Le Miroir des jours/Première feuille morte

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Le Miroir des joursMontréal (p. 67-68).


PREMIÈRE FEUILLE MORTE


 
Quelques feuilles au bout des branches sont jaunies,
Les arbres ont encor de frêles harmonies
Et, bercés par le vent qu’attiédit le soleil,
Ils rêvent d’un automne au lourd été pareil.
Mais voici que Septembre, au détour de l’année,
Vient dans la pourpre et l’or fixer leur destinée.
Leur songe bienheureux ne l’entend pas venir.
Ils continuent, entre leurs bras gris, de tenir
De tout petits fragments d’azur, et les balancent, ―
Et même les oiseaux ne savent ce qu’ils pensent…

― Cette feuille qui choit, ne l’entendez-vous pas ?
Comme un papillon large elle vole, là-bas,
Emportant avec elle un peu du grand murmure
Qui s’élève, comme un cantique, des ramures.
C’est dans votre musique une note de moins ;
C’est votre gloire, dont vous n’êtes pas témoins
Tant votre tête semble impassible et sereine,
Qui, feuille à feuille, meurt sous l’insensible haleine…