soutenue, des phénomènes mécaniques, désorganisateurs, qui suivent l’application des mauvais corsets, on devait constituer une méthode vraiment rénovatrice et appuyer cette méthode sur une expérience orthopédique vérifiée. Qu’on ne s’étonne pas trop de cette dernière nécessité. Nous nous en expliquerons au chapitre suivant.

Avant tout, il fallait en finir avec les deux grandes causes perturbatrices signalées, condamnées par tant d’auteurs compétents, autorisés : 1° La striction dangereuse, déformatrice, circulairement répartie sur le thorax par le corset ; 2° l’action mécanique latéro-antérieure, nocive, exercée par cet ajustement sur tous les viscères abdominaux.

Or, si aride, si peu récréatif que cela puisse leur paraître de prime abord, que nos lectrices veuillent bien nous suivre un moment sur le terrain technique où nous nous proposons de les guider et où elles formeront leur conviction.

Squelette thoracique normal.
xL’angle xiphoïdien A’, B, G, a conservé son ouverture normale.
xA. Sternum.
xB. Articulation costo-sternale.

Deux savants, spécialistes qualifiés, Hausmann et Dechambre[18], démontrent avec pièces à l’appui : « que le corset produit son plus fort degré de constriction au niveau des 9, 10, et 11e côtes. Des mensurations faites sur cent femmes, il résulte qu’on a trouvé entre le périmètre de la 4e et 5e côte et le périmètre au niveau des 8e et 9e côtes, une différence de 6 à 10 centimètres au détriment du dernier ». Un premier sillon costal se produit ainsi à la partie inférieure du thorax, en altérant à la fois et sa forme et sa fonction.

Mais un second stigmate important, se manifeste

en même temps,
Squelette thoracique déformé d’après Chapotot.
xxxL’angle xiphoïdien A’, B, C s’est fermé, le sillon central est visible au niveau des 8e, 9e et 10e côtes.
c’est la diminution de l’angle xiphoïdien. « Les

côtes refoulées en dedans et en bas, nous dit Chapotot, tendent à se rapprocher de la ligne médiane, à effacer l’espace xiphoïdien, pendant que leur courbure verticale s’accuse jusqu’à former une sorte d’angle en avant de la ligne axillaire »[19].

Le thorax prend alors la forme d’un baril[20]. Le schéma suivant, pris dans une thèse des plus intéressantes, éclairera cette courte description. L’action auto-déformatrice exercée par le corset mal fait est donc nettement, dûment constatée. Ce dernier imprime son stigmate par une déformation osseuse qui ne disparaîtra plus.

Ce n’est pas tout. Il nous faut encore comprendre la réaction mécanique, pathogène, du corset sur la mécanique respiratoire.

Au cours de la respiration, on sait que les côtes, articulées aux vertèbres, se soulèvent en masse et se rapprochent les unes des autres sous l’impulsion des muscles inspirateurs. Le thorax intercepte alors des espaces de section elliptique de plus en plus grands et porte en tous sens ses diamètres au maximum d’ouverture. En sorte qu’au sommet de l’ascension costale (inspiration complète) le thorax présente une capacité notablement plus grande qu’au dernier temps de la respiration (expiration achevée). Or, le corset ajusté, constitué de tissus inextensibles, coupé sur des patrons anti-anatomiques, ne peut se prêter à cette ampliation pneumo-costale et limite, diminue d’autant le champ respiratoire[21]. Enfin, au deuxième temps de la respiration (expiration complète), les côtes, physiologiquement redescendues, occupent de nouveau l’espace périmétrique plus restreint qu’elles interceptaient au début du premier temps. Ici encore, sous l’action des corsets inextensibles, en serrage permanent, ce mouvement ne peut s’accomplir entièrement. À la déformation thoracique signalée plus haut, s’ajoute donc une véritable entrave au jeu souple des articulations chondro-sternales, à l’inspiration et à l’expiration pulmonaires. L’étendue des mouvements respiratoires est ainsi gravement diminuée. Sous cette striction déformatrice, l’appareil pneumo-costal n’a plus son libre jeu dans les espaces normaux ; le diaphragme fonctionne à peine ; d’où une respiration moins profonde, plus rapide, moins oxydante du sang[22].

De ce vice de confection, de ce serrage circulaire, résulte encore une mauvaise circulation capillaire, et, à la longue, une atrophie marquée des muscles thoraciques, immobilisés, compressés par l’entrave irréductible appliquée tout le jour à l’appareil musculo-costo-respiratoire. Par suite, il se peut produire une dégénérescence de la fibre musculaire, un affaiblissement de sa tonicité, de sa résistance normale. À tel point que certaines femmes ne peuvent plus se soutenir sans fatigue, sans effort, sans douleur musculaire, quand elles sont privées de leur corset[23].

Devant de telles constatations, que restait-il à faire pour libérer absolument le système respiratoire, pour céder à l’ampliation thoracique ? C’est alors que nous avons mis à contribution et combiné tous les moyens, tous les procédés dont notre expérience professionnelle nous avait démontré l’action favorable. Épousant les formes plastiques sur des repères anatomiques rigoureusement déterminés, nous avons profilé et cambré la taille au point d’élection[24], en libérant même les côtes inférieures. Puis, aux tissus rigides, obstinément employés par la confection traditionnelle, nous avons associé l’emploi de tissus extensibles et aérophiles à la fois, comme nous le pratiquions déjà depuis de longues années en orthopédie et en physiologie. Par ce moyen, nous laissons aux articulations chondro-costo-sternales et costo-vertébrales toute l’amplitude de leur course oscillatoire, toute leur souplesse de jeu, en restituant par ce fait même au diaphragme toute l’énergie de son action. En employant ces tissus, en les ajustant sur une coupe anatomique précisément adaptée au fonctionnement normal des organes, nous poursuivions un triple résultat : 1° accompagner, faciliter le rythme respiratoire et permettre la libre augmentation des diamètres thoraciques pendant l’inspiration profonde ; 2° restituer à la femme vêtue de son « corps de baleine » la respiration abdomino-diaphragmatique entravée par les corsets les plus réputés, les plus modernes ; 3° enfin, respecter et contenir en place la masse viscérale, définitivement affranchie de toute constriction, préservée de tout déplacement, de toute ptose.

Ce n’est pas tout, car si l’on nous a exposé les conséquences pathologiques des troubles que le corset détermine par son action mécanique, troubles portant sur la circulation, la respiration et la digestion, on ne nous a pas offert encore le moyen pratique d’affranchir le public féminin de tout ce cortège de phénomènes pénibles, dangereux. Là encore, pour les supprimer, on devait examiner les effets que la constriction et le refoulement latéro-hypogastrique peuvent avoir sur la situation et le fonctionnement des viscères abdominaux. Or, les organes de la nutrition, et surtout l’estomac, ont beaucoup à souffrir de la pression exercée par le corset. Le foie, la rate, les reins, l’utérus même peuvent être intéressés. En effet, le corset mal fait exerce au niveau des hypocondres et sur la région épigastrique une pression des plus anti-physiologiques. Cette action mécanique, qui a pour effet de porter le trouble dans la statique abdomino-épigastrique, entraîne à sa suite, nous dit un auteur : « la flacidité de l’abdomen, l’hypostase, l’atonie et la ptose des différents viscères, en particulier de l’estomac, ce syndrome de l’entéroptose et de l’atonie gastro-intestinale neurasthénique ». Cette action peut encore refouler le foie et la rate en bas et en avant. Ce mécanisme de déplacement nous est expliqué de la façon suivante : « Refoulés de haut en bas et d’avant en arrière, ces organes trouvent l’angle xiphoïdien dans l’aire duquel ils cherchent à passer ; mais cet angle se rétrécit lui-même sous l’action d’un serrage exagéré, et, d’autre part, le busc est là, formant une barrière rigide et compressive, refoulant en arrière et en bas les organes qui viennent faire une poussée derrière lui. Ils sont obligés de suivre la seule route qui leur reste ouverte : la cavité abdominale où ils pénètrent en suivant la filière formée par le corset. En effet, tandis que la constriction resserre la partie la plus large de l’abdomen, la région ombilicale se dilate, propulsée en avant ; l’aire la plus grande diminue, la plus petitegrandit ».

Situation de l’estomac normal, d’après Chapotot
En résumé, les organes situés au niveau des hypocondres sont pris entre trois forces expulsives : « deux latérales et une antérieure. En même temps qu’elles agissent perpendiculairement à la paroi, elles agissent aussi verticalement, la résultante est donc oblique en bas et en dedans »[25].

Mais au milieu de tout cela que devient l’estomac ? « Ce dernier est saisi entre la rate et le foie, plus résistant que lui ; forcé de s’aplatir plus ou moins, et, pour récupérer son volume normal, il s’effile et bascule en bas, cherchant de l’espace dans la cavité abdominale, en même

temps qu’il est refoulé à gauche par le foie
Trouble de la statique abdomino-épigastrique. Situation anormale de l’estomac disloqué par le corset, d’après Chapotot.

« plus lourd et plus volumineux que la rate. L’estomac dont la statique est modifiée, tend à reprendre une situation qu’il avait dans l’enfance et surtout pendant la vie intra-utérine ; il s’adapte à l’espace qui lui est laissé libre. Sous l’influence du corset, l’estomac peut devenir vertical, le pylore s’abaisser, la grande courbure descendre plus ou moins au-dessous de l’ombilic »[26].

Schéma donnant la forme normale de toute la région épigastrique et abdominale et montrant la situation et la forme du foie normal.
D’après Chapotot.

D’où une véritable dislocation de l’estomac, amenant une série de troubles gastriques, parfois fort graves, trop connus du grand public féminin pour que nous insistions ici[27].

Est-ce tout enfin ? Non pas. Tous ces désordres sont solidaires. Et l’estomac ne peut subir une pareille déformation sans que le foie ne se déplace et soit déformé primitivement. Ce fait a été fréquemment observé. On a pu constater par exemple que la constriction exercée par le corset peut aller jusqu’à imprimer les côtes dans le foie et jusqu’à l’abaisser. Corbin prétend que c’est la partie antérieure du foie qui descend, de sorte que sa surface normalement supérieure devient antérieure et verticale.

Le rein lui-même, avons-nous dit, peut être déplacé : « Jusqu’à l’apparition

des travaux du Dr  Glénard,
Schéma démontrant la forme anormale de toute la région épigastrique et abdominale et la situation nouvelle du foie déformé et entraîné par en bas, d’après Chapotot. On remarquera la dépression épigastrique, celle des hypochondres, la saillie abdominale et la diminution de capacité du ventre.


on considérait comme très rare le prolapsus du rein. Mais cet auteur déclare qu’on peut avoir une néphroptose sans être malade et avoir la maladie dite du rein mobile sans avoir de néphroptose ». « Il soutient enfin que la néphroptose peut être due au corset ». Or, observe E. Chapotot, il est un point sur lequel on n’a pas suffisamment insisté. Cet auteur reprenant la description de Bouchard, qui explique la descente du rein par la congestion du foie, affirme que c’est constamment à droite que l’on trouve l’ectopie rénale. Pourquoi ? Parce que c’est le foie qui le chasse de sa loge. L’action du foie refoulé par le corset, se répercuterait donc à la fois sur l’estomac et sur le rein. En ce qui concerne ce dernier, Bouchard dit : « Qu’on trouve l’ectopie du rein droit chez les dilatés dont le thorax est le siège d’une constriction habituelle à sa base ». Le mécanisme de déplacement s’expliquerait ainsi : « le corset empêche le foie, lorsqu’il augmente de volume, de passer au devant du rein. Or, lorsqu’il se produit des poussées congestives hépatiques, de dix à quinze fois par an, on comprend, dit Chapotot, que le foie, refoulé peu à peu, se déplace consécutivement à l’élongation graduelle de ses attaches vasculaires »[28]. L’action du corset dans la néphroptose, dans l’ectopie rénale, paraît donc également et sérieusement établie.

Arrivés ici à peu près au terme de notre examen, résumons donc brièvement les accusations portées, solidement établies, contre le corset mal fait : déformation costo-thoracique au niveau des 8e, 9e et 10e côtes, — rétrécissement de l’angle xiphoïdien, — projection sternale exagérée, — diminution de la capacité pneumo-costale, — entrave au mécanisme respiratoire, — atrophie des muscles thoraciques, — refoulement et plissement du plancher diaphragmatique, — diminution de la circulation capillaire, — dislocation de l’estomac avec tous les troubles qui en résultent, — enfin, déformation, altération et ptose de tous les organes abdominaux[29].

Or, qu’a-t-on su opposer jusqu’ici à un réquisitoire aussi formidable ? Quelles dispositions nouvelles, quels progrès sérieux, réels, quelles modifications anatomo-physiologiques enfin les professionnels du corset ont-ils imaginés pour donner satisfaction aux trop légitimes griefs dont nous venons de voir l’inquiétant exposé ?

Pour notre compte, si nous avons résolu de justifier l’usage du corset, c’est après avoir affranchi ce dernier d’une confection trop ignorante des prescriptions indiscutables ; c’est après l’avoir doté de dispositions anatomo-plastiques nouvelles, vérifiables, qu’on cherche à copier de toutes parts.

De cette méthode génératrice, expérimentale, de cette adaptation physiologique, dont nous complétons ici le sommaire exposé, est sorti une technique neuve aussi.

Entre autres modifications, un dispositif récent nous permet de placer aux parties antero-latérales du corset, au niveau des articulations costo-vertébrales, costo-sternales et de l’interligne costo-pelvien, un tissu spécial qui assure l’intégralité du soulèvement et de la projection respiratoires. Ce procédé nous procure un autre avantage précieux. Il évite la réaction sur les viscères abdominaux par pression oblique de haut en bas, laissant ainsi intacte toute l’énergique résistance du plancher diaphragmatique, laissant encore tous les organes abdominaux à leur hauteur et à leur place.

Ce résultat, d’une importance capitale, a été réalisé sur une coupe d’ajustement anatomo-plastique élégante, qui sied admirablement à la régularité naturelle des lignes, à la finesse des ajustements, à l’aisance, aux dégagements du corsage. Il semble même que cette coupe normale s’harmonise plus heureusement avec la grâce des reliefs du buste, la souple correction, la distinction de la stature, toutes choses auxquelles les corsets du commerce ne sauraient prétendre.

En effet, épousée, cambrée au point d’élection ilio-costal, la taille se modèle plus avantageusement par des courbes plus harmonieuses, plus naturelles, plus symétriques. Précises et raisonnées, ces proportions anatomo-périmétriques assurent à notre corset une stabilité, une fixité qui l’empêchent de remonter vers les aisselles pendant la station assise et les grandes flexions. On sait que cette strangulation ascensionnelle constitue l’une des grosses défectuosités des corsets en général.

Or, cette défectuosité nuit à la plasticité du corsage et constitue de plus un très grave inconvénient physiologique. Tout corset représente en effet une sorte de cornet de section cylindro-conique qui vise à arrondir la taille ; mais, en se déplaçant, il remonte pour opposer ses plus petits diamètres, angle de confection de la taille[30], aux diamètres les plus larges du buste, niveau des 8e, 9e et 10e côtes. Dans ce mouvement ascensionnel, il oppose donc un obstacle supplémentaire à l’ampliation thoracique, au rythme respiratoire. Or, cette difficulté, nous l’avons réduite. Et cela nous a procuré par surcroît le moyen d’éviter l’application des ressorts et des baleines, si malheureusement incorporés dans les flancs et sur les hanches. Nous supprimons en partie, par cela même, une armature mal disposée, nuisible à la statique régulière du buste, qu’elle raidissait et blessait, en limitant de plus l’étendue, l’aisance des flexions.

En somme, à la suite d’une révision minutieuse des graves, des indiscutables objections opposées à l’usage du corset de toilette, nous tenions à démontrer que nous avions pratiquement réussi à réduire les multiples difficultés qui se dressent devant la réalisation de cet ajustement, parce que nous le confectionnons avec le respect absolu des règles formelles dictées par la science.

Nous tenions à prouver encore que cette confection expérimentale était absolument conciliable avec une esthétique rationnelle, proportionnelle, normalement idéalisable, esthétique que nous pouvons en tous cas compléter par de légères modifications orthopédiques, lorsque ces dernières sont formellement indiquées.

Avant de condamner absolument le corset, peut-être aurait-on dû se rendre compte du parti qu’il est possible d’en tirer, à condition de lui imposer les réformes indispensables.

Le public féminin n’a si prodigieusement généralisé l’usage du corset, que parce qu’il n’est plus une seule femme qui ne sache, qui ne sente au moins instinctivement que le corsage surtout doit être irréprochablement habillé ; pas une qui ne fasse effort pour y réussir[31]. La critique est fort aisée, j’en conviens ; mais n’est-il pas préférable de rechercher les moyens propres à doter les dames de l’ajustement hygiénique qui leur est indispensable ? Qu’on cesse donc de morigéner le public féminin sur ce point ; qu’on lui apporte préférablement une solution qui concorde avec les enseignements de l’hygiène et de la physiologie. La femme ne renoncera plus désormais à orner, à parer son buste, c’est-à-dire ce qu’elle présente de plus délicat, de plus sculptural, de plus noble dans ses onduleux contours. À toutes les époques, avec leur sentimentalité aiguë, leur sens de l’esthétique, leur idéalisme profond, les grands artistes ont su en tirer des effets merveilleux, que nous retrouvons gravés dans le marbre ou fixés sur la toile. Avec leur science des proportions, leur originalité professionnelle, leur respect du normal, ils ont su faire jaillir de leur ciseau ou de leur palette tout ce que la femme peut offrir de charme naturel, de grâce correcte, de-fierté douce, de suave distinction. Par une mise en œuvre adroite et fidèle à la fois, très exclusive du phénoménal, ils ont su reproduire et placer dans un relief charmant les courbes élégantes du buste féminin. Or, s’ils nous ont doté de tant de chefs-d’œuvre dans lesquels ils ont idéalisé, poétisé la nature, c’est qu’ils professaient l’horreur du phénoménal, nous le répétons, et le respect absolu, le culte des proportions naturelles, parfaites…

C’est ce que la mode ne devrait jamais oublier.

D’ailleurs, disons-le nettement, que recherche la femme de goût depuis qu’elle fait usage du corset ? Qu’en espère-t-elle à notre époque ? N’est-ce point un relief discret des formes régulièrement esquissées ? N’est-ce pas un support commode, proportionnel, reproduisant un galbe souple dans sa symétrie ? N’est-ce pas une aisance, une franchise d’allures qui, tout en plaçant la beauté honnête du corsage au premier plan, laisse aux lignes du buste une grâce plastique d’autant mieux appréciée qu’elle reste comme voilée d’une aimable réserve ?

C’est au moins notre conviction d’avoir touché ces résultats avec le nouveau corset anatomo-plastique que nous présentons à la clientèle féminine et au corps médical.

Ce corset fournit toutes les garanties nécessaires : s’il corrige, assure et rehausse la beauté régulière des lignes, la souple aisance du port, il protège et contient à leur niveau fonctionnel, par surcroît, les organes si fragiles de la femme[32].

Ainsi, cette dernière sera mise enfin en situation de respirer, de digérer, de se nutrifier, de se mouvoir librement et de vivre sans souffrir dans ses ajustements. En ce sens, nous croyons avoir créé une nouvelle esthétique du corset-toilette, basée sur la constitution anatomo-plastique de la femme, esthétique qui s’harmonise absolument avec l’art des toilettes modernes, mais sans nuire en quoi

que ce soit à l’équilibre et aux fonctions physiologiques.
LE CORSET
ANATOMO-PLASTIQUE
au point de vue orthopédique

Conseils aux mères de famille



A u cours de ce travail, nous avons parlé des innombrables tares vertébro-pelvi-thoraciques que nous découvrons journellement dans la clientèle mondaine à laquelle nous appliquons nos corsets de toilette, nos corselets et nos ceintures abdomino-hypogastriques. Assez rares chez l’enfant, nous avons dit que ces tares précédaient un peu l’époque du développement et de la puberté chez l’adolescente, ou coïncidaient avec le moment où la constitution générale de la jeune fille nubile subit les transformations bien connues. Jointes à l’action de cette grande activité physiologique, on a invoqué d’autres raisons, incriminé d’autres causes. Sans doute, celles qui peuvent agir sur le squelette féminin pour le déformer sont assez nombreuses : l’hérédité, les maladies de l’enfance, un mauvais fonctionnement de l’estomac et l’insuffisante nutrition qui s’ensuit, la position scolaire trop prolongée, de défectueuses conditions hygiéniques, se peuvent traduire par une influence désastreuse à ce point de vue. Cependant, nous sommes bien obligés de constater, de dire que ces déformations, ces tares se manifestent fréquemment au milieu même des meilleures conditions d’existence, de confort et d’hygiène. C’est pourquoi, dans toutes les classes de la société, l’attention maternelle devra porter avec sollicitude, avec intelligence, non-seulement sur l’état de l’organisme en général, mais encore et surtout sur le thorax des enfants : sur la poitrine, le bassin, les épaules, les flancs, la colonne vertébrale. Les causes externes, mécaniques, occasionnelles de ces déformations, surtout dans les grandes villes, paraissent fort nombreuses. Il nous suffira d’énoncer ici les plus communes pour éveiller et tenir en haleine l’attention des femmes, des mères prévoyantes.

Signalons tout d’abord le manque d’air pur dans une atmosphère mal renouvelée : chambre à coucher d’un cube insuffisant, obscure, mal aérée ; études prolongées en mauvaise position sur un matériel scolaire défectueux ; insuffisance du repos intellectuel après un travail intensif ; exercices physiques trop rares ou mal entendus ; nourriture plus excitante que nutritive ; asymétrie des membres inférieurs ; attitudes professionnelles ; affaissement des os du tarse (pied plat), etc ; enfin et surtout, l’ignorance, l’inattention, la négligence, la temporisation maternelles devant des symptômes qui, aperçus à temps, permettraient de réagir avec efficacité. Les déformations, réputées insignifiantes au début, qui peuvent engendrer à leur suite de véritables difformités, si l’on n’y met bon ordre, sont tellement communes que nous nous demandons si elles n’atteignent pas la majorité des jeunes filles pendant la période relatée plus haut[33]. Si l’on ne réagit au début dans ce cas, on ne le pourra plus ensuite qu’au prix des plus grosses difficultés et d’un traitement méthodique, sévère.

Pour le plus grand nombre, ces déformations costo-thoraciques primitives ont débuté par des désordres, des phénomènes statiques parfois obscurs, parfois faciles à vérifier. Or, ici, pour la mère de famille, la question suivante se pose d’elle-même : Comment se rendre compte du danger menaçant ?

Cela n’est pas très complexe. La mère devrait fréquemment examiner le thorax de son enfant, de la base au sommet. Le torse, nu du bassin aux épaules, sera géométriquement comparé. Si la partie antérieure du buste, les épaules, les clavicules, les seins, les hypocondres et les épines iliaques antéro-supérieures restent placés sur une série de lignes parfaitement horizontales, — si les deux angles thoraco-brachial sont également ouverts et que les saillies costales antérieures offrent un relief semblable, c’est qu’il n’y a rien de ce côté (voir la figure 1).

On passera ensuite à l’examen du dos. Si la ligne rachidienne est parfaitement perpendiculaire, — si elle n’offre aucune sinuosité, — si l’angle inférieur des omoplates reste situé sur une même ligne horizontale et offre un double relief vraiment symétrique,

c’est que rien probablement n’est encore
Fig. 1 — Lignes passant : 1° par le sommet des clavicules.
xxx2° Le centre des mamelons.
xxx3° Le bord supérieur des crêtes iliaques.
xxx4° Le sommet des épines iliaques.

faussé dans la statique vertébrale et dans les pièces du thorax (voir la figure 2). Cette symétrie, cette régularité générale sera des plus rassurantes. Cependant, on placera le sujet debout et de profil devant soi. Dans cette position, on vérifiera avec soin si la courbure dorsale supérieure n’est pas trop prononcée, « si le dos n’est pas trop voûté », suivant l’expression vulgaire. À cette hauteur, la courbe dorso-vertébrale doit présenter une ligne à peine convexe, corrigée par une légère réaction cervicale, qui plante le cou droit sur les épaules. Si tout paraît normal à ce point de vue, s’il n’y a pas de tendance à la cyphose, on passera, toujours dans la même position, à l’examen de la courbe lombaire.

Fig. 2. — Lignes passant : 1° Par l’angle inférieur des omoplates.
xxx2° Ligne indiquant le niveau de l’angle thoraco-brachial.
xxx3° Ligne sous-fessière.
xxx4° Angle thoraco-brachial. L’espace entre le bras et la taille doit être le même de chaque côté.

Cette dernière peut être légèrement cambrée, c’est-à-dire rentrante. Cependant, elle ne devra pas s’incurver au point d’être choquante. Dans ce dernier cas, elle constituerait une déformation nommée lordose. Pour plus de facilité, on pourra comparer ces différents points anatomiques avec les points semblables des types de la statuaire académique ou avec des sujets du même âge, reconnus bien faits (voir la figure 3). Cette nouvelle épreuve terminée, on passera à une vérification définitive, concluante. Pour celle-ci, on placera l’enfant

debout devant soi, de face. On le fera plonger,
Fig. 3
xxx1° La première flèche indique la courbe dorsale normale ;
xxx2° La deuxième, celle de la courbe lombaire normale ;
xxx3° La troisième, indique la saillie proportionnelle du ventre.

c’est-à-dire qu’on fera fléchir le tronc à angle droit, la tête et les bras pendants, dans le relâchement musculaire. L’examinateur, alors assis, la tête de l’enfant dans les mains, affleurera de l’œil toute l’étendue de la saillie costo-dorsale bi-latérale et vérifiera, en élevant d’abord lentement le dos fléchi de l’enfant et en l’abaissant ensuite de même façon, si l’un des deux côtés n’est pas plus saillant que l’autre (voir la figure 4).

Cette dernière constatation a une importance capitale. En effet, bien que les épreuves antérieures, examen de la poitrine et du dos, n’aient rien révélé dans la station verticale, bien que ces deux régions aient paru conserver dans cette position la symétrie normale, il se peut qu’une voussure costale, légère ou parfois importante se révèle soit à droite soit à gauche du thorax postérieur en flexion. Quand cette voussure existe, elle décèle un mouvement de rotation des corps vertébraux sur leur axe vertical. Or, ce phénomène est un symptôme de la marche vers la scoliose, c’est-à-dire vers une déformation grave.

Donc, si les régions désignées précédemment ne sont point d’accord avec les repères géométriques indiqués, la symétrie à peu près parfaite, il faudra immédiatement aviser et soumettre l’enfant à un examen plus méthodique, plus approfondi. On s’adressera immédiatement à son médecin.

Les planches qu’on trouvera au cours de ce travail préciseront ce que notre description peut laisser d’obscurité dans l’esprit de nos lectrices. Mais nous surprendrions bien ces dernières si nous leur apprenions que 75 pour % des dames à qui nous appliquons notre corset-toilette présentent des tares vertébrales et thoraciques plus ou moins importantes et parfois irréparables. C’est contre ce dernier danger, signalé dès longtemps par tant de praticiens prévoyants et par les spécialistes de l’orthopédie, qu’il faut prémunir toutes les jeunes filles. Or, en prévision de ces déformations, légères au début mais qui peuvent toujours s’aggraver, que reste-t-il à faire ? Nous l’avons dit : la mère de famille prévoyante veillera en permanence sur le thorax de sa fille.

A. Horizontale passant par le sommet des omoplates. — A’. Horizontale passant par le centre transversal au dessous des omoplates, au point culminant. — B, Perpendiculaire rachidienne.

Dans tous les cas, elle ne devra laisser appliquer à cette dernière qu’un corset bien fait, spécialement ajusté, approprié pour un développement normal et en opposition avec les défectuosités vertébro-thoraciques qu’on aura relevées et dont les suites restent toujours à craindre. Dans ce dernier cas même, on pourra soumettre le corset de la jeune fille à l’examen du médecin. C’est précisément alors que le corset anatomo-plastique peut exercer une action orthopédique, contrôlée, très efficace, tout en conservant les formes élégantes qui lui permettent de servir pour toutes les toilettes. Depuis longtemps, nous employons ce corset à la correction de toutes ces tares naissantes qui se manifestent chez les adolescentes, en le complétant quelquefois par les organes orthopédiques indispensables.

Pour la femme adulte, il fallait concevoir le corset-toilette ainsi que nous l’avons décrit précédemment et le rendre aussi léger, aussi souple, aussi diminutif que possible. Mais, pour ce qui concerne l’adolescence féminine, il fallait se préoccuper de facteurs importants, supplémentaires : la plasticité, la malléabilité, l’équilibre instable des pièces du squelette thoracique, phénomènes qui se traduisent si fréquemment par des déformations spontanées. On devait tenir compte encore de l’accroissement du thorax, mais pour le soutenir en liberté, l’étayer physiologiquement pour un développement symétrique. Ces considérations diverses exigeaient donc une confection orthopédique raisonnée, basée sur des données rigoureusement vérifiées au cours d’une pratique toute spéciale. D’ailleurs, qu’on ne s’effraie point devant un mot. Notre corset anatomo-orthopédique de maintien destiné aux adolescentes, est ordonné quotidiennement par des médecins et des chirurgiens qui pratiquent exclusivement l’orthopédie[34]. Il a tout le cachet de notre corset-toilette, dont il ne se distingue que par quelques dispositions spéciales. Il est prescrit comme une sorte d’adjuvant du traitement général — massage, décubitus, gymnastique, etc., — pour les jeunes filles touchées par le rachitisme vertébro-thoracique, atteintes d’une légère déformation. À plus forte raison devrait-il être employé comme un préservatif de ces déformations. Dans ce cas, il constituera un puissant et bienfaisant auxiliaire du développement physique de l’adolescente. Par son application bien comprise, on évitera certainement les tares légères ou importantes, que nous retrouvons si souvent plus tard chez les femmes adultes. Peut-être aussi évitera-t-on des déformations plus graves. Il pourra encore être employé pour prévenir les récidives assez fréquentes chez les jeunes femmes qui, autrefois traitées, redressées, guéries, subissent cependant une nouvelle poussée déformatrice dès les premières couches et au cours de l’allaitement. Conformément à l’opinion et aux résultats de la pratique des maîtres de la chirurgie orthopédique moderne, on peut affirmer qu’il est le tuteur nécessaire, efficace, du développement régulier de la tige vertébrale et de la cage thoracique. Ce corset de toilette orthopédique se distingue encore par les avantages que lui assure une confection basée sur des règles précises que nous appliquons méthodiquement dans notre pratique quotidienne. Malgré sa grande légèreté, il a le très grand avantage de maintenir tout le buste en redressement, en bonne saillie antérieure. De cette façon, il lutte à la fois contre la cyphose juvénile et contre l’incurvation compensatrice lombaire qui en résulte fatalement. Sa coupe, sa forme très élégante, permettent l’habillement le plus ajusté, tout en laissant pleine liberté au mécanisme costal, aux hypocondres et à l’estomac.

Il est appliqué de telle sorte que le bassin est embrassé latéralement jusqu’au niveau de la ligne bi-trochantérienne, offrant ainsi un solide point d’appui à un baleinage particulier, orthopédique, d’un dispositif approprié, qui permet l’application de nos tuteurs ilio-thoraciques de correction, quand l’adjonction de ces derniers devient nécessaire.

Fig. A
Corset anatomo-plastique de maintien, muni de ses tuteurs. Face antérieure. Corset type de F. Lacroix.

Par un système de goussets pelviens rétractiles de notre invention, les crêtes et les épines iliaques antéro-supérieures sont mises en un relief utilisé comme un point d’appui pour nos tuteurs simples ou pour nos tuteurs sous-axillaires. De cette façon, les protubérances osseuses du bassin latéro-supérieur, moulées, serties, présentent un point d’appui périphérique d’une solidité suffisante, et pour l’ensemble du corset qui doit maintenir le tronc dans la perpendiculaire, et pour les organes de soutien qui complètent ce résultat en cas d’action orthopédique (voir les figures A et B).

De cette dernière disposition résulte, comme pour notre corset-toilette, une meilleure respiration abdomino-thoracique, parce que notre corset, extensible au niveau des côtes, des articulations costo-sterno-chondrales, extensible encore au niveau pelvi-hypogastrique, se prête à l’ampliation pneumo-costale et s’adjoint même à l’action des muscles inspirateurs et expirateurs.

Fig. B
Corset anatomo-plastique de maintien, muni de ses épaulières mobiles. Face postérieure. Corset type de F. Lacroix.

Construit, ajusté précisément pour chaque jeune fille, essayé, comparé, autant qu’il est nécessaire, il est muni de toutes les dispositions correctives indiquées. Ce corset enfin peut être complété, le cas échéant, d’une ou deux bandes scapulo-claviculaires (épaulières spéciales de F. Lacroix) à serrage progressif et à attaches latérales mobiles. Il est également applicable avec l’appareil crucial que certains chirurgiens nous font construire en cas de cyphose prononcée. Or, ces organes supplémentaires, souvent indispensables, sont destinés à ouvrir la ligne claviculaire, à élargir la poitrine, à faire saillir le thorax et à rectifier en l’ouvrant la courbe rachidienne dorsale supérieure. Appliqués à temps, ces procédés réussissent invariablement. Ils sont indispensables encore lorsque la menace d’une légère déviation latéro-vertébrale vient s’ajouter à un début de déformation antéro-postérieure.

En terminant, nous répétons que ce corset type, plus ou moins heureusement copié de toutes parts, est employé par un très grand nombre de praticiens spécialistes, qui le recommandent comme le tuteur indispensable d’un développement normal et comme le plus sérieux préservatif des déformations vertébro-thoraciques pendant la période de croissance, de développement.

C’est d’ailleurs de ce type que dérive notre corset anatomo-plastique, si léger et si élégant.

C’est dire qu’il assure à la fois le libre fonctionnement de tous les organes de la respiration, de la nutrition, et l’accroissement régulier, symétrique de tout le système vertébro-thoracique dont il maintient et complète physiologiquement l’équilibre normal.


Le Corset Physiologique
Le Corset Physiologique



L e Corset Physiologique
de Mme  F. Lacroix efface les tares thoraco-vertébrales et ramène la taille à ses proportions esthétiques, mais normalement exactes. Il exclut toute compression de la région abdomino-épigastrique, et, par suite, évite le refoulement de la masse viscérale.

Loin d’entraîner la ptose des différents organes abdominaux, loin d’annuler l’action du diaphragme et d’entraver celle des muscles respirateurs, ce corset, constitué de tissus rétractiles souples et plastiques, joint son action à celle des muscles du tronc et de la paroi abdominale. Ce corset n’exerce donc aucune striction nocive. À ce point de vue, il est doté de qualités remarquables : non seulement il respecte absolument l’ampliation thoracique pendant l’ascension costale au cours de la respiration profonde, mais il assure encore le retour au dernier temps de l’expiration sans se laisser entraîner par le rythme pneumo-costal. Il reste fidèlement à son point d’application anatomique, sans empiéter sur la zone des côtés inférieures, se faisant ainsi l’auxiliaire du mécanisme respiratoire.


Les mesures patrons et coupe de chaque personne, avec leurs rectifications successives, sont conservés avec leur numéro d’ordre.


Le Corset Physiologique
Le Corset Physiologique

Le Corset Physiologique de Mme  F. Lacroix prend et dessine la taille à son point d’élection anatomique, c’est-à-dire au niveau précis du versant latéro-antérieur de la crête iliaque, entre cette protubérance et la dernière côte.

Il ne diminue point par serrage ou par déplacement les diamètres de la cage thoracique. Il respecte absolument la forme, le jeu des côtes inférieures et, par cela même, assure le fonctionnement régulier du foie, trop défectueux chez la plupart des dames.

Il assure la rectitude du buste, qu’il soutient synergiquement. Par cela même, il permet une véritable symétrie d’ajustement et s’adapte merveilleusement les coupes géométriques de la mode contemporaine. Ce résultat est dû à sa confection ortho-plastique particulièrement étudiée et rectifiée pour chaque personne.

Le Corset Physiologique de Mme  F. Lacroix ramène la colonne vertébrale à l’extension intégrale.

Le Corset Physiologique
Le Corset Physiologique

Par cela même, il ramène le buste en forme et relève naturellement les seins physiologiquement replacés. Loin de diminuer l’angle xyphoïdien, il plastronne le thorax, et tend à élargir la ligne claviculaire, à faire saillir les hypocondres, à augmenter la capacité pneumo-thoracique et maintient le buste, la poitrine, dans un relief aussi esthétique que favorable à une respiration complète.

Le Corselet Physiologique
Le Corselet Physiologique

Il reçoit l’estomac et tous les viscères abdominaux pour les contenir en pleine liberté, et à leur niveau physiologique. Il cambre la taille postérieure vers les dernières articulations vertébro-lombaires, assure le jeu facile de ces dernières et, par suite, l’aisance, la souplesse des flexions pelvi-lombaires.


Le Corselet Physiologique de Mme  F. Lacroix peut se ramener aux dimensions indiquées pour les toilettes de soirées et d’apparat. Il moule et reproduit la taille par un galbe charmant d’une parfaite élégance. Il place tout le buste en un relief délicat d’une correction, d’une grâce, d’une distinction irréprochables.

Il est fréquemment employé sur nos scènes lyriques parce qu’il est une ressource précieuse pour les chanteuses, dont le jeu souple et la respiration profonde doivent se faire sans entraves. Il n’est pas d’ajustement qui ne se prête mieux à la grande toilette et à l’amazone.


Le Corset Physiologique de toilette de Mme  F. Lacroix, assure l’élégance la plus souveraine, la plus fine aux toilettes de ville ou de soirée.

Il rehausse la grâce, la distinction du corsage en même temps qu’il respecte, conformément aux

Le Corset Physiologique
Le Corset Physiologique


démonstrations précédentes, le libre jeu des organes dans leur libre espace physiologique.

Le fonctionnement normal de tout l’organisme féminin est ainsi assuré. Prenant la taille à son niveau d’élection anatomo-esthétique, il dessine le corsage sur la ligne iliaque descendante qu'il esquisse dans un relief gracieux. Par cette disposition, il donne au buste une attitude d'une correction sculpturale.


Le Corset Physiologiqu
Le Corset Physiologiqu
Le Corset Physiologique de Mme F. Lacroix s'adapte à toutes les indications de la thérapeutique. Sa forme peut se modifier suivant le cas. Il corrige toutes les tares thoraco-verté-brales et peut créer de nouveau la beauté plastique compromise. Il est souvent prescrit pour les personnes atteintes de dilatation de l'estomac et de troubles nerveux. Dans ces cas particuliers, la disposition de ses pièces multiples peuvent être adaptées aux fonctions d'une ceinture de réception, de soutien ou de compression. On peut l'appliquer par des dispositions spéciales au soulagement de certains troubles gastriques.

Il pourra rendre encore de grands services en cas de métrite, de déplacement utérin, de néphroptose, d'entéroptose, de hernie ombilicale, etc., etc.

Il réalise, en certaines circonstances, un sérieux avantage sur les ceintures abdomino-hypogas-triques ajoutées au corset, dont la pression, parfois mal répartie, comprime la masse abdominale entre deux forces de direction opposée, et par conséquent nulles ou nuisibles.

Les mesures, patrons et coupe de chaque personne, avec leurs rectifications successives, sont conservés avec leur numéro d'ordre.

CORSET-CEINTURE[modifier]


de M. le Dr Ad. Ollivier




Tous les médecins sont aujourd’hui d’accord pour conseiller aux dames enceintes de quitter, au cours du quatrième mois, leur corset ordinaire pour prendre un corset dit « de grossesse ».
Corset-ceinture
Corset-ceinture
D’autres conseillent à leurs clientes le port d’une simple ceinture. L’un et l’autre ont leurs inconvénients ; le corset exercera une compression de la région stomacale et gênera l’ascension de l’organe gestateur ; la ceinture,généralement mal faite, ne maintiendra rien du tout, et ne fournira pas les points d’attache nécessaires aux vêtements.

Il a semblé à M. le Dr Ollivier qu’un corset-ceinture remédierait à ces inconvénients et il nous a fait construire celui que nous décrivons ici. Ce corset se compose de deux parties principales :

1° Une partie antérieure ; 2° une partie latéro-postérieure. Cette dernière sert de point d’appui à la partie abdominale du corset. Moulée très exactement sur le ventre qu’elle soutient à un niveau favorable, comme la plus parfaite des ceintures, cette partie reporte au tronc tout le poids de la masse abdominale. Elle est constituée par un tissu élastique souple et ferme qui contient et soulève confortablement le ventre.

Ce corset-ceinture présente les principaux avantages suivants : il prévient les désordres qui accompagnent les grossesses laborieuses et il a le très grand avantage de s’opposer à l’affaiblissement des muscles et des aponévroses de la paroi abdominale.

Il permet l’exercice, et facilite la marche aux personnes qui le portent.

Primitivement conçu pour la grossesse, il est souvent appliqué aux femmes simplement obèses. Il assure alors une statique favorable et permet les longues promenades, parce qu’il reporte au tronc, comme dans le cas précédent, tout le poids de la masse abdomino-viscérale. On constatera en effet que son point d’appui pelvi-dorsal constitue le meilleur, le plus confortable support abdominal qui ait jamais été employé.

Corset-ceinture
Corset-ceinture

L’étendue de son large point d’appui latéro-postérieur, la contention favorable qu’il exerce obliquement de bas en haut sur la masse viscérale en font un puissant auxiliaire préventif, d’une efficacité pratique facile à reconnaître. Il est muni de goussets latéro-antérieurs extensibles qui permettent, en s’ouvrant, de suivre le développement utérin. En cas d’adipose, au contraire, son système de serrage permet de revenir sur des circonférences en régression.

Il s’applique encore en cas de tumeur intra-abdominale, d’ascite, de fibrome, de polype, etc., et rend encore, les plus importants, les plus précieux services dans ces différents cas.

AVIS[modifier]

Les nouveaux corsets orthopédiques de F. Lacroix sont universellement connus et appréciés du monde médical. Ces appareils ont été portés à un point de perfectionnement tel qu’on peut affirmer que leur application faite au moment opportun assurera le résultat recherché vainement depuis si longtemps avec les appareils similaires. Le redressement de la scoliose devient une réalisation tangible, parce que les moyens mécaniques que ce corset développe sont d’une efficacité et d’une action rapide remarquables. Avec cet appareil appliqué à temps, on ne verra plus, suivant l’expression de l’un des chirurgiens des hôpitaux qui l’emploient et dans leur clinique et dans leur clientèle, ces scolioses graves, ces déformations complexes et irrémédiables du squelette thoracique, qu’on rencontre encore si nombreuses. Après les multiples expériences suivies d’un résultat concluant, on peut affirmer que la scoliose prise à temps sera certainement redressée par le corset spécial actif de F. Lacroix.


Toutes demandes et toutes communications sur ce sujet devront être adressées a M. F. LACROIX, 7 et 9, Rue de Médicis, à Paris.


Spécialités pour Dames

CORSETS, CEINTURES, BAS-VARICES

S’adresser à Mme F. LACROIX, 7 et 9, Rue de Médicis, Paris.

  1. On raconte que lors de l’abolition de l’esclavage au Brésil, la joie fut grande chez les affranchies : elles pouvaient enfin porter un corset, usage interdit jusque-là aux esclaves. La consommation fut telle que corsetières et commissionnaires en marchandises eurent toutes les peines du monde à satisfaire la nouvelle et impatiente clientèle.
  2. À tel point qu’un auteur a pu dire que le vêtement féminin ne connaissait d’autre loi qu’une inconstance perpétuelle et indomptable.
  3. En parlant des courtisanes de la Grèce, Alexis, d’Athènes, dit : « Le ventre est-il trop gros ? On adapte des supports droits qui le resserrent et le repoussent en arrière. » — Ces supports étaient en bois de tilleul. Les hommes eux-mêmes en faisaient usage ; Cinésius, un poète d’Athènes, s’appliquait cette attelle pour dissimuler son embonpoint. Aristote l’avait surnommé, par ironie, « l’homme au tilleul, »
  4. Ces ceintures portaient encore le nom de Facia, tœnia, zona, fasciæ mamillares, etc., etc.
  5. (1) Nous avons appliqué une ceinture de Glénard pour un rein flottant, une néphroptose à droite, à une corsetière qui donnait le ton à sa clientèle. Elle s’était déformée à tel point que ses flancs ravagés offraient latéralement, exactement au-dessus des crêtes iliaques, une corniche large de trois doigts qui pénétrait jusque dans le bassin.
  6. L’embonpoint était considéré alors comme une difformité. À telle enseigne qu’un médicastre du IIIe siècle, nommé Scrémus, avait fait une grosse fortune en vendant un topique qui avait la propriété de ramener la taille à des proportions aimables.
  7. Les méfaits du corset. Thèse par Mlle Tylicka.
  8. Mœurs et costumes de P. Lacroix.
  9. Mœurs et Costumes, de P. Lacroix.
  10. Ibidem.
  11. Ce monstrueux appareil de baleine et d’acier venait d’Espagne. Il se transforma plus tard en ces grands paniers à tournure, portés jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ; ils ont tenté de reparaître il y a cinquante ans sous le nom de crinoline. Pour se faire une idée de l’immensité de cette tournure, il faut voir au Louvre le portrait en pied de l’Infante Marie-Thérèse.
  12. On possède encore, dit-on, le buse d’Anne d’Autriche, qui porte ces mots gravés : « Je repose sur le cœur de ma maîtresse ».
  13. On attribue ce retour à Mme de Maintenon. Le goût inné de la correction chez cette célèbre pédagogue rend la chose très admissible.
  14. Ce problème ne tardera pas à se poser de nouveau. La baleine se raréfie. Elle vaut à l’heure présente de 90 à 100 fr/ le kilo.
  15. Il fut considéré même comme séditieux.
  16. E. CHAPOTOT. — Thèse de Doctorat, Lyon 1891.
  17. Nous ne publierons point ici une statistique qu’on pourrait taxer d’exagération. Nous y reviendrons plus loin dans un aperçu sur nos applications orthopédiques.
  18. Maladies de la respiration.
  19. L’estomac et le corset, E. Chapotot. — Lyon 1891.
  20. Cruveilhier. — Anatomie descriptive.
  21. C’est pour cette cause que se produit une projection exagérée, anormale, en hauteur du squelette costo-sternal, qui a entraîné, en certains cas, une subluxation de l’articulation sternale.
  22. La diminution du champ de l’hématose, nous dit le Docteur Butin, « a pour conséquence une diminution de l’oxygénation du sang. Cet appauvrissement du sang fait de l’organisme un champ de culture tout préparé pour la tuberculose. »
  23. Ces douleurs ne sont autre chose que l’attestation des contractures déterminées par l’effort exagéré des muscles livrés à eux-mêmes et qui ont perdu l’endurance fonctionnelle.
  24. Ce point est situé entre la 12e côte et la crête iliaque postéro-latérale, un peu au-dessus de l’insertion iliaque du grand oblique.
  25. Cette définition de la direction imposée aux viscères abdominaux par la pression latéro-supéro-antérieure du corset est fort juste.
  26. (1) E. Chapotot.
  27. Nous renvoyons aux ouvrages spéciaux. Qu’on nous laisse ajouter cependant que certains auteurs ont attribué l’ulcère de l’estomac au traumatisme causé par le corset.
  28. Nous avons eu l’occasion d’en citer un exemple topique dans les pages précédentes.
  29. Abstraction faite encore ici de tout ce que les gynécologistes lui reprochent légitimement et qui pourrait faire l’objet d’un chapitre spécial.
  30. Angle thoraco-pelvi-brachial.
  31. Les Bayadères de l’Inde elles-mêmes, portent de temps immémorial un corset fait d’écorce d’arbre et garni d’une fine étoffe dont la nuance se confond avec celle de la peau. Elles ne le quittent pour ainsi dire jamais.
  32. De ce fait seront évités la ptose de tous les viscères et le prolapsus de l’utérus et de ses annexes.
  33. Nous avons eu l’occasion répétée de constater quelques-unes de ces tares sur le thorax même de jeunes femmes qui servent de modèle aux Beaux-Arts.
  34. En France, ce corset est très estimé. Peut-être même aurait-on tendance à trop attendre de son action, en l’appliquant à des cas graves. En Allemagne, Hoffa et Hessing, qui le fabriquent eux-mêmes, assez médiocrement d’ailleurs, lui assignent un rôle qu’il ne peut tenir en l’appliquant à des déformations trop considérables.