Le Père Lachaise historique, monumental et biographique

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LE


PÈRE LACHAISE


HISTOIRE, MONUMENTAL ET BIOGRAPHIQUE


PAR


M. A. HENRY.






PARIS
CHEZ L’AUTEUR, RUE CROIX-DES-PETITS-CHAMPS, 29.
Plan du Père-Lachaise

LE PÈRE LACHAISE.

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Situation. — Origine. — Grandes et petites divisions.

Le Cimetière de l’Est, ou du Père Lachaise, est situé au bout de la rue de la Roquette, en dehors de Paris. L’emplacement qu’il occupe s’appelait anciennement le Mont-Louis : c’était un coteau délicieux tout émaillé de maisons de campagne et de jardins. Un marchand très riche du nom de Régnaut y avait fait bâtir, vers 1347, une magnifique habitation qu’on appela la Folie-Régnaut. Cette maison fut achetée plus tard par les Jésuites, et devint leur principal établissement. Le Père Lachaise, confesseur de Louis XIV, y résida en qualité de supérieur pendant les dernières années de sa vie, et l’agrandit considérablement de ses propres deniers.

En 1804, ce lieu, dont les Jésuites avaient été expulsés en 1763, fut désigné par Napoléon pour servir de Cimetière, et on commença par y transporter les monuments de Molière, La Fontaine, Beaumarchais et plusieurs autres qui se trouvaient épars dans les divers Cimetières de l’intérieur de Paris, dont la destruction fut ordonnée à la même époque.

Le Cimetière du Père Lachaise comprend six grandes divisions, composées chacune d’un certain nombre d’Ilots séparés par des sentiers. Les Monuments sont numérotés dans le même ordre en commençant par les Ilots inférieurs de chaque Division, La légende au bas de notre dessin donne la série des numéros, et indique au visiteur les monuments remarquables de l’Ilot où il se trouve, de sorte que, s’il ne suit pas notre itinéraire, il lui suffit pour se renseigner de jeter un coup d’œil sur le répertoire alphabétique à la fin de l’ouvrage.

La PREMIÈRE DIVISION, située entre la porte principale et la chapelle, est limitée à droite par l’avenue de Mont Louis et à gauche par le mur de clôture. Elle contient les monuments de Mlle  LENORMAND, du peintre DAVID, des maréchaux GROUCHY et DODE DE LA BRUNERIE, de RŒDERER, de l’acteur POTIER, etc., et les fosses communes. Elle commence au no  1 et finit au no  49.

La DEUXIÈME DIVISION, située à droite de la première, a pour limites l’Orangerie, le rond-point et l’allée de Casimir Périer. Elle comprend les nos 45 à 126, et contient les monuments de Mlle  MARS, Joseph CHÉNIER, CUVIER, Frédéric SOULIÉ, TALMA, GÉRICAULT, BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, CHÉRUBINI, CHOPIN, DELILLE, BELLINI, BOIELDIEU, etc.

La TROISIÈME DIVISION située à droite de la précédente, est limitée à gauche par l’avenue de l’Orangerie, le rond-point, l’avenue du Midi, et, à droite, par le mur du cimetière. Elle comprend les no  127 à 190, et renferme le Cimetière des Juifs, les tombeaux d’HÉLOISE et d’ABEILARD, de Marie JOBBE, femme du petit Manteau bleu, des maréchaux MAISON, LAURISTON et VICTOR, de VISCONTI, du duc DE PLAISANCE, des victimes de juin, de LABÉDOYÈRE, d’Elisa MERCŒUR, du duc DE BASSANO, de LAVALETTE, BRUIX, SAVARY, TALLIEN, etc.

La QUATRIÈME DIVISION, située entre la chapelle et l’avenue de l’Est, a pour limites l’avenue de Mont-Louis, à droite, et le mur de clôture, à gauche. Elle comprend les nos 193 à 228, et contient les tombeaux du marquis D’ARGENTEUIL, de CARTELIER, DESÈZE, BALZAC, Casimir DELAVIGNE, Charles NODIER, BORY DE SAINT-VINCENT, DIAS-SANTOZ, BEAUJOUR, etc.

La CINQUIÈME DIVISION, située à droite de la quatrième, a pour limites l’allée de Casimir Périer, le rond-point, l’avenue du Midi et celle de l’Est, C’est la plus considérable. Elle comprend les nos 230 à 403, et renferme les tombeaux de Mlle  RAUCOURT, du peintre ISABEY, de la comtesse DEMIDOFF, des maréchaux NEY, KELLERMANN, GOUVION SAINT-CYR, MASSÉNA, LEFÈVRE et SUCHET, de l’amiral DECRÈS, du général COBERT, de Mme  DE GENLIS, du général FOY, de la princesse DE SALM-DICK, du cardinal DE LATIER-BAYANE, de CAMBACÉRÈS, de Mme  COTTIN, du docteur GALL, de Mlle  CLAIRON, du duc DE CAETE, de GARNIER-PAGÈS, Benjamin CONSTANT, MONGE, CAULAINCOURT, SIEYÈS, DUPUYTREN, JUNOT, BARRAS, LABREY, MANUEL, BEAUMARCHAIS, MOLIÈRE, LAFONTAINE, etc.

La SIXIÈME DIVISION comprend la partie supérieure du Cimetière. Elle commence au no  406, à gauche au dessus de l’avenue de l’Est, et finit au no  439. Elle renferme les monuments de l’amiral LALANDE, du statuaire BOSIO, d’AGUADO, de l’abbé DE PRADT, de l’amiral anglais SIDNEY-SMITH, de VOLNEY, d’URQUIJO, de l’amiral TRUGUET, etc.


ITINÉRAIRE.

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L’entrée principale du Père Lachaise se trouve vis-à-vis de la barrière d’Aunay, et présente d’abord une belle allée de cyprès. À soixante pas environ de l’entrée nous voyons à droite la sépulture du baron Francis d’ALLARDE, auteur d’agréables chansons et de jolis vaudevilles, tels que Boileau à Auteuil (n°12).

Nous laissons ensuite, du même côté, un sentier qui conduit au bureau du conservateur[1], et, quelques pas plus loin, nous rencontrons la sépulture Loisel, derrière laquelle se trouve celle de Mlle  LENORMAND (16). À l’intérieur de ce monument, on voit un buste en marbre.

Mlle  LENORMAND se plaça au premier rang des sybilles modernes par une grande adresse dans l’exercice de sa ridicule profession, et s’assura un prisent très confortable en prédisant l’avenir aux gens qui allaient la consulter. Stultorum numerus est infinitus ! Si la célèbre pythonisse s’était bornée, sous l’empire, à consulter ses cartes et son marc de café, la police n’aurait probablement pas troublé ses occupations ; mais elle voulut se mêler de prédictions politiques, et comme les prophètes n’étaient tolérés dans ce temps-là qu’à la condition de dire comme le gouvernement, elle expia cette fantaisie par une assez longue détention.

Au bout de l’allée de cyprès, nous apercevons devant nous la sépulture du baron d’Eichtal, qui se trouve de côté sur l’avenue de l’Orangerie, et ne présente aucune inscription. Nous passons près de ce monument en montant vers la chapelle du cimetière, et nous laissons d’abord à droite le tombeau de M. ODIOT, célèbre orfèvre et constructeur de la cité qui porte son nom à Paris (30).

Quarante pas plus loin nous trouvons, derrière la chapelle Jeanniot, le petit monument en marbre blanc de Mme  BARILLI, célèbre cantatrice de l’Opéra Italien (33). Cette inimitable prima dona mourut à trente-trois ans, en 1813, et fut conduite ici par un immense cortège. On a gravé sur sa tombe ces deux vers de Pétrarque, sur la fin prématurée de Laure :

O mort ! tu as imposé silence
Aux plus doux accents qu’on entendit jamais !

D’ici nous apercevons une colonne en marbre noir surmontée d’un buste de femme (35) : c’est le tombeau de Mme  DORA DE STEINBERG, veuve de l’intrépide BESSON-BEY, qui tenta de sauver Napoléon en 1815 ; fut proscrit par les Bourbons ; passa au service de Méhémet-Ali, et devint grand-amiral de la flotte égyptienne.

Nous passons devant le monument de Besson-Bey, pour gagner à droite l’avenue de Mont-Louis, sur laquelle se trouve située la maison des gardiens (anciennement l’Orangerie des Jésuites). En montant cette avenue, nous laissons d’abord, à droite, le monument en marbre blanc de la famille Delondre (68).

Quelques pas plus loin nous voyons, à gauche, une modeste tombe ornée de quatre cyprès. Là repose une jeune artiste : Eulalie de Malherbe, peintre d’histoire, qui mourut à dix-huit ans, au moment où la renommée couronnait ses premiers travaux. On a gravé les vers suivants sur sa tombe :

Sur notre terre, hélas ! tu n’as fait que paraître ;
D’un génie en sa fleur la mort a triomphé ;
Quand pour orner ton front le laurier voulait naître.
Tes noirs cyprès l’ont étouffé.

Un peu plus haut nous trouvons, du même côté, après quelques marches, le tombeau d’Antoine BEAUVISAGE, grand citoyen et ami des ouvriers, qui fut tué par la chute d’une diligence en 1836 (40).

Vis-à-vis du tombeau de Beauvisage, et à quelques pas de l’avenue, on voit le monument en marbre noir de l’amiral comte DE VAUGIRAUD, grand-croix de Saint-Louis et gouverneur de la Martinique sous la Restauration (69).

En continuant, nous trouvons à gauche, derrière une sépulture de famille, le monument de l’acteur POTIER (42). Ce monument se compose d’une colonne en marbre noir surmontée, d’un buste en bronze.

POTIER fut du petit nombre des acteurs auxquels la nature a accordé la faculté de s’identifier complètement avec les personnages qu’ils représentent. On attend encore son successeur au théâtre des Variétés.

Arrivés sur la plateforme où se trouve la chapelle du cimetière, nous marchons jusqu’à l’allée qui coupe celle que nous suivons, et à l’angle de cette allée nous trouvons à droite le monument de MARCHANGY, littérateur et avocat général à la Cour de cassation (82).

MARCHANGY essaya d’abord de devenir poète ; il n’y arriva pas ; mais il faut tenir compte aux morts de l’intention. Il reste, ou plutôt il ne reste pas de lui le poème du Bonheur, qui ne justifia jamais son titre, et quelques autres productions filandreuses dont le nom même s’est perdu. La Gaule poétique, qu’il publia en dernier lieu, offre de l’intérêt quoique d’une pompe romantique assez fatigante. Comme magistrat, M. Marchangy s’acquitta de ses fonctions avec une rigueur qui a marqué son nom d’une empreinte ineffaçable : on lui doit l’invention de la complicité murale. Les bonapartistes et la prose n’eurent pas l’ennemi plus redoutable.

A quelques pas d’ici, en descendant vers le rond-point, nous rencontrons le monument fort peu remarquable du peintre GÉRICAULT, auteur du Naufrage de la Méduse (83).

Un peu plus bas, et derrière le tombeau de M. Baillardel ancien directeur général des colonies, nous trouvons le monument de LAFONT, célèbre violoniste et compositeur.

En face d’ici se trouve le monument de BUACHE, célèbre géographe, ancien professeur et premier géographe de Louis XVI, auteur d’ouvrages précieux sur l’art de la navigation et la géographie.

Tout près d’ici, nous prenons à droite un petit sentier indiqué par une borne. En face de nous une petite colonne en marbre noir indique aux passants qui y prennent garde que là repose un des grands dignitaires de l’époque impériale, FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU, ancien ministre de l’intérieur, académicien, etc.

Poète précoce des dernières années du règne de Louis XVI et dernier président de l’Assemblée qui précéda la Convention, FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU se montra successivement grand admirateur de la liberté sous la république et du despotisme sous l’empire. Il a laissé beaucoup d’imitateurs.

Thérèse BOURGOING, dont nous rencontrons ensuite le monument, en descendant à droite le sentier de Talma, fut une actrice pleine de talent, de grâce et d’abandon. Élève de Mlle  Dumesnil, elle débuta de la manière la plus brillante à l’âge de quatorze ans, en 1799, et adopta, dit-on, cette devise d’une grande famille : point géhennante, point géhennée.

Près du tombeau de Mlle  Bourgoing se trouve celui de TALMA (79).

Ce grand artiste, l’un des plus glorieux soutiens de la scène française, créait simplement ce qu’il jouait. C’était lui qu’on allait voir, et non le prétexte que le premier gâcheur venu offrait à son génie. Ou lui doit surtout l’introduction du véritable costume des personnages représentés.

En suivant l’allée d’arbres qui aboutit au tombeau de Delille, nous voyons à gauche le monument d’André VINCENT, peintre d’histoire ; puis celui du savant docteur MONTÈGRE, qui mourut à la Martinique, victime de son zèle pour les sciences et l’humanité : il se jeta à l’eau, quoique très malade, pour sauver une femme qui se noyait, et succomba en la ramenant sur la rive.

Derrière le monument de Montègre se trouve celui de MARTIN, célèbre chanteur de l’Opéra-Comique et compositeur distingué.

Le monument orné d’un médaillon, que nous rencontrons ensuite, est celui de BELLANGER, architecte de la Halle aux blés et des jardins de Bagatelle.

A côté du tombeau de Bellanger se trouve celui d’Alexandre BRONGNIART, célèbre naturaliste, collaborateur de Cuvier, ancien directeur de la manufacture de Sèvres, etc. Ce monument, en marbre noir, est orné de sculptures et surmonté d’un vase en marbre blanc.

Le monument d’Alexandre BRONGNIART, père du précédent, architecte de la Bourse et du Père Lachaise, vient ensuite, et termine cette première rangée de noms célèbres à différents titres.

Nous voici devant le massif tombeau de Jacques DELILLE (102).

Ce chantre de la nature se montra à la fois porte harmonieux, écrivain moral et cœur sensible. Quoique royaliste, il fut respecté sous la terreur. Ses traductions de Virgile et de Newton ont reproduit dans la langue française toutes les beautés des originaux. Il devint aveugle comme Milton, et mourut en versifiant le 1er mai 1813. Son corps embaumé resta plusieurs jours exposé au collège de France, et un concours immense raccompagna ici.

Près de Delille reposent le chevalier de BOUFFLERS, le comte de SABRAN, LA HARPE, SAINT-LAMBERT et DUREAU DE LA MALLE.

Le chevalier Stanislas DE BOUFFLERS, fils de la marquise de Boufflers, maîtresse du roi Stanislas, se rendit célèbre par sa vie épicurienne et ses poésies très légères. On le destinait à l’Eglise ; mais il déclara franchement au bon roi Stanislas que le plaisir était la seule affaire dont il voulut s’occuper, et ne consenti de l’abbaye qu’on lui avait donnée que les 40,000 livres de revenu qui y étaient attachées. C’était un de ces brillants seigneurs de l’ancien régime qui semaient leur esprit au vent et jetaient tant d’éclat sur la société française. Voltaire l’aimait beaucoup, et applaudissait à ses ingénieux badinages. Il partit un jour pour l’armée avec son bagage de bons mots ; mais il se lassa bientôt de la vie des camps, et s’en alla comme il était venu, en recommandant à son régiment de se couvrir de gloire. Tout en courant le monde il devint colonel, général, gouverneur de pays qu’il visitai peine ; mais ce qu’il y a de plus curieux, c’est qu’avec son mince bagage de calembours et de chansons il arriva d’emblée à l’académie française. Quand un savant prononçait un discours, Boufflers faisait circuler la charge du bonhomme, et ses graves collègues avaient beaucoup de peine à garder leur sérieux. La révolution arriva, et Boufflers courut encore, mais cette fois sur le chemin de l’exil. C’était un de ces hommes qui ne vieillissent pas, parcequ’ils n’ont que les qualités du premier âge. Quand il vit approcher sa fin, il composa pour lui cette épitaphe :

Ci-git un chevalier qui sans cesse courut,
Qui sur les grands chemins naquit, vécut, mourut,
Pour prouver ce qu’a dit le sage,
Que notre vie est un voyage,

On lit sur son monument : Mes amis, croyez qui je dors.

Le comte Eléazar DE SABRAN, qui « vécut triste et solitaire, ne compta jamais sur un souvenir et rêva toujours le bonheur sans pouvoir le rencontrer, » ce qui ne l’empêcha pas d’arriver jusqu’à l’âge de soixante-douze ans, — descendait en droite ligne de S. Éléazar de Sabran, parent de S. Louis, dont l’Église célèbre la fête le 27 septembre. Il commit quelques poésies si fugitives qu’on ne sait pas ce qu’elles sont devenues, et entra à l’académie escorté du Repentir, poème médiocre, mais peu amusant.

LA HARPE, disciple de Voltaire, qu’il appelait papa, fui l’ami et le premier maître de l’empereur Alexandre. Philosophe avant la révolution, il se montra républicain ardent au commencement de la teneur, comme on en peut juger par ce fragment d’une pièce devers qu’il récita aux Jacobins, le bonnet rouge sur la tête :

Soldats, avancez et serrez,
Que la baïonnette homicide
Au devant de vos rangs, étincelante, avide.
Heurte les bataillons par le fer déchirés !
Le fer, amis ! le fer ! il presse le carnage,
C’est l’ami du Français, c’est l’arme du courage,
L’arme de ta victoire et l’arbitre du sort.
Le Fer ! il boit le sang ; le sang donne la rage.
Et la rage donne la mort !

Il n’en fut pas moins jeté en prison peu de temps après, ce qui calma considérablement son ardeur. Il en sortit au bout de cinq mois dévot outré, et Voltaire, son dieu d’autrefois, ne fut plus à ses eux qu’un bateleur qui souffle le feu. Il mourut d’un refroidissement gagné dans une église. Son cours de littérature le place au premier rang des écrivains de son époque.

SAINT-LAMBERT, ami de Boufflers et de Voltaire, se fit un nom dans la littérature par le poème des Saisons, les Contes d’Orient et plusieurs ouvrages de philosophie. Il eut aussi le talent de découvrir le mérite littéraire de son prédécesseur à l’académie.

DUREAU DE LA MALLE traduisit le commencement des œuvres du Dante de manière à ne pas faire désirer de voir la fin. Ses Recherches sur l’ancienne Rome sont estimées du monde savant.

De l’autre côté de l’allée, en retournant vers Talma, nous trouvons d’abord le monument en marbre blanc de François LE SUEUR, célèbre compositeur d’opéras et de musique sacrée.

Cet éminent artiste descendait d’Eustache Le Sueur, le peintre immortel de la vie de S. Bruno. Fervent propagateur du beau, il comprit le premier, et fit admirer Beethoven, Weber et Rossini. On lui doit un système grandiose et tout pittoresque de musique sacrée. La ville d’Abbeville, où il est né, a élevé une statue à sa mémoire.

Nous apercevons ensuite à quelques pas, sur le côté, l’humble monument de BARBIER DU BOCAGE, géographe, littérateur et antiquaire célèbre.

Encore quelques pas, et nous sommes devant le monument en marbre de J.-B. TARGET, profond jurisconsulte et orateur éminent.

Avocat au Parlement avant la révolution, TARGET devint, en 1789, député aux États-Généraux. Il refusa ensuite le glorieux mais périlleux honneur de défendre Louis XVI, et imprima par cette lâcheté une tache ineffaçable sur son nom. Il mourut juge à la Cour de cassation en 1806.

Avant de quitter cette allée jetons un coup d’œil sur la modeste tombe qui renferme les restes de THIÉRY, premier valet de chambre de Louis XVI, et de Mme  Lemoine, femme de chambre de Marie-Antoinette. Cette tombe se trouve derrière un banc de pierre, tout au coin à gauche.

THIÉRY, pendant la révolution, fut souvent l’intermédiaire des chefs girondins avec Louis XVI. Lors de l’envahissement des Tuileries, le 20 juin, il se montra plein de dévouement de sang-froid, ainsi que sa compagne dans la mort, Mme  Lemoine. Tous deux suivirent la famille royale à la tour du Temple, mais en furent bientôt séparés par ordre de la Convention.

Non loin de Talma et du même côté, nous voyons ensuite un sarcophage en pierre et en marbre : SINGIER, dont le nom est écrit en gros caractères sur ce monument, fut acteur au Théâtre-Français, et son jeu, sous quelques rapports, rappelait celui de l’inimitable Talma.

Un peu plus bas on voit à gauche le monument de M. BOTTÉE DE TOULMONT, compositeur de musique sacrée et auteur d’une histoire fort curieuse de la musique au moyen-âge.

Nous laissons ensuite, du même côté, une pyramide eu granit noir, consacrée à la mémoire du peintre PRÉVOT, inventeur des panoramas.

Nous voici au bas du sentier de Talma. Avant de prendre à gauche celui de Chérubini, jetons un coup d’œil devant nous sur l’humble croix de bois qui se cache derrière les trois cyprès de la tombe Robillard. Cette croix, qu’un monument plus digne doit prochainement remplacer, indique l’emplacement où repose un des plus féconds romanciers du dix-neuvième siècle, Frédéric SOULIÉ, auteur des Mémoires du diable, de la Confession générale et autres productions diaboliques, où l’on trouve souvent de l’intérêt et des tableaux d’une grande vérité.

Une des premières sépultures que nous rencontrons sur notre gauche, en pénétrant dans le sentier de Chérubini, est celle du comte de CONTADES, descendant du célèbre maréchal de ce nom. Le comte de CONTADES mourut des suites de treize blessures reçues sur le champ de bataille d’Essling.

Quelques pas plus loin nous trouvons une colonne surmontée d’un buste de bronze, élevée à la mémoire de Nicolas LEBLANC, savant professeur au Conservatoire des arts et métiers.

Nous voyons ensuite, à droite, en face de la chapelle Réveillac, le monument d’Antoine RAVRIO, fabricant de bronzes et poète anacréontique (71). Un buste en bronze, qui rappelle admirablement les traits et le caractère de ce bon vivant, occupe une niche creusée dans la partie supérieure du monument.

RAVRIO chercha toute sa vie un remède aux maux terribles que cause aux ouvriers l’emploi du mercure, il c’est surtout ce qui honore sa mémoire. Il fonda en mourant un nouveau prix de 3,000 fr. pour celui qui trouverait ce remède.

Nous remarquons ensuite à quelques pas d’ici, sur la gauche, le grand et disgracieux monument de REGNAULT DE SAINT-JEAN D’ANGÉLY (89).

Michel REGNAULT, natif de Saint-Jean d’Angély, fut d’abord rédacteur du journal de la cour de Versailles, sous Louis XVI. Ayant été élu députe aux États-Généraux, il s’efforça d’arrêter la théorie aux limites du vrai et le patriotisme aux limites du juste. Proscrit en 1793, pour avoir soustrait quelques victimes à l’échafaud, il fut sauvé par la chute de Robespierre. Napoléon se l’attacha, et n’eut jamais lieu de s’en repentir : le dévouement de Regnault pour le grand homme devint du fanatisme. Il ajouta, sous l’empire, le nom de son village à celui de son père, devint procureur-général, ministre, etc. Le sénat, ce lâche instrument de la tyrannie la plus lourde qui ait jamais pesé sur le cœur de la France, vota la déchéance de Napoléon malgré les efforts suprêmes et l’éloquence de Regnault d’Angély : la défection se colorait alors du nom de patriotisme. Exilé en 1815, Regnault se réfugia en Amérique. Revenu en Europe pour rétablir sa santé, en 1819, il fut chassé d’Aix par la Prusse, et poursuivi mourant d’asile en asile. Son rappel lui permit enfin de revoir le sol de la pairie, et il expira quelques heures après son arrivée à Paris. Une inscription, gravée sur le marbre, au sommet du monument, rappelle les étapes de cet homme d’Etat à travers les révolutions et les gouvernements. Les vers suivants, à moitié effacés, ne se liront bientôt plus sur la base :

Français, de son dernier soupir
Il a salué sa patrie :
Un même jour a vu finir
Ses maux, son exil et sa vie.

Le splendide monument en marbre de CHÉRUBINI vient après celui de Regnault ; il est orné d’un bas-relief représentant le célèbre maestro couronné par le génie des arts (1).

Au pied du monument de Chérubini on voit une humble pierre sans nom ni épitaphe. Elle recouvre les restes de Maria MILANOLO, violoniste déjà célèbre, que la mort enleva à la fleur de l’âge aux ovations et à la gloire.

Quelques pas plus loin nous trouvons, du même côté, le modeste monument de F. HABENECK, célèbre professeur au Conservatoire de musique et fondateur de la Société des concerts.

Près de Habeneck repose Joseph LAKANAL, ancien conventionnel et fondateur du Muséum d’histoire naturelle.

Tabdis que les chefs de la Convention luttaient entre eux comme les ombres d’Ossian dans un ciel plein de nuages et de tonnerre, LAKANAL ne s’occupait qu’à sauver les hommes dont les travaux pouvaient honorer l’esprit humain. Il s’était dit que sans les arts et les sciences la liberté ne ferait que passer sur la terre, et il entreprit de soumettre la démocratie à la raison. Lorsque le despotisme succéda à la liberté, Lakanal se retira à l’écart avec ses livres, et refusa de faire partie d’un corps législatif, qui n’était plus qu’une dérision. Il vit tomber la république avec douleur, et s’enveloppa dans sa conviction comme dans un manteau. C’était un homme au cœur stoïque : les ruines pouvaient l’abattre, mais non intimider sa grande ame.

Le monument de l’illustre DENON se trouve sur le même point, à peu près en face de celui de Lakanal (72). Il est surmonté d’une statue en bronze, de grandeur naturelle.

Vivant DENON, ancien gentilhomme de Louis XV, traversa la résolution sans s’y tacher d’une goutte de sang, d’une dépouille ou d’une larme. Il suivit Bonaparte en Égypte, et y mania avec un égal succès le crayon, la plume et l’épée. Sous l’empire, il donna le plan et dirigea les travaux de la belle colonne Vendôme. — Auteur des Voyages en Égypte, pendant les campagnes du général Bonaparte ; connu aussi par la philosophie douce et charitable qu’il pratiqua toute sa vie.

Quelques pas plus loin nous rencontrons, à gauche, le tombeau de CHOPIN, en pierre jaune de Château-Landon. Ce monument est surmonté d’une statue symbolique en marbre blanc, œuvre de Clésinger. Un médaillon encadré dans le monument reproduit les traits de Frédéric Chopin qui succomba à la fleur de l’âge (97).

Les gracieuses mélodies de Chopin, où l’on croit entendre le murmure mystérieux des éléments, remuent le cœur et ravissent l’oreille.

Derrière la tombe de Chopin se trouve celle de Wilhem, auteur d’une nouvelle et ingénieuse méthode d’enseignement musical ; cœur plein de poésie et de sensibilité, ami de Béranger, qui lui adressait, en 1821, les vers suivants :

Des classes qu’à peine on éclaire
Relevant les mœurs et les goûts,
Par toi devenu populaire,
L’art va leur faire un ciel plus doux.
Sur ta tombe, tu peux m’en croire,
Ceux dont tu charmes les douleurs
Offriront un jour à ta gloire
Des chants, des larmes et des pleurs.

Le sarcophage de Wilhem est orné d’un large médaillon de bronze, et s’aperçoit du sentier.

Nous laissons ensuite, à droite, le monument de Pierre Gareau (74) ; puis nous rencontrons du même côté une colonne brisée dont la base est entourée de lierre : c’est le tombeau de FABRE D’OLIVET, auteur des Lettres à Sophie, du Troubadour etc., et d’un grand nombre de pièces de théâtre qui prouvent l’imagination et l’originalité de leur auteur (75).

Au bout du sentier de Chérubini nous descendons en tournant à droite vers celui de Cuvier. Nous laissons à gauche le sentier de Lallemant, puis à droite la sépulture Fradelizi, et à quelques pas de celle-ci nous apercevons du sentier, sur la gauche, le tombeau en marbre de la comtesse DE GIRARDIN.

Ce petit monument est orné d’un buste (57).

Mme  DE GIRARDIN fat une de ces femmes rares qui réunissent en elles les séductions de la nature au prestige du génie. Elle mourut, en 1818, dans la splendeur de sa vie, de sa beauté et de son esprit.

Nous nous arrêtons ensuite à l’endroit où s’élèvent sur la gauche deux grandes stèles de granit noir séparées par une colonne. Ce double monument est consacré à la mémoire de M. SALADIN DE CANS, ancien conseiller d’état de la république de Genève, et d’Elisabeth Egerton, son épouse. On passe du côté où sont gravées les inscriptions pour arriver au modeste monument de GEORGES CUVIER, qui se trouve à quelques pas derrière la colonne Walther. Le célèbre législateur de l’Histoire naturelle repose à côté de son frère Frédéric, et a devant lui ses trois enfants et sa femme (43).

CUVIER fut un de ces grands génies qui apparaissent de loin en loin comme des flambeaux destines à éclairer les siècles. À sa voix, les habitants des anciens mondes sortirent de l’abîme où la main des événements les avait précipités ; il les reconstitua, et leur donna un nom, comme s’il eût assisté à la droite du Très-Haut durant cette longue nuit des âges où les créations surgirent du néant. En écoutant cette révélation magnifique, le monde crut assister à une répétition de l’œuvre des six jours.

Comme homme politique, Cuvier eut peut-être sur les lèvres trop le sourires pour trop de fortunes ; il fut ministre de l’instruction publique sous Napoléon, et se prononça, sous la Restauration, en faveur des cours prevotales établies surtout pour frapper les bonapartistes. Le torrent d’une réaction furieuse l’entraîna comme tant d’autres.

En 1832, le choléra vint traîner son linceul empoisonné sur Paris, et l’une de ses premières victimes fut Georges Cuvier. Sa mémoire et ses œuvres vivront autant que le monde, dont il a éclairé le berceau.

Revenus sur le sentier, nous nous dirigeons à travers les tombes vers la chapelle Donchin, qui se trouve de l’autre côté, en face de la guérite des gardiens. Derrière la sépulture Donchin on voit la tombe de la maréchale DE MAILLY, amie de Marie-Antoinette et veuve du maréchal de Mailly, ancien gouverneur du Roussillon.

Le maréchal de Mailly, à l’âge de quatre-vingts ans, défendit Louis XVI aux Tuileries, le 10 août 1792. Deux ans après il fut décapité à Arras. Son épouse, issue de l’ancienne famille souveraine de Narbonne, se montra à hauteur de l’échafaud de son mari, et ne sortit du cachot où elle l’avait suivi par dévouement qu’après la chute de Robespierre. C’était une grande dame dans toute l’acception aristocratique du mot ; mais son courage et sa générosité faisaient oublier sa fierté native.

D’ici nous nous dirigeons vers le monument à colonnes de M. Duclos, qui se voit sur la gauche (62), Nous passons derrière ce monument, et cinq ou six pas plus loin nous trouvons sur la droite une modeste pierre portant le nom de très haut et très puissant seigneur Casimir de Franquetot, MARQUIS DE COIGNY. Ce seigneur, dont les titres contrastent avec la simplicité du gîte, descendait du valeureux maréchal de Coigny qui gagna sous Louis XIV la bataille de Parme. Il fut général sous Louis XVI et l’un des chefs de l’émigration. Son frère le COMTE DE COIGNY, comme lui lieutenant-général, repose à ses côtés.

Quinze pas plus bas environ, dans la direction de la maison des gardiens, nous trouvons la tombe du COMTE DE MUN, ancien officier des gardes-du-corps de Louis XVI, l’une des plus nobles et des plus pures figures que l’ancien régime put présenter au nouveau (61).

Aux pieds du comte de Mun repose le comte DESTUTT DE TRACY, célèbre idéologue, académicien et pair de France. Son monument se compose d’une simple pierre couchée sur le gazon (n° 60).

Le comte DESTUTT DE TRACY fit partie de presque toutes les assemblées législatives depuis 1789, et se montra toujours partisan des idées libérales. Cœur honnête, âme sans préjugés, il fut d’abord à la révolution, plus tard à la royauté, mais toujours à l’honneur, étoile constante de sa vie.

Revenus sur le sentier de Cuvier, nous le remontons d’abord à gauche, et, après avoir passé un massif monument orné de l’image du Père éternel, nous voyons le tombeau de M. Pierre ALLENT, conseiller d’état, qui, d’après son épitaphe,

A la tribune, aux camps, dictant à tous des lois,
Défendait le peuple, et conseillait les rois.


du reste bon père et bon époux. Il est permis de supposer que M. Pierre Allent, qui donnait des conseils au rois, oublia d’en donner à ceux qui après lui firent son épitaphe ou qu’ils n’en profitèrent pas beaucoup. M. Allent est auteur d’ouvrages militaires qui sont peu connus et d’une histoire de France qui ne l’est pas du tout. Il commença par servir honorablement sous la République, parvint au grade de chef de bataillon, et plus tard, comme général de la garde nationale, contribua à la défense de la capitale

Nous prenons ensuite le sentier de Chambure, qui se trouve à droite, près d’ici, dans la direction de la petite porte Saint-André. À l’entrée de ce sentier nous apercevons, un peu sur la droite, un monument surmonté d’un buste et portant le nom de Plaisir. Ce personnage, dont on a omis d’indiquer les titres, fut tout simplement perruquier.

Plus bas, du même côté, nous rencontrons le monument du marquis de Cramayel, derrière lequel se trouve, à vingt pas environ du sentier, le tombeau de l’héroïque CHAMBURE (45).

Le colonel CHAMBURE fut le chef de cette poignée de braves qui sous le nom de Compagnie infernale, se distingua pendant le siège de Dantzick par les plus téméraires actions. Réveillé une nuit par une bombe qui éclate au dessus de sa tête, Chambure rassemble sa compagnie, marche sur la batterie dressée contre la ville et l’encloue après avoir tué tous les canonniers qui la servaient, sauf un seul qu’il charge de porterait général ennemi ce billet si connu : « Prince, il ne faut pas réveiller les lions qui dorment ! »

À quelques pas du monument de Cramayel nous voyons du même côté, derrière la sépulture en forme de tonnelle d’une jeune fille du nom de Marie, celle du docteur ROYER-COLARD, ancien médecin de Louis XVIII, frère du grand orateur qui fit retentir la tribune française des mâles accents de la liberté.

Au bout du sentier de Chambure nous trouvons l’avenue de l’orangerie. En face de nous est la Porte Saint-André, par laquelle entrent les convois des Juifs, dont le cimetière particulier est voisin. Ce petit cimetière ne contient que quelques sépultures remarquables : à l’entrée se trouve celle de la famille ROSTCHILD, ornée d’une porte de bronze. Au fond on remarque le monument en marbre de la famille SINGER et celui de la famille FOULD. Sur presque toutes les tombes les inscriptions sont en français et en hébreu. On observe encore dans ce cimetière l’antique coutume des Egyptiens et des Arabes de déposer de petites pierres sur les tombes. Pour obtenir l’autorisation de le visiter il faut s’adresser à l’employé dont le bureau se trouve ici près.

En montant l’avenue de l’Orangerie nous voyons d’abord sur la gauche une grande pyramide ornée d’un médaillon et portant le nom de DULONG.

Ce savant chimiste faillit se faire sauter et perdit un œil en faisant des expériences. Il descendit dans la tombe au milieu de ses brillants succès et après avoir considérablement augmenté le patrimoine scientifique de l’humanité.

Nous trouvons ensuite du même côté un petit sentier qui presque aussitôt se divise en deux pour envelopper un groupe de monuments. A l’endroit où il se bifurque nous voyons devant nous l’humble stèle de l’illustre BICHAT.

Xavier BICHAT, élève et ami de Desault, consacra son génie à l’humanité. Ses admirables Recherches sur la vie et la mort, ses belles découvertes en anatomie et ses autres travaux l’ont placé au rang des plus célèbres physiologistes. Il se tua en tombant dans l’escalier de l’Hôtel-Dieu, à l’âge de 32 ans. La reconnaissance nationale lui a élevé un monument dans l’intérieur de cet hôpital ; elle eût bien dû en même temps lui faire ici une sépulture plus convenable.

Près du tombeau de Bichat on voit une assez belle chapelle, sépulcrale de couleur jaunâtre, où repose le docteur BLANDIN, qui concourut aussi par ses travaux aux progrès de la science médicale, et expira en guettant pour ainsi dire la mort ; car il indiqua, dit-on, par un signe l’instant où son pouls s’arrêta.

Vis-à-vis de la sépulture Blandin se trouve celle du comte KLEIN, lieutenant-général et ancien sénateur. Ce guerrier, qui devait tout à Napoléon, ne fut pas des derniers à l’abandonner, et, comme ses collègues du sénat, il colora sa défection du nom de patriotisme. Louis XVIII en fit un pair de France.

En montant et en tournant à droite dans cette direction nous rencontrons à gauche, après la chapelle Raffart, le petit monument en marbre de Joseph CHÉNIER, l’auteur du fameux Chant du départ.

Frère d’André Chénier par le sang, Marie-Joseph CHÉNIER le fut aussi par le génie. Il fut incarcéré en même temps que lui, faillit périr de la même manière, et rien n’ébranla sa conviction. Il savait que l’ingratitude du peuple est la couronne civique de ceux qui se détonent pour sa cause, et la révolution bien dirigée lui parut toujours un idéal sublime auquel toutes les nations devaient aspirer. Son génie était républicain comme son âme.

Avant de mourir Joseph Chénier fit graver les vers suivants sur la tombe qui devait le recevoir :

Auprès d’André Chénier avant que de descendre.
J’élèverai la tombe où manquera sa cendre,
Mais où vivront du moins et son doux soutenir
Et sa gloire et ses vers dictés pour l’avenir.

Continuons à monter jusqu’à la Chapelle Bergon et Dupont, en face de laquelle nous traversons l’îlot de droite en nous dirigeant vers la chapelle Granjean de Lille. Derrière cette sépulture se trouve le tombeau du général Rossi, frère du fameux ministre qui fut tué à Rome.

Nous serions arrivés également ici en achevant de contourner l’îlot que nous avons traversé.

À trois ou quatre pas du tombeau de Rossi nous trouvons du côté opposé le sarcophage de l’infortuné Joseph LESURQUES et de sa veuve.

En continuant à descendre nous ne tardons pas à nous trouver de nouveau devant le tombeau de Bichat, d’où nous regagnons l’avenue de l’Orangerie. Après quelques pas nous rencontrons sur cette avenue, à gauche en montant, le monument du savant BÉCLARD, professeur d’anatomie et chirurgien en chef de la Pitié (50).

BECLARD fut un profond observateur des phénomènes de la vie ; il démontra le premier l’identité parfaite de l’électricité humaine avec celle de la foudre.

À quelques pas de la colonne Béclard et à l’angle d’un petit sentier qui communique avec celui de Lesurques, nous voyons la chapelle de Mlle MARS, célèbre actrice du Théâtre-Français.

Mlle MARS (Hippotyte Boutet), élève de Mlle Contat, débuta sur le Théâtre-Français en 1793, et ne tarda pas à se faire applaudir à côté de Talma. Tout le monde connaît la brillante carrière a parcourue depuis lors. Sa jeune fille, Hippolyte Bronner, l’avait précéder au même lieu.

Devant la sépulture de Mlle Mars se trouve le modeste monument de M. PERSUIS, savant compositeur et directeur de l’Académie de musique, auteur de Nina et du Carnaval de Venise.

En face d’ici nous suivons entre les tombes un étroit passage qui nous conduit au monument d’HÉLOÏSE et d’ABEILARD, situé près du mur des juifs, à trente pas environ de l’avenue (128).

ABEILARD, le plus célèbre théologien de son temps, est plus connu par ses amours avec HÉLOÏSE, nièce du chanoine Fulbert, et par l’infâme mutilation que lui fit subir ce prêtre jaloux. Par suite de cet attentat, Abeilard se fit moine et Héloïse entra au Paraclet, monastère bâti par son amant, dont elle devint abbesse. Abeilard mourut au monastère de Saint-Marcel en 1142, Son corps fut envoyé à Héloïse, qui le garda au Paraclet, et se fit plus tard enterrer à ses côtés. Ce monument fut envoyé en 1800 au musée des monuments français et déposé quatre ans plus tard où nous le voyons.

Le monument du physicien ROBERTSON, qui s’élève sur l’avenue, à près de trente pieds du sol, attire ensuite notre attention (55). Ce monument est orné de sculptures représentant, d’un côté, les scènes fantastiques auxquelles cet inimitable prestidigitateur faisait assister son public et de l’autre l’enlèvement d’un ballon, spectacle qui n’était pas alors si commun qu’aujourd’hui. Robertson fit le premier connaître le galvanisme en France, inventa la fantasmagorie et perfectionna le miroir d’Archimède.

En face du monument de Robertson se trouve celui de REICHA, professeur au Conservatoire de musique, auteur de mélodies et d’opéras. Ce monument a été élevé par les amis et les élèves du savant compositeur (130).

Après avoir dépassé le monument de Reicha, nous prenons à droite le sentier de Peltier, à l’entrée duquel nous laissons le monument en marbre du capitaine Serré (138).

Le petit sentier, que nous trouvons à droite, quelques pas plus loin, conduit à la chapelle du docteur MARJOLIN, auteur du Manuel d’Anatomie (132).

Nous laissons ensuite à gauche le sentier de Maison, puis nous rencontrons à droite le monument en forme de sarcophage du physicien PELTIER, auteur de travaux remarquables sur l’électricité (135).

En continuant, nous laissons à gauche le sentier de Plaisance, puis celui de Régnant. A l’entrée du sentier de Laîné, qui fait suite à celui que nous parcourons, nous trouvons sur la gauche une chapelle de forme particulière, qui unit la simplicité à l’élégance (158). C’est la sépulture de la famille LAINÉ.

Peu d’existences ont été aussi remplies que celle de l’homme qui repose sous ce monument : révolutionnaire modéré en 1789, il joignit à la fierté de Tacite la grandeur d’âme de Gracchus et l’éloquence de Vergniaud, son compatriote. Son horreur du despotisme le rendit ennemi de Bonaparte, et sous l’empire il rompit seul le silence de cette assemblée de muets qui s’appelait le Corps Législatif. Il combattit le système des confiscations que Napoléon avait introduit dans son code ; peine perdue ! Les muets retrouvèrent la parole pour étouffer la sienne. Choisi en 1814 par ce corps, que la peur ne dominait plus autant, pour éditer une adresse au grand homme qui n’était plus le maître du monde, Laîné voulut sauver en même temps la patrie et la liberté, et ne craignit pas d’engager l’empereur à reconnaître les droits de la nation. Le lendemain, le rapport fut saisi, et les députés trouvèrent le lieu de leurs séances occupé par les troupes. Laîné se retira alors dans le midi, qu’il souleva contre Napoléon, et ce fut là un crime, car la patrie était envahie ! Il entra ensuite à Bordeaux, et y exerça le pouvoir souverain au nom de Louis XVIII. Il présida la première assemblée de la restauration, et fut un des auteurs de la Charte de 1814. Devenu ministre de l’intérieur, il proposa l’exclusion de Grégoire, comme indigne. Après l’attentat de Louvel, il vota contre la liberté individuelle, qu’il avait toujours défendue : les défaillances de l’esprit étaient venues avec l’âge !

On ne peut rien imaginer de plus pittoresque et de plus gracieux en même temps que la disposition des objets qui se déroulent à la vue à mesure qu’on s’éloigne du tombeau de Laîné : ce ne sont point les sépultures grandioses qui produisent cet effet ; car, excepté quelques monuments qui de loin ressemblent à des temples antiques planant sur des ruines, c’est à peine si on découvre çà et là une tombe de quelque importance parmi cette foule de concessions temporaires qui émaillent la colline que nous gravissons. Les cyprès y sont toujours jeunes, et doivent disparaître en même temps que les locataires de l’emplacement qu’ils occupent ; car tous les cinq ans on fait table rase dans cette hôtellerie de la mort, et les débris de ceux qui ne peuvent renouveler leur bail sont dispersés par la pioche du fossoyeur et mêlés à la terre qui doit recouvrir de nouveaux tenanciers. La multitude se trouve serrée ici comme elle l’était dans la vie ; mais ce pêle-mêle de croix de bois et de simples pierres n’a rien de disgracieux : ces tombes, qui n’ont pour tout ornement qu’un simple gazon et des fleurs toujours fraîches, rappellent au moins que l’oubli n’a pas encore passé par là.

Au bout du sentier de Lainé nous prenons à gauche de celui de Beugnot, à l’entrée duquel nous apercevons, près d’une énorme pyramide, la chapelle du comte BEUGNOT (159).

Membre de l’Assemblée de 1791, BEUGNOT combattit Marat, et obtint contre lui un décret d’accusation. Défenseur du roi contre les jacobins, il fut proscrit et emprisonné par eux ; la chuta de Robespierre le sauva. Après la destruction violente de la république et de la liberté par Bonaparte, il s’attacha au géant du siècle par toutes ses ambitions de célébrité et de pouvoir, lui resta fidèle tant qu’il put en attendre des faveurs, et passa naturellement du côté des Bourbons quand Napoléon fut renversé. Sa nature l’avait prédestiné à se trouver à propos sur le seuil des Tuileries pour congédier l’empire et introduire la royauté. Il s’acquitta de cette double mission avec toute la grâce imaginable, et Louis XVIII ne put s’empêcher de le nommer directeur général de la police, puis ministre de la marine. Sous la seconde restauration il présenta la fameuse loi des dimanches, qui mourut en naissant, et fut compris en 1829 dans la fournée des soixante-seize pairs. La révolution de 1830 lui procura les loisirs de la vie privée.

Courtisan du succès, le comte Beugnot surnagea après tous les naufrages, servit les forts, méprisa les maladroits et abandonna les vaincus. Homme plein d’aménité, du reste, et d’un esprit répandu sur tout.

La pyramide voisine de la chapelle Beugnot appartient, ainsi que celle qui se trouve l’autre côté du sentier, à l’ancien propriétaire de ces terrains, qui n’a pas voulu cesser tout à fait d’y posséder quelque chose.

Nous entrons ensuite dans le sentier de Buland, vis-à-vis de la chapelle Beugnot, et nous apercevons, à quelques pas sur la droite, le monument d’Edmond GAY, jeune officier de cavalerie qui fut tué en Afrique en 1842. Ce monument représente un jeune chêne brisé, aux branches duquel pendent dans un désordre tout pittoresque les armes et les insignes du jeune officier (169).

Derrière le monument de Gay on trouve à quelques pas un grand sarcophage couvert d’inscriptions au milieu desquelles on distingue le nom justement célèbre de Michel BREZIN. Ce digne citoyen consacra une immense fortune, acquise en fondant des canons sous l’Empire, à des œuvres de bienfaisance et à la création d’un établissement qui sert aujourd’hui de retraite aux pauvres ouvriers de sa profession.

En quittant le sentier de Buland, qui n’a que quelques pas de longueur, nous prenons à gauche celui de Bondy, où nous rencontrons d’abord le sarcophage en marbre blanc du baron MOUNIER, pair de France.

Fils du célèbre orateur qui proposa le serment Jeu de Paume et devint ensuite président de l’assemblée nationale, le baron MOUNIER se montra zélateur d’une liberté modérée sous une royauté constitutionnelle.

Nous laissons ensuite à notre gauche un sentier qui conduit à ceux que pus avons déjà visités, et soixante pas plus loin environ nous trouvons du même côté le tombeau de l’infortuné LABÉDOYÈRE. Ce monument, qui vient d’être reconstruit dans des proportions peu différentes de celles d’autrefois, se compose d’un piédestal en marbre blanc surmonté d’une urne en marbre noir (156). Sur la face qui regarde le sentier on lit au dessous d’un bas-relief assez commun :

« Mon amour pour mon fils a pu seul ma retenir à la vie. »


de l’autre côté on lit le nom et la date de la mort du jeune et infortuné général.

LABÉDOYÈRE se joignit le premier à Napoléon lors du retour de l’île d’Elbe, et fut tué ainsi le premier après la rentrée des Bourbons. Sa faute avait été grande sans doute ; car les hommes qui ont le privilège des armes doivent s’en servir pour défendre la nation, et non pour lui imposer des lois : mais il n’avait que vingt-neuf ans, était fanatique de gloire et avait pris l’opinion des camps pour l’accent de la patrie. Le conseil qui le jugea était composé de ses anciens compagnons ; aucun d’eux n’osa décliner cette mission de sang : ils condamnèrent leur frère d’armes comme ils auraient condamné la veille ceux qui le faisaient juger. Labédoyère écoula sa condamnation sans émotion ni bravades, comme il aurait écouté le canon d’une bataille. Sa jeune épouse se jeta en vain aux pieds du roi en criant : « Grâce ! » Louis XVIII lui répondit par un discours sur les devoirs des rois, et la laissa se rouler à terre. Rien, hélas ! ne pousse à la férocité comme la peur !

Arrivé au lieu du supplice, Labédoyère s’avança jusqu’à ce que l’extrémité des fusils touchât presque sa poitrine, puis, d’une voix calme, il dit aux vétérans : « Tirez, mes amis ! » Le feu lui répondit, et il tomba percé de douze balles. Le prêtre qui accompagnait le héros vint s’agenouiller aussitôt devant le cadavre ; puis il trempa un mouchoir dans le sang qui sortait en bouillonnant de la poitrine, et le rapporta comme une réplique à madame de Labédoyère.

Un peu plus loin nous apercevons sur la droite le monument du maréchal VICTOR, duc de Bellune (63).

Claude Perrin, dit VICTOR, s’éleva par son seul mérite du poste de simple soldat au rang de maréchal d’empire. Il signa la déchéance du Napoléon en 1814, et fut nommé pair de France par Louis XVIII, en 1815.

À quelques pas d’ici nous voyons à gauche une petite pyramide élevée sur un piédestal et surmontée d’une croix de fer (155). Elle marque l’emplacement où repose la princesse Louise de BOURBON-CONTI, fille légitimée du dernier prince de la branche cadette des Condé.

Cette princesse, que plusieurs biographes traitent d’aventurière, se prétendait fille du prince Joseph de Bourbon-Conti et de la belle duchesse de Mazarin. Les Bourbons n’accueillirent jamais ses prétentions, mais lui laissèrent prendre le titre qu’elle a emporté dans la tombe. Elle a laissé des Mémoires historiques.

À côté du monument de la princesse de Conti se trouve celui de DUPONCHEL, directeur de l’Académie de Musique (154).

En face d’ici nous voyons le tombeau d’Elisa MERCŒUR (161). Ce monument est journellement barbouillé de niaiseries sentimentales, qui rendent presque illisibles et finiront par effacer tout à fait les fragments de poésie qui y sont gravés.

Elisa MERCŒUR semblait incarnée sous une forme angélique pour élever les regards au ciel, et pour figurer la candeur dans la beauté. À l’âge de seize ans elle écrivait les vers suivants, qui annoncent déjà un bran talent, et peignent si bien l’âme et les tristes pressentiments de la pauvre jeune fille :

Quand descendra sur moi l’ombre de la vallée,
Qu’on verse, en me nommant, sur ma tombe isolée
Quelques larmes du cœur.
Mais ces larmes, hélas ! qui viendra les répandre,
Et, plaintif, tristement imprimer sur ma cendre
Le pas de la douleur ?

. . . . . . . .

Mais le ruisseau demain rafraîchira les roses
Elles retrouveront son mobile miroir,
Et moi ! comme les fleurs qui s’effeuillent écloses,
La mort va me cacher sous les ailes du soir.
J’ai froid, et je voudrais m’attacher à la vie,
De ce cœur pour aimer ranimer ta chaleur ;
Tel, après ses adieux, un tremblant voyageur
Jette un dernier regard sur la douce patrie !

Aux approches de la mort, Elisa Mercœur filtra goutte à goutte dans ses vers les trésors de son cœur et de son imagination. Sa conversation était une ode sans fin ; on se pressait autour d’elle pour assister à cette angélique explosion d’idées tristes et de sentiments généreux. Elle s’éteignit à l’âge de vingt-cinq ans !

Nous quittons ici le sentier de Labédoyère pour prendre celui de Lauriston, qui se trouve en face du tombeau d’Elisa Mercœur. Nous y voyons d’abord, à droite, le monument en marbre de la comtesse FRESIA, fille du général piémontais, comte Fresia d’Oglianico, ancien gouverneur de Venise, et veuve du comte de Lamotte, ancien sénateur.

La comtesse FRESIA fut une des femmes les plus gracieuses de l’époque impériale ; la nature semblait l’avoir formée pour séduire et orner une cour.

A quelques pas du monument de la comtesse Fresia on aperçoit un peu sur la droite celui de VISCONTI (142).

Quirinus VISCONTI, savant antiquaire romain, fut d’abord destiné à l’Eglise, où in ne voulut pas entrer. Il devint ministre de l’intérieur sous le gouvernement provisoire des Romains, en 1797 ; fut obligé ensuite de se réfugier en France, où il se fit naturaliser, et devint directeur des musées, académicien, etc.

Derrière Visconti une mince stèle de pierre précédée de quatre cyprès porte cette inscription :

J. L. TALLIEN,
né en 1767, mort en 1820.

Que de pages sombres et terribles dans ces deux lignes ! que de sang entre ces deux dates !

TALLIEN fut un de ces aventuriers d’idées et de condition qui naissent avec l’impatience de la célébrité dans l’âme, sans en avoir la portée dans l’esprit. A la Convention il vota la mort de Louis XVI, dans la conviction qu’en abolissant le signe vivant de la royauté il abolissait la royauté elle-même. Commissaire de la Convention à Bordeaux, il y installa la guillotine, poursuivit sans relâche les derniers débris de la Gironde, et fit tomber en quelques semaines près de huit cents têtes de suspects. La révolution était un instinct et non une religion chez lui ; il en eut l’ivresse, parceque le sang est contagieux comme l’air et monte au cerveau des exaltés ; mais il n’en eut jamais l’amour. Jeune, beau, étourdi de sa puissance, terrible et indulgent par saccades, il gouvernait Bordeaux en satrape plutôt qu’en délégué du peuple, lorsqu’une femme se sentit assez courageuse pour l’affronter et assez séduisante pour l’attendrir. La nature se sert souvent des attraits d’une fille d’Ève pour subjuguer les despotes, et celle-ci était la statue vivante de la beauté. Tallien, qui faisait trembler le Midi, rampa à ses pieds, et elle se donna à lui pour devenir la providence des persécutés. Elle était fille du comte de Cabarus, et veuve du marquis de Fontenay. Robespierre prit ombrage du crédit de cette femme quand elle revint avec Tallien à Paris, et la fit jeter dans un cachot où se trouvait déjà Joséphine, la future impératrice des Français. De sa prison Mme  Tallien sut inspirer à son mari le courage d’attaquer Robespierre. La veille du jour fixé pour l’exécution de celle qu’il aimait, Tallien se rendit à la Convention avec le poignard qu’elle lui avait envoyé, et l’agita à la tribune devant la poitrine de Robespierre. Cette exaltation entraîna l’assemblée, et le surlendemain Robespierre portait sa tête sur l’échafaud.

Tallien servit la révolution comme le vent sert la tempête, en soulevant l’écume et en jouant avec les flots. Il traversa obscurément l’empire et mourut très pauvrement sous la restauration. Sa femme repose ailleurs, sous le titre de princesse de C…

En continuant nous laissons à gauche le sentier des Victimes, puis la chapelle COLLOT, dont les côtés sont ornés de bas-reliefs allégoriques (151), et nous nous arrêtons ensuite devant celle du maréchal LAURISTON, qui se trouve du côte opposé. La sépulture de ce maréchal ne porte aucune inscription, et n’a d’autre ornement à l’extérieur qu’un casque et un glaive antiques sculptés au dessus de la porte (140).

Le maréchal LAURISTON, petit-fils du fameux Law, dont le système financier bouleversa tant de fortunes sous la régence, était colonel d’artillerie en 1789, et fit en cette qualité les premières campagnes de la révolution. Il devint gouverneur de Venise et de la Dalmatie ; négocia la fameuse paix d’Amiens, qui dura si peu, et fut à cette occasion porté en triomphe par le peuple de Londres ; épousa par procuration de l’empereur l’archiduchesse Marie-Louise ; fut fait prisonnier à Leipsiek ; présida les conseils de guerre qui jugèrent ses anciens camarades après les Cent-Jours, et fut fait, en 1820, maréchal de France et ministre de la maison du roi.

Le mausolée du duc DE PLAISANCE attire ensuite notre attention ; il est tout en granit brun et orné de sculptures allégoriques (148).

Charité-François LEBRUN, troisième consul avec Bonaparte, archi-trésorier de l’empire, duc de Plaisance, gouverneur de Hollande après l’abdication du roi Louis, grand-maître de l’Université, etc., débuta par faire l’apologie du chancelier Maupeou, persécuteur des parlements, qui le récompensa par un emploi de censeur.

Nous voyons d’ici un monument très élevé qui se trouve un peu plus bas et à gauche du sentier de Plaisance (150). C’est la ville de Paris qui a fait élever ce monument aux soldats et gardes nationaux qui succombèrent dans la lutte contre les républicains les 5 et 6 juin 1832. On enterra dans le même lieu, en 1834, les victimes d’une autre insurrection, et en 1835 celles de la machine infernale de Fieschi. Sur la face principale on lit cette inscription :

AUX VICTIMES DE JUIN
LA VILLE DE PARIS RECONNAISSANTE !

On ne se doutait pas, quand on a gravé cette inscription, que d’autres journées de juin effaceraient le souvenir de celles-ci, et resteraient seules en possession du titre !

Nous prenons ensuite le sentier de Maison, qui passe derrière le monument du duc de Plaisance. En descendant ce sentier, nous rencontrons à gauche la chapelle du maréchal MAISON (147).

Le maréchal MAISON conquit presque tous ses grades à la pointe de son épée, et s’illustra par son intrépidité autant que par ses connaissances dans l’art de la guerre. Nommé par Napoléon au commandement de l’armée du Nord, en 1814, il reçut Louis XVIII à Calais : — Sire, lui dit-il, l’armée dont je suis l’organe est heureuse de vous offrir son entier dévouement… — Et l’armée, conformément aux ordres qu’elle avait reçus, cria : Vive le roi ! mais l’événement ne tarda pas à prouver ce que valent les acclamations qui ne partent pas du cœur.

Le général Maison accompagna Louis XVIII à Gand, et rentra avec lui en France. Il commanda en 1828 l’expédition de Morée, qui lui valut le grade de maréchal de France, et deux ans après accompagna Charles X à Cherbourg, en qualité de commissaire du gouvernement provisoire ! Il se montra aussi dévoué au gouvernement de Louis-Philippe qu’il l’avait été à tous les autres, et devint ministre de la guerre, pair de France, etc.

Plus bas nous trouvons à droite la chapelle Mousset, qui a derrière elle la sépulture Aubrun-Mirambeau ; en passant à côté de celle-ci nous arrivons droit à une modeste tombe entourée de lierre et de chèvrefeuille (139) : c’est là que repose Marie JOBBE, épouse de M. CHAMPION, le petit manteau bleu. Inclinons-nous en passant devant la dernière demeure de celle qui fut la digne compagne du moderne Vincent de Paule, et achevons de traverser l’îlot où nous sommes pour gagner l’avenue de l’Orangerie.

Le monument du docteur FRAPART, que nous rencontrons à gauche en montant l’avenue de l’Orangerie, se compose d’un piédestal surmonté d’un buste de bronze (123).

FRAPART, médecin et moraliste, voua sa vie entière à l’humanité. Comme Mallebranche, il se renferma en lui-même, et après s’être contemplé longtemps il présenta aux hommes le miroir dans lequel il s’était vu. Son rêve fut d’abolir la misère. Beau rêve ! quand il dure comme chez Frapart pendant toute la vie !

D’ici, nous passons dans le sentier de Lallemant soit en descendant quelques pas pour prendre le premier sentier à droite, soit en traversant l’ilot près du monument de Frapart.

En montant le sentier Lallemant, nous laissons d’abord à droite la colonne de la marquise de la Valette, située vis-à-vis de la chapelle Saucède, puis nous trouvons du même côté un monument que les Écoles des Beaux-Arts, de Médecine, de Droit et du Commerce ont élevé à l’ancien patriarche de l’Université de France : J. LALLEMANT, éminent professeur classique, aussi célèbre par les élèves distingués qu’il forma que par ses vastes connaissances.

Rien n’est plus triste que l’aspect de ce monument : on a voulu lui donner un caractère antique, et ses pierres disjointes lui donnent déjà l’apparence d’une ruine. La balustrade a disparu, et à la place du gazon qui tapissait autrefois l’intérieur du monument on ne voit plus que des platras, des orties et des mauves. Un cyprès placé d’abord dans une caisse a fini par traverser le fond pourri de sa prison, comme s’il eût compris qu’on ne songerait pas à l’en tirer, et a solidement planté ses racines dans le sol. Espérons qu’on remédiera bientôt à un état de choses aussi déplorable, et poursuivons notre pèlerinage.

Voici, à droite, le sarcophage en marbre de M. Schneider, député de Saône-et-Loire ; puis un peu plus loin, sur la gauche, le tombeau plus modeste du peintre ANSIAUX, auteur de Moïse sauvé des eaux et d’un grand nombre de tableaux d’église.

En face du monument d’Ansiaux, une colonne de grande dimension, élevée sur un piédestal de granit, indique l’emplacement où repose la célèbre Mme  de RUMFORT, sœur de l’illustre LAVOISIER et femme du comte de RUMFORT, qui mérita le titre d’ami des pauvres par son activité à soulager toutes les misères (117).

Mme  de RUMFORT partagea les travaux de son frère jusqu’au jour un l’échafaud révolutionnaire enleva cet illustre chimiste à la science. Elle resta jusqu’à la fin de sa vie le foyer de toutes les opinions et de tous les talents neutralisés dans son salon, par la bonté de son âme et la tolérance de son génie.

Après le monument d’Ansiaux nous voyons du même côté celui de M. Heurtault, architecte de Louis XVIII. L’inscription de ce monument est surmontée d’une guirlande de cyprès délicatement sculptée et d’un médaillon représentant l’oiseau de la mort.

À dix pas environ derrière le tombeau de M. Heurtault, nous trouvons celui du peintre VANDAEL. L’auteur de la Corbeille à Julie, de l’Offrande à Flore, de la Croisée et de tant d’autres gracieuses compositions n’a pour monument qu’une simple pierre ornée d’une palette, sous laquelle on lit ces quatre vers :

Si tu viens au printemps dans ce lieu de douleurs,
Ami des arts, tu dois le tribut d’une rose
À ce tombeau modeste où pour jamais repose
La cendre de Vandaël, notre peintre de fleurs.

À côté de Vandaël repose Gérard VAN SPAEN-DONCK, savant naturaliste, directeur du Jardin-des-Plantes, etc.

Derrière le tombeau de Van Spaendonck se trouve celui de FOURCROY. Le lierre a envahi la base et caché les inscriptions de ce monument, dont la partie supérieure est occupée par une niche au fond de laquelle on voit le buste en marbre du célèbre chimiste.

Antoine de FOURCROY, collaborateur et ami de Lavoisier, introduisit le premier avec succès la chimie dans la médecine. À la Convention il proposa et fit adopter le nouveau système des poids et mesures, devint membre du comité de salut public, et ne s’y occupa qu’à organiser l’instruction en France. Il créa pendant la période révolutionnaire les trois grandes écoles centrales de médecine, douze écoles de droit, trente lycées et près de trois cents collèges. Son zèle infatigable pour l’instruction publique lui attira des persécutions de ceux qui voulaient poser un éteignoir sur l’intelligence. Il mourut pauvre et accablé de chagrins, à l’âge de cinquante-trois ans, en 1809.

Le monument de BRÉGUET se trouve derrière celui de Fourcroy : il se compose d’un petit piédestal surmonté d’un buste en bronze.

BRÉGUET fut tout simplement le premier horloger du siècle. Il inventa les fameuses montres perpétuelles et les chronomètres. Après la mort de Carnot, il le remplaça à l’Institut.

André THOUIN, membre de l’Institut, repose de l’autre côté de Fourcroy, et a devant lui le célèbre Parny dont la pyramide en granit noir est à moitié cachée par les arbustes qui croissent à ses pieds (108).

Le chevalier Evariste de PARNY, que ses ouvrages licencieux ont fait surnommer le Tibulle de la France, débuta, à l’âge de dix-neuf ans, par des élégies du style le plus pur et le plus gracieux, mais présentant souvent les mêmes images. Il ne convient pas de parler ici des œuvres de son âge mûr et de sa vieillesse.

Entre le monument de Parny et celui de Boïeldieu, qui s’élève à quelques pas devant nous, se trouve la tombe d’Aimé MARTIN, auteur des Lettres à Sophie, de l’Education des Mères de famille, etc.

Aimé MARTIN, disciple et continuateur de Bernardin de Saint-Pierre, cultiva en même temps les sciences et la littérature. Son style simple, coulant sans écume, était l’image de son esprit et de son âme. Il vivait par le cœur, c’est par là aussi qu’il est mort. Il épousa la veuve de Bernardin de Saint-Pierre, qui repose à côté de lui.

Nous voici devant le beau monument qui a été élevé à BOIELDIEU par une souscription nationale. La face principale de ce monument est ornée d’un médaillon qui reproduit les traits du célèbre compositeur (105).

Devant Boïeldieu est une tombe exactement semblable à celle d’Aimé Martin ; elle renferme les restes de BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, de VIRGINIE, sa fille et du général GAZAN, son gendre.

L’auteur du charmant épisode de Paul et Virginie fut l’homme le plus inoffensif du monde ; mais sa philosophie douce et aimante ne l’arracha pas aux traits venimeux de l’envie. Il succéda à Buffon dans la direction du Jardin-des-Plantes, et se donna un mal inouï pour y installer les bêtes féroces de Versailles, qui, par suite de la résolution, se trouvaient sans asile pour reposer leur tête et leurs grilles. Au milieu du vacarme que faisaient ses nouveaux hôtes, l’illustre historien de la nature n’entendait pas la révolution qui grondait au dehors. Il eut vent cependant qu’un économiste proposait d’empailler ses bêtes au lieu de les nourrir, et sortit de sa retraite pour plaider leur cause. Les hommes d’alors, qui se dévoraient entre eux, s’attendrirent sur le sort du tigre, et la ménagerie fut sauvée. Peu de temps après, Bernardin de Saint-Pierre fut proscrit lui-même, et tomba ensuite dans une misère profonde qui ne l’empêcha pas de poursuivre ses Études et ses Harmonies de la nature.

A deux pas, au dessous de la tombe de Bernardin de Saint-Pierre, se trouve celle de Mlle  DUGAZON, célèbre actrice de l’ancienne comédie italienne, morte en 1821.

Mlle  DUGAZON jouait les amoureuses avec tant de succès qu’elle a laissé son nom à plusieurs rôles de son emploi. Sa fille lui a élevé ce simple monument, qui porte cette inscription :

« Ici repose ma meilleure amie, c’était ma mère. »


Repassons devant le monument de Boïeldieu pour arriver à celui de BELLINI, qu’un gros arbre couvre de son feuillage (113). Ce poétique monument se trouve derrière la tombe de Delille, que nous avons déjà visitée. Comme celui d’Elisa Mercœur, il est journellement pollué par des sots qui, à l’aide de couteaux ou de poinçons, gravent profondément leurs noms inconnus sur les bras, les draperies et la figure de l’ange qui pleure, enveloppé dans ses ailes, au pied du monument.

Les compositions de BELLINI sont admirables de grâce et d’originalité. Les plus applaudies furent la Somnambule, Norma, et surtout les Puritains. Ce dernier opéra fut le chant du cygne. Bellini mourut au milieu de son triomphe, à l’âge de vingt-six ans.

A quelques pas du monument de Bellini, on aperçoit sur un piédestal de marbre blanc le buste de GRÉTRY, autre grand compositeur (107). L’expression inspirée de la vie s’unit dans cette tête à l’expression profonde de la mort ; malheureusement elle n’est qu’en pierre, et s’est déjà fendillée sous l’action du temps. Espérons que le marbre ou le bronze reproduiront bientôt ce petit chef-d’œuvre de sculpture.

Revenus sur le sentier de Bellini, nous voyons de l’autre côté, en face de Grétry et derrière le berceau de verdure qui entoure les trois colonnes de la famille Bouilli, le monument de MÉHUL, qui se compose d’une colonne en marbre blanc (116).

MÉHUL, élève de Gluck, et le premier des organistes de son temps, a immortalisé son nom par les nombreux chefs-d’œuvre dont il a enrichi sa patrie.

Après le monument de Méhul et en face de celui de Bellini, nous apercevons du sentier une colonne surmontée d’un globe qui est censé représenter un ballon enflammé : c’est le tombeau de l’infortunée Mme  BLANCHARD.

Cette intrépide aéronaute fut tuée à sa cinquante-quatrième ascension, un jour de fête de Tivoli, à Paris. Elle s’éleva à une grande hauteur, et de là lança un feu d’artifice qui mit le feu à son ballon. Elle tomba sur une maison dont elle enfonça le toit, et ses restes fracassés furent transportés ici.

A quelques pas du tombeau de M. Blanchard, nous voyons sur le sentier celui de HÉROLD (114).

Les suaves productions de ce chantre de la mélancolie sont admirées des connaisseurs et plaisent également à la multitude, qui ne raisonne pas ses sensations.

Un peu plus haut, nous prenons à droite un petit passage qui aboutit à l’allée de Casimir Périer. En descendant cette allée, nous laissons à gauche la belle sépulture de la famille Desmarests (235), puis celle de la famille Marcotte, qui renferme les restes d’un chevalier Thomas de Cantorbéry Becquet.[2]

Un peu plus bas que la sépulture Mariotte nous voyons, à droite, près du grand sarcophage de la famille Libert, la tombe de PHILIPPON DE LA MADELEINE, ancien intendant de Charles X, chansonnier et vaudevilliste distingué.

Derrière la tombe de Philippon se trouve celle de GOSSEC, célèbre compositeur de musique, auteur de l’Apothéose de Voltaire, de l’Hymne funèbre de Mirabeau, etc. (119).

Nous laissons ensuite à gauche la sépulture Dubois (237), puis le sentier de Roguet, et nous arrivons au rond-point, qui nous offre d’abord, à gauche, une sépulture surmontée d’une statue colossale de la Vierge. L’enfant divin, debout sur les genoux de sa mère et soutenu par elle, donne en souriant sa bénédiction. Cette sépulture renferme les restes du général Malet et du comte Malet, son frère, ancien officier de cavalerie, qui se fit prêtre après la mort de son épouse.

Près de la sépulture Malet, nous voyons le monument de Gaspard MONGE, comte de Péluse (262).

Né à une époque où le génie ne suffit pas pour parvenir, Gaspard MONGE fut longtemps éloigné des empois qu’il était capable d’occuper. À la révolution, il rendit d’immenses services à la France en réorganisant les arsenaux militaires. Comme ministre de la guerre, il dut signer l’ordre d’exécuter Louis XVI, et fut pour ce motif chassé de l’Institut après la rentrée des Bourbons. — Il suivit l’expédition d’Egypte, et contribua à faire connaître cette terre si riche en souvenirs ; mais son plus beau titre de gloire est la fondation de l’École polytechnique.

Nous passons ensuite devant l’obélisque en marbre blanc du baron PERCY, célèbre chirurgien du temps de l’Empire, membre de l’Institut (263).

Trois ou quatre pas plus loin nous voyons du sentier une colonne surmontée d’un buste en marbre blanc : c’est le tombeau du docteur GALL, le Christophe Colomb de la phrénologie (264).

GALL entreprit la tâche immense de faire le tour du cerveau de l’homme et d’y marquer comme sur une carte les divisions de l’âme. Tout le monde se rappelle l’enthousiasme qui accueillit le révélateur du monde moral quand il exposa pour la première fois sa doctrine en Allemagne : les rois et les artistes, les savants et les sots accouraient au devant de lui avec une égale ardeur. Soit que Gall ait réussi à soulever un coin du voile sous lequel l’auteur de la création avait caché les secrets des destinées humaines, soit qu’il se soit trompé en érigeant en système ce qui pouvait n’être chez lui que la suite de facultés extraordinaires il n’en restera pas moins comme le représentant d’une grande idée. Napoléon se déclara l’adversaire du hardi novateur, qui s’en consola en disant que le génie le plus élevé avait au dessus de lui la vérité, comme l’aigle qui vole dans le ciel a au dessus de lui la lumière. L’empereur, qui croyait à son étoile, niait la prédestination chez les autres. Il disait à Sainte Hélène : « J’ai beaucoup contribué à perdre Gall ! » Comme si en comprimant une idée, quand elle est vraie, on n’en faisait pas jaillir la lumière !

Nous rencontrons ensuite le tombeau du docteur CHAUSSIER, historien de l’organisation humaine, l’un des médecins les plus distingués de l’époque contemporaine.

Passons maintenant au monument de Casimir PERIER, qui occupe le centre du rond-point (121).

Cet homme d’état célèbre renonça à la carrière militaire qu’il avait embrassée d’abord pour se faire banquier. Membre influent de l’opposition sous les Bourbons, il aida puissamment à les renverser. Il devint ensuite président de la Chambre des députés, ministre de Louis-Philippe, et succéda à Laffitte dans la présidence du conseil. Le choléra l’emporta en 1832.

En entrant dans l’avenue du midi qui se trouve à droite, derrière le monument de Casimir Périer, nous laissons d’abord à notre gauche le petit tombeau en marbre blanc de Joseph FOURRIER. Ce monument est orné d’un buste.

Joseph FOURRIER, ancien oratorien, devint en 1797 membre du gouvernement que Bonaparte établit en Égypte. Il se recommande à la postérité par d’importants travaux, tels que la Théorie de la Chaleur.

Près du tombeau de Fourrier s’élève une grande pyramide consacrée à la mémoire de M. de Saint-Amand, ancien fermier général (267).

Quelques pas plus loin nous voyons du même côté le tombeau en marbre d’ANDRIEUX, secrétaire perpétuel de l’Académie française (268).

Écrivain spirituel et du meilleur style, quoique de l’académie, ANDRIEUX parvint à une grande célébrité littéraire par ses drames, comédies, poésies et ouvrages politiques. Il embrassa tout, et réussît plus ou moins bien dans tout. Membre de la Convention en 1793, il se montra partisan de la liberté et ennemi de l’arbitraire. Il accepta, en 1800 la présidence du Tribunal, qui ne l’empêcha nullement de se livrer à ses goûts littéraires, et mourut professeur au Collège de France.

En continuant nous voyons du même côté un grand obélisque de marbre blanc dont les faces sculptées sont ornées d’inscriptions et de trophées maritimes : c’est le tombeau de l’amiral ROSILY-MESROS (269).

Le comte de ROSILY-MESROS fit ses premières campagnes dans l’Inde, sous les ordres de l’amiral Suffren, commanda la frégate la Méduse, sous Louis XVI, devint chef d’escadre sous la république, puis amiral des flottes combinées de France par l’amiral Nelson, qui fut tué.

A côté du tombeau de Rosily-Mesros se trouve celui du maréchal KELLERMANN, duc de Valmy (270).

KELLERMANN, qui de simple hussard devint maréchal de France, était déjà général en 1792. Il adhéra comme presque tous les chefs de l’armée, au renversement de Louis XVI, après le 10 août, et prêta serment à l’égalité, etc. Son admirable défense de Valmy, qui empêcha l’envahissement de la France, lui valut plus tard le titre de duc. Sous la terreur il assiégea la ville de Lyon, révoltée contre la convention, et l’écrasa pendant dix-neuf jours sous les bombes, les boulets rouges et les fusées incendiaires. Il ne voulut pas tremper dans le coup d’état du 18 brumaire, et fut relégué ou sénat, dont il détint président en 1801. Les événement de 1814 le trouvèrent prêt, comme presque tous les dignitaires de l’empire, à se rattacher à la royauté, et il vota, en conséquence, la déchéance de Napoléon. Il ne servit pas pendant les cent jours, et fut nommé pair de France au retour des Bourbons. Son cœur reposa à Valmy au milieu de ses braves compagnons d’armes.

Après le monument de Kellermann, nous rencontrons du même côté la sépulture du célèbre banquier Jacques LAFFITTE et de son épouse,

En continuant nous trouvons à droite, en face de la sépulture Dosne-Thiers, le tombeau en granit de PANKOUCKE, fondateur du Moniteur Universel, traducteur des œuvres du Tasse, ami de Voltaire et éditeur de ses œuvres.

Nous rencontrons ensuite à gauche la sépulture du comte LANJUINAIS.

Député aux États-Généraux en 1789, Denis LANJUINAIS concourut à la constitution civile du clergé. Conventionnel en 1792, il combattit avec un courage et une éloquence antique les provocateurs à l’assassinat, dénonça Robespierre, s’opposa avec énergie au jugement de Louis XVI, puis le déclara coupable et vota pour son bannissement ; attaqua Chabot, résista à Legendre et autres, qui voulaient le forcer, le pistolet à la main, à descendre de la tribune, et prononça alors ces mémorables paroles : « Les anciens couronnaient leurs victimes de fleurs en les immolant, mais ils ne les insultaient pas ! » n’échappa à la mort que parcequ’il la défia avec un sublime mépris de la vie ; fut arrêté, condamné et, comme plus tard Lavalette », sauvé par sa femme ; rentra à la convention après la mort de Robespierre et en devint président. Sénateur sous le consulat, il vota contre l’empire. En 1814 il rédigea le décret de déchéance contre Napoléon, et offrit le trône a Louis XVIII contre une charte libérale. Il mourut pair de France.

Après la sépulture Lanjuinais nous trouvons celle du comte de RICHEBOURG, pair de France, puis le monument de Mlle DUCHESNOIS, célèbre actrice tragique du temps de l’Empire (276).

Mademoiselle DUCHESNOIS, née Joséphine Ruffin fut l’émule de mademoiselle Georges, eut comme elle des partisans fanatiques et fut protégée par Joséphine… peut-être parceque mademoiselle Georges l’était par Napoléon.

À vingt et quelques pas du monument de Mlle DUCHESNOIS nous voyons à droite celui de Fabrice RUFFO, prince de CASTEL CICALA et duc de CALVELLO, ancien ministre de la justice à Naples, puis ambassadeur à Paris, parent du trop fameux cardinal Ruffo, qui se signala si tristement dans les Calabres pendant les guerres de la révolution.

A quelques pas du monument de Ruffo nous rencontrons une grande chapelle sans inscription, ornée de deux colonnes cannelées et précédée d’une grille : c’est la sépulture du célèbre MARET, duc de Bassano.

Le duc de BASSANO fut sous l’Empire le ministre personnel et universel de Napoléon ; c’était la main active et infatigable de cette tête qui concevait tout. Il suivait l’empereur dans les camps, et avait sur lui l’ascendant que donne un véritable savoir.

Nous voyons ensuite du même côté, en face de la sépulture Thayer, une tombe en marbre noir qui renferme les cendres de la princesse Elodie DE TALLEYRAND, du duc et de la duchesse DE BEAUVILLERS et de la princesse DE CHALAIS.

Près d’ici nous voyons sur la gauche la sépulture du comte SIEYÈS.

Emmanuel SIEYÈS était grand vicaire de Chartres à l’époque de la révolution ; il jeta alors, comme on dit vulgairement, le froc au orties, et se rendit bientôt célèbre par la déclaration des droits de l’homme. A la Convention il se montra contraire au jugement de Louis XVI, dont il vota cependant la mort sans phrase, pour donner un gage irrécusable à la révolution et aussi par ce sentiment qui fait abandonner la vie d’autrui pour conserver la sienne. On n’est jamais cruel que faute d’être assez courageux ! Sieyès se tut ou affecta de dormir au commencement de la terreur ; mais lorsque la guillotine devint une institution et que la religion de Chaumette prit la place de celle du Christ, il comprit que le silence même avait ses dangers, et prit la parole pour abdiquer son caractère de prêtre. « Citoyens, dit-il, je n’ai point de lettres de prêtrise à vous offrir ; depuis longtemps je les ai détruites ! mais je dépose l’indemnité que je recevais en remplacement de mes anciennes dotations ! » Robespierre appelait Sieyès la taupe de la révolution : « L’abbé Sieyès ne se montre pas, » disait-il, « mais il ne cesse d’agir dans les souterrains de l’assemblée ; il soulève les terres, et il disparaît ; il pousse les factions les unes contre les autres, et se tient à l’écart pour profiter de leurs fautes. » C’était assez juste ! La providence de Sieyès fut le temps : il connaissait la puissance du sophisme sur les masses inintelligentes, et prévoyait les aberrations des partis ; son génie fut toujours de savoir attendre. Collègue de Barras an Directoire, il trama avec Bonaparte sa propre, déchéance. Consul avec le glorieux contempteur de la liberté, il ne tarda pas à découvrir qu’il s’était donné un maître, et non un collègue. Il se perdit ensuite dans le sénat, retrouva la parole en 1815 pour se moquer de l’acte additionnel, où le despotisme le plus pur se colorait du nom de constitution, fut exilé comme régicide après la rentrée des Bourbons, et ne revint en France qu’en 1830. Ses ouvrages ont pour but raffermissement d’un gouvernement constitutionnel sans despotisme ni anarchie, et reposant sur la base de la liberté la plus complète.

Près du tombeau de Sieyès est une pyramide en marbre blanc consacrée à la mémoire de Népomucène LEMERCIER, poète et auteur tragique (277).

LEMERCIER fut un littérateur varié et un philosophe tolérant. Il resta fidèle à la liberté sous l’empire, et ne se prosterna pas sous ce régime qui imposait le silence ou la bassesse aux écrivains. Ses ouvrages dramatiques, pleins d’allusions d’une grande hardiesse pour l’époque, tris que Pinto, Dame censure ou la Corruptrice et autres, lui attirèrent des persécutions. Il combattit par tous les moyens possibles la dictature, cette humiliante tutelle qui enchaîne, sous prétexte de guider, et fut ennemi de Bonaparte parcequ’il y a guerre naturelle entre le génie de la pensée et celui de l’oppression. La chute du grand homme lui permit enfin de respirer. Il excella surtout à présenter les choses graves sous un aspect comique, et associa un esprit bizarre à un cœur noble et droit.

Nous voyons ensuite une grande chapelle en marbre blanc, ornée d’une porte de bronze : c’est la sépulture du comte Roy, l’un des plus célèbres financiers de l’époque contemporaine.

Lorsque Napoléon confisqua les propriétés du duc de Bouillon pour les donner à sa famille, le comte ROY protesta énergiquement au nom du droit de propriété violé. Cet acte de courage l’honora dans l’esprit public ; mais les propriétés ne furent pas rendues. En 1815 le comte Roy proposa la déchéance de l’empereur, et sous la Restauration il devint ministre des finances.

Près de la sépulture du comte Roy nous voyons celle de M. MARTIN (du Nord). Cet homme d’Etat mourut garde-des-sceaux et ministre de la justice sous Louis-Philippe.

Vis-à-vis de la sépulture Martin du Nord on voit une petite colonne en marbre blanc : c’est la tombe du commandeur Christophe DE FERRETTE, ancien grand-prieur de l’ordre de Malte. Ce personnage se défendit contre Napoléon avec plus de courage que de succès, et devint ministre du grand-duc de Bade après que Napoléon eut pris Malte et dispersé les chevaliers.

Nous voyons ensuite à droite trois belles chapelles gothiques, dont l’une, celle de Maillard (178), a été élevée par de simples ouvriers associés. Après avoir dépassé la dernière, nous nous arrêtons un moment pour jouir du spectacle que nous offre la vue d’une partie de Paris et de ses environs. A la gauche de ce tableau nous apercevons Vincennes avec ses maisons blanches, son donjon séculaire, ses tapis de verdure et sa couronne de grands arbres.

Au bas de la déclivité rapide que forme le terrain du cimetière à l’endroit où nous sommes se trouve la chapelle du comte DE BONDY, ancien préfet de la Seine (179).

Le comte de BONDY suivit l’empereur aux armées en qualité de chambellan ; fut nommé préfet de la Seine en 1815, et chargé en cette qualité de traiter avec Wellington ; parut comme témoin à décharge dans le procès de Ney ; fut député libéral en 1818 et de nouveau préfet de la Seine en 1830. Les gouvernements n’étaient à ses yeux que des formes mobiles que prend tour à tour l’esprit du temps.

Le tombeau de NICOD, chirurgien du roi Charles X, se trouve presque en face de celui du comte de Bondy (175).

Un peu plus loin dans la même direction se trouve le tombeau du chimiste DARCET (176).

C’est DARCET qui le premier décomposa le diamant et en démontra la combustibilité, niée jusqu’alors ; c’est à lui encore qu’on doit l’extraction de la gélatine des os et celle de la soude.

Tournons-nous ensuite vers le beau monument du maréchal GOUVION SAINT-CYR (283).

Laurent GOUVION-SAINT-CYR commença par être acteur de troisième ordre à l’ancien théâtre Beaumarchais. Il quitta cette profession, qui ne lui rapportait guère que des sifflets, pour se faire révolutionnaire ; puis il s’engagea dans un bataillon de volontaires, qui le nomma capitaine : deux ans après il était lieutenant général. En 1804 il fut fait général des cuirassiers et en 1812, en Russie, il succéda au maréchal Oudinot dans le commandement de l’armée du centre ; en 1814 il signa avec empressement la déchéance de Napoléon, qu’il n’avait jamais beaucoup aimé, et fut nommé pair de France par Louis XVIII. Il ne servit pas pendant les Cent-Jours, et fut fait ministre de la guerre après Waterloo ; grand organisateur et auteur d’importants travaux historiques sur les guerres de l’empire.

À quelques pas du monument de Gouvion Saint-Cyr, nous voyons la sépulture du maréchal MACDONALD, duc de Tarente (n° 285).

MACDONALD était un gentilhomme de sang irlandais, dont les ancêtres avaient suivi Jacques II en France. La loyauté coulait dans ses veines ; aussi il se montra le plus fidèle quoique le plus indépendant des lieutenants de Napoléon. Ce qui le distingua surtout dans ses commandements, fut un désintéressement d’autant plus remarquable qu’il était fort rare. Napoléon, qui l’apprécia au dernier moment, lui fit présent à Fontainebleau du sabre de Mourad-Bey.

Dans la chapelle Otto et Pelet, que nous rencontrons ensuite, se trouvent les restes du comte PELET DE LA LOZÈRE et du général MEYNADIER.

Jean PELET (de la Lozère) joua un rôle assez modéré à la Convention, dont il devint président en 1795. Il fut élu ensuite au conseil des Cinq-Cents par soixante et onze départements, présida aussi ce dernier corps, devint ministre de la police pendant les Cent-Jours, et siégea comme député libéral dans les assemblées de la Restauration.

En continuant nous trouvons la chapelle FROCHOT, dont les côtés sont ornés de bas-reliefs allégoriques (286).

FROCHOT, ami et exécuteur testamentaire de Mirabeau, embrassa d’abord avec ardeur les principes de la révolution, et louvoya entre les partis jusqu’en 1799. Il jeta alors sa défroque républicaine, et devint comte et conseiller d’état. Préfet de la Seine en 1812, il se laissa prendre à la conspiration du généra Malet, crut l’empereur mort, comme on le lui disait, perdit la tête, et signa tout ce qu’on voulut. Napoléon à son retour de Moscou le déclara publiquement un magistrat pusillanime, et le destitua.

D’ici nous apercevons à droite le monument de LA VALETTE (180).

LAVALETTE fut un des chefs de la garde nationale qui défendirent les Tuileries contre le peuple en 1792. Il se réfugia ensuite à l’armée pour éviter la proscription, et revint d’Egypte avec le général Bonaparte, qui le fit directeur général des postes, puis conseiller d’État et comte de l’empire. Sa femme, Emilie de Beauharnais, était nièce de l’impératrice Joséphine. Après les événements de 1814, Lavalette prépara à Paris le succès du retour de l’île d’Elbe, s’empara de l’administration des postes avant même que Louis XVIII eût quitté Paris, arrêta le départ des dépêches et défendit de livrer des chevaux de poste sans son ordre. Traduit pour ces faits en cour d’assises à la rentrée des Bourbons, il fut condamné à mort. La veille du jour fixé pour l’exécution, sa femme, sa fille et sa gouvernante furent admises pour le voir. Bientôt après on les vit sortir : Mme de Lavalette, accablée de douleur et la tête penchée, était soutenue d’un côté par sa gouvernante et de l’autre par sa fille. À peine parties, un des geôliers s’aperçut de la substitution, et donna l’alarme. On ferma aussitôt les barrières de Paris ; mais Lavalette, en compagnie de trois généraux anglais et revêtu de l’uniforme de l’un d’eux, passa tranquillement sans exciter de soupçons. Mme de Lavalette fut emprisonnée, jugée et acquittée ; mais elle ne se releva pas du choc, et perdit la raison pour le reste de ses jours. Un bas-relief représente la scène émouvante de la prison : pendant que Mme de Lavalette ôte ses vêtements pour en couvrir son mari, dont elle va prendre place, la jeune fille du condamné est en observation devant le guichet, et la gouvernante intercepte la vue de ce qui se passe au fond du cachot. Un poignard planté dans la paillasse indique le sort réservé au guichetier s’il était venu interrompre la métamorphose.

Nous rencontrons ensuite à gauche le pyramidal monument du chirurgien DUPUYTREN, célèbre opérateur, que n’intimidèrent jamais les cas désespérés, grand anatomiste et profond observateur (290).

Vis-à-vis de la sépulture de Claude BAILLOT, pair de France, que nous trouvons après le monument de Dupuytren, est un étroit passage qui conduit à la belle chapelle du baron SCHICKLER (181). Suivons ce passage en côtoyant le groupe de monuments qui se trouve à gauche, et arrêtons nous après quelques pas pour contempler un des plus splendides spectacles que puisse offrir la nature. De cet endroit on découvre une grande partie de Paris et, dans un imposant lointain, les vertes collines qui descendent avec leurs bois, leurs villages et leurs prairies vers le cours de la Seine.

Après avoir dépassé la sépulture du banquier SCHICKLER, nous tournons à gauche, et nous arrivons aussitôt dans le sentier de Rigny. Le premier monument remarquable que nous trouvons sur ce sentier, à gauche en retournant vers l’avenue du midi, est celui de l’amiral DE RIGNY, dont les restes viennent d’être transportés dans une autre sépulture, à Montmartre (183).

Après le monument de Rigny, nous voyons l’obélisque en marbre blanc de l’amiral BRUIX (182).

A l’époque de l’expédition d’Egypte, BRUIX était vice-amiral et ministre de la marine ; en 1805 il commanda la célèbre flottille de Boulogne, destinée à opérer une descente en Angleterre.

Montons les sept degrés de pierre qui se trouvent de l’autre côté du sentier, exactement en face du monument de Bruix, et nous arriverons droit au sarcophage du duc de ROVIGO, qui se trouve un peu écrasé par celui du marquis d’Estampes, campé à sa droite.

René SAVARY était colonel de gendarmerie en 1804 ; il fut nommé alors ordonnateur en chef du supplice du duc d’Enghien, et s’acquitta de cette mission de sang avec une rigueur voisine de la férocité. Il arrêta une lettre que le jeune prince voulait faire parvenir à Napoléon, et ne lui permit même pas de recevoir les consolations de la religion. Son zèle dans cette circonstance lui valut un avancement rapide ; mais son nom est resté marqué d’une tache ineffaçable. Quand il n’eût fait qu’obéir, il y a des obéissances qui s’appellent avec raison des complicités. Dieu a fait ainsi le cœur de l’homme que la justice outragée s’y venge par une pitié implacable. Le meurtrier n’a qu’une heure, et la victime a l’éternité.

Derrière le monument du duc de Rovigo s’élève celui du général PAJOL et de son épouse, fille du duc de Reggio.

Dirigeons-nous ensuite vers la pyramide en marbre blanc du général BELLIARD, qui s’élève majestueusement à quelques pas d’ici (18).

Le général BELLIARD fut un des plus glorieux généraux de la république et de l’empire : il reçut en Égypte la première charge des mamelucks, les écrasa à la bataille des Pyramides, et prit ensuite, avec 1,200 hommes, Damiette, qui avait 12,000 défenseurs. Il devint ensuite gouverneur de Madrid, et général en chef des troupes d’Espagne sous le roi Joseph. Un boulet emporta son bras gauche à Leipsick. Après l’abdication de Napoléon, il fut nommé pair de France par Louis XVIII, et major-général de l’armée sous le duc de Berri. Emprisonné au retour des Bourbons, il rentra bientôt en faveur. Après la révolution de 1830, il fut envoyé à Bruxelles pour organiser le nouveau royaume de Belgique.

D’ici nous rejoignons l’avenue du midi, en passant près d’une pyramide surmontée d’un trophée de bronze et portant le nom du général d’ABADIE (185).

En continuant à monter, nous voyons à gauche la sépulture VIGIER, dans laquelle repose, près de sa fille, le général FRÈRE (291).

Nous laissons ensuite sur la droite un monument en tôle qui a été élevé au capitaine Couteaux, tué au siège d’Anvers en 1832 ; puis nous prenons à gauche le sentier d’Albuféra, à l’entrée duquel nous voyons le beau monument du maréchal SUCHET (391).

Gabriel SUCHET commença comme volontaire, conquit tous ses grades à la pointe de son épée, décida, par son élan, du succès des batailles de Marengo et d’Austerlitz, et commanda en chef l’armée d’Espagne, où il gagna ses titres de maréchal et de duc d’Albuféra.

Derrière le monument du maréchal Suchet on trouve :

À droite, le tombeau du savant docteur CULLERIER, connu par ses travaux sur la maladie qui coûta un œil à Pangloss et la vie à plus d’un monarque ;

À gauche, le monument du vice-amiral GOURDON.

Le tombeau de la duchesse DE LA TRÉMOILLE, née princesse de Tarente, se trouve derrière celui de l’amiral GOURDON.

La duchesse DE LA TRÉMOILLE montra un grand courage en se tenant aux côtés de la reine lors de l’envahissement des Tuileries, le 20 juin 1792. Sous Louis XVIII, son salon réunissait tous les génies hostiles à la révolution, et avec eux ces royalistes plus chevaleresque que clairvoyants qui, au lieu de marcher résolument à la tête du siècle, se tournaient obstinément vers le passé, semblables aux braves gens qui regardent l’endroit où le soleil s’est couché, dans l’espoir qu’il se lèvera à la même place.

En continuant, nous voyons du même côté, sur le sentier, le sarcophage du général THIBAULT et de son père Dieudonné THIBAULT, qui fut l’ami du grand Frédéric.

Le modeste monument du maréchal SERRURIER se trouve après celui de Thibault, à côté de la sépulture Chamberland.

L’ardeur républicaine de SERRURIER contribua, autant que sa bravoure, à le faire parvenir aux premiers grades sous la révolution. Au 18 brumaire, il prêta sa complaisance à Bonaparte pour surprendre la république, et fut nommé comte, sénateur, etc. ; en 1814, il adhéra un des premiers au renversement de l’empereur, et fut nommé par Louis XVII pair de France et gouverneur des Invalides. Il servit de nouveau Napoléon pendant les Cent-Jours, et perdit, au retour des Bourbons, gouvernement des Invalides et pairie.

De l’autre côté du sentier, nous voyons ensuite une colonne en marbre blanc surmontée d’un buste de bronze, et portant le nom du général RUTY.

En face de la colonne de Ruty se trouvent le sentier de Cambacérès et le sarcophage du maréchal LEFÈVRE (362).

Soldat à dix-sept ans, en 1772, et sergent vingt ans plus tard, au commencement de la révolution, François LEFEVRE ne tarda pas à regagner le temps perdu : en 1793, il était général, et en 1794 il commandait l’armée de Sambre-et-Meuse. Au 18 brumaire, il aida Bonaparte à renverser la constitution de la république. A la bataille d’Iéna, il commanda toute la garde impériale. Il assiégea et prit Dantzick, ce qui lui valut le titre de duc. A la fatale retraite de Moscou, il eut le commandement en chef de l’armée, et donna l’exemple du courage en marchant constamment à pied, quoiqu’il eût près de soixante ans. Habile surtout à électriser les soldats, son génie trouvait sur le terrain même, et sans combinaisons préalables, les moyens de fixer la victoire. Il eut douze fils qui tous moururent avant lui, les derniers sur le champ de bataille. Présenté à Alexandre après la prise de Paris : « Je ne vous ai pas vu ici au mompent de mon arrivée, » lui dit cet empereur : « Malheureusement non, répondit Lefèvre, car vous n’y seriez peut-être pas ! »

Nous laissons le sentier de Cambacérès, qui monte ici à notre droite, et nous passons au monument de MASSÉNA, qui s’élève près de celui du maréchal Lefèvre. Ce monument, d’une grande simplicité, se compose d’un obélisque en marbre blanc d’un seul bloc, de 10 mètres de haut (355).

André MASSÉNA, l’Enfant chéri de la Victoire, l’un des premiers capitaines d’un siècle si fécond en grands hommes de guerre, commença très jeune sa carrière, fit ses humanités à l’école des tambours, passa caporal avec le temps, devint ensuite maître d’armes, et resta dans cette position jusqu’à l’âge de quarante ans ; il n’en serait probablement pas sorti sans la révolution, qui vint lui assigner sa place ; en 1793, il était lieutenant-général. En Suisse, il tailla en pièces, d’un seul coup, l’année de l’archiduc Charles et celle du général Korsakoff, En 1806, il prit Naples, etc., etc., et devint successivement duc de Rivoli et prince d’Essling. Après avoir acclamé Louis XVIII, il accepta de Napoléon, en 1815, la pairie et le commandement en chef de la garde nationale.

A quelques pas d’ici, nous voyons sur la gauche la pyramide triangulaire de Frédéric Winsor, l’inventeur de l’éclairage par le gaz (288).

Vis-à-vis de la pyramide Winsor se trouve celle du général Burthe[3]. Derrière cette pyramide se trouve la sépulture du maréchal Davoust, qui laisse quelque chose à désirer sous le rapport de l’élégance.

A six pas du monument de Winsor, se trouve, au bord du sentier, la tombe du célèbre chirurgien Larrey. Cette tombe attend quelque chose de mieux qu’un simple entourage de bois.

LARREY, chirurgien en chef de la quatorzième armée de la république, à vingt-huit ans, créa les ambulances volantes avec lesquelles il enlevait les blessés sous le feu des batteries ennemies. Devenu chirurgien en chef des armées de l’empire, il rendit à l’humanité d’immenses services, qui ont donné à son nom une illustration universelle. A Waterloo, il se dévoua comme d’habitude, fut blessé et pris. L’empereur, dans son testament, l’honora d’un souvenir particulier. Sa statue en bronze, par David (d’Angers), se trouve dans la cour du Val-de-Grâce.

Nous voyons ensuite le beau monument du général GOBERT, par David d’Angers (281).

Le général GOBERT se distingua à Saint-Domingue, et mourut d’une blessure reçue dans la guerre d’Espagne. Son fils disposa d’une somme de 200,000 fr. pour l’érection de ce monument.

En face du monument de Gobert on voit sur le sentier la tombe du célèbre CARON DE BEAUMARCHAIS (347).

L’inimitable auteur du Mariage de Figaro fut d’abord maître de musique des filles de Louis XV, et commença sa réputation par des satires. Il se mêla plus tard de commerce sans discontinuer sa vie de plaisirs, et approvisionna de munitions les États-Unis insurgés contre l’Angleterre ! Il conquît à la fois une immense fortune par ses spéculations, et une immense célébrité par des procès qui n’eussent été que ridicules soutenus par d’autres que par lui. Entouré d’ennemis, il fit face à tous, et les confondit par des plaisanteries mordantes ou des arguments qu’il était seul capable de trouver. Un grand seigneur, piqué au vif, lui ayant dit un jour : « Savez-vous, monsieur Caron, que ma maison compte vingt-deux quartiers ? — Vous avez là sur moi un grand avantage, monsieur le marquis, lui répondit Beaumarchais, car mon quartier, à moi, ne compte pas vingt-deux maisons ! » Un bonheur aussi constant faisait dire : Beaumarchais sera heureux jusqu’au bout ; il sera pendu, mais la corde cassera ! Et la corde cassa en effet : il fut emprisonné à l’abbaye et condamné à mort en 1793 ; mais il échappa à l’échafaud, et mourut tranquille, mais ruiné, en 1799.

Derrière la tombe de Beaumarchais s’élève le monument en marbre blanc du comte de Ribes. A douze pas environ derrière celui-ci et un peu à droite, on voit sur une même ligne les tombeaux de la princesse CZARTORYSKA, du général SOURD et du général DESSOLES.

Le général SOURD, dans le cours de sa brillante carrière, reçut dix-sept blessures graves sur le corps ; mais son héroïsme à Waterloo surpassa tout ce que les annales militaires montrent de plus étonnant : sommé de se rendre par un colonel anglais, Sourd, pour toute réponse, lui passe son sabre au travers du corps, et renverse tout ce qui se trouve à sa portée. Horace Vernet représenté, sur son tableau de cette grande bataille, se défendant encore après que son bras droit, déchiqueté à coups de sabre, fut tombé à côté de lui. Pendant que Larrey le pansait à la hâte, Sourd, assis sur une borne, excitait par ses cris les hommes à bien faire ; puis il remonta à cheval, et, le sabre dans la main gauche, la bride entre les dents, il continua à charger. Ses lanciers recueillirent son bras amputé, et l’enterrèrent sur le champ de bataille avec cette poétique inscription :

Au bras le plus vaillant de l’armée !

Le général DESSOLES, ancien lieutenant et ami de Moreau, contribua beaucoup, en 1814, à faire prononcer la déchéance de Napoléon. Il commanda chef la garde nationale de Paris après le désastre de Waterloo, et fut membre du gouvernement provioire qui précéda la rentrée de Louis XVIII,

Nous prenons ensuite le sentier de Caulaincourt, dont l’entrée est indiquée par un puits prés duquel on voit, à droite, un emplacement entouré d’une grille et planté de cyprès ; c’est la tombe du maréchal NEY (259). On n’y voit aucune inscription ; quelques rosiers seulement indiquent la place où repose le brave des braves.

Michel NEY justifia cent fois le glorieux surnom que lui avait donné l’armée tout entière ; mais sa tête, malheureusement, était moins forte que son cœur, lorsque Napoléon, dont il avait approuvé la déchéance, débarqua en France, il promit à Louis XVIII de ramener l’usurpateur dans une cage de fer, et fut l’un des premiers à se jeter dans ses bras. A la rentrée des Bourbons, il fut condamné à mort par la cour des pairs, et mourut comme il avait vécu, en disant aux soldats : « Vive la France ! Camarades, droit au cœur ! » — C’était une nature de fer, âpre à la fatigue, et qui ne devait disparaître que dans le tourbillon d’un champ de bataille. Quand sa physionomie, empreinte de franchise, s’animait tout à coup au choc d’une pensée rapide, le génie rayonnait sur son front puissant. Tout en lui respirait alors l’allure supérieure d’une volonté sûre de se faire obéir.

Il y a des victimes que la postérité contemple avec un immense intérêt, parcequ’elles résument la gloire et les infortunes de leur temps. Ney est une de ses victimes : on peut s’étonner de sa versatilité ; mais on s’incline devant la grandeur de ses derniers moments. Il mourut en héros laissant un de ces noms qui éblouissent les siècles.

À côté de Ney, nous voyons sur le sentier le sarcophage en pierre du fameux MERLIN de Thionville, l’ancien ami de Marat et de Robespierre (258).

MERLIN de Thionville, associé à Camille Desmoulins, fonda sous la terreur un journal avec cette épigraphe : « Il n’y a pas de victime plus agréable aux Dieux qu’un roi immolé ! » On le voyait constamment alors avec Saint-Just, Couthon et autres fameux révolutionnaires. A la Convention, il voulut jouer le rôle de Brutus avec l’âme de Marulle, et s’écria un jour : « Qu’on me désigne les dictateurs que je dois poignarder ! » Membre furibond du comité de surveillance, il rêvait toujours conspirations, et fit appeler à la barre Mme Roland, qui le convainquit de folie. Envoyé comme commissaire aux années, il écrivit à la Convention : « C’est au nom de Louis Capot qu’on égorge nos soldats, et nous apprenons qu’il vit encore ! » Dans les départements où il se promena ensuite, il montra la même exaltation ; mais, dans ce rôle de proconsul révolutionnaire, précédé de la hache de la terreur, il simula la fureur du temps plus qu’il ne l’assouvit. Après la chute de Robespierre, il devint président de la Convention, et demanda la fermeture des clubs, où il avait si souvent péroré.

Les choses humaines, quand de tels caractères s’en mêlent, font éclater de rire !

Merlin de Thionville vota contre le Consulat à vie au conseil des Cinq-Cents, et s’en alla vivre ensuite tranquillement dans ses terres.

En face du tombeau de Merlin se trouve le joli monument en marbre de Mme  Marguerite de LA ROCHE-DRAGON, comtesse DU LEYRIS (282).

Un peu plus loin nous trouvons, à gauche, la chapelle PHILIPPON, dont la campanille élevée se distingue d’assez loin (280).

De la plateforme où est situé ce monument la vue embrasse presque tout Paris et les innombrables communes qui pressent sa ceinture et respirent de son souffle. Devant nous la ville se perd à l’horizon : le géant replie ses coudes derrière les collines qu’il a envahies.

Nous tournons ensuite à droite, et après les tombeaux du comte polonais MALACHOWSKI et du général anglais Sir George AIREY, nous voyons le petit monument de Joseph DACIER, le vétéran de tous les académiciens passés.

Ecrivain agréable et spirituel, Joseph DACIER associa dans ses écrits le goût à l’érudition. Il a traduit Xénophon, et laissé des travaux remarquables sur l’histoire de France. Il fut académicien pendant soixante et un ans, et mourut âgé de près d’un siècle.

D’ici nous suivons entre les tombes une voie étroite qui passe au pied du monument de Dacier, et nous nous dirigeons vers une petite chapelle au vitrage colorié que nous apercevons à quarante pas environ. Nous passons à côté de cette chapelle, et nous marchons ensuite sur une grande colonne cannelée, en marbre blanc, qui s’élève devant nous. C’est le monument d’Armand CAULAINCOURT, duc de Vicence (275).

Descendant d’une ancienne et illustre famille de Picardie, Armand DE CAULINCOURT fut d’abord aide de-camp du lieutenant-général marquis de Caulincourt, son père. La révolution arriva ; il fut mis en prison, et en sortit pour devenir troupier dans un régiment de la république. Bonaparte, l’ayant remarqué, en fit son aide-de-camp et son confident. En 1804, il dirigea une des deux troupes qui envahirent nuitamment un pays allié, le duché de Bade, et trempa ainsi, peut-être sans le savoir, dans le guet-apens dont le duc d’Enghien fut victime. Il devint ensuite ministre des affaires étrangères de l’empire, grand-écuyer de l’empereur, duc de Vicence, etc.

Non loin de la colonne de Caulaincourt, nous apercevons un rocher factice surmonté d’un simulacre de télégraphe ; c’est là que repose CHAPPE (274).

La première ligne télégraphique fut établie, d’après les indications de CHAPPE, sur la frontière du Nord, en 1793, et la première nouvelle qu’elle annonça fut celle-ci : « Condé est restitué à la république. » Cet instrument, inconnu des anciens, venait de réaliser le rêve des poètes : il avait donné une voix et des ailes à la victoire. Chappe se noya dans un puits du désespoir qu’il conçut en se voyant contester son invention.

Vis-à-vis du tombeau de Chappe se trouve celui du général DUROSNEL (254).

Par ses brillantes charges de cavalerie, DUROSNEL détermina la déroute des Prussiens à Iéna. Il devint aide-de camp de Napoléon, et commanda la garde nationale de Paris pendant les Cent-Jours.

A quelques pas d’ici nous montons à droite un petit sentier qui aboutit à celui de Benjamin Constant. Nous prenons ce dernier sentier à gauche, et nous voyons d’abord, du même côté, le tombeau en granit de Ludwig BOERN, poète et patriote allemand. Ce monument est orné d’un buste et d’un bas-relief en bronze.

Nous rencontrons ensuite la sépulture destinée au comte POZZO DI BORGO, moteur en 1814 des souverains coalisés contre la France et plus tard ambassadeur de Russie à Paris.

POZZO DI BORGO, compatriote de Napoléon et comme lui d’abord révolutionnaire, on affectait de l’être, tenta, avec Paolli, de soustraire la Corse à la France, et devint dès lors ennemi mortel de Napoléon. Il passa ensuite au service de Russie, devint aide-de-camp et conseiller intime de l’empereur Alexandre ; traça avec Bernadotte le plan de la campagne des alliés contre la France, et prit une part active aux traitée de 1815.

A quelques pas de la sépulture Pozzo di Borgo, nous voyons le monument en forme de tribune de GARNIER-PAGÈS (251). Une souscription nationale a élevé ce monument, qui est en marbre et d’une grande simplicité.

Vis-à-vis du monument de Garnier-Pagès, se trouve celui du peintre AUGUSTIN (329). Les traits caractéristiques de cet artiste distingué ont été reproduits par David (d’Angers) dans un médaillon d’une exécution parfaire.

A quelques pas d’ici nous voyons à gauche le monument d’Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE, l’illustre révélateur de l’Histoire naturelle (250).

Geoffroy-Saint-Hilaire traversa les années sinistres et glorieuses de la révolution, calme et les yeux fixés sur le rayonnement de la science, dont il fit le soleil de toute sa vie. Toujours enthousiaste pour ce qui était grand, il suivit l’expédition d’Egypte, et rapporta de cette terre antique des matériaux pleins d’intérêt pour l’histoire. Lié à Napoléon comme Aristote à Alexandre, on le vit sous l’empire semer les idées à la suite des armées sur les champs de bataille labourés par les boulets. Non content d’être l’historien des faits de la nature, il voulut en saisir les lois, et remua l’histoire du monde pour la poser sur des bases nouvelles. Plus architecte que sculpteur, il jeta en bloc ses pensées sans se soucier de les polir ; mais le désordre des détails est racheté dans son œuvre par le caractère et les beautés de l’ensemble.

Lorsque la révolution de 1830 éclata, l’archevêque de Paris, regardé comme l’inspirateur des fatales ordonnances, faillit être englouti par les grandes eaux de la révolte qui débordaient comme l’Océan, et n’eut que le temps de se réfugier à la Pitié, parmi les malades. Geoffroy, instruit des dangers qui menaçaient le prélat, courut lui offrir un asile, lui fit revêtir un de ses habillements, et ramena à la nuit dans sa retraite du Jardin-des-Plantes, où nul ne s’avisa de venir chercher le prince de l’Eglise. En 1793, il avait fait presque la même chose, au péril de sa vie, pour sauver l’abbé Haüy.

Devenu aveugle comme Milton et comme Galilée, Geoffroy ouvrit les yeux de l’âme, et au moment où le déclin de ses forces l’attirait vers la tombe, il remontait par la pensée au berceau de la création du monde.

Devant cette tombe béante, le conventionnel Lakanal vint rappeler, en termes d’une simplicité antique, que cinquante ans auparavant, presque jour pour jour, il avait fait nommer Geoffroy professeur d’histoire naturelle.

Près du tombeau de Geoffroy se trouve le monument de la comtesse DEMIDOFF, qui a été transféré ici de l’emplacement qu’il occupait derrière la sépulture du maréchal Mortier dans l’ilot du général Foy. Ce mausolée est tout entier en marbre blanc et d’une exécution admirable. C’est le plus riche du cimetière (249 et 253).

Nous rencontrons ensuite, du même côté, une grande chapelle qui renferme les cendres d’Antoine PERRY, époux de la comtesse Julie DFE PAHLEN (248). A l’intérieur de cette sépulture, dont l’entrée se trouve de l’autre côté, on voit un magnifique bas-relief en marbre, représentant la comtesse Julie agenouillée devant le monument de son mari. Cette touchante allégorie est d’une exécution remarquable.

En face de la sépulture Perry se trouve celle des familles LAPLAGNE et DUPIN, qui renferme M. LACAVE-LAPLAGNE, député et ministre des finances sous Louis-Philippe.

En continuant, nous voyons à gauche la sépulture gothique de la famille Malher, en pierre jaunâtre de Château-Landon. On y lit quelques vers qui expriment de belles pensées, tels que ceux-ci :

La tombe est un nid où l’âme
Prend des ailes comme l’oiseau.
En avançant dans notre obscur voyage

. . . . . . . . . . . . . . . . . .


En deux moitiés notre âme se partage,
Et la meilleure appartient au tombeau.


C’est bien vrai !

Nous laissons ensuite sur la droite une sépulture unique dans son genre (327) qui a été élevée à M. RACINE, directeur des douanes ; puis nous rencontrons, du même côté, le monument de Michel GAUDIN, duc de Gaête, ministre des finances de l’Empire (326).

En face du monument du duc de Gaête, repose, sous un sarcophage en marbre blanc, le poète CAILHASSON, qui, entre autres beaux vers, fit les suivants, qu’on a gravés sur sa tombe :

Il est un autre ciel et des soleils nouveaux.
Dont nulle ombre jamais n’obscurcit les flambeaux ;
Là l’esprit, délivré de sa prison grossière,
Durant l’éternité s’abreuve de lumière ;
Là le juste, vainqueur après de longs combats,
S’entoure de lauriers qui ne périssent pas.

A trente pas environ du tombeau de Cailhasson on aperçoit, sur la gauche, une sépulture surmontée d’un toit de zinc en forme de pavillon chinois. Entre cette sépulture et celle de Denis Poisson, qui se trouve un peu plus bas, on découvre, en y regardant de près, une humble tombe ornée de quelques rosiers, de quatre petits cyprès et d’un grossier entourage de bois. C’est là le monument de Mlle  CLAIRON, la plus célèbre tragédienne du dix-huitième siècle.

Mlle  le CLAIRON, dont le vrai nom était Claire Leyris Delatude, naquit en 1723, et fut sur la scène française la rivale préférée de Mlle  Dumesnil. Elle obtint les hommages de tous les poètes de son temps et surtout de Voltaire. A la suite d’une contrariété, elle quitta le théâtre, et devint la favorite d’un petit prince d’Allemagne, le margrave d’Anspach, près duquel elle vécut dix-sept ans Larive, qu’elle aima, et Mlle  Raucourt furent ses élèves.

Denis POISSON, pair de France, dont la sépulture se voit à quelques pas d’ici, fut un savant mathématicien de la célèbre école fondée par La Place.

Nous retournons ensuite sur nos pas, et nous montons, en face du sarcophage de Cailhasson, le sentier de Pariset, à l’entrée duquel se trouve, à gauche, le monument de Charles ETIENNE, auteur dramatique et publiciste remarquable (320).

ETIENNE était président de l’Institut à l’époque du retour de Napoléon, et félicita en cette qualité le grand homme tout en lui réclamant les libertés réclamées par l’esprit de la nation. A la seconde restauration, il se fit journaliste, devint député et se consola de n’être plus de l’institut en faisant des satires spirituelles et mordantes contre ceux qui l’avaient chassé.

En continuant, nous voyons du même côté le sarcophage en marbre noir de la princesse de SALM-DICK (322).

Constance DE THEIS débuta par de charmantes poésies, telles que de Bouton de Rose, qui lui firent beaucoup de réputation. Elle épousa, en 1789, un M. Pipelet, chirurgien-accoucheur, et publia sous ce nom différentes pièces de théâtre. Devenue veuve en 1803, elle épousa un ancien petit souverain d’Allemagne, le prince de Salm-Dick, et continua à cultiver les muses.

Vis-à-vis du sarcophage de la princesse de Salm-Dick se trouve le monument du docteur PARISET, traducteur des œuvres d’Hippocrate, auteur de travaux sur la peste, que son zèle le porta à aller étudier sur les lieux mêmes où elle sévissait (331).

Au bout de ce sentier, nous voyons à droite une pyramide qui a été élevée au général HUGO, avec cette inscription :

Trente ans de guerre l’avaient épargné,
Quatorze ans de paix l’ont tué.

Il y a peut-être là une bonne pensée mal rendue.

Ce général se distingua par un courage chevaleresque et une habileté remarquable dans toutes les guerres de la révolution et de l’Empire ; mais son plus beau titre de gloire ne vient pas de ses campagnes : le général Hugo fut le père d’Abel et de Victor Hugo.

Vis-à-vis de la pyramide du comte Hugo se trouve le monument de Camille JORDAN, orné d’un buste en marbre du célèbre orateur (377).

Camille JORDAN embrassa avec ardeur les principes de la révolution ; mais lorsque la liberté, cette liberté descendue du ciel, devint une prostituée, une chemise sale et des haillons, il recula avec dégoût, et se demanda si un tel peuple était quelque chose. A la Convention, il défendit avec énergie la ville de Lyon, dénoncée comme un repaire de brigands et d’assassins (c’est ainsi qu’on appelait alors les royalistes), lutta contre les jacobins et fut forcé de s’exiler pour sauver sa tête. Sous la Restauration, il fut député et défendit les libertés publiques. Il mourut pair de France en 1821.

A côté du monument de Camille Jordan ou voit sur le sentier la petite chapelle du général MORAND, ancien aide-de-camp de l’empereur.

Nous descendons ensuite le sentier de Foy en face de la chapelle Morand, et, après avoir tourné à gauche, nous voyons d’abord la sépulture en marbre de la famille Brazier (351). A quelques pas de cette sépulture nous apercevons du sentier, sur la gauche le monument en marbre blanc du baron de VATRY, ancien intendant général des armées navales, ministre de la marine, etc. (352.) Un peu plus loin nous rencontrons, du même côté, la chapelle sans inscription de TALBOT DE SAINT-SIMON, parent du fameux fondateur de l’école saint-simonienne. En face de cette sépulture on voit, du sentier, un modeste monument ombragé d’un lilas. Cette pierre et cet arbuste recouvrent les restes du général NANSOUTY (332).

Etienne CHAMPION DE NANSOUTY fut l’un des plus brillants généraux de la cavalerie française. Il adhéra un des premiers, en 1814, à la déchéance de Napoléon, et mourut, en 1815, du chagrin de voir sa patrie envahie.

Nous trouvons ensuite, sur la droite, le monument du statuaire DUPATY et celui de MERCIER-DUPATY de l’Académie française (333), tous deux fils du célèbre président Dupaty, dont les travaux sur la réforme des lois criminelles et le courage civique ont conquis cette glorieuse immortalité réservée aux amis et aux défenseurs de l’humanité.

Le sculpteur DUPATY a laissé des œuvres remarquables dans lesquelles on trouve souvent une audace originale et une profonde étude de l’antique, telles que la statue équestre de la place Royale, la Vénus Genitrix du Jardin-des-Plantes, etc.

L’académicien DUPATY a composé un grand nombre d’opéras-comiques et des vaudevilles. Son poème des Délateurs, satire de circonstance qui obtint un immense succès, le fit exiler par l’empereur. Dans ce temps-là on ne pouvait parler que sous le voile de l’allégorie, set encore !

En face du monument de Dupaty se trouve celui de l’immortel GIRODET-TRIOSON, l’un des plus grands peintres des temps modernes (342).

Les compositions de GIRODET se font remarquer par la beaulé du coloris, l’harmonie des couleurs et la transparence des formes. Parmi ses nombreux chefs-d’œuvre, on cite Endymion endormi, lEnterrement d’Atala et surtout une Scène du Déluge.

Nous voyons ensuite sur la gauche, avant d’arriver au général Foy, la tombe en marbre de Stanislas GIRARDIN (337).

Député à l’assemblée de 1791, GIRARDIN vota pour le mariage des prêtres et pour la suppression des titres de sire et de majesté. Il demanda ensuite la mise en accusation des ministres, et s’opposa aux poursuites contre Marat. Elu président de cette assemblée, il reçut Louis XVI lorsque ce prince se rendit à la séance ou les députés jurèrent le maintien de la monarchie, qu’ils se disposaient à renverser. Il disparut ensuite de la scène politique, et se retrouva au tribunat, en 1799, avec Benjamin Constant, son ennemi intime. En 1814, il se prononça des premiers pour le retour des Bourbons, qui récompensèrent mal son empressement. Nommé préfet et élu député en 1819, il siégea la gauche de la chambre, fut destitué et devint orateur libéral. Ses funérailles, en 1827, attirèrent un concours immense, et le monument que nous voyons ici fut élevé par souscription

Nous voici devant le monument du général Foy (336).

Maximilien FOY fut soldat à quinze ans et général à vingt-cinq. Il commanda en chef l’armée d’Espagne après la bataille de Salamanque, et reçut sa quinzième blessure à Waterloo. Il donna son adhésion à la chute de Napoléon, et fut créé comte par Louis XVIII. Nommé député en 1819, il développa à la tribune un talent qu’on était loin de soupçonner, et lutta sans relâche contre les tendances rétrogrades de la Restauration. Il mourut très pauvre en 1825.

Derrière le monument de Foy on voit celui de DAUNOU, en granit et orné d’un médaillon de bronze.

DAUNOU était oratorien avant la révolution, et devint grand-vicaire d’Arras après la dissolution de son ordre. Élu à l’assemblée de 1791, il rédigea la fameuse constitution de l’an III, qui vécut ce que vivent les roses. En 1792 il ne voulut pas se couvrir du sang de Louis XVI, qu’il jugeait coupable : il s’arrêta devant cette redoutable question qui fait hésiter l’histoire et trembler l’humanité. Incarcéré par suite de son vote, il fut sauvé par la chute de Robespierre, et devint en 1795 président de cette assemblée de sombre et puissante mémoire, qui se reposait comme le vieux Saturne après avoir dévoré ses enfants. Il alla ensuite à Rome organiser la nouvelle république italienne, et en revint pour présider le conseil des Cinq-Cents, où il avait été envoyé par vingt-sept départements. La république qui lui convenait n’était pas le triomphe d’une plèbe ignorante sur le génie du reste de la nation ; c’était la répartition équitable de tous les droits entre toutes les classes. Il vit avec douleur le 18 brumaire, qui sauvait un jour en perdant un siècle, n’approuva pas cette humiliante tutelle qui enchaînait la nation sous prétexte de la guider, et quitta la vie politique pour la présidence de l’Institut. Il a laissé une Histoire des progrès de l’esprit humain ; mais son plus beau titre l’immortalité est d’avoir proposé la création de l’Institut.

En face du monument de Foy, on voit le sarcophage en marbre blanc de M. DEVAUX, ancien député du Cher et conseiller d’État (330).

On voit encore en face du monument de Foy (sur le sentier de Benjamin Constant) le tombeau du célèbre ami de Mme Récamier, du grand orateur de l’opposition libérale, de Benjamin CONSTANT, enfin. Ce monument se composa d’une petite pierre portant une inscription presque effacée déjà (255).

Benjamin CONSTANT, ami de Lafayette, vota au tribunal pour la liberté de la presse, et cette indépendance le rendit odieux à Bonaparte, qui l’exila en Allemagne, d’où il revint en 1814. En apprenant le débarquement de Napoléon en 1815, il emprunta à l’antiquité ses accents les plus tragiques pour élever la réprobation contre l’usurpateur à la hauteur de l’histoire et du péril public ; il parla alors de mourir sur son banc de député ; mais, entre la conviction qui s’exalte pour un principe et l’action qui l’accomplit, il y a toujours place pour un peu d’égoïsme. Malgré sa protestation toute romaine, Benjamin Constant se laissa nommer conseiller d’État par Napoléon. Il essaya alors ce tour de force impossible du lier le grand homme par une constitution, et composa avec lui le fameux Acte additionnel de 1815, où le despotisme le mieux conditionné se déguisait sous des apparences pompeuses. Après Waterloo et jusqu’à la fin de sa carrière, Benjamin Constant se montra un des plus zélés défenseurs des libertés publiques ; en 1830 il fut un instant président du conseil d’État.

L’amour, ce sentiment qui scelle les fiançailles de la terre et des deux, enchaîna Benjamin Constant à la célèbre et gracieuse madame Récamier. Inspiré par le génie de cette femme et par celui de madame de Staël, il a composé de nombreux écrits politiques qui resteront commodes modèles d’éloquence.

À côté du tombeau de Benjamin Constant se trouve celui du journaliste DULONG (253).

DULONG n’était pas de ces littérateurs éhontés qui trempent chaque matin leur plume dans le sang des victimes pour écrire des libelles en l’honneur des bourreaux. Homme de conviction avant tout, il ne fit jamais de son talent métier et marchandise ; merveilleusement doué pour les vives manœuvres de la polémique, il imprimait à ses productions le cachet de son imagination ardente et originale. Il fut tué eu duel par le maréchal Bugeaud, dont il avait discuté sans ménagement les actes et le caractère.

Dulong quoique brillant écrivain n’a laissé qu’un nom et point d’œuvres ; le journal fait grand bruit, mais c’est le bruit du jour ; le soir l’éteint, et la nuit l’emporte.

Retournons d’ici sur nos pas, et prenons à droite le sentier de Ney, qui fait suite à celui de Foy.

Derrière une croix de pierre que nous rencontrons à gauche, au centre de la sépulture Héricart de Thury, on voit du sentier le tombeau du général SOULÈS, ancien commandant de la garde consulaire à Marengo, et celui de PARENT-RÉAL, membre des Cinq-Cents, député, etc.

Sur l’autre côté du sentier, nous voyons, en face d’ici, le modeste sarcophage du général LOVERDO, ancien gouverneur général de l’Algérie (257).

Le général LOVERDO vota en 1814 la déchéance de Napoléon, fut placé sous la surveillance de la police pendant les Cent-Jours, et après Waterloo fit arborer le drapeau blanc dans le midi, où il se trouvait. Il prit part à l’expédition d’Alger en 1830, et succéda au maréchal Bourmont dans le commandement en chef.

En continuant, nous trouvons, sur la droite, un sarcophage on marbre blanc et orné d’un médaillon : c’est le tombeau d’un Espagnol, mort en 1852. En face de ce sarcophage se trouve le monument du comte DE PFEFFEL, ambassadeur de Bavière. Nous passons à côté de ce petit chef-d’œuvre de goût et de légèreté pour arriver près des trois colonnes groupées qui se voient derrière lui. Ces trois colonnes composent le monument des frères LAMETH (345).

Les trois frères LAMETH embrassèrent avec ardeur la cause de la révolution, et furent élus tous les trois membres de l’assemblée de 1791. Tous les trois aussi furent lieutenants-généraux.

Charles LAMETH, l’aîné, ayant été provoqué par le duc de Castries, se battit en duel avec lui, fut blessé, et le lendemain le peuple saccagea l’hôtel du duc. Il fut élevé ensuite à la présidence, descendit du fauteuil pour aller en prison, fut sauvé par son frère Théodore, et se réfugia à l’étranger quand il vit ta terreur prendre la place de la liberté.

Alexandre LAMETH présida, après son frère, l’assemblée constituante, devint l’ami de Louis XVI après le retour de Varennes, tout en restant fidèle aux principes de la révolution, contribua à la chute de l’empereur, fut nommé pair de France par Louis XVIII en 1814, et devint député de l’opposition sous la seconde restauration.

Quant à Théodore LAMETH, ; âgé de près de cent ans aujourd’hui, nous attendrons pour en parler qu’il ait rejoint ses deux frères.

Derrière le monument des frères Lameth on voit celui de MANUEL, qui n’a de remarquable que ses proportions colossales (346).

MANUEL fut sous la Restauration un des plus célèbres et des plus courageux défenseurs des liberté françaises. Élu député par trois départements en 1818, il prit avec chaleur la défense de la révolution contre ceux qui en calomniaient les principes. Cette audace le fit expulser par la majorité. Son convoi donna lieu à une éclatante manifestation de l’opinion publique, et fut suivi par plus de cent mille personnes.

Nous nous dirigeons d’ici vers l’espèce de tour ornée de compas et de gerbes de blé qui s’élève dernière Manuel. Nous passons ensuite derrière les trois colonnes de la sépulture Garnier, et tout à côté de cette sépulture nous voyons à nos pieds une tombe en marbre, noircie par le temps, et entourée d’une grille fort simple ; c’est là que repose Paul BARRAS, un des hommes les plus célèbres de l’histoire contemporaine.

Paul BARRAS, d’une antique maison de Provence, né avec le titre de comte et paient du duc de Blacas, le fidèle ministre et le compagnon d’exil de Louis XVIII, vota la mort de Louis XVI par cet entraînement qui emporte les hommes dans le torrent des révolutions ; commanda toutes les forces de la Convention contre les sections révoltées, cerna Robespierre avec tous ses partisans à l’Hôtel-de-Ville, les fit prisonniers et rentra avec eux à la Convention ; devint ensuite directeur de fait du Directoire exécutif ; protégea Joséphine Beauharnais et la maria avec Bonaparte, dont il fit en même temps la fortune, fut renverse par ce soldat qu’il avait élevé, et devint l’ennemi du destructeur de la république, dont il contribua à faire prononcer la déchéance en 1814. Odieux aux Bourbons comme régicide, il s’enveloppa, sous la Restauration, de son obscurité comme d’un vêtement historique qui sied aux vaincus et qu’on ne dépouille que pour revêtir le linceul.

Près de la tombe de Barras on voit le sarcophage du général BRAYER, pair de France, et l’un des légataires de l’empereur.

Le général BRAYER commandait à Lyon lors du retour de Napoléon, et au lieu de le combattre il prit le commandement de son avant-garde. Compris en 1815 sur la même liste que Ney et Labédoyère, il se sauva eu Prusse, où il apprit sa condamnation à mort, et passa de là en Amérique, où il devînt général en chef des troupes de Buenos-Ayres. Ayant été amnistié, il vint chercher un tombeau dans sa patrie.

Devant le monument du général Brayer on voit la sépulture du maréchal MORTIER, duc de Trévise (344). La duchesse de Trévise repose dans cette chapelle à côté du cœur de son mari. Le corps du maréchal a été enterré aux Invalides.

À gauche de la sépulture Mortier se trouvent placés sur une même ligne :

Le conventionnel GOSSUIN, Joseph GOSSUIN, député à l’Assemblée constituante, et le général HAXO.

Le général HAXO, ancien aide-de-camp de l’empereur, fut nommé à la seconde Restauration membre du conseil de guerre, chargé de juger le général Lefebvre-Desnouettes, son ancien ami et compagnon d’armes, et il opina pour la mort. Le général Haxo cependant était brave ; mais le courage de certains hommes est bien plus dans leur bras que dans leur cœur, et souvent les événements qu’ils ont combattus la veille n’ont pas de plus fervens défenseurs le lendemain.

Entre le monument du général Haxo et la chapelle Mortier on voit le petit sarcophage en marbre blanc du général ORDENER et de son épouse. C’est le général Ordener en personne qui arrêta le duc d’Enghien dans le duché de Bade ; cette expédition nocturne n’est pas ce qui honore le plus sa mémoire.

À côté du tombeau d’Ordener se trouve celui du baron FAUCHER, ancien préfet et ambassadeur.

Derrière la chapelle Mortier se trouvait naguère le magnifique mausolée de la comtesse DEMIDOFF (353). On l’a enlevé pour le placer près du tombeau de Geoffroy Saint-Hilaire, sur le sentier de Benjamin Constant.

À dix pas environ, derrière la pyramide du général HAXO, on voit le tombeau de M. ROUSSEAU, pair de France. Au milieu de remplacement occupé par ce monument, on voit un buste en bronze que le troisième arrondissement de Paris a érigé à cet honorable magistrat.

Passons derrière ce monument, et dirigeons-nous ensuite à droite vers la chapelle Morainville. En suivant cette direction tracée entre les tombes, nous laissons à droite le sarcophage en pierre du général GUILLEMINOT (360).

Ce général, Belge d’origine, commanda les premiers insurgés de son pays contre l’Autriche, et servit Napoléon, dont il vota la déchéance en 1814. Sous la Restauration il fut longtemps ambassadeur en Belgique.

En continuant, nous trouvons le sentier de Cambacérès. Avant de descendre ce sentier, à droite, disons deux mots de ce qui se trouve de remarquable sur la partie que nous ne visitons pas[4].

C’est d’abord, à droite, la sépulture de la famille Boode, puis un peu plus loin, du même côté, le sarcophage en marbre du maréchal espagnol DON ALVARES DE OLIVIERA. Derrière ce monument se trouve celui du marquis GARNIER, ancien ministre et pair de France (379).

Le marquis GARNIER, ancien secrétaire de Mme Adélaïde, tante de Louis XVI (et tout bonnement alors le sieur Germain Garnier), s’expatria en 1792 ; et revint en France après le 18 brumaire pour s’attacher à Bonaparte qui le fit sénateur, comte, puis, en 1800, président du sénat. Dans cette position le comte damier se distingua par le lyrisme de son enthousiasme pour l’empereur, et c’était bien naturel ; mais lorsque le sénat, ce corps qui représentait si bien les vices de la nation affaissée sous le despotisme, l’adoration du succès et l’infidélité au malheur, eut voté sa propre abjection en dégradant l’empereur. Garnier se précipita vers le nouveau maître avec plus d’empressement que de pudeur. Il fut un des auteurs de la charte de 1814, devint Pair de France ministre, académicien, etc., et changea son titre de comte, qui lui venait de l’usurpateur, contre celui de marquis, — Marquis Garnier ! — Littérateur de mérite, ou reste, ayant la tête admirablement meublée en connaissances historiques, et traducteur des œuvres d’Adam Smith.

Sur le même point on voit, de l’autre côté, la pyramide de l’amiral Ver-Huel (358).

L’amiral VER-HUEL combattit glorieusement contre l’amiral Keith dans la Manche, en 1803. Il devint ensuite ministre de la marine de Hollande, puis maréchal de Hollande, en 1806 ; et, après la réunion de son pays à la France, commanda les forces navales dans la mer du Nord

En descendant le sentier de Cambacérès, nous rencontrons, à gauche, près de la chapelle Morainville et derrière le tombeau de M. Frédéric WEYLAND, ministre de Saxe-Weimar, un monument assez élevé et tout chargé d’inscriptions tirées de S. Paul : c’est le tombeau du pasteur RABAUT, frère du fameux girondin RABAUT SAINT-ETIENNE. A vingt pas environ, derrière ce monument, on voit deux petites pyramides en marbre blanc, dont l’une indique la tombe de la célèbre Mme  COTTIN, auteur de romans où l’on trouve beaucoup de sensibilité unie à une grande profondeur de jugement et à un style enchanteur.

Observons en passant que toute cette partie à notre gauche est particulièrement consacrée aux sépultures protestantes.

Nous rencontrons ensuite sur le sentier le monument de CAMBACÉRÈS (389).

En 1780, CAMBACÉRÈS commença à se faire remarquer par son ardeur révolutionnaire. A la Convention, il devint membre du fameux comité de salut public, et sollicita la création du tribunal révolutionnaire, Il fut cependant plus terroriste de langage que de cœur et de main. Il porta à Louis XVI, au Temple, le décret qui permettait à ce prince de se choisir un défenseur ; observa un prudent silence pendant la terreur, et, après le 18 brumaire, s’attacha à Bonaparte, qui le fit successivement second consul, duc de Parme, archi-chancelier et prince de l’empire. Il exerça une grande influence sur tous les actes de Napoléon, dont il conserva pendant quatorze ans la confiance. On le considère, avec raison, comme le fondateur du Code civil.

Exilé en 1815, il revint en France en 1818, et vécut dans la retraite jusqu’à sa mort.

Cambacérès eut quelques-uns des travers de l’antiquité, et particulièrement celui du Romain Parthénius. Humain et savant, du reste, et doué d’un esprit ferme du gouvernement.

Après avoir dépassé le monument de Cambacérès et la tombe du baron DE SALZIEU, ancien colonel des marins de la garde, qui l’avoisine, nous prenons à gauche en petit passage qui conduit au tombeau du maréchal BEURNONVILLE, situé à quelques pas (386).

Paul RIEF, comte DE BEURNONVILLE, général d’une valeur célèbre dans les armées de la république, et surnommé, par Dumouriez, l’Ajax français, fut ministre de la guerre en 1793, et lutta contre les jacobins, qui voulaient sa tête. Envoyé en Belgique pour réprimer la défection de Dumouriez, son ami et son ancien chef, il fut arrêté par lui et livré aux Autrichiens, qui l’enfermèrent pendant quatre ans dans les prisons d’Olmulz. Après la chute de Robespierre, il fut échangé contre la fille de Louis XVI. En 1814, il se prononça hautement pour la déchéance de Napoléon, et fut membre du conseil qui gouverna la France entre la chute de l’empire et le retour des Bourbons, Louis XVIII le fit successivement pair et maréchal de France.

En suivant la même direction entre les tombes, nous arrivons devant le beau monument du comte Edmond BOURKE, ambassadeur de Danemarck à Paris. Près de ce monument se trouve une petite pierre ornée de l’alphabet de sourds-muets et portant le nom vénéré de l’abbé SICARD (397).

Ambroise SICARD fut du petit nombre de ceux qui nuisent pour le bonheur de leurs semblables. Il se montra le digne successeur de l’abbé de l’Epée, et perfectionna l’ingénieuse méthode qui, au moyen de signes, fait entendre les sourds et parler les muets. Il consacra sa vie, son intelligence et sa fortune au bien-être de ses élèves. Pendant qu’il achevait de vivre et que son âme prenait son essor sur les ailes de la prière, les infortunés qu’il avait initiés à la vie intellectuelle, rangés autour de lui, contemplaient dans un douloureux recueillement ce spectacle d’un juste qui s’en va de ce monde. Il s’éteignit, au milieu d’eux, à l’âge de quatre-vingts ans, en 1822.

Au dessus du tombeau de l’abbé Sicard, à quinze pas environ et à droite, on voit une pyramide droite en marbre blanc : c’est le monument de François HUE, premier valet de chambre de Louis XVI.

François HUE, s’honora par sa fidélité inaltérable et son dévouement à la famille royale aux jours de l’adversité. Il ouvrit les portes de la chambre de Louis XVI le 20 juin 1792, et se tint à côte du roi, pour le couvrir au besoin, pendant le défilé du peuple. Resté aux Tuileries après le départ de Louis XVI, le 10 août suivant, il n’échappa au massacre qu’en se jetant par une fenêtre dans le jardin, et de là dans la Seine. Il alla ensuite avec Louis XVI à la tour du Temple ; mais il en fut bientôt expulsé par le commissaire Louis Véron, que la commune envoya pour resserrer les liens des captifs.

A quelques pas du monument de François Hue, et à côté de celui de la dame Jauvin, une simple pierre précédée de deux cyprès, sans entourage, et presque cachée sous l’herbe, recouvre les restes d’un Hollandais célèbre par ses voyages et ses importants travaux : Isaac TITSINGH, ancien gouverneur des Indes hollandaises, ambassadeur en Chine et au Japon, etc.

Nous regagnons d’ici le sentier de Cambacérès, sur lequel nous voyons à gauche, après quelques pas, le monument de l’amiral DECRÈS (387).

Denis DECRÈS, l’un des amiraux les plus illustres de la république et de l’empire, commandait le Guillaume Tell à la bataille d’Aboukir, se fit sauter avec son vaisseau, et fut repêché par les Anglais, qui le gardèrent prisonnier, Ministre de la marine pendant treize ans, sous Napoléon, il construisit près de deux cents vaisseaux ou frégates, et fit creuser le port de Cherbourg. Sa préoccupation constante fut d’aller au devant des moindres caprices de l’empereur. Les esclaves volontaires, dit Tacite, font plus de tyrans que les tyrans ne font d’esclaves. Cette soumission trop servile fut assez mal récompensée ; car, seul de tous les ministres de Napoléon, Decrès ne fut pas doté d’un duché in partibus en Italie. En 1820, il périt par l’explosion d’un amas de pondre caché dans son matelas ; il fut lancé au plancher et retomba tout brisé. Cette catastrophe, qui rappelle celle du Guillaume Tell, n’a jamais été éclaircie.

En face du monument de Decrès, on voit, à six pas du sentier, celui du général BALLESTÉROS, ancien ministre de la guerre et général en chef des armées d’Espagne. Ce monument se compose d’un petit piédestal en marbre, surmonté d’un buste en bronze (61).

Le général BALLESTÉROS fit la guerre aux Français en Espagne, contesta à Wellington le commandement en chef des armées de son pays, devint ensuite généralissime et ministre de la guerre sous Ferdinand VII, et vint finir ses jours dans l’exil à Paris.

Au bout du sentier de Cambacérès nous prenons à gauche celui d’Albuféra pour retourner sur l’avenue du Midi. Cette avenue, que nous continuons à monter, nous offre d’abord à gauche, le monument en marbre de Pierre DELANNEAU, fondateur du collége Sainte-Barbe. Le buste du célèbre professeur se trouve dans une niche sous laquelle on lit que ce monument a été élevé à Pierre Delanneau par ses élèves reconnaissants.

DELANNEAU était religieux théatin et principal du collège de Tulle, à l’époque de la révolution. Il vint à Autun après la destruction de son ordre, fut élu maire de cette ville et envoyé ensuite à l’Assemblée législative. Il se retira de la scène politique lorsque cette assemblée fit place à la Convention. Les bâtiments de l’ancien collège Sainte-Barbe ayant été confisqués et mis en vente comme biens nationaux, Delanneau les acheta de ses deniers, et entreprit seul de les rendre à leur destination primitive. Il y réussit si bien qu’au bout de quelques années cet établissement, peuplé de six cents élèves, rivalisait avec les plus célèbres lycées de Paris.

Le sentier de Chagot, que nous rencontrons ensuite sur la droite conduit au tombeau de VOLNEY, qui se trouve après l’immense pyramide de la famille Bouillat, derrière une sépulture ornée de deux grands vases de fleurs, Le monument de Volney est fort simple : c’est une petite pyramide de pierre entourée seulement d’une bordure de buis.

VOLNEY fut simplement un des plus profonds génies de notre époque. Doué d’une infatigable activité, il parcourut à pied l’Égypte et la Syrie, où il fit d’admirables découvertes, et sa relation servit, plus tard, de guide à l’armée française dans la campagne d’Égypte. À sa rentrée en France, il fut élu aux États-Généraux, où il travailla à fonder le nouvel édifice social sur les bases de la justice et de la liberté. Il publia ensuite les Ruines, ce livre ceptique comme les débris dont l’écroulement de la royauté avait semé le monde. La terreur vint, et il fut incarcéré pendant près de deux ans. Il s’opposa constamment aux vues ambitieuses de Napoléon, qui le nomma cependant sénateur sous le consulat, et ne voulut pas accepter sa démission lors de la proclamation de l’empire. Nommé pair de France par la restauration, il défendit pied à pied les libertés publiques, et mourut en 1820. Ses ouvrages immortels, où l’on trouve les grandeurs et les beautés sauvages d’un élément primitif, ont été traduits dans toutes les langues.

Après le sentier de Chagot, nous rencontrons à droite, sur l’avenue du midi, l’obélisque en marbre blanc du général PACTHOD (439).

En face du monument de Pacthod, nous voyons sur un piédestal le buste en bronze du naturaliste Pierre LATREILLE (403).

Les travaux lumineux de ce savant continuateur de Buffon ont considérablement agrandi le domaine de l’histoire naturelle. Il a laissé une curieuse Histoire des insectes, un Dictionnaire d’histoire naturelle, etc.

Derrière le monument de Latreille, se trouve celui du comte de WATTERSTORF, ancien général en chef des armées danoises, mort ambassadeur à Paris en 1820. Ce monument, qui se voit de l’avenue, est orné d’un bas-relief en marbre.

Près du monument de Latreille, on voit encore celui de M. TURPIN, de l’Institut, autre savant professeur d’histoire naturelle (401).

Nous rencontrons ensuite, sur la droite, une pyramide en granit noir, élevée à la mémoire de LASNÉ, dernier gardien du fils de Louis XVI, à la tour du Temple (438).

Après le monument de Lasné, nous trouvons celui de l’amiral TRUGUET (437). Ce monument se compose d’une belle colonne ornée d’inscriptions, de trophées maritimes et surmontée d’un globe.

TRUGUET sauva la vie au comte d’Estaing à la malheureuse affaire de Savannah, en 1782, et parvint, sous Louis XVI, au grade de vice-amiral. Il fut ministre de la marine sous le Directoire, eut peu à se louer de Napoléon, qui préféra employer des amiraux moins capables que Truguet dont il ai ait été l’inférieur, et fut exilé par lui dans le gouvernement de Hollande, où il se trouvait lors du soulèvement de ce pays, en 1813. À sa rentrée en France, il reçut du roi Louis XVIII la mission d’empêcher l’entrée des Prussiens à Brest, et les força à rétrograder par l’énergie de ses préparatifs de défense.

Nous prenons ensuite le sentier de Molière, qui se trouve à gauche, en face de la sépulture Colmar, Après avoir dépassé la borne qui se trouve à l’entrée de ce sentier, nous voyons à quelques pas, sur la gauche, le tombeau d’Antoine PARMENTIER, chimiste et philanthrope, qui importa le premier la pomme de terre en France, et dont tous les moments furent consacrés au bonheur et aux besoins de ses semblables (381).

Nous tournons ensuite à droite ; nous voyons en passant la sépulture Leroy, qui est surmontée d’une statue allégorique en marbre blanc, et nous arrivons devant le tombeau de MOLIÈRE, qui se trouve à droite, près de celui de LA FONTAINE (369, 370).

MOLIÈRE (Jean-Baptiste POQUELIN), le père et le créateur de la comédie française, le plus grand peintre de mœurs de l’antiquité et des temps modernes, naquit dans l’échoppe d’un fripier, en 1622. Dans ses ouvrages immortels, que tout le monde connaît, les vires et les ridicules sont exposés, comme mu une grande route, pour servir d’exemple. Il mourut de la poitrine à cinquante-trois ans, et fut enterré à l’ancien cimetière Saint-Joseph, rue Montmartre. En 1792, ses restes furent exhumés, placés sous un monument (car il n’en avait pas) et transportés au Musée des monuments français, d’où ils ont été transférés ici.

Jean DE LA FONTAINE entra dans la vie sans y songer, en 1621, vécut de même et s’immortalisa, également sans y songer, par une foule d’ingénieux apologues qui tous renferment une excellente morale ornée des charmes d’une poésie inimitable de naturel. Il faut dire cependant que le bonhomme, comme on l’appelait, parait avoir un peu pillé Esope, qui lui-même avait pillé l’Indien Pilpaï, contemporain d’Abraham. Les Contes de Lafontaine, dont la naïveté rachète la licence, ont aussi beaucoup contribué à l’illustration de leur auteur,

En face du monument de Molière, on voit le tombeau en marbre d’un héros de l’humanité, l’intrépide PAILLETTE, qui fut successivement décoré de huit médailles d’or ou d’argent et de la croix d’honneur, pour avoir sauvé du feu ou des Ilots plus de cent personnes. Les concitoyens de ce digne marin lui avaient donné un titre plus glorieux que celui de chevalier : ils l’appelaient le sauveur d’hommes !

Après le monument de Lafontaine, nous trouvons celui d’ANDRYANE DE LA CHAPELLE, député et littérateur.

Sur le même point on voit à gauche le monument d’une Polonaise exilée par l’empereur Nicolas : Clémentine HOFFMANOWEY, auteur de nombreux ouvrages dont la Pologne est justement fière.

Vis-à-vis du monument de l’héroïque Polonaise, on voit sur un piédestal de granit le buste du sieur SAVART, fabricant de bronze aussi honorable que maigre, comme l’indiquent son épitaphe et son portrait.

Quelques pas plus loin, nous voyons le monument du poète espagnol Don Fernandez MORATIN, surnommé le Molière de l’Espagne.

MORATIN fut patroné d’abord par le prince de la Paix, qui l’envoya visiter les théâtres de l’Europe. Il devint ensuite secrétaire du roi Joseph, dut quitter l’Espagne à la rentrée de Ferdinand VII, et vint à Paris, où il acheva de traduire les œuvres de Molière, son modèle. La mort le surprit dans cette ville, au moment où il terminait une histoire de l’art dramatique en Espagne.

Derrière le tombeau de Moratin, on trouve celui du cardinal Alphonse de LATIER-BAYANE, duc et pair de France.

Nommé sénateur sous l’empire, le cardinal DE BAYANE vota avec empressement la déchéance de l’Empereur en 1814, fut nommé pair de France par Louis XVIII, chanta le Te Deum au Champs-de-Mai lors du retour de Napoléon, fut renommé pair de France en 1815, se récusa dans le procès de Ney, et mourut en 1818. Orateur un peu sentencieux, et, à force de viser à la profondeur, n’arrivant parfois qu’à une profonde obscurité.

Nous voyons ensuite, du même côte, la pyramide en marbre blanc du célèbre LA PLACE (364).

Fils d’un simple paysan, Pierre LA PLACE étonna de bonne heure pur son enthousiasme pour la découverte des secrets de la nature. Il arriva seul au premier rang des astronomes, des mathématiciens, des chimistes et des physiciens modernes, et oui rit la voie à Gay-Lussac et à Arago, Bonaparte le nomma ministre de l’Intérieur après le 18 brumaire, et ensuite président du Sénat. En 1814, il vota la déchéance de l’empereur, et fui nommé par Louis XVIII marquis, pair de France et grand’croix de la Légion-d’Honneur. Il y avait déjà longtemps que sa célèbre Théorie du mouvement des planètes, son Traité de mécanique céleste et son Exposition du système du monde l’avaient fait nommer membre de toutes les Académies de l’Europe.

Derrière le monument de La Place, on voit celui du comte d’ABOVILLE, général d’artillerie et pair de France (365).

Le général D’ABOVILLE assista à la bataille de Fontenoy, en 1745, fut nommé sénateur sous l’empire ; vota la déchéance de Napoléon, en 1814 ; fut sommé par les bonapartistes de leur livrer l’arsenal de La Fère, en 1815, refusa net, et mourut deux ans après, à l’âge de quatre-vingt-sept ans.

Au pied du monument de la Place, on voit la tombe de Manuel GARCIA, auteur et compositeur de mérite, père de Mme Malibran et de Mme Viardot.

Nous montons ensuite à droite le sentier de Valence, qui nous offre d’abord, à quelques pas sur le côté droit, le monument du peintre GROS (371).

Elève de David, et plus tard son émule, GROS a laissé de nombreux ouvrages, où l’on trouve mi coloris comparable à celui de Rubens. Ses principaux chefs-d’œuvre sont les Pestiférés de Jaffa, l’Entrevue de François Ier et de Charles-Quint, et la magnifique Coupole du Panthéon.

Un peu plus haut, sur la gauche, et vis-à-vis d’un grand obélisque dont nous nous occuperons plus tard, on trouve le monument du général COMTE DE VALENCE (316).

Cyrus DE THIMBRUNE, comte DE VALENCE, se déclara avec enthousiasme pour les principes de la révolution, et fut élu aux États-Généraux, en 1789. Il se précipita bientôt après à la frontière, et étonna les ennemis même par l’habileté de ses manœuvres et sa rare intrépidité. Héros antique par la figure, par la stature et par le bras, il maniait la cavalerie avec audace, et frappait à la fois par une ardeur d’ambition qui de » aurait sa renommée et par une confiance en lui-même qui était la fui de son mérite. L’intelligence, la bonté et le courage ru issu lai eut de ses yeux sur ses traits, et lui gagnaient tous les cœurs. Il épousa la fille de Mme de Genlis, et semblait appelé à de magnifiques destinées lorsque la défection de Dumouriez le fit mettre Lors la loi comme complice. Rentré plus tard en France, il se signala encore dans plusieurs campagnes, se retira criblé de blessures, et fut fait sénateur. Sous la première Restauration, il fut nommé pair de France, reçut le même titre de Napoléon pendant les Cent-Jours, le perdit à la seconde Restauration, le recouvra en 1819 et mourut en 1820.

Mme de GENLIS ; belle-mère du général de Valence, repose dans le même îlot à vingt pas plus bas environ. On se dirige vers son sarcophage par un étroit sentier que les pas des visiteurs ont tracé entre les tombes (315).

Stéphanie DE SAINT-AUBIN, dite la chanoinesse de Lancy, naquit en 1746, et se maria à dix sept ans, au comte DE GENLIS. Bientôt après son mariage, elle devint la maîtresse du duc d’Orléans et l’institutrice des enfants de ce prince, double scandale contre lequel la duchesse irritée protesta avec éclat. Quant au duc, il s’obstina, et l’avenir lui donna raison, du moins sous un rapport ; car les élèves de Mme  de Genlis Purent des hommes supérieurs. Jamais femme ne confondit si bien en elle l’intrigue et la vertu, et n’associa une situation plus équivoque à des préceptes plus austères. Elle se lia, sous la résolution, avec Danton, Robespierre, Roland et Brissot, émigra sous la terreur, revint en France sous le consulat, fut ensuite comblée de soins par Louis-Philippe, son ancien élève, et mourut en 1830. Jusqu’à la fin de sa vie, elle écrivit des romans qui prouvent la fertilité de son imagination. Son mari était monté sur l’échafaud des Girondins en décorant sa mémoire de son vote contre la mort de Louis XVI. Une fille que Mme  de Genlis avait eue du duc d’Orléans épousa le malheureux lord Edward Fitz-Gérald.

Au bout du sentier de Valence, nous prenons à droite l’avenue de l’Est, sur laquelle nous voyons, après quelques pas, la face principale du grand obélisque près duquel nous sommes passés tout à l’heure (372). Cet obélisque est surmonté d’une étoile dorée, et porte une inscription en grandes lettres de bronze destinée à apprendre aux générations futures que M. François GÉMONT est inhumé là avec son épouse et ses deux enfants. Au dessus de cette inscription est un grand médaillon en bronze représentant Mlle Cornélie Gémont.

De l’autre côté de l’avenue, en face de la pyramide Gémont, se trouve le sarcophage du célèbre abbé DE PRADT, ancien archevêque de Malines (422).

Grand-vicaire de Paris à la révolution, l’abbé DE PRADT fut élu députe du clergé aux États-Généraux, en 1789, et s’opposa à la destruction des priviléges de son ordre. Il alla ensuite à Hambourg, où il publia ses premiers Traités politiques, revint en France sous le consulat, fut nommé grand-aumônier de Napoléon, assista en cette qualité à son sacre, reçut une dotation de quarante mille francs, et fut fait évêque de Poitiers, puis archevêque de Malines. En 1814, il contribua à la déchéance de Napoléon par un discours où l’abjection se cachait sous la pompe des paroles : c’était l’impudeur colorant la lâcheté. Sous la première Restauration, il fut fait grand-chancelier de la Légion-d’Honneur, et après les Cent-Jours, quand le grand homme fut parti pour Sainte-Hélène, il publia contre lui une brochure pleine d’invectives imitant ainsi jusqu’au bout le poète latin Martial, qui fit un dieu de Domitien pendant le règne de cet empereur, et le peignit comme un monstre après sa mort. L’abbé de Pradt céda ensuite son diocèse de Malines pour dix mille francs de rente au roi des Pays-Bas et composa dans la retraite sa Statistique des libertés de l’Europe. Un pareil travail n’exigerait certes pas de grandes recherches aujourd’hui.

Après le tombeau de l’abbé de Pradt, nous rencontrons du même côté une grande chapelle de style gothique, qu’on prendrait, à son air de délabrement, pour une construction fort ancienne, quoiqu’elle ait à peine trente années. Elle renferme la dépouille mortelle du général comte GREFFULH (424).

Près d’un tombeau surmonté d’une statue et d’un sarcophage de marbre, que nous rencontrons ensuite, se trouve une chapelle fort simple et sans inscription. Elle renferme les restes mutilés du général d’HAUT-POUL-SALETTE, qui fut coupé en deux par un boulet de canon, à Eylau, au moment où il allait être fait maréchal d’Empire.

Nous prenons ensuite le petit sentier qui se trouve à gauche, après la sépulture Thomas DE COLMAR ; il nous conduit au tombeau du général MONTSERRAT (431), qui est voisin de la sépulture DESTORS. Nous prenons ensuite à gauche le sentier de Sidney Smith, sur lequel nous voyons, à vingt pas environ, le tombeau de Louis PICARD, de l’Académie française, et de ses deux épouses, qui le précédèrent au même lieu.

Écrivain d’un style naturel et spirituel à la fois, PICARD excella dans ses ouvrages dramatiques à peindre les mœurs bourgeoises. Il a écrit aussi les romans qui abondent en scènes piquantes.

Nous laissons ensuite à droite la sépulture Oudot, assez remarquable comme architecture ; puis nous trouvons à gauche, sur le sentier, le sarcophage en marbre blanc de l’amiral anglais SIDNEY SMITH (426). Ce monument repose sur une base de granit, et est orné d’un médaillon qui reproduit les traits de l’illustre défenseur de Saint-Jean d’Acre.

SIDNEY SMITH fut chargé, en 1793, par l’amiral Hood, d’incendier la flotte française à Toulon, et, malheureusement pour la France, s’acquitta trop bien de sa mission. Il fut fait prisonnier en 1795, et détenu au Temple, d’où il réussit à s’échapper en 1797. L’année suivante, il suivit de près l’armée française en Égypte, se jeta dans Saint-Jean-d’Acre, et dirigea la défense de cette place contre Napoléon, qui fut forcé de lever le siège. Il signa ensuite avec Kléber la fameuse convention pour l’évacuation de l’Égypte, qui ne fut pas ratifiée par l’Angleterre, et continua jusqu’à la paix à combattre contre la France. Sur la face principale du monument, on lit des vers anglais, dont voici la traduction aussi littérale que possible :

Paix au héros qui, sur les ruines de Saint-Jean-d’Acre,
Rougies du sang des Turcs, déploya son invincible courage,
Il arrêta un jour Napoléon, dans ses conquêtes,
Et repose aujourd’hui dans la France guerrière,
Qui fut le berceau du grand homme.
L’Angleterre, qui est fière de ses triomphes,
A érigé un splendide monument à sa mémoire ;
Mais cette tombe lui a été élevée par les amis
Au milieu desquels il vivait, et chez qui il est mort.
Ici, en France, repose l’intrépide Sidney Smith de l’Angleterre !

Nous laissons ensuite à droite un monument à peu près semblable à celui de Sidney Smith, consacré à la mémoire du duc de FERNAN NUNEZ, ambassadeur d’Espagne à Paris ; puis nous voyons, du même côté, un beau monument en forme de rotonde, tout en marbre blanc et recouvert d’un dôme supporté par huit colonnes. C’est là que repose URQUIJO, un des grands hommes de l’Espagne (430).

URQUIJO eut la gloire, étant premier ministre de Charles IV, d’abolir l’inquisition en Espagne, et allait on affecter les biens à des fondations d’humanité lorsque les membres dispersés, mais encore puissants de cet ordre sinistre, le firent jeter dans un cachot. Exilé ensuite, puis rappelé par Charles IV, il chercha en vain à détourner les malheurs qu’attirait sur sa patrie l’impéritie de son roi. Il s’attacha ensuite à Joseph Bonaparte, dut s’exiler de nouveau à la rentrée de Ferdinand VII, qui le fit condamner à mort, et vint à Paris, où il consacra le reste de ses jours au soulagement de ses compatriotes exilés par l’ingratitude de la cour d’Espagne.

Au bout du petit sentier que nous prenons ici, à gauche, pour regagner l’avenue de l’Est se trouve le sarcophage du comte DE BRUGES (421).

Gentilhomme de naissance, et descendant de la célèbre famille des ducs de Chandos, le comte DE BRUGES émigra en 1792, et jusqu’à la rentrée des Bourbons, en 1815, ne se sépara pas un jour du Comte d’Artois, depuis Charles X, dont il fut l’ami, le conseiller, et on peut dire le ministre ; car Louis XVIII et son frère, très opposés de vues, avaient chacun leurs partisans et leurs chargés d’affaires en France et dans les cours de l’Europe, Le comte de Bruges dirigeait la phalange la plus nombreuse, lu plus chevaleresque et la moins sage.

Nous traversons ici l’avenue de l’Est pour prendre, en face, le sentier d’Adanson, qui, après quelques pas, descend vers la droite.

Voici d’abord, devant nous, le tombeau du maréchal PÉRIGNON (17), Des trophées militaires sont sculptés sur la partie supérieure de ce monument, qui est tout en marbre.

Lorsque Dugommier tomba la tête fracassée par un boulet, à la bataille de Saint-Sébastien, PÉRIGNON lui succéda dans le commandement en chef de l’année des Pyrénées, acheva la déroute des Espagnols, tua onze de leurs généraux, parmi lesquels le général en chef La Union, et enleva ensuite Figuiéres, où il fit 10,000 prisonniers. Il gagna ensuite la bataille d’Escola, succéda à Jourdan dans le commandement en chef de l’année d’Italie, et fut fait prisonnier à Novi, en 1799. Napoléon le nomma maréchal de France en 1804, elle relégua au sénat.

En 1814 le maréchal Pérignon se prononça un des premiers contre Napoléon, organisa avec le baron de Vitrolles la résistance contre lui pendant les Cents Jours, et mourut pair de France en 1819.

Les deux grandes pyramides que nous rencontrons ensuite sont consacrées à la mémoire du célèbre Michel ADANSON et d’une de ses parentes.

Après avoir dépassé la dernière de ces pyramides, nous apercevons sur la droite, à vingt pas environ du sentier, un obélisque en marbre blanc : c’est le tombeau du marquis DE LA VAUPALIÈRE, grand’croix de Saint-Louis ancien gouverneur des provinces du Maine, du Perche et du comté de Laval. Le marquis de La Vaupalière avait commandé auparavant les laineux mousquetaires gris.

Sur le passage qui conduit à la pyramide de La Vaupalière nous laissons à gauche, à quatre pas du sentier, le tombeau de BELLART.

Avant la révolution de 1789, BELLART était regardé comme une des lumières du barreau de France. Il défendit Lacoste, ministre de Louis XVI, et le fit absoudre. Son courage dans ces circonstances terribles ne recula devant aucun danger. Plus tard il défendit Moreau. Alors il était encore indépendant ; il devint ambitieux, et se riva à la fortune de Napoléon par toutes ses aspirations de pouvoir et de renommée, Il resta partisan du grand homme tant qu’il put en recevoir des faveurs, et passa naturellement du côté des Bourbons, quand la chute de Napoléon fut imminente. La politique des courtisans ressemble à leur ombre, elle tourne avec le soleil. Bellart publia alors contre son Dieu de la veille la fameuse proclamation du 1er avril 1814, qui arracha au lion mourant l’exclamation de Lafontaine. Proscrit pendant les Cents Jours, Bellart fut nommé député et procureur général au retour des Bourbons, soutint l’accusation contre l’infortuné maréchal Ney, lutta pendant six séances avec une ardeur digue d’une meilleure cause, et, après avoir obtenu la peine de mort, qui ne lui paraissait pas satisfaire à l’énormité du délit, il requit, au nom de l’honneur, la dégradation avant le supplice de l’homme que la France avait appelé le Brave des braves.

En continuant à descendre le sentier d’Adanson, nous voyons à droite la chapelle HOUPIN-MARIAGE (302), derrière laquelle se trouve le tombeau du comte VILLIERS DU TERRAGE, pair de France.

Quelques pas plus loin nous rencontrons, de l’autre côté, la chapelle VALLIN, qui renferme les cendres du jeune GUDIN, fils du célèbre peintre de marines et déjà connu par ses propres œuvres. Ce jeune artiste se noya à l’âge de vingt ans. Les vers suivants. gravés sous son nom, racontent la catastrophe dont il fut victime :

Il marchait à grands pas au temple de Mémoire,
Et cueillait ou chemin la palme des talents.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Un gouffre s’est ouvert ; sur son bord suspendu,
Longtemps dans les bras de son frère,
Du trépas il est défendu.
Noble et touchant accord ! illusion trop chère.
Les flots cruels ne Pont rendu
Que pour Punir en cette terre
A l’objet qu’il avait perdu.

Entrons à gauche dans l’îlot après avoir dépassé la sépulture Vallin, et dirigeons-nous de manière à passer devant la porte de la grande pyramide qui sert de sépulture à la famille CLARY : à six pas de cette pyramide vous voyons, derrière la sépulture Muller et Soehnée, un petit piédestal lotit de travers sans ornement ni entourage : c’est le monument du célèbre JUNOT, duc d’Abrantès, ancien gouverneur de Paris, etc. (311).

JUNOT commença sa fortune en écrivant sous la dictée de Napoléon au siège de Toulon. Il n’avait pas besoin d’encre pour son papier, vu qu’il se servait d’un crayon : (d’ailleurs la montagne pelée jusqu’aux os où il se trouvait n’avait ni terre ni sable à lui offrir) mais il ne daigna pas tourner la tête au bruit d’un boulet qui venait de s’aplatir à quelques pieds de lui, ce qui est déjà quelque chose, et Napoléon, qui savait déjà juger les hommes, s’attacha Junot et l’éleva rapidement. Général des hussards et gouverneur de Paris en 1806, Junot fut placé, l’année suivante, à la tête de l’armée de Portugal, conquit ce royaume, et y reçut le litre d’une de ses victoires. Battu ensuite par le duc de Wellington à la bataille Vimiera, il fut obligé de capituler, et reçut de l’empereur le gouvernement des provinces illyriennes. Il se tua en sautant par une fenêtre dans un accès de fièvre chaude. Ami des beaux-arts, il affecta tout ce qu’il possédait en peintures, et mourut pauvre. Son cœur repose au Panthéon.

A quatre pas du monument de Junot, on voit celui de la jeune comtesse de Turenne :

Objet d’éternelles louanges,
Objet d’éternelles douleurs,
Elle apparut comme les anges,
Elle passa comme les fleurs,

dit son épitaphe, à laquelle il serait téméraire d’ajouter quelque chose. Nous descendons d’ici dans le sentier de Junot par les degrés de pierre qui se trouvent en face du sarcophage de la comtesse de Turenne et à côté de la sépulture Muller et Soehnnée (310) ; nous prenons ensuite à gauche le sentier de Junot, au bas duquel nous trouvons, à droite, le monument en marbre de DÉSAUGIERS (295).

Chansonnier plein de verve et d’originalité Désaugiers passait sans transition d’une chanson comique à un chant funèbre. Il a aussi enrichi le répertoire du Vaudeville d’une foule de pièces, dont quelques-unes sont toujours vues avec plaisir.

D’ici, nous descendons le sentier Désaugiers, sur la gauche duquel nous voyons, après quelques pas, le tombeau surmonté d’un buste de Mlle  RAUCOURT (240).

Sophie RAUCOURT, célèbre actrice du Théâtre-Français, fut incarcérée en 1793, et faillit monter sur l’échafaud pour s’être prononcée avec trop de chaleur contre la révolution. A sa sortie de prison, elle forma une nouvelle troupe avec les débris de l’ancienne ; mais son théâtre, qui était le rendez-vous de ; royalistes, fut fermé par le Directoire. Plus tard, elle fut directrice des théâtres français en Italie, et revint mourir à Paris, en 1815. Le refus que fit le curé de Saint-Roch de recevoir son cercueil à l’église causa un prodigieux scandale, qui faillit dégénérer en émeute. Mais le prêtre devait-il, par égard pour ceux qui ne croient à rien, scandaliser ceux qui croient à quelque chose ? Si l’on peut forcer un prêtre à prier pour ceux qui n’ont pas voulu de la religion à leur dernière heure, on pourra le forcer avec autant de raison à prier pour un protestant ou un juif, et ce n’est pas ainsi que doit être entendue la liberté des cultes. Vivez à votre guise ; mais ne prétendez pas obliger ceux dont vous n’avez pas pratiqué la religion à vous traiter comme l’un de leurs. Et ces gens qui criaient au scandale parceque le clergé refusait ses prières à Mlle Raucourt trouvaient tout simple qu’elle les eût repoussées avant de mourir !

Nous trouvons ensuite du même côté un rocher factice entouré de lierre à sa base et surmonté d’une croix : c’est la sépulture du comte de SAULX-TAVANNES et de sa famille. La croix qu’on dirait de bois, tant l’imitation est parfaite, est en marbre comme le reste du monument. Derrière ce chef-d’œuvre de goût, on voit la sépulture fort simple du peintre ISABEY et de sa famille (239).

Nous montons ensuite le sentier de Palissot, à droite duquel nous voyons d’abord la pyramide Léro (294). A l’extrémité de ce sentier nous laissons à gauche une autre pyramide érigée à la mémoire de MMe  Milhau, épouse d’un ministre des États-Unis ; puis nous prenons à droite l’avenue de Montlouis.

Le premier monument que nous rencontrons en montant cette avenue, à dix pas environ et à droite, est celui du vicomte DUBOUCHAGE, lieutenant-général, pair de France, etc. (296).

Ministre de Louis XVI, en 1792, le vicomte DUBOUCHAGE fut d’avis que son maître se défendit vigoureusement le 10 août. Il accompagna le même jour la reine à la Convention, et ne l’abandonna que lorsque les portes du Temple se refermèrent sur elle. Sous la première Restauration il fut ministre de la marine.

Un peu plus loin nous trouvons, à dix pas de l’avenue sur la droite, l’humble monument du baron PALISSOT DE BEAUVAIS, l’un des plus célèbres naturalistes de ce siècle.

Sur la même ligne que Palissot et à quelques pas de lui, on trouve le monument assez remarquable du général comte DE SAINT-MORYS, lieutenant des gardes-du-corps de Louis III (298).

Ce général fut tué en duel, à l’âge de 45 ans, par le colonel Dufay.

Entre les deux précédents monuments on voit une colonne en marbre blanc, élevée à la célèbre comtesse VIEN, belle-fille du célèbre peintre d’histoire, dont les cendres sont déposées au Panthéon. La comtesse Vien joignit le plus profond savoir à la plus rare beauté et à la plus touchante bonté. Elle traduisit Anacréon, et fut membre d’une infinité d’académies.

Plus loin nous trouvons (de l’autre côté de la chapelle Cercou) l’humble monument du comte DE PUYSÉGUR, lieutenant-général et capitaine des gardes du comte d’Artois (299).

À quelques pas d’ici nous laissons à droite le sentier de Genlis, et à gauche celui de Montval. À l’angle de ce dernier s’élève le monument de Marc SCHŒLCHER, fabricant de porcelaine, père de l’ex-représentant Victor Schoelcher. Artisan de si fortune, Marc SCHŒLCHER est représenté sur son monument sous le double aspect d’un ouvrier qui travaille et d’un fabricant qui étudie quand il n’a plus besoin de travailler (222).

Plus rien ensuite dans cette avenue, qui forme dans l’été un long berceau de verdure impénétrable aux rayons du soleil. Parvenus à son extrémité, nous voyons en face de nous sur l’avenue de l’Est le mausolée du banquier AGUADO. Ce monument est un des plus remarquables du cimetière sous le rapport de l’art et de la richesse (415).

Derrière le monument d’Aguado on trouve celui en marbre blanc du statuaire BOSIO.

La vie semble respirer sous le marbre dans les morceaux qui nous restent de ce grand artiste, dont les Grâces paraissent avoir dirigé la main et enflammé le génie. Ses principaux chefs-d’œuvre sont la statue équestre de la place des Victoires, les belles statues en marbre blanc de la chapelle expiatoire de Louis XVI et l’Androgyne qui se trouve au musée du Louvre.

En face du monument d’Aguado nous voyons celui du général ROGNIAT et de son épouse, fille du maréchal Pérignon (228).

Le général ROGNIAT servit d’une manière brillante sous l’empire, et présida au retour des Bourbons, en 1815, le conseil de guerre qui condamna à mort, à l’unanimité, son collègue et ancien ami le général Brayer.

Près du monument de Rogniat on voit celui du marquis D’ARGENTEUIL, fondateur de prix pour la médecine, l’industrie, d’asiles pour la vieillesse, etc. (227).

Vis-à-vis du tombeau d’Argenteuil on remarque, derrière la sépulture Vittoz, le petit monument du marquis de SAN-THOMASO, ancien ministre de Sardaigne (414).

Nous laissons ensuite à gauche l’avenue d’Aunay, la belle sépulture de la famille Tencé, celle de la famille Daoust, et nous trouvons ensuite, à droite (après la sépulture Darthès et Ledru-Rollin), le tombeau de Mlle  SERVAIS, de Liège, jeune peintre de fleurs déjà connue par ses gracieuses compositions (407).

En face du tombeau de Mlle  Servais se trouve celui de François PARÉ, ancien ministre de l’intérieur, etc.

François PARÉ, descendant du fameux médecin de Charles IX, était secrétaire de Danton, en 1792, et devint ministre de l’intérieur en remplacement de Garat. Dénoncé et poursuivi par Hébert, Chaumette et compagnie, il défendit sa tête avec quelque succès d’abord, et s’en alla quand la tâche lui parut trop difficile. Il devint administrateur du département de la Seine sous le Directoire, et se retira ensuite de la vie politique.

Au bout de l’avenue que nous suivons se trouve à droite la tombe de l’amiral LALANDE (406).

Nous voyons ici en face de nous une grande pyramide précédée d’un double escalier de pierre et ornée de bas-reliefs assez remarquables (209). C’est le tombeau d’Emilie DIAS SANTOS, fille de la célèbre duchesse de Duras oui fut l’amie et l’oracle de Chateaubriant. La duchesse de Duras s’est réservé une place près de son enfant dans cette sépulture.

Derrière la pyramide Dias Santos, on en voit une autre bien plus élevée, assez semblable à un phare et couronnée d’un amortissement assez baroque en bronze doré. Une inscription en caractères proportionnés au monument indique qu’il sert de sépulture au sieur Félix DE BEAUJOUR.

Nous descendons ensuite le sentier de Balzac, qui passe au pied de la pyramide Dias-Santos, et après quelques pas nous voyons à gauche une colonne brisée, en marbre blanc, reposant sur un piédestal de granit. C’est le tombeau de BORY DE SAINT-VINCENT, géographe, naturaliste et voyageur célèbre. (216).

Ami du général Moreau, et pour cette raison suspect à Bonaparte, BORY DE SAINT-VINCENT fut soigneusement éloigné sous l’Empire des positions que son génie le rendait propre à occuper ; mais, patriote avant tout, il soutint à la chambre de 1815 la possibilité de défendre Paris contre les étrangers, et se prononça contre la rentrée des Bourbons. A la seconde restauration, il fut exilé comme ennemi de la patrie, qu’il avait voulu sauver ! Quand les gouvernements changent, les légistes de la fortune transforment en lois les décrets du sort, et alors le crime et la vertu changeat de nom.

Bory de Saint-Vincent s’est illustré par ses immenses travaux en géographie et ses voyages scientifiques ; il a publié en Belgique les Annales scientifiques, un des ouvrages qui honorent le plus l’esprit humain.

Un peu plus bas, nous rencontrons le monument de Charles NODIER, philologue et romancier célèbre (213).

A peine âgé de dix-sept ans, NODIER écrivit une mie qui respirait trop haut pour la liberté du temps. C’était sous le Consulat : Napoléon, qui s’essayait à comprimer sous son pied les battements du cœur de la France, et qui haïssait la pensée, parcequ’elle est la liberté de l’âme, fit bâillonner par sa police cette voix dont l’accent mâle pouvait faire vibrer les cordes graves du cœur humain. Malgré cette oppression, les autres écrits que Nodier publia à la même époque laissent transpirer les flammes du cœur, les enthousiasmes de l’esprit, les aspirations de la liberté et la haine de l’abrutissement.

Sur le même point nous trouvons, à droite, entre les sépultures Travers et Bazin, la modeste pierre qui recouvre les restes de BALZAC (207).

Honoré DE BALZAC fut l’un des plus profonds penseurs du seizième siècle et des plus féconds romanciers de tous les pays et de tous les âges. Conteur agréable, écrivain plein d’élégance et d’une éternel je verdeur, ses ouvrages trouveront toujours des lecteurs, parcequ’ils intéressent par nue grande variété d’idées, aussi piquantes de naturel que profondes de philosophie.

Ensuite nous rencontrons à gauche le monument de Casimir DELAVIGNE (211).

Ce grand poète, l’un des plus beaux fleurons de la couronne littéraire de la France, était de ces hommes qui portent leur royauté en eux, et n’ont de génie que la plume à la main. Il fut le premier poète dramatique de son époque, et semblait en demander pardon à tout le monde. Il ne séduisait pas, surtout au premier abord. Sa tête était remplie d’idées, mais son discours était sobre de unis, et ne flattait jamais l’oreille ; l’harmonie était ailleurs que dans l’expression ! La vie de ces hommes de génie n’est qu’une suite de leurres et de dégoûts. Ils se forgent une félicité surhumaine que chaque jour déçoit ou renverse ; ils voient par delà les deux, et sont cloués à la terre ; ils rêvent des anges, et ne rencontrent que… des déceptions. Qui ne se rappelle la mélodie de cette douce ballade que Casimir de Delavigne ne jugea pas digne de figurer dans ses œuvres ?

La brigantine,
Qui va tourner,

Roule et s’incline,
Pour m’entraîner.
O Vierge Marie !
Pour moi priez Dieu !
Adieu, Patrie !
Provence, adieu !

Dans les Messéniennes, ces élégies tristes et vengeresses, le poète patriote pleura les hontes de la patrie et les spoliations de nos alliés.

Nous laissons ici à gauche, deux sentiers qui n’offrent rien de remarquable ; puis nous nous arrêtons un moment pour contempler une dernière fois la prestigieuse figure de la grande cité, où se levait autrefois pour le monde le soleil du génie et de la liberté : ces dômes gibbeux, ces flèches élancées, ces maisons serrées comme les alvéoles d’une ruche, ce fleuve qui marche lentement, semblable à un serpent qui déroule ses anneaux argentés, c’est Paris ! aux deux points opposés de la Babylone moderne deux colonnes de bronze, élevées tour à tour par le génie du despotisme et celui de la liberté, se regardent comme deux rivales, emblèmes de deux principes destinés à lutter longtemps.

De cet immense amphithéâtre, où grouille une fourmilière humaine, abaissons nos regards sur la partie du cimetière qui se trouve à nos pieds. Là, devant nous, sont les fosses communes, où les ornements de la sculpture sont remplacés par de modestes croix et des bâtons garnis de quelques couronnes. On parle de l’égalité dans la mort ; elle n’est décidément que dans les cieux !

Nous continuons, en laissant à gauche la chapelle Prousteau de Montlouis (196) ; puis nous rencontrons à droite celle du maréchal DODE DE LA BRUNERIE, défenseur de Glogau en 1812 et auteur des fortifications de Paris (26).

En suivant nous rencontrons, à gauche, le monument en marbre du statuaire CARTELIER, auteur des belles sculptures de l’Arc du Carrousel et du bas-relief représentant la Gloire distribuant des couronnes, placé au dessus de la porte du Louvre, côté de la colonnade (193).

Près du monument de Cartelier se troue l’obélisque du comte DESÈZE, défenseur du roi Louis XVI (194).

Né en 1750, et conseiller au parlement de Bordeaux avant la révolution, Raymond DESÈZE vint à Paris après le renversement de la royauté, et accepta avec enthousiasme la mission dangereuse de défendre Louis XVI. Le captif du Temple le récompensa en lui donnant tout ce qu’il pouvait donner : un serrement contre son cœur, et Desèze se sentit payé par ce geste de reconnaissance. Il fut emprisonné sous la terreur, et refusa les emplois qui lui furent offerts sous le Consulat et l’Empire. Louis XVIII acquitta une dette d’honneur en le nommant pair de France et premier président de la cour de cassation ; il le créa aussi comte, et lui donna pour armoiries une tour sur champ parsemé de fleurs de lis et d’étoiles.

À trente pas environ derrière la pyramide Desèze, se trouve le sarcophage en marbre blanc du général anglais Joseph DOYLE (195).

Ami et conseiller intime du prince de Galles, depuis Georges IV, le général DOYLE devint ministre de la guerre de la Grande-Bretagne, en 1795, et contribua, avec Pitt, à activer la guerre contre la France. Il fut militaire consommé autant que profond politique et orateur distingué.

Nous rencontrons ensuite à droite l’avenue d’Aunay, que nous descendons en laissant à gauche la chapelle du Cimetière, qui n’offre absolument rien de remarquable. Après quelques pas nous trouvons sur cette avenue le monument du peintre DAVID (25).

Le génie ardent de DAVID le lança dans le tourbillon de la révolution ; il devint ami de Robespierre, qu’il comparait à Phocion, vola la mort de Louis XVI et prononça l’oraison funèbre de Marat. En 1791 il avait offert à la Convention son magnifique tableau du Jeu Paume. Sous le Consulat il devint peintre de Napoléon, et fit ensuite le tableau du sacre. On trouve dans ses œuvres la beauté surnaturelle de la statuaire antique. Il forma Gérard, Girodet et Gros.

Près de l’escalier que nous rencontrons ensuite, se trouve la chapelle du général NEIGRE (24). Cette sépulture est ornée extérieurement de canons de pierre en guise de colonnes et d’une guirlande de boulets. Le général gagna tous ses grades sous l’Empire, et présida en 1816 le conseil qui jugea le général Drouet.

Nous trouvons plus bas, à droite, la chapelle du maréchal GROUCHY, à qui la France est redevable du désastre de Waterloo (22).

Le tombeau de ROEDERER se trouve en face de la sépulture Grouchy.

Ancien conseiller de parlement et député aux états généraux de 1789, ROEDERER provoqua l’abolition des Ordres religieux. En 1792, le 10 août, étant procureur syndic de la commune de Paris, il engagea Louis XVI à se rendre à l’Assemblée. Il concourut avec Talleyrand au coup d’état de Napoléon contre la représentation nationale, et plaida inutilement en faveur des cinquante-neuf députés qui fuient condamnés à la déportation pour s’être opposés à cet acte de violence. Il devint ensuite ministre des finances du roi Joseph.

A quelques pas du tombeau de Rœderer nous voyons, du même côté, derrière le monument du marquis de Lafare, la petite chapelle du général SCHNEIDER, ancien ministre de la guerre, député et grand’croix de cinq ou six ordres.

Nous prenons ensuite la première grande allée que nous rencontrons à gauche, puis nous tournons à droite quand nous sommes devant l’entrée principale. En descendant la belle allée de cyprès par laquelle nous avons commencé notre itinéraire, nous rencontrons à droite une pyramide en pierre marbrée supportée par quatre tortues de bronze et surmontée d’un œuf (5). Sur les différentes faces de ce monument sont représentés : un soleil, un hibou, un taureau, un chien, etc. Tous ces emblèmes étaient accompagnés de maximes dont il ne reste plus que la trace. Le savant original qui les avait fait graver pour lui servir d’épitaphe a dû regretter le scandale qu’elles causaient. Quel avantage à persuader à l’homme que le hasard préside à ses destinées et que son âme n’est qu’un souffle qui s’éteint aux portes du tombeau ? pourquoi enlever au malheureux le bâton qui l’aide à marcher dans la vie ?

Une semblable lumière, si jamais elle éclairait le monde, ne servirait, comme celle des enfers de Milton, qu’à rendre les ténèbres visibles.

Derrière la loge du portier on trouve, à quelques pas, une très petite pyramide ornée d’une inscription en l’honneur de messire Arnaud marquis de Bailleul, ancien président de Normandie et grand bailli à espée du pays de Caux.

TABLE.



A.


Abadie (d’) 
 57
Abeilard 
 26
Adanson 
 94
Aguado 
 100
Airey (sir George) 
 63
Allarde (Francis d’) 
 5
Allent 
 21
Alvarès 
 79
Andrieux 
 46
Andryane de la Chapelle 
 87
Ansiaux 
 38
Argenteuil (Mis de) 
 100
Aubrun-Mirambeau 
 37
Augustin 
 65


B.



Baillardel 
 8
Bailleul (Mis de) 
 108
Baillot 
 54
Ballesteros 
 83
Balzac (de) 
 103
Barbier du Bocage 
 13
Barilli (Mme) 
 6
Barras 
 76
Bassano (Maret duc de) 
 49
Bayane (Cardinal de) 
 88
Beaujour 
 102
Beaumarchais 
 60
Beauvillers (Duc de) 
 49
Beauvisage 
 7
Béclard 
 25
Bellanger 
 10
Bellart 
 95
Bellini 
 42
Belliard 
 56
Benjamin-Constant 
 73
Bergon 
 24
Bernardin de Saint-Pierre 
 41
Besson-Bey 
 6
Beugnot (Cie) 
 29
Beson-Bey 
 6
Beurnonville (Mal Cte de) 
 81
Bichat 
 23
Blanchard (Mme) 
 43
Blandin 
 24
Boïeldieu 
 41
Bondy (Cte de) 
 52
Bory de St-Vincent 
 102
Bosio 
 100
Bottée de Toulmont 
 14
Boufflers (Chevalier de) 
 11
Bourbon-Conti (Pesse de) 
 32
Bouillat 
 84
Bourgoing (Thérèse) 
 9
Bourke (Cte de) 
 81
Brayer 
 77
Brazier 
 70
Bréguet 
 40
Brézin (Michel) 
 30
Brongniart 
 10
Bruges (Cte de) 
 93
Bruix 
 55
Buache 
 9
Burthe 
 59


C.


Cailhasson 
 68
Cambacérès 
 80
Cantorbery (Chev. de) 
 44
Cartelier 
 105
Casimir de Lavigne 
 103
Casimir Périer 
 46
Caulaincourt 
 64
Cercou 
 99
Chalais (Princesse de) 
 49
Chamberland 
 58
Chambure 
 22
Champion (Marie Joseph) 
 37
Chappe 
 64
Chaussier 
 46
Chénier (Marie Joseph) 
 24
Chérubini 
 16
Chopin 
 17
Clairon (Mlle) 
 68
Clary 
 96
Collot 
 35
Colmar 
 92
Contades (Cte de) 
 14
Cottin (Mme) 
 80
Couteaux 
 57
Cramayel 
 22
Cullerier 
 57
Cuvier 
 19
Czartoryska (Princesse de) 
 61


D.


Daboville (Cte de) 
 88
Dacier 
 63
Daoust 
 101
Darcet 
 52
Darthès 
 101
Daunou 
 72
David 
 106
Davoust (Mal Pce d’Eckmulh) 
 60
Decrès (Amiral Cte) 
 82
Delanneau 
 83
Delille (Abbé) 
 10
Delondre 
 7
Demidoff (Ctesse de) 
 67-78
Denon 
 17
Désaugiers 
 97
Desèze 
 105
Desmarest 
 44
Dessoles 
 61
Destors 
 92
Destudt de Tracy 
 21
Deveaux 
 73
Dias-Santos 
 101
Dode de la Brunerie 
 105
Donchin 
 19
Dosne 
 48
Doyle (Général anglais) 
 105
Dubouchage 
 98
Dubois 
 44
Duchesnois (Mlle) 
 48
Duclos 
 20
Dugazon (Mlle) 
 41
Dulong (Journaliste) 
 74
Dulong (Chimiste) 
 25
Dupaty 
 71
Duponchel 
 32
Dupuytren 
 54
Dureau de la Malle 
 11
Durosnel 
 65


E.


Eichal (Baron d’) 
 6
Estampes (Mis d’) 
 56
Etienne 
 69


F.


Fabre d’Olivet 
 18
Fauchet 
 78
Fernan-Nunez (Duc de) 
 92
Ferrette (Chevalier de) 
 51
Fould 
 23
Fourcroy 
 59
Fourrier 
 46
Foy 
 72
Fradelizi 
 18
Franquetot de Coigny 
 20
Franpart 
 37
Frère 
 57
Fresia (Ctesse) 
 33
Frochot 
 53


G.


Gaëte (Gaudin, duc de) 
 68
Gall 
 45
Garcia 
 88
Gareau 
 18
Garnier 
 79
Garnier-Pagès 
 65
Gay 
 30
Gazan 
 41
Gémont 
 90
Genlis (Ctesse de) 
 89
Geoffroy St-Hilaire 
 66
Géricault 
 8
Girardin (Ctesse de) 
 18
Girardin (Stanislas de) 
 72
Girodet-Trioson 
 71
Gobert 
 60
Gourdon 
 57
Gossec 
 44
Gossuin 
 77
Gouvion St-Cyr 
 52
Granjean de Lisle 
 23
Greffulh 
 91
Grétry 
 42
Gros 
 89
Grouchy 
 106
Gudin 
 95
Guilleminot 
 78


H.


Habeneck 
 16
Hautpoul-Salette (Comte d’) 
 91
Haxo 
 77
Héloïse 
 26
Héricart de Thury 
 74
Hérold 
 43
Heurtault 
 39
Hoffmanowey 
 87
Houpin-Mariage 
 93
Hue 
 82
Hugo 
 70


I.


Isabey 
 98


J.


Jeanniot 
 7
Jordan (Camille) 
 70


K.


Kellermann 
 47
Klein (comte) 
 24


L.


Labédoyère (Huchet Cte de) 
 30
Lacave-Laplagne 
 67
Lafare (Marquis de) 
 107
Laffitte (Jacques) 
 47
Lafont 
 8
Lafontaine 
 86
Laharpe 
 11
Lainé 
 27
Lakanal 
 16
Lalande 
 101
Lallemand 
 38
Lameth 
 75
Lanjuinais 
 48
Laplace 
 88
Larrey 
 60
Lasné 
 85
Latreille 
 85
Lauriston (Mal Cte de) 
 35
Lavalette (Marquise de) 
 54
Lavoisier 
 38
Leblanc 
 15
Lefèvre (Maréchal Duc de Dantzick) 
 58
Lemercier (Népomucène) 
 50
LLemoine (Mme) 
 15
Lenormand (Mlle) 
 5
Léro 
 98
Leroy 
 86
Lesueur 
 13
Lesurques 
 25
Libert 
 44
Loyerdo 
 75


M.


Macdonald 
 53
Mahler 
 67
Maillard 
 51
Mailly (Male Clesse de) 
 20
Maison (Mal Mquis) 
 36
Malakouski 
 63
Malet 
 44
Malherbe 
 7
Manteau-Bleu (épouse du Petit
 37
Manuel 
 76
Marchangy 
 8
Marcotte 
 44
Marjollin 
 27
Mars (Mlle) 
 25
Martin (chanteur) 
 10
Martin (Aimé) 
 41
Martin (du Nord) 
 51
Masséna (Mal duc de Rivoli) 
 59
Méhul 
 45
Mercœur (Elisa) 
 32
Merlin (de Thionville) 
 62
Meynadier 
 53
Milanolo (Maria) 
 16
Milhau (Mme) 
 98
Molière 
 86
Monge 
 45
Montlouis 
 105
Montègre 
 10
Montserrat 
 92
Morainville 
 78
Morand 
 70
Moratin 
 87
Mortier (Mal duc de Trévise) 
 77
Mounier 
 30
Mousset 
 37
Muller 
 96
Mun (Comte de) 
 20


N.


Nansouty (Comte de) 
 71
Neigre 
 36
Neufchâteau (François de) 
 9
Ney (Pce de la Moskowa) 
 62
Nicod 
 52
Nodier (Charles) 
 102


O.


Odiot 
 6
Ordener 
 78
Otto 
 53
Oudot 
 92


P.


Pacthod 
 84
Paillette 
 87
Pajol 
 56
Palissot 
 99
Pankoucke 
 48
Paré 
 101
Parent-Réal 
 75
Pariset 
 69
Parmentier 
 86
Parny 
 40
Pelet (de la Lozère) 
 53
Peltier 
 27
Percy 
 45
Perignon (Mal) 
 94
Perry (Antoine) 
 67
Persuis 
 26
Pfeffel (Comte de) 
 75
Pphilippon 
 65
Philippin de la Madeleine 
 44
Picard 
 92
Plaisance (Le Brun, duc de) 
 55
Plaisir 
 22
Poisson 
 69
Potier 
 7
Pozzo di Borgo 
 65
Pradt (Abbé de) 
 90
Prévot 
 14
Puységur 
 99


R.


Rabaut-Saint-Etienne 
 80
Racine 
 68
Raffart 
 24
Raucourt (Mlle) 
 97
Ravrio 
 15
Regnault de Saint-Jean d’Angely 
 15
Reicha 
 26
Ribes (Comte de) 
 61
Richebourg (Comte de) 
 48
Rigny (Amiral de) 
 55
Robertson 
 26
Robillard 
 14
Roche-Dragon 
 63
Rœderer 
 106
Rogniart 
 100
Rosily-Mesros (Amiral comte de) 
 47
Rostchild 
 25
Rossi 
 25
Rousseau 
 78
Rovigo 
 55
Roy (Comte) 
 51
Royer Colard 
 22
Ruffo (Prince de Castel-Cicala) 
 49
Rumfort (Mme de) 
 38
Ruty 
 58


S.


Sabran (Eléazar, Cte de) 
 11
Saint-Amand 
 46
Saint-Lambert 
 11
Saint-Morrys (Comte de) 
 99
Saint-Simon 
 71
Saladin de Crans 
 19
Salm-Dick 
 69
Salzieu (Baron de) 
 81
San-Thomazo 
 101
Saucède 
 37
Saulx-Tavannes 
 98
Savart 
 87
Schickler 
 55
Schneider (Général) 
 107
Schneider (Député) 
 38
Schœlcher 
 99
Serré 
 27
Serrurier (Mal Comte) 
 58
Servais (Mlle) 
 101
Sicard (Abbé) 
 81
Sidney-Smith (Amiral anglais) 
 93
Sièyes (Cte Emmanuel) 
 49
Singer 
 23
Singier 
 14
Soulès 
 74
Soulié (Frédéric) 
 14
Sourd (Général Baron) 
 61
Suchet (Mal Duc d’Albuféra) 
 57


T.


Talma 
 9
Talleyrand (Pcesse de) 
 49
Tallien 
 34
Tarente (Princesse de) 
 57
Target 
 13
Tencé 
 101
Thayer 
 49
Thibault 
 58
Thiéry 
 13
Thouin 
 40
Titsingh 
 82
Trémoïlle (Duchesse de la) 
 57
Truguet (Amiral Cie) 
 85
Turenne (Ctesse de) 
 97
Turpin 
 83


U.


Urquijo 
 93
V.


Valence (Général Clede) 
 89
Vallin 
 95
Vandael 
 39
Van-Spaendock 
 39
Vatry (de) 
 70
Vaugirard (Amiral Cte de) 
 7
Vaupalière (Mis de la) 
 94
Ver-Huel (Amiral) 
 79
Victimes de juin 
 36
Victor (Maréchal duc de Bellune) 
 31
Vien (Comtesse) 
 99
Vigier 
 57
Villiers du Terrage 
 95
Vincent 
 10
Visconti 
 33
Vittoz 
 101
Volney 
 84


W.


Walther 
 19
Watterstof 
 85
Weyland 
 80
Wilhem 
 17
Winsor 
 59




FIN.






IMPRIMERIE DE POUSSIELGUE, MASSON ET COMPAGNIE.
Rue Croix-des-Petits-Champs, 29.



  1. On trouve dans ce bureau tous les renseignements nécessaires sur les sépultures dont on ne connaît pas la situation.
  2. L’histoire nous apprend que Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry au douzième siècle, fut assassiné au pied de l’autel, par ordre du roi Henri II ; mais nous ignorions que ce prélat, dont l’Eglise a fait un saint, eût laissé des héritiers de son nom et de son titre épiscopal.
  3. Nous engageons les amateurs d’énigmes à lire l’inscription qui se trouve sur l’un des côtés de la pyramide du brave général Burthe.
  4. On peut faire si l’on veut cette excursion d’une cinquantaine de pas environ et revenir au point où nous sommes.