Le Frère et la Sœur

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Traduction par Jacques Porchat.
Le Frère et la SœurLibrairie de L. Hachette et Cietome II (p. 3-23).


LE FRÈRE ET LA SŒUR.


COMÉDIE EN UN ACTE[1].




Le cabinet de Guillaume.


Guillaume, seul. Il est à son bureau, des livres de compte et des papiers devant lui.

Encore deux nouvelles pratiques cette semaine ! Quand on se remue, on gagne toujours quelque chose ; et, quand même ce serait peu, cela fait pourtant une somme à la fin ; et qui joue petit jeu trouve toujours du plaisir même à un petit gain ; et une petite perte, on s’en console. (Entre un facteur.) Qu’y a-t-il ?

Le Facteur.

Une lettre chargée ; vingt ducats ; moitié du port franco.

Guillaume.

Bien, très-bien ; portez le reste sur mon compte. (Le Facteur sort. Guillaume considère la lettre.) De tout le jour, je n’ai pas voulu m’avouer que je l’attendais. Maintenant je puis sur-le-champ payer Fabrice, et je n’abuserai pas plus longtemps de sa bonté. Hier il me dit : « J’irai demain chez toi. » Je n’étais pas à mon aise. Je savais qu’il ne me dirait pas un mot de l’affaire, et, comme cela, sa présence m’en dit deux fois autant. (Il ouvre le paquet et compte.) Autrefois, quand je tenais mon ménage un peu moins en ordre, les créanciers muets me gênaient plus que tous les autres. Contre celui qui me poursuit et m’assiége, j’ai recours à l’impudence et à tout ce qui y touche ; l’autre, qui se tait, va droit au cœur, et demande avec le plus d’instance, parce qu’il m’abandonne son affaire. (Il rassemble l’argent sur la table.) Bon Dieu, combien je te remercie de m’avoir sorti de ces embarras et remis à couvert ! (Il soulève un registre.) Ta bénédiction dans les petites choses, à moi qui, dans les grandes, abusai de tes bienfaits ! Et pourtant… le puis-je dire ?… ce n’est pas pour moi que tu le fais, comme je ne fais non plus rien pour moi. N’était cette aimable et douce créature, serais-je assis à ce bureau, et compterais-je les sous et les deniers ? Ô Marianne, si tu savais que celui que tu prends pour ton frère, que celui qui travaille pour toi, avec un tout autre cœur, avec de tout autres espérances… Peut-être !… Ah !… C’est pourtant cruel… Elle m’aime… oui, comme un frère… Non, fi ! c’est encore de l’incrédulité, et elle n’a jamais rien produit de bon… Marianne, je serai heureux ; tu le seras, Marianne. (Entre Marianne.)

Marianne.

Que veux-tu, mon frère ? Tu m’appelles !

Guillaume.

Moi ? Non, Marianne.

Marianne.

Est-ce que la malice te pique, de me faire accourir de la cuisine ?

Guillaume.

Tu as des visions.

Marianne.

D’autres fois peut-être. Mais, Guillaume, je connais trop bien ta voix !

Guillaume.

Eh bien, que fais-tu là dehors ?

Marianne.

Rien que de plumer une paire de pigeons, parce que Fabrice soupera, je pense, avec nous aujourd’hui.

Guillaume.

Peut-être.

Marianne.
Ils sont bientôt prêts, tu n’auras qu’à dire. Il m’apprendra aussi sa nouvelle chansonnette.
Guillaume.

Tu apprends volontiers de lui ?

Marianne.

Il sait de très-jolies-chansons. Et, lorsque ensuite tu es à table et que tu penches la tête, je commence d’abord ; car je sais bien que tu souris, quand je commence une chansonnette qui te plaît.

Guillaume.

L’as-tu deviné ?

Marianne.

Oui ; qui ne vous devinerait pas, vous autres hommes ?… Si tu n’as rien d’autre à me dire, je m’en vais, car j’ai encore bien des choses à faire. Adieu !… Mais donne-moi encore un baiser.

Guillaume.

Si les pigeons sont bien rôtis, tu en auras un au dessert.

Marianne.

C’est pourtant odieux, comme les frères sont grossiers ! Si Fabrice ou tout autre bon jeune homme avait permission de me prendre un baiser, il grimperait aux murs, et monsieur dédaigne celui que je veux lui donner !… À présent je laisse brûler les pigeons ! (Elle sort.)

Guillaume.

Ange ! cher ange ! Que je puisse me contenir ! ne pas lui sauter au cou, et lui tout découvrir !… Nous vois-tu des cieux, sainte femme, qui m’as donné ce trésor à garder ?… Oui, ils savent là-haut ce que nous faisons ! ils le savent !… Charlotte, tu ne pouvais plus magnifiquement, plus saintement récompenser mon amour pour toi, qu’en me confiant ta fille à ta mort ! Tu me donnas tout ce dont j’avais besoin ; tu m’attachas à la vie ! Je l’aimais comme ton enfant… et maintenant… C’est encore pour moi une illusion. Je crois te revoir, je crois que le sort t’a rendue à moi rajeunie ; que je puis aujourd’hui habiter et rester uni avec toi, comme cela ne pouvait ni ne devait se réaliser dans ce premier rêve de ma vie… Heureux ! heureux ! Toutes ces faveurs me viennent de toi, Père céleste ! (Entre Fabrice.)

Fabrice.

Bonsoir !

Guillaume.

Cher Fabrice, je suis bien heureux. Tous les biens fondent sur moi ce soir. Mais ne parlons pas d’affaires à présent ! Voilà tes trois cents écus ! Mets-les vite dans ta poche ! Tu me rendras mon billet à loisir. Et maintenant jasons.

Fabrice.

Si tu en as encore besoin…

Guillaume.

Si j’en ai encore besoin, à la bonne heure ! Je te suis toujours obligé ; mais à présent emporte-les… Écoute : le souvenir de Charlotte m’est revenu ce soir avec une vivacité et une force infinies.

Fabrice.

Cela t’arrive souvent.

Guillaume.

Si tu l’avais connue ! Je te dis que c’était une des plus belles créatures !

Fabrice.

Elle était veuve, quand tu fis sa connaissance.

Guillaume.

Si noble et si pure ! Hier encore je lisais une de ses lettres. Tu es le seul homme qui en ait jamais vu quelque chose.

(Il va à la cassette.)
Fabrice, à part.

S’il m’épargnait seulement aujourd’hui ! J’ai déjà entendu cette histoire si souvent ! En d’autres moments, je l’écoute aussi volontiers, car cela lui part toujours du cœur ; mais aujourd’hui j’ai de tout autres choses en tête, et je voudrais justement le maintenir de bonne humeur.

Guillaume.

C’était dans les premiers jours de notre liaison. « Le monde me redevient cher, écrit-elle ; je m’en étais fort détachée : il me redevient cher à cause de vous. Mon cœur me fait des reproches ; je sens que je prépare à vous et à moi des tourments. Il y a six mois, j’étais bien préparée à mourir, et je ne le suis plus. »

Fabrice.

La belle âme !

Guillaume.

La terre n’en était pas digne. Fabrice, je t’ai déjà dit souvent comme j’étais devenu par elle un tout autre homme. Je ne puis te décrire ma douleur, quand je regardai ensuite en arrière, et que je vis mon patrimoine dissipé par ma faute ! Je n’osais lui offrir ma main ; je ne pouvais rendre sa situation plus douce. Je sentis, pour la première fois, le désir de gagner une honnête et suffisante fortune ; de m’arracher à l’ennui, dans lequel j’avais tristement traîné mes jours… Je travaillais… mais qu’était cela ?… Je persistai, et traversai de la sorte une pénible année ; enfin j’eus un rayon d’espérance ; mon petit bien augmentait à vue d’œil… et elle mourut !… Je fus accablé… Tu n’imagines pas ce que je souffris. Je ne pouvais plus voir la contrée où j’avais vécu avec elle, ni quitter le lieu où elle reposait. Elle m’écrivit peu de temps avant sa fin.

(Il tire une lettre de la cassette.)
Fabrice.

C’est une lettre admirable ; tu m’en as fait lecture dernièrement… Écoute, Guillaume…

Guillaume.

Je la sais par cœur et la lis toujours. Quand je vois son écriture, la feuille sur laquelle sa main s’est appuyée, il me semble encore qu’elle soit là… Oui, elle est encore là… (On entend crier un enfant.) Que Marianne ne puisse rester en repos ! Là voilà qui tient encore l’enfant de notre voisin ; elle s’en amuse tous les jours et me trouble mal à propos. (À la porte.) Marianne, sois tranquille avec l’enfant, ou renvoie-le, s’il n’est pas sage : nous avons à parler. (Il se recueille en lui-même.)

Fabrice.

Tu devrais réveiller moins souvent ces souvenirs.

Guillaume.

Voilà ces lignes !… les dernières ! le souffle d’adieu de l’ange mourant ! (Il replie la lettre.) Tu as raison ; c’est coupable. Que nous sommes rarement dignes de sentir encore ces moments célestes et douloureux par lesquels a passé notre vie !

Fabrice.

Ton sort me touche toujours le cœur. Elle avait laissé une fille, m’as-tu conté, qui, malheureusement, suivit bientôt sa mère. Si seulement elle avait vécu, tu aurais eu du moins quelque chose d’elle, quelque chose à quoi tes soins et ta douleur se seraient attachés.

Guillaume, se tournant vivement vers lui.

Sa fille ? C’était une charmante petite fleur. Elle me la confia… Ah ! le sort a trop fait pour moi… Fabrice, si je pouvais te dire tout…

Fabrice.

Si une fois le cœur t’y engage.

Guillaume.

Pourquoi ne devrais-je pas… ?

(Entre Marianne avec un petit garçon.)
Marianne.

Frère, il veut te dire bonsoir ! Ne va pas lui faire mauvais visage, non plus qu’à moi. Tu dis sans cesse que tu voudrais te marier, et que tu serais heureux d’avoir beaucoup d’enfants : mais on ne les a pas toujours si bien dressés, qu’ils ne crient qu’au moment où cela ne vous trouble pas.

Guillaume.

Quand ce seront mes enfants !…

Marianne.

Cela peut bien faire aussi une différence.

Fabrice.

Croyez-vous Marianne ?

Marianne.

Ce doit être trop charmant ! (Elle se baisse vers l’enfant et l’embrasse.) Je l’aime tant, le petit Chrétien ! Si seulement il était à moi ! Il sait déjà épeler ; il apprend avec moi.

Guillaume.

Et tu crois que le tien saurait déjà lire ?

Marianne.

Sans doute ! car je ne m’occuperais à rien tout le jour qu’à l’habiller et le déshabiller, à l’instruire, et le faire manger, le laver, et ainsi de suite.

Fabrice.

Et le mari ?

Marianne.

Il jouerait avec lui, et il l’aimerait sans doute autant que moi. Chrétien doit retourner chez lui et il vous salue. (Elle le conduit à Guillaume.) Ici, donne une belle main, une bonne menotte.

Fabrice, à part.

Elle est trop aimable, il faut me déclarer.

Marianne, conduisant l’enfant à Fabrice.

À ce monsieur aussi.

Guillaume, à part.

Elle sera tienne. Tu seras… C’est trop ; je ne la mérite pas… (Haut.) Marianne, emmène l’enfant. Entretiens M. Fabrice jusqu’au souper. Je veux seulement courir un peu les rues ; j’ai été assis tout le jour. (Marianne sort.) Que je respire seulement le grand air sous le ciel étoilé… Mon cœur est plein… Je reviens à l’instant (Il sort.)

Fabrice, seul.

Il faut en finir, Fabrice. Que tu diffères la chose encore et encore, elle n’en deviendra pas plus mûre. Tu l’as résolu. C’est bien, c’est parfait ! Tu aideras son frère à s’avancer, et elle… elle ne m’aime pas comme je l’aime. Mais aussi elle ne peut aimer avec passion… Chère jeune fille… Elle ne soupçonne sans doute pas en moi d’autres sentiments que ceux de l’amitié… Nous serons heureux, Marianne !… L’occasion tout à souhait et comme arrangée ! Il faut me déclarer à elle… Et, si son cœur ne me dédaigne pas… je suis sûr du cœur de son frère. (Entre Marianne.)

Fabrice.

Avez-vous emmené le petit ?

Marianne.

Je l’aurais gardé là volontiers, mais je sais que cela ne plaît pas à mon frère, et j’y renonce. Quelquefois le petit fripon lui-même lui arrache la permission de dormir avec moi.

Fabrice.

Ne vous est-il donc pas incommode ?

Marianne.

Ah ! pas du tout. Il est si turbulent tout le jour, et, quand je me couche auprès de lui, il est aussi doux qu’un agneau ! Un petit chat caressant ! Et il m’embrasse de toute sa force. Quelquefois je ne puis parvenir à l’endormir.

Fabrice, à demi-voix.

L’aimable naturel !

Marianne.

Aussi m’aime-t-il plus que sa mère.

Fabrice.

Vous êtes aussi une mère pour lui. (Marianne devient pensive ; Fabrice l’observe quelque temps.) Le nom de mère vous rend triste ?

Marianne.

Non pas triste, mais je pense seulement…

Fabrice.

À quoi, douce Marianne ?

Marianne.

Je pense… je ne pense à rien. Mais je me sens quelquefois toute je ne sais comment.

Fabrice.

N’auriez-vous jamais désiré ?…

Marianne.

Quelle question allez-vous me faire ?

Fabrice.

Fabrice l’osera-t-il ?

Marianne.

Désiré ! jamais, Fabrice. Et, lors même qu’une pareille pensée me passait par la tête, elle s’éloignait aussitôt. Quitter mon frère me serait insupportable… impossible… si séduisante que fût toute autre perspective.

Fabrice.

C’est pourtant singulier ! Si vous demeuriez près l’un de l’autre, dans la même ville, serait-ce le quitter ?

Marianne.

Oh ! jamais. Qui dirigerait son ménage ? Qui aurait soin de lui ?… Une servante ?… Ou même se marier ?… Non, ça ne se peut pas !

Fabrice.

Ne pourrait-il vous suivre ? Votre mari ne pourrait-il être son ami ? Ne pourriez-vous faire à vous trois un aussi heureux, un plus heureux ménage ? Votre frère ne pourrait-il en être soulagé dans ses pénibles occupations ? Quelle vie ce pourrait être !

Marianne.

Il y faudrait penser. Quand j’y réfléchis, c’est assez vrai. Et puis je reviens à croire que ça n’irait pas bien.

Fabrice.

Je ne vous comprends pas.

Marianne.

C’est pourtant ainsi… Quand je m’éveille, j’écoute si mon frère est déjà levé ; s’il ne bouge pas, crac, je saute de mon lit à la cuisine ; j’allume le feu, afin que l’eau chaude vivement, en attendant que la servante se lève, et pour qu’il ait son café au moment où il ouvre les yeux.

Fabrice.

Petite ménagère !

Marianne.

Ensuite je m’assieds, et je tricote des bas pour mon frère, et j’ai assez d’occupation, et les lui mesure dix fois, pour voir s’ils sont assez longs, si la jambe va bien, si le pied n’est pas trop court, tant qu’il s’impatiente quelquefois. Et moi, ce n’est pas non plus pour mesurer, c’est seulement afin d’avoir quelque chose à faire auprès de lui ; afin qu’il soit forcé de me regarder une fois, après qu’il a écrit une couple d’heures, et pour qu’il n’engendre pas mélancolie. Car cela lui fait du bien de me regarder : je le vois dans ses yeux, quand même il ne veut pas me le laisser paraître. Je ris quelquefois en secret, de ce qu’il fait comme s’il était sérieux ou fâché. Il fait bien ; autrement je le tourmenterais tout le jour.

Fabrice.

Il est heureux.

Marianne.

Non, c’est moi qui le suis. Si je ne l’avais pas, je ne saurais qu’entreprendre dans le monde. Je fais cependant tout pour moi, et il me semble que je fais tout pour lui, parce que, même dans ce que je fais pour moi, je pense toujours à lui.

Fabrice.

Et quand vous feriez tout cela pour un mari, combien il serait heureux ! Combien il serait reconnaissant, et quelle vie de famille cela deviendrait !

Marianne.

Quelquefois aussi je me la représente, et, quand je suis assise à tricoter ou à coudre, je peux m’en conter bien long sur la manière dont tout pourrait aller et devrait aller. Mais, quand je reviens ensuite à la vérité, cela ne peut jamais s’arranger.

Fabrice.

Pourquoi ?

Marianne.

Où trouverais-je un mari qui fût content, si je disais : « Je veux vous aimer, » et devais aussitôt ajouter : « Je ne peux vous aimer plus que mon frère, pour lequel il faut que je puisse tout faire, comme jusqu’à présent… » Ah ! vous voyez que cela ne va pas.

Fabrice.

Vous feriez ensuite une part pour votre mari ; vous reporteriez sur lui l’amour…

Marianne.

Voilà le nœud ! Oui, si l’on pouvait trafiquer de l’amour comme de l’argent, ou s’il changeait de maître tous les quartiers, comme une mauvaise servante. Chez un mari, il faudrait d’abord tout ce qui déjà se trouve ici, ce qui ne pourra jamais être deux fois ainsi.

Fabrice.

Bien des choses s’arrangent.

Marianne.

Je ne sais, lorsqu’il est assis à table, et qu’il appuie la tête sur sa main, qu’il baisse les yeux et reste soucieux et rêveur, je puis être des heures assise à le regarder. « Il n’est pas beau, dis-je quelquefois en moi-même, et cela me fait tant de plaisir de le regarder ! » Oui, je sens bien à présent que c’est aussi pour moi qu’il s’inquiète ; oui, son premier regard me le dit, quand il relève les yeux, et cela c’est beaucoup.

Fabrice.

C’est tout Marianne. Et un mari qui aurait soin de vous !…

Marianne.

Encore une chose : vous avez vos caprices ; Guillaume a aussi ses caprices : de lui, ils ne me fâchent point ; de tout autre, ils me seraient insupportables. Il a de légères humeurs : je les sens pourtant quelquefois. Si, dans ces fâcheux moments, il repousse un sentiment amical, affectueux et tendre… cela me blesse !… mais ce n’est qu’un moment ; et, quand même je le gronde, c’est plutôt parce qu’il ne reconnaît pas mon amour que parce que je l’aime moins.

Fabrice.

Mais, si quelqu’un se trouvait, qui, avec tout cela, voulût hasarder de vous offrir sa main ?

Marianne.

Il ne se trouvera point ! Et puis la question serait de savoir si je voudrais hasarder avec lui.

Fabrice.

Pourquoi pas ?

Marianne.

Il ne se trouvera point !

Fabrice.

Marianne, vous l’avez !

Marianne.

Fabrice !

Fabrice.

Vous le voyez devant vous. Dois-je faire un long discours ? Dois-je épancher dans votre cœur ce que le mien renferme depuis longtemps ? Je vous aime : vous le savez de longue date ; je vous offre ma main : cela, vous ne le soupçonniez pas. Je n’ai jamais vu de jeune fille qui pensât aussi peu que vous, qu’elle doit rendre sensible celui qui la voit… Marianne, ce n’est pas un amant impétueux, inconsidéré, qui vous parle ; je vous connais ; je vous ai choisie ; ma fortune est faite : voulez-vous être à moi ?… J’ai eu des chances diverses en amour ; et plus d’une fois j’ai été résolu à finir ma vie dans le célibat. Je suis à vous maintenant… Ne résistez pas ! Vous me connaissez ; votre frère et moi nous ne sommes qu’un ; vous ne pouvez imaginer un lien plus pur… Ouvrez votre cœur… Un mot, Marianne !

Marianne.

Cher Fabrice, laissez-moi du temps ; je vous veux du bien.

Fabrice.

Dites que vous m’aimez ! Je laisse à votre frère sa place ; je veux être le frère de votre frère ; ensemble nous prendrons soin de lui. Ma fortune, jointe à la sienne, lui épargnera quelques heures pénibles ; il prendra courage ; il… Marianne, je voudrais n’avoir pas besoin de vous persuader…

(Il lui prend la main.)
Marianne.

Fabrice, je n’ai jamais imaginé… Dans quel embarras me jetez-vous ?

Fabrice.

Un mot seulement ! Puis-je espérer ?

Marianne.

Parlez à mon frère.

Fabrice, à genoux.

Mon ange ! Ma bien-aimée !

Marianne, après un moment de silence.

Dieu ! qu’ai-je dit ? (Elle sort.)

Fabrice.

Elle est à toi !… Je puis permettre à la chère petite folle cet enfantillage au sujet de son frère : cela se passera peu à peu, quand nous aurons appris à nous mieux connaître, et il n’y perdra rien. Cela me charme d’aimer encore par hasard, d’être encore aimé. C’est une chose dont on ne perd jamais le goût… Nous habiterons ensemble. J’aurais d’ailleurs, depuis longtemps, mis volontiers un peu plus au large la consciencieuse économie du bonhomme : comme beau-frère, cela ira de soi-même. Autrement il deviendrait tout à fait hypocondre avec ses éternels souvenirs, ses scrupules, ses soucis de ménage et ses secrets. Tout sera pour le mieux ! Il respirera plus à l’aise, la jeune fille aura un mari… ce qui n’est pas peu de chose ; et toi, tu t’assures honorablement une compagne… ce qui est beaucoup. (Entre Guillaume.)

Fabrice.

Ta promenade est-elle finie ?

Guillaume.

Je suis allé par le marché et la rue des Prêtres et revenu par la Bourse. J’éprouve une singulière sensation, à me promener de nuit par la ville. Comme, après le travail du jour, tout jouit du repos ou se hâte d’y courir, tandis qu’on ne voit plus en mouvement que l’activité de la petite industrie ! Je m’amusais à observer une vieille marchande de fromage, qui, les lunettes sur le nez, auprès d’un bout de chandelle, mettait sur la balance un morceau après l’autre, et rognait et ajoutait, jusqu’à ce que l’acheteuse eût son poids !

Fabrice.

Chacun observe à sa manière. Je crois que beaucoup de gens ont passé par cette rue, sans avoir pris garde à la vieille marchande de fromage et à ses lunettes.

Guillaume.

Ce qu’on pratique, on s’y intéresse ; et le gain en petit est respectable pour moi, depuis que je sais combien un écu est péniblement acheté, quand il faut le gagner sou à sou. (Il reste quelques moments rêveur.) Je me suis trouvé en chemin tout je ne sais comment. Tant de choses me sont venues à la fois et pêle-mêle dans l’esprit… et ce qui m’occupe dans le plus profond de mon âme… (Il devient pensif.)

Fabrice, à part.

Ce que j’éprouve est bizarre ! Aussitôt qu’il est là, je n’ose avouer que j’aime Marianne… Il faut pourtant que je lui rapporte ce qui s’est passé… (Haut.) Guillaume, dis-moi, tu voulais déloger d’ici ? Tu as peu de place et ton loyer est cher. As-tu en vue un autre logement ?

Guillaume, distrait.

Non.

Fabrice.

Je pensais que nous pourrions nous aider l’un l’autre. J’ai là ma maison paternelle, et je n’occupe que l’étage supérieur : tu pourrais prendre l’autre. Tu ne veux pas, je crois, te marier de sitôt… Tu auras la cour et un petit magasin pour ton entrepôt, et tu me payeras un modique loyer : nous y gagnerons tous les deux.

Guillaume.

Tu es bien bon. Véritablement, cela m’est venu quelquefois à la pensée, quand j’allais chez toi et que je voyais tant de place vide, tandis que j’ai tant de peine à m’arranger… Mais il y a d’autres choses… Il faut laisser cela : ça n’irait pas.

Fabrice.

Pourquoi pas ?

Guillaume.

Si je me mariais ?

Fabrice.

Il y aurait du remède. Garçon, tu aurais place avec ta sœur, et avec une femme cela irait aussi bien.

Guillaume, souriant.

Et ma sœur ?

Fabrice.

Au besoin, je la prendrais chez moi. (Guillaume ne répond rien.) Et même sans cela ! Parlons un peu raison… J’aime Marianne : donne-la-moi pour femme !

Guillaume.

Comment ?…

Fabrice.

Pourquoi pas ? Donne ton consentement. Écoute-moi, frère : j’aime Marianne ! J’ai longtemps réfléchi à la chose : elle seule, toi seul, vous êtes en état de me rendre aussi heureux que je puis l’être encore dans ce monde. Donne-la-moi ! donne-la-moi !

Guillaume, troublé.

Tu ne sais pas ce que tu veux.

Fabrice.

Ah ! comme je le sais ! Faut-il te dire tout ce qui me manque et tout ce que j’aurai, si elle devient ma femme et toi mon beau-frère ?

Guillaume, précipitamment, en sortant de sa rêverie.

Jamais ! jamais !

Fabrice.

Qu’as-tu donc ?… Cela me fait mal… Cette répugnance… Si tu dois avoir un beau-frère, comme il arrivera tôt ou tard, pourquoi pas moi, que tu connais, que tu aimes ? Du moins je croyais…

Guillaume.

Laisse-moi !… Je n’ai pas mes idées.

Fabrice.

Je dois tout dire. Mon sort dépend de toi seul. Son cœur a de l’inclination pour moi : tu dois l’avoir observé. Elle t’aime plus que moi, je le veux bien : elle aimera son mari mieux que son frère. Je succéderai à tes droits, toi aux miens, et nous serons tous contents. Je n’ai pas encore vu de nœuds se former sous d’aussi beaux présages. (Guillaume reste muet.) Et, ce qui confirmera tout… mon ami, donne seulement ta parole, ton consentement ! Dis-lui que cela te fait plaisir ; que cela te rend heureux. J’ai sa parole.

Guillaume.

Sa parole ?

Fabrice.

Elle me l’a jetée comme un regard d’adieu, qui en disait plus que toute sa présence n’aurait pu dire. Son embarras et son amour, son désir et son émotion : c’était charmant !

Guillaume.

Non ! non !

Fabrice.

Je ne te comprends pas. Je sens que tu n’as pour moi aucune répugnance, et tu m’es contraire ? Ne le sois pas. Ne t’oppose pas à son bonheur, au mien ! Et je crois toujours que tu seras heureux avec nous !… Ne refuse pas à mes vœux ta parole, ta parole amicale ! (Guillaume garde le silence ; il est en proie à des combats intérieurs.) Je ne te comprends pas…

Guillaume.

Elle ?… Tu veux l’avoir ?

Fabrice.

Qu’est-ce donc ?

Guillaume.

Et elle toi ?

Fabrice.

Elle a répondu comme il convient à une jeune fille.

Guillaume.

Va ! va !… Marianne !… Je le prévoyais… Je le sentais…

Fabrice.

Dis-moi seulement…

Guillaume.

Que dire ?… C’était là ce qui pesait ce soir sur mon âme comme une nuée orageuse. Cela brille ! cela trappe !… Prends-la !… Prends-la !… Mon unique bien… mon tout ! (Fabrice le regarde en silence.) Prends-la !… Et, afin que tu saches ce que tu me prends… (Une pause. Il rassemble ses forces.) Je t’ai parlé de Charlotte, de cet ange, qui s’échappa de mes mains et me laissa son image… une fille… et cette fille… je t’ai menti… elle n’est pas morte : cette fille est Marianne !… Marianne n’est pas ma sœur !

Fabrice.

Je n’étais pas préparé à cela.

Guillaume.

Et j’aurais dû le craindre de toi !… Pourquoi n’ai-je pas écouté mon cœur, et ne t’ai-je pas fermé ma maison, comme à tout le monde, dès les premiers jours où je vins ici ? À toi seul je permis l’entrée de ce sanctuaire, et tu sus m’endormir par ta bonté, ton amitié, ton support, ton apparente froideur pour les femmes. De même que j’étais son frère en apparence, je pris tes sentiments à son égard pour la véritable amitié fraternelle ; et, si même un soupçon voulait se glisser parfois dans mon esprit, je le repoussais comme une bassesse ; j’attribuais sa bonté pour toi à ce cœur angélique, qui jette sur le monde entier un regard d’amour… Et toi !… et elle !…

Fabrice.

Je n’en puis écouter davantage, et je n’ai non plus rien à dire. Ainsi donc, adieu ! (Il sort.)

Guillaume.

Va ! va !… tu emportes avec toi tout mon bonheur. Ainsi traversés, brisés, tous mes plans… les plus chers, tout d’un coup… dans l’abîme ! et renversé, le pont d’or, le pont magique, qui devait me faire passer dans les joies du ciel. C’en est fait ! et par lui, le traître, qui abusait ainsi de la franchise, de la confiance… O Guillaume ! Guillaume ! tu t’emportes jusqu’à être injuste envers cet honnête homme !… Quel crime a-t-il commis ?… Tu pèses durement sur moi, et tu es juste, sort vengeur !… Pourquoi restes-tu là ? Et toi ? Juste en ce moment !… Pardonnez-moi ! N’en ai-je pas souffert ? Pardonnez !… Il y a longtemps !… J’ai souffert des maux infinis. Je paraissais vous aimer ; je croyais vous aimer ; par d’imprudentes complaisances, j’ouvrais votre cœur et vous rendais malheureux !… Pardonnez-moi ! laissez-moi !… Dois-je être ainsi puni ?… Dois-je perdre Marianne, la dernière de mes espérances, l’unique objet de mes soucis ?… C’est impossible ! c’est impossible ! (Il reste en silence. Entre Marianne.)

Marianne. Elle s’approche avec embarras.

Mon frère !

Guillaume.

Ah !

Marianne.

Cher frère, pardonne-moi. Je t’en prie par tout au monde. Tu es fâché : je le pensais bien. J’ai fait une sottise… Je ne sais où j’en suis.

Guillaume. Il se recueille.

Qu’as-tu, ma fille ?

Marianne.

Je voudrais pouvoir te conter… Cela est si confus dans ma tête… Fabrice me veut pour femme, et moi…

Guillaume, avec un peu d’amertume.

Parle franchement : tu consens ?

Marianne.

Non ! plutôt mourir ! Jamais je ne l’épouserai. Je ne peux l’épouser.

Guillaume.

Voilà un langage bien différent !

Marianne.

Et assez étrange ! Tu es bien peu gracieux, mon frère ; je m’en irais volontiers, et j’attendrais une heure favorable, si je n’avais pas besoin de soulager mon cœur sur-le-champ. Une fois pour toutes, je ne puis épouser Fabrice.

Guillaume.. Il se lève et prend Marianne par la main.

Comment, Marianne ?

Marianne.

Il était là, et il a tant parlé, et m’a représenté tant de choses, que je me suis imaginé que c’était possible. Il me pressait et je lui ai dit, dans mon étourderie, qu’il devait te parler… Il a pris cela pour un consentement, et à l’instant j’ai senti que cela ne pouvait être.

Guillaume.

Il m’a parlé.

Marianne.

Je t’en prie de toutes mes forces, avec tout l’amour que j’ai pour toi, par tout l’amour que tu me portes, répare cela ; fais-le-lui entendre.

Guillaume, à part.

Grand Dieu !

Marianne.

Ne sois pas fâché ! Qu’il ne soit pas non plus fâché ! Nous recommencerons à vivre comme auparavant et toujours de même !… Car je ne peux vivre qu’avec toi ; je ne veux vivre qu’avec toi seul. C’est là, depuis longtemps, dans le fond de mon âme, et ceci l’a fait échapper, échapper brusquement… Je n’aime que toi.

Guillaume.

Marianne !

Marianne.

Bon frère ! Pendant ce quart d’heure… je ne puis te dire tout ce qui m’a traversé le cœur… J’éprouve la même chose que l’autre jour, à l’incendie de la place du marché, que la vapeur et la fumée commencèrent par couvrir tout, jusqu’à ce que tout à coup le feu enleva le toit, et que toute la maison ne fut qu’une flamme… Ne m’abandonne pas ! Ne me repousse pas loin de toi, mon frère !

Guillaume.

Pourtant cela ne peut durer toujours ainsi.

Marianne.

C’est justement ce qui m’inquiète… Je veux bien te promettre de ne pas me marier ; je veux toujours prendre soin de toi, toujours, toujours de même… Là-haut demeurent ainsi ensemble un vieux frère et sa vieille sœur ; et je me dis quelquefois pour rire : « Que tu sois un jour aussi vieille et aussi ridée, et que seulement vous soyez ensemble !… »

Guillaume, se contenant, à demi-voix.

Si tu supportes cela, rien ne t’accablera jamais.

Marianne.

Il n’en est pas ainsi pour toi sans doute : avec le temps tu prendras bien une femme, et cela me ferait toujours de la peine, quand même je voudrais bien l’aimer aussi… Personne ne t’aime autant que moi ; personne ne peut t’aimer autant. (Guillaume essaye de parler.) Tu es toujours si réservé ! Et j’ai toujours sur les lèvres de te dire tout ce que je sens, et je n’ose pas. Dieu soit loué, que l’occasion me délie la langue !

Guillaume.

Assez, Marianne !

Marianne.

Tu ne m’arrêteras point : laisse-moi tout dire ! Ensuite je retournerai à la cuisine, et resterai des jours entiers assise à mon travail, et te regarderai seulement quelquefois, comme si je voulais dire : « Tu le sais ! » (Guillaume reste muet, au comble de la joie.) Tu pouvais le savoir depuis longtemps ; tu sais aussi comme, après la mort de notre mère, je grandis dès l’enfance et fus toujours avec toi : vois-tu, je sens plus de plaisir à être auprès de toi que de reconnaissance pour tes soins plus que fraternels ! Et peu à peu tu as pris tellement tout mon cœur, toute ma pensée, qu’autre chose a maintenant de la peine à s’y faire une petite place. Je sais bien encore que tu riais quelquefois, quand je lisais des romans. Cela arriva un jour avec Julie Mandeville, et je demandais si Henri (ou comme on l’appelle) ne te ressemblait pas… Tu riais… cela ne me plaisait point… Et je gardai le silence une autre fois. Mais pour moi c’était tout à fait sérieux ; car, tout ce qu’il y avait d’hommes les plus aimables et les meilleurs, je leur prêtais ta figure. Je te voyais te promener dans les grands jardins, et monter à cheval et voyager et te battre en duel… (Elle rit à la dérobée.)

Guillaume.

Qu’as-tu donc ?

Marianne.

Que je l’avoue encore ! Si une dame était bien jolie, et bien bonne, et bien aimée… et bien amoureuse… c’était toujours moi-même. Seulement, à la fin, lorsqu’on en venait au dénoûment, et qu’après toutes les traverses ils se mariaient… Je suis pourtant une bien naïve, bonne et bavarde petite fille !

Guillaume.

Poursuis ! (Il se détourne.) Il faut que j’épuise la coupe de la joie. Soutiens mes forces, Dieu du ciel !

Marianne.

Ce que je pouvais le moins souffrir, c’est lorsque deux personnes s’aimaient, et qu’on découvrait enfin qu’ils étaient parents, ou frère et sœur… Miss Fanny, je l’aurais brûlée ! J’ai tant pleuré ! C’est un sort si lamentable ! (Elle se détourne et pleure amèrement.)

Guillaume, se jetant à son cou.

Marianne !… ma chère Marianne !

Marianne.

Guillaume ! non ! non ! Je ne te laisserai jamais ! Tu es à moi !… Je te tiens ! je ne puis te quitter ! (Entre Fabrice.) Ah ! Fabrice, vous venez à propos ! Mon cœur est assez ouvert et assez fort pour que je puisse vous le dire : je ne vous ai rien promis. Soyez notre ami. Je ne vous épouserai jamais.

Fabrice, froidement et avec amertume.

Je le pensais bien, Guillaume. Si tu mettais tout ton poids dans la balance, je devais être trouvé trop léger. Je reviens pour vous déclarer ce que j’avais sur le cœur. Je renonce à toutes prétentions, et je vois que les choses se sont déjà arrangées. Je suis du moins charmé d’en avoir été l’innocente occasion.

Guillaume.

Point de discours amers dans ce moment, et ne te dérobe pas un sentiment que tu chercherais en vain dans le monde entier !… Regarde cette jeune fille… elle est toute à moi… et ne sait pas…

Fabrice, à moitié moqueur.

Elle ne sait pas ?

Marianne.

Que ne sais-je pas ?

Guillaume.

Ici mentir, Fabrice ?…

Fabrice, confondu.

Elle ne sait pas ?…

Guillaume.

Je le dis.

Fabrice.

Restez ensemble. Vous êtes dignes l’un de l’autre.

Marianne.

Qu’est cela ?

Guillaume, se jetant à son cou.

Tu es à moi, Marianne !

Marianne.

Dieu ! qu’est cela ? Oserai-je te rendre ce baiser ?… Quel baiser était-ce là, mon frère ?

Guillaume.

Ce n’est pas celui d’un frère qui se contient, qui semble froid ; c’est le baiser d’un amant, à jamais et uniquement heureux… (À ses pieds.) Marianne, tu n’es pas ma sœur ! Charlotte était ta mère et non la mienne.

Marianne.

Toi ! toi !

Guillaume.

Ton amant !… Dès ce jour ton époux, si tu ne le dédaignes pas.

Marianne.

Dis-moi comment il était possible…

Fabrice.

Jouissez de ce que Dieu lui-même ne peut vous donner qu’une fois. Acceptez-le, Marianne, et point de questions… Vous trouverez assez de temps pour vous expliquer.

Marianne, regardant Guillaume.

Non, ce n’est pas possible !

Guillaume.

Mon amante ! ma femme !

Marianne, à son cou.

Guillaume, ce n’est pas possible !




FIN DU FRÈRE ET DE LA SŒUR.

  1. En prose, dans l’original.