Le Mirage perpétuel/LA MUSIQUE/Violon

La bibliothèque libre.
Librairie Paul Ollendorff (p. 85-87).


VIOLON



Boîte petite et sombre où dort l’essaim des rêves,
Berceau frêle où repose une Muse légère,
Qui donc a mis le doigt sur ton cœur et fait taire
Cette vibration que notre cœur achève ?

Une note en suspens frôle encor notre oreille,
Et notre âme en allée aux lointains inconnus
Demeure dans un vague irréel et confus
Où la voile au hasard du désir appareille.


Mes yeux noyés de pleurs suivent leur rêverie ;
Parfois montent au ciel en blanches envolées
Des séraphins tenant des harpes effilées
Et dont l’aile en glissant sur l’azur chante et prie,

Parfois je suis pareil à la coupe de jade
Où le ciel automnal s’embrume et se dédore
Et du grave à l’aigu la gamme qui s’évade
Retombe en gouttes d’eau sur la nappe sonore,

Parfois j’écoute en moi des voix intérieures,
Et mon cœur alangui d’invisibles caresses
Se trouble au souvenir d’anciennes maîtresses,
Songe très doux comme un baiser qui nous effleure ;

Ton âme dans mon âme a des correspondances,
Ô violon ! ta voix a la fluidité
D’une heure de douceur triste et de volupté
Tu sais l’enchantement du rhytme et des cadences…


Boîte petite et sombre où dort l’essaim des rêves,
Berceau frêle où repose une Muse légère,
Qui donc a mis le doigt sur ton cœur et fait taire
Cette vibration que notre cœur achève ?